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Med Sci (Paris). 2012 February; 28(2): 152–153.
Published online 2012 February 27. doi: 10.1051/medsci/2012282012.

Inositol phosphatase et masse osseuse
Rôle d’INPP4b

Jean Vacher1*

1Institut de recherches cliniques de Montréal ; département de médecine, université de Montréal; Department of Medicine, McGill University, 110, avenue des Pins Ouest, Montréal, Québec, Canada
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Densité osseuse, génétique, Os et tissu osseux, anatomie et histologie , métabolisme, Différenciation cellulaire, Cellules cultivées, Femelle, Humains, Souris, Souris transgéniques, Modèles biologiques, Taille d'organe, Ostéoclastes, physiologie, Phosphoric monoester hydrolases, Transduction du signal

 

La voie de signalisation de la phosphatidyl inositol 3 kinase (PI3K) participe à de nombreux mécanismes de régulation comme la croissance, la différenciation et la survie cellulaires [1]. Plus particulièrement, plusieurs études ont mis en évidence le rôle dans la physiologie osseuse de la PI3K et celui de trois inositol phosphatases qui agissent comme antagonistes de son mécanisme d’action [24] (Figure 1). Pten, un gène suppresseur de tumeur, code une inositol 5-phosphatase ayant une homologie avec la tensine, d’où son nom PTEN, phosphatase and tensin homologue, et qui est essentielle à la biologie de l’ostéoblaste. La perte de fonction de cette protéine dans les ostéoblastes entraîne une augmentation de leur survie et, par voie de conséquence, une masse osseuse accrue [5]. SHIP (Src homology 2 domain-containing inositol phosphatase) est une inositol 5-phosphatase à domaine SH2 et son ablation chez la souris induit un phénotype ostéoporotique par la stimulation de la fonction de résorption des ostéoclastes [6]. L’inositol polyphosphate 4-phosphatase, INPP4b, s’est révélé exercer une activité de suppresseur de tumeurs chez l’humain dans les cancers du sein, de la prostate et des ovaires [7], toutefois nous avons découvert très récemment un rôle majeur de cette ­phosphatase dans les cellules osseuses [8].

INPP4b, un modulateur de l’ostéoclastogenèse ex vivo et in vivo

Nous avons isolé et caractérisé le gène codant pour la phosphatase INPP4b chez la souris [9]. Le rôle de cette phosphatase dans l’ostéoclastogenèse a été étudié tout d’abord dans la lignée monocytaire RAW qui peut se différencier en ostéoclastes matures. La surexpression d’INPP4b dans les cellules RAW entraîne une diminution du nombre d’ostéoclastes matures mettant en évidence l’influence négative de la phosphatase sur la différenciation ostéoclastique. À l’inverse, l’expression d’une protéine INPP4b inactive résulte en une augmentation significative de la différenciation et du nombre d’ostéoclastes (caractérisés en outre par une plus grande taille), ce qui démontre l’importance de l’activité catalytique dans la fonction de la protéine. Ainsi, ces résultats suggèrent une fonction additionnelle pour INPP4b, peut-être via les réarrangements du cytosquelette de l’ostéoclaste, qui est essentielle à son rôle dans la résorption de la matrice osseuse [11].

Nous avons ensuite analysé le rôle d’INPP4b in vivo dans un contexte physiologique, cellulaire et moléculaire en réalisant l’ablation génique d’Inpp4b chez la souris. Les souris homozygotes nulles pour le gène Inpp4b sont viables et leur développement semble normal. Cependant, une analyse phénotypique approfondie met en évidence une diminution marquée de la masse osseuse chez ces souris, corrélée à une ­augmentation de la population d’ostéoclastes. Ces souris développent un phénotype ostéoporotique. De plus, il existe une augmentation de la population d’ostéoblastes, suggérant que l’absence d’INPP4b n’affecte pas le couplage ostéoclaste/ostéoblaste. Ces résultats démontrent qu’INPP4b est un régulateur négatif de ­l’ostéoclastogenèse ex vivo et in vivo.

INPP4b module la voie de signalisation du calcium et de NFATC1 dans l’ostéoclaste

Afin de définir la voie de signalisation potentiellement modulée par INPP4b, nous avons analysé plusieurs voies intracellulaires : MAPKinases (p38, JNK, ERK1/2), AKT, NF-kB, NFATC1 (nuclear factor of activated T-cells, cytoplasmic 1) ainsi que la phospholipase C gamma (PLCγ). Les effecteurs NF-kB et Akt sont faiblement stimulés, et il n’y a pas d’activation de la PLCγ qui n’est donc pas directement régulée par INPP4b. En revanche, la voie de NFATC1 est fortement stimulée en l’absence d’une protéine INPP4b active (surexpression de la protéine inactive dans les cellules RAW et utilisation d’ostéoclastes Inpp4b−/− dépourvus de la protéine).

L’implication du facteur transcriptionnel NFATC1 a été aussi corrélée à une augmentation de l’oscillation du calcium qui correspond à une libération dans le cytoplasme du calcium présent dans le réticulum endoplasmique [12]. En présence d’une concentration accrue de calcium cytosolique, la phosphatase calcineurine est activée et peut déphosphoryler NFATC1. Cette déphosphorylation permet la relocalisation de NFATC1 dans le noyau où il agit comme facteur transcriptionnel. Il en résulte une augmentation de la transcription de nombreux gènes cibles de NFATC1 (cathepsine K, intégrines alphav-bêta3, TRAP/Acp5 [tartrate resistant acid phosphatase ou acid phosphatase 5]) et NFATC1 lui-même) [10] tant dans les cellules RAW exprimant la protéine inactive que dans les ostéoclastes Inpp4b−/−. Cette stimulation de la voie NFATC1 se traduit in vivo par une population d’ostéoclastes plus importante et une augmentation significative de la résorption osseuse chez les souris Inpp4b−/−qui sont ostéoporotiques.

INPP4B est associé à une variabilité de la masse osseuse chez l’humain

Notre analyse génomique du gène Inpp4b a localisé le locus dans une région de synténie avec le chromosome 4 humain [9]. Or plusieurs études ont défini un lien génétique entre cette région et la densité osseuse. Cette observation et les résultats cellulaires obtenus chez la souris nous ont incités à explorer le possible rôle d’INPP4b dans le métabolisme osseux chez l’humain. Nous avons donc entrepris une approche de gène candidat. De nombreux marqueurs génomiques polymorphiques associés au locus INPP4B ont été sélectionnés et utilisés pour le génotypage de deux cohortes de femmes préménopausées. Cette analyse a pu définir trois polymorphismes INPP4B associés à une variabilité significative de la densité osseuse mesurée au niveau du fémur et de la colonne vertébrale dans les deux groupes d’échantillons. Ces résultats suggèrent fortement qu’INPP4B peut être associé à une variabilité de la masse osseuse chez l’humain. Elle pourrait représenter un nouveau marqueur de sensibilité à l’ostéoporose permettant d’identifier les sujets sains ayant une prédisposition à développer la maladie.

En résumé, cette étude a permis de caractériser un nouveau modulateur de la masse osseuse chez la souris et l’humain. Ces résultats ont un impact majeur sur notre compréhension fondamentale de la physiologie de ­l’ostéoclaste. De plus, ils pourront aussi se traduire par l’établissement d’une détection des sujets à risque de ­développer une ostéoporose, et l’application de mesures ­préventives.

Conflit d’interêts

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Ce travail a été réalisé grâce au soutien des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

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