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| Med Sci (Paris). 2011 June; 27(6-7): 576–578. Published online 2011 July 1. doi: 10.1051/medsci/2011276005.Invasion et réplication chez les Apicomplexes Tous les chemins mènent à ROM Paco Pino1* and Dominique Soldati-Favre1 1Département de microbiologie et médecine moléculaire, Faculté de médecine, Université de Genève, CMU, 1rue Michel Servet1211GenèveSuisse MeSH keywords: Animaux, Antigènes de protozoaire, physiologie, Apicomplexa, génétique, Molécules d'adhérence cellulaire, Division cellulaire, Polarité de la cellule, Interactions hôte-parasite, Humains, Paludisme, parasitologie, Protéines membranaires, Mouvement, Peptide hydrolases, Plasmodium falciparum, Protozooses, Protéines de protozoaire, antagonistes et inhibiteurs , Toxoplasma, Toxoplasmose, Vacuoles |
Le cycle lytique parasitaire
Plasmodium falciparum, agent étiologique du paludisme, et Toxoplasma gondii, responsable de la toxoplasmose, appartiennent au large groupe des Apicomplexes qui ont adopté un mode de vie intracellulaire obligatoire. Ces parasites envahissent la cellule hôte de façon active, sans stimuler les défenses cellulaires de l’hôte. Ce mode unique d’invasion est un processus dépendant de la mobilité du parasite qui adopte un mouvement de glissement appelé gliding généré par l’action d’un moteur appartenant à la famille des myosines. Ce moteur est ancré dans la pellicule du parasite sous la forme d’un complexe appelé le glideosome
1. L’invasion implique la sécrétion séquentielle de protéines et notamment d’adhésines provenant de deux organites, les micronèmes et les rhoptries (Figure 1). Le cycle lytique a été étudié en détail chez T. gondii et P. falciparum : il comprend l’attachement du parasite à la surface de la cellule hôte, la réorientation de son pôle apical, la formation d’une jonction mobile, la pénétration et finalement l’obturation de la membrane formant la vacuole parasitophore. Immédiatement après l’invasion, le parasite déclenche, au sein de la vacuole parasitophore, un programme de division cellulaire conduisant à la production de cellules filles équipées pour la lyse de la cellule hôte. Dans le cas de Plasmodium surtout, les stades intraérythrocytaires ne sont pas infectieux et, par conséquent, la réplication doit être précisément régulée dans le temps afin d’assurer que les nouveaux zoïtes soient entièrement formés et infectieux au moment de la sortie du globule rouge 15 [
1].
| Figure 1
Couplage de l’invasion à la division. Au cours de l’invasion, AMA1 est secrétée à la surface du parasite et s’associe à un complexe de protéines des rhoptries (RON2, RON5, RON4, et RON8) pour s’insérer dans la membrane plasmique de la cellule hôte et constituer la jonction mobile. La protéase ROM4, présente dans la membrane plasmique du parasite, clive AMA1 dans son domaine transmembranaire et libère la partie cytosolique carboxy-terminale de la protéine (AMA1- tail) dans le cytoplasme. Ce fragment, produit du clivage, induit directement ou indirectement la réplication du parasite (reproduit de [
14] avec la permission de l’ American Association for advancement of Science). |
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Fonction des protéines des micronèmes dans l’invasion parasitaire Les protéines des micronèmes (MIC) déchargées à la surface du parasite lors de l’invasion établissent des interactions fortes et spécifiques avec les récepteurs de la cellule hôte. Ces complexes sont essentiels au fonctionnement du glideosome et à la formation de la jonction mobile2. Pendant l’invasion, les complexes MIC-récepteurs sont déplacés vers l’extrémité postérieure du parasite sous l’action de la myosine et en conséquence, le parasite est propulsé dans la cellule hôte. À la fin du processus d’invasion, les MIC sont libérées de la surface du parasite par clivage protéolytique, conduisant au désengagement de l’interaction entre le parasite et son hôte. AMA1 (apical membrane antigen 1), une protéine sécrétée par les micronèmes, s’associe avec les protéines des rhoptries et joue un rôle prépondérant durant l’invasion [
2]. Chez le toxoplasme, la délétion conditionnelle du gène codant pour AMA1 a montré que cette protéine n’est pas nécessaire à l’attachement du parasite à la surface de l’hôte mais est indispensable à la formation de la jonction mobile et à l’invasion [
3]. Chez Plasmodium, des anticorps contre PfAMA1 bloquent l’attachement étroit entre les mérozoïtes et les globules rouges, suggérant un mécanisme d’invasion conservé parmi les membres des Apicomplexes [
4]. La plupart des MIC subissent d’importants remodelages protéolytiques au cours de leur biogenèse et lors de leur sécrétion. Chez le toxoplasme, AMA1 ainsi que plusieurs adhésines dont MIC2 sont clivées dans leur domaine transmembranaire lors de l’invasion sous l’action d’une protéase appelée MPP1 (microneme protein protease 1). Ce clivage est essentiel à la fonction de MIC2 lors de l’invasion [
5]. MPP1 est constitutivement active à la membrane plasmique du parasite et possède toutes les caractéristiques d’une sérine protéase de type rhomboïde [
6]. T. gondii exprime deux rhomboïdes à sa surface, TgROM4 et TgROM5, qui sont par conséquent des candidats susceptibles d’être responsables de l’activité MPP1. La récente délétion conditionnelle du gène codant pour TgROM4 a montré que cette protéase est impliquée de façon modeste dans l’invasion et qu’elle coupe MIC2 et AMA1 [
7]. Ces résultats suggèrent que l’activité MPP1 chez le toxoplasme pourrait être le résultat de l’action concertée des deux rhomboïdes qui auraient des spécificités de substrat distinctes. Un nouveau modèle pour l’activité MPP1 peut donc être envisagé dans lequel TgROM4 et TgROM5 auraient des fonctions importantes et pas nécessairement redondantes. |
La fonction protéolytique de la rhomboïde ROM4 est essentielle au cycle réplicatif mais pas à l’invasion En parallèle de cette étude fonctionnelle de TgROM4, nous avons exploité une autre stratégie visant l’analyse fonctionnelle d’un gène dont la fonction est essentielle. L’approche expérimentale consiste à exprimer une deuxième copie du gène de TgROM4 (de type sauvage ou mutée) dans les parasites. L’hypothèse de travail est que la version mutée dans le site actif de la protéase (ROM4S-A) est incapable de couper son substrat mais sans que cela interfère avec sa reconnaissance et sa liaison au substrat. Ce mutant est supposé induire un effet dominant négatif indirect sur la copie endogène de TgROM4 en séquestrant le substrat. Afin d’éviter l’effet délétère sur la survie des parasites, qui empêcherait la génération d’un tel mutant, nous avons couplé cette protéine mutée à un domaine déstabilisant (dd-ROM4S-A) qui rend la protéine extrêmement instable en l’absence du ligand stabilisateur. Ce système récemment développé pour les cellules de mammifères et adapté aux Apicomplexes fait référence au FKBP system [
8,
9]. L’expression de dd-ROM4S-A s’est avérée létale pour le parasite : étonnamment, elle n’inhibe pas l’invasion, mais bloque la réplication intracellulaire. Nous avons alors postulé que l’effet dominant était dû à la séquestration d’un substrat et à l’absence de relâchement du produit de clivage dans le cytoplasme. Nous avons donc envisagé une complémentation ou plus précisément une réversion du phénotype en supplémentant le parasite exprimant dd-ROM4S-A avec le produit de clivage soit de MIC2, soit de AMA1 (MIC2-tail ou AMA1-tail). Le résultat de cette expérience a démontré que les effets de ROM4S-A sont spécifiquement complémentés par l’expression de AMA1-tail mais pas par celle de MIC2-tail. Par conséquent, le clivage de AMA1 par TgROM4 n’est pas essentiel à l’invasion mais agit comme un commutateur pour passer d’un mode d’invasion à un mode de réplication. Des rhomboïdes ont déjà été associées à des événements de signalisation intercellulaire mais c’est la première fois qu’une protéine rhomboïde participe à une voie de signalisation intracellulaire [
10]. La partie cytosolique de AMA1, lorsqu’elle fait encore partie intégrante de la protéine, joue un rôle déterminant durant l’invasion, potentiellement en connectant les complexes protéiques de la jonction mobile au glideosome via la liaison à l’aldolase [
11]. Toutefois, les acides aminés importants pour l’invasion ne sont pas nécessaires au rôle de la protéine AMA1 dans la réplication, ce qui indique que les deux fonctions sont physiquement séparées. Le clivage de MIC2 par TgROM4 est essentiel à la mobilité du parasite [
12]. Néanmoins, l’expression de MIC2-tail ne complémente pas le phénotype des parasites exprimant dd-ROM4S-A. Ce résultat est particulièrement pertinent dans le contexte de la migration des parasites lors de la traversée des tissus. En effet, la réplication ne doit être initiée qu’après l’invasion et non pas pendant que le parasite traverse des barrières biologiques. AMA1 ne joue pas de rôle dans la mobilité mais intervient de façon spécifique lors de l’invasion en contribuant à la formation de la vacuole parasitophore. Ainsi, impliquer AMA1 dans la voie de signalisation conduisant à la réplication garantit une discrimination nécessaire entre la migration et l’invasion. Chez le toxoplasme, l’effet dominant négatif exercé par dd-ROM4S-A est réversible et peut être découplé de l’invasion, ce qui suggère que chaque cycle de réplication nécessite un nouveau signal généré par le clivage du substrat. Un tel phénomène semble être adapté au cycle lytique de ce parasite qui implique plusieurs cycles de division par endodyogénie3 au sein d’une vacuole parasitophore avant que la cellule hôte soit lysée. À la fin de chaque cycle de réplication, les parasites nouvellement produits sont pleinement compétents pour l’invasion et une décision doit donc être prise pour savoir si la lyse doit être initiée ou s’il faut un nouveau cycle de réplication. On ne sait pas actuellement si le clivage d’AMA1 est nécessaire pour tous les cycles subséquents de réplication ou si d’autres substrats de ROM4 sont impliqués dans la phase intracellulaire. À ce stade, plusieurs questions restent sans réponse et nécessitent des recherches plus approfondies : comment AMA1-tail induit-elle la réplication ? Son action engage-t-elle une reprogrammation au niveau transcriptionnel ? Dans ce cas, quels sont les gènes activés ou inactivés, directement ou pas, par AMA1-tail ? Cela implique-t-il qu’AMA1-tail agisse après sa translocation dans le noyau ? Quels sont les partenaires interagissant avec AMA1-tail ? Les réponses à ces questions seront sans aucun doute d’un grand intérêt pour les chercheurs et pourraient ouvrir des voies vers de nouvelles cibles thérapeutiques. |
PfROM4, le « talon d’Achille » de Plasmodium et une future cible thérapeutique ? Cette étude met en lumière une nouvelle fonction non anticipée pour AMA1 et TgROM4 dans la réplication intracellulaire du parasite, distincte de leur fonction dans l’invasion. Ces deux protéines sont parmi les facteurs d’invasion les plus conservés au sein du groupe des apicomplexes et l’on peut supposer que leurs fonctions sont également conservées. L’invasion est une étape cruciale dans le cycle de vie de Plasmodium qui doit être réalisée de façon efficace en raison de la courte demi-vie des mérozoïtes libres et de leur besoin d’échapper aux réponses immunitaires de l’hôte. Le clivage et la libération des adhésines sont essentiels pour l’invasion, et les protéases impliquées dans ce processus sont des cibles thérapeutiques potentielles [
13]. P. falciparum est un parasite extrêmement versatile qui possède un arsenal de trois familles d’adhésines pour envahir les érythrocytes, lui fournissant un large spectre de ligands différents pour des voies alternatives d’invasion. Cette diversité représente un obstacle majeur pour une intervention thérapeutique basée sur l’interférence avec la liaison au récepteur. En net contraste avec cette diversité structurelle globale et fonctionnelle au sein de ces familles d’adhésines, tous les membres connus possèdent dans leurs domaines transmembranaires un site de clivage potentiel pour des rhomboïdes, probablement PfROM4. Cela suggère que toutes nécessitent d’être libérées par PfROM4 lors de l’invasion. Dans cette perspective, l’inhibition de PfROM4 peut donc fournir un moyen plus direct et plus global d’interférer avec l’invasion que d’essayer de cibler les ligands eux-mêmes, transcendant les diversités de ligands en s’attaquant directement à un « talon d’Achille » du parasite. Conflit d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.
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Les auteurs remercient le Fonds national suisse et la Fondation Gertrude Von Meissner pour leur soutien.
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