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Med Sci (Paris). 2011 October; 27(10): 808–811.
Published online 2011 October 21. doi: 10.1051/medsci/20112710005.

La signature immunologique
Nouvel outil diagnostique de la tuberculose active ?

Virginie Rozot,1 Matthieu Perreau,1 Alexandre Harari,1* and Giuseppe Pantaleo1**

1Service d’immunologie et d’allergie, Centre hospitalier universitaire vaudois, Université de Lausanne, Suisse
Corresponding author.

MeSH keywords: Maladie aigüe, Marqueurs biologiques, Diagnostic différentiel, Test ELISA, Test ELISpot, Humains, Interféron gamma, sang, sécrétion, Interleukine-2, Tuberculose latente, diagnostic, Mycobacterium tuberculosis, isolement et purification, Radiographie, Récidive, Sensibilité et spécificité, Expectoration, microbiologie, Test tuberculinique, Tuberculose, immunologie, Tuberculose pulmonaire, Facteur de nécrose tumorale alpha, analyse

 

Plus d’un siècle après l’identification par Robert Koch de la bactérie Mycobacterium tuberculosis (Mtb) comme agent responsable de la tuberculose (TB), la maladie n’a jamais été aussi prévalente. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 2 à 3 millions de personnes en meurent chaque année [ 1]. Un tiers de la population mondiale serait porteur de façon asymptomatique de la forme latente de la bactérie. L’infection à Mtb se manifeste cliniquement de deux manières différentes : l’infection tuberculeuse latente (ITL) [ 2], au cours de laquelle le pathogène est présent sous forme dormante et n’est pas détectable par les moyens actuels, et la maladie active, au cours de laquelle le pathogène peut être mis en évidence dans les sécrétions biologiques et dont les symptômes sont caractéristiques. La maladie active se développe soit directement après exposition à la bactérie, soit après réactivation d’une ITL. Les symptômes d’une primo-infection à Mtb ne sont généralement pas visibles mais peuvent parfois se manifester par une fièvre modérée et une altération de l’état général associées ou non à une atteinte pleurale, une toux, une pharyngite ou un érythème noueux1. Dans sa forme respiratoire - la plus fréquente - la TB se manifeste par une altération de l’état général associée à des sueurs nocturnes, une fatigue généralisée, mais aussi des signes respiratoires persistants : une toux non ou peu productive, des expectorations hémoptoïques et des douleurs thoraciques de type pleurétiques. Une radiographie pulmonaire met en évidence, dans la plupart des cas observés, des nodules excavés prédominant au niveau des sommets pulmonaires ainsi que des cavernes et des infiltrats diffus de type miliaire, des adénopathies médiastinales et parfois des atteintes pleurales [ 3].

Selon l’OMS, qui vise à l’éradication de ce fléau d’ici 2050 (STOP TB strategy 2), le diagnostic rapide et efficace de la TB active est insuffisant malgré la vaste panoplie de techniques utilisées en clinique courante. En effet, les méthodes actuellement en place ne permettent pas de diagnostiquer rapidement les infections (Tableau I) .

Diagnostic de l’infection par Mtb : méthodes de dépistage
Le test de dépistage Mantoux
Encore appelé test de sensibilité à la tuberculine ou TST, il s’agit d’un test intradermique : une dose standard de tuberculine - précipité de molécules obtenues par filtration de cultures de Mtb - est injectée sous la peau (papule intradermique) ; une lecture du résultat (diamètre de l’induration provoquée par une réponse immunitaire locale) est effectuée 48 à 72 h plus tard. L’inconvénient majeur de ce test est qu’un résultat positif n’est pas toujours un signe d’infection par Mtb [ 4]. Il peut être la conséquence d’une infection par des mycobactéries non tuberculeuses ou d’une vaccination antérieure avec le bacille de Calmette et Guérin (BCG) [4]. D’autre part, il ne permet pas d’établir un diagnostic définitif de TB active.
Les tests détectant la sécrétion d’interféron
Ils permettent la détection d’IFN-γ produit par les lymphocytes T spécifiques de Mtb en réaction à une stimulation avec des antigènes dérivés de Mtb. Ces tests, nommés IGRA (IFN-g release assays) sont soit des ELISA3 (tels que le Quantiféron), soit des ELISpots3 (tels que le TB-Spot). Ils représentent une évolution importante dans le domaine du diagnostic de la TB. En particulier, ils sont extrêmement spécifiques de l’infection et ne donnent pas de réactions croisées avec la vaccination par BCG [ 5]. Néanmoins, les IGRA ne permettent pas de distinguer une ITL d’une maladie active car la fréquence des lymphocytes T spécifiques de Mtb sécrétant de l’IFN-γ est comparable dans ces deux manifestations cliniques [2].
Diagnostic de la TB active

Lorsque les symptômes cliniques associés à des résultats positifs de dépistage suggèrent une TB active, la mise en évidence de la mycobactérie est nécessaire. Plusieurs tests microbiologiques ou cliniques sont disponibles (Tableau I)  :

  • La culture microbiologique, considérée comme la méthode de référence, donne un résultat fiable lisible entre 10 jours et plusieurs semaines après ensemencement de milieux spécifiques par des échantillons de matériels biologiques [ 6].
  • L’observation microscopique de frottis de crachats est la méthode la moins coûteuse. Cependant l’OMS estime qu’elle n’identifie que 35 % des TB actives [ 7].
  • La PCR, méthode fiable, n’est néanmoins que très peu spécifique dans les cas de TB extrapulmonaires ou négatives à la coloration de frottis [ 8].
  • La radiologie pulmonaire est relativement sensible mais ne permet pas systématiquement la visualisation de structures spécifiques, notamment chez les sujets infectés par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), où les formes excavées sont souvent absentes.
    Dans l’ensemble, ces tests sont soit peu sensibles, soit longs.

Mise au point d’un nouveau test distinguant infection tuberculeuse latente et tuberculose active

Dans le domaine de l’immunité antivirale, les avancées technologiques telles que l’optimisation de la cytométrie en flux polychromatique ont permis d’associer les profils fonctionnels (par exemple l’ensemble des cytokines produites) des cellules T spécifiques aux différents niveaux d’activité virale [ 9]. En se basant sur ce paradigme, nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle les réponses immunitaires spécifiques à Mtb pourraient différer fonctionnellement entre ITL et maladie active. Cette hypothèse a été testée en analysant la capacité des lymphocytes CD4+ spécifiques de Mtb à produire de l’IFN-γ, de l’interleukine (IL)-2 et du TNF (tumor necrosis factor)-α. Une cohorte de patients atteints d’ITL et de TB active, sélectionnée sur la base de réponses positives lors de tests de type IGRA contre Mtb, a été étudiée et a permis d’identifier des signatures immunologiques différentes pour ces groupes de patients. Chez les patients ITL (Figure 1A), la majorité des cellules CD4 spécifiques de Mtb produisaient simultanément les trois cytokines mesurées : IFN-γ, IL-2 et TNF-α, et ont été désignées comme cellules multifonctionnelles. Au contraire, chez les patients ayant une TB active (Figure 1B), ces cellules multifonctionnelles étaient minoritaires et la majorité des lymphocytes T CD4+ spécifiques de Mtb produisaient exclusivement du TNF-α (cellules appelées simple TNF-α).

Une régression logistique des différentes combinaisons fonctionnelles des T CD4+ spécifiques de Mtb a identifié la population simple TNF-α comme étant la plus discriminante pour distinguer les patients porteurs d’une ITL de ceux ayant une maladie active et la meilleure mesure prédictive du statut clinique. En particulier, la valeur de 37,4 % de T CD4+ de type simple TNF-α a été définie comme valeur seuil. Au-delà de 37,4 %, le test prédit une TB active alors que le diagnostic d’ITL est attribué lorsque le taux des T CD4+ spécifiques de Mtb et de type simple TNF-α est inférieur à ce seuil. Cette valeur théorique, ainsi que le réel pouvoir diagnostic du test, ont été validés chez une seconde cohorte de patients (ITL et TB actives) testée en aveugle par les investigateurs et pour laquelle le diagnostic clinique réel a été identifié avec succès dans 90 % des cas. En conclusion, la sensibilité de ce test (66,7 %) est comparable à celle de la plupart des tests actuels (Tableau I) mais il est également hautement spécifique (92,4 %) [10].

Conclusion

Il existe un besoin réel de développer de nouveaux outils diagnostiques sensibles, fiables et rapides de détection de la TB. Le test basé sur les signatures immunologiques décrites précédemment remplit ces conditions. Cependant, sa réalisation nécessite une infrastructure et une expertise technologique qui ne sont généralement pas présentes dans tous les centres cliniques. Différents axes de développement sont actuellement en cours avec comme objectifs de rendre le test de cytométrie polychromatique plus accessible mais également d’identifier de nouveaux biomarqueurs de l’infection par Mtb.

Le test de cytométrie polychromatique, qui s’inscrit comme un prolongement des IGRA, renforce l’idée selon laquelle les signatures immunologiques sont des biomarqueurs sensibles et prometteurs d’infections par des pathogènes. Leur exploitation à des fins diagnostiques représente un outil d’avenir dans la pratique clinique.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 L’érythème noueux est une hypodermite nodulaire, caractérisée par l’apparition brutale de nouures douloureuses (élevures fermes à la palpation) principalement localisées sur les jambes (source : Université virtuelle Paris 5).
3 ELISA : enzyme-linked immunosorbent assay. ELISpot : enzyme-linked immunoSpot ; l’ELISpot mesure les réponses cellulaires spécifiques d’un antigène en quantifiant le nombre de cellules T produisant de l’IFN-γ.
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