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Published online 2012 April 6. doi: 10.1051/medsci/2012283018.

Aperçu de la diversité des modèles animaux dédiés à l’étude du vieillissement

Simon Galas,1* Marie-Thérèse Château,1 Pascal Pomiès,1 Jing Wang,2 Julien Menardo,2 Jean-Luc Puel,2 Jean-Philippe Hugnot,3 Jean-Michel Verdier,4,5 and Gina Devau4,5

1Université Montpellier 1, faculté de pharmacie, CNRS UMR 5237, équipe biotechnologies du vieillissement, 1919 route de Mende, 34293Montpellier Cedex 5, France
2Université Montpellier 1, institut des neurosciences de Montpellier (INM)-Inserm UMR 1051, équipe pathologies sensorielles, neuroplasticité et thérapies, 80 rue Augustin Fliche, 34295Montpellier, France
3Université Montpellier 2 ; INM-Inserm UMR 1051, équipe plasticité cérébrale, cellules souches et tumeurs gliales, 80 rue Augustin Fliche, 34295Montpellier, France
4Unité mixte mécanismes moléculaires dans les démences neurodégénératives, université Montpellier 2, Inserm U710, 34095Montpellier, France
5École pratique des hautes études, 34095Montpellier, France
Corresponding author.
 

Le vieillissement est un processus complexe et encore mal connu. Le recours aux modèles animaux est indispensable pour étudier les mécanismes physiologiques du vieillissement et les mécanismes pathologiques associés. Il n’existe pas de modèle unique parfait mais chaque modèle a son utilité. Dans cet esprit, nous présentons quatre modèles différents, ayant chacun une pertinence dans un des aspects de l’étude du vieillissement : Caenorhabditis elegans facilite l’étude de gènes impliqués dans la longévité (partie rédigée par S. Galas, M.-T. Château et P. Pomiès) ; la souris constitue un modèle intéressant pour l’étude du vieillissement sensoriel auditif et de la presbyacousie (J. Wang, J. Menardo et J.-L. Puel) ; les rongeurs représentent également un modèle de choix pour explorer comment les cellules souches neurales du cerveau se comportent lors du vieillissement (J.-P. Hugnot) ; enfin, l’étude du vieillissement cérébral et des maladies neurodégénératives associées nécessite une approche prenant en compte l’évolution du cerveau d’où la pertinence de l’utilisation d’un petit primate lémurien, le microcèbe murin Microcebus murinus (J.-M. Verdier et G. Devau).

Naître, vieillir et mourir avec 959 cellules : les enseignements du modèle nématode

Difficile de classer dans une même catégorie les découvertes issues du nématode Caenorhabditis elegans. Ce petit ver (long de 1 mm) a déjà été distingué par deux prix Nobel de médecine (2002, 2006) pour ses contributions aux découvertes de l’apoptose et du mécanisme d’ARN interférence, ainsi que par le prix Nobel de chimie (2008) pour la découverte et l’utilisation de la protéine fluorescente verte, la GFP (green fluorescent protein).

Qu’en est-il de C. elegans et du vieillissement ? Depuis une trentaine d’années, l’intérêt de ce modèle réside dans trois caractéristiques majeures : la connaissance de son génome dès 1998 [1] ; une durée de vie moyenne de 17 jours, facilitant les études sur la génétique de la longévité ; une simplicité d’organisation par rapport aux organismes plus complexes, puisqu’au stade adulte ce ver n’est formé que de 959 cellules.

Dès 1982, l’utilisation d’hybrides de vers de souches françaises et anglaises a permis à Johnson et Wood [2] d’estimer à entre 20 et 50 % la part de l’influence des facteurs héréditaires dans le déterminisme du vieillissement. Des études ultérieures ont montré qu’il était possible de doubler la durée de vie du ver en diminuant l’activité du gène Daf-2 [3], un homologue du gène humain codant pour le récepteur de l’IGF-1 (Insulin like growth factor-1). Ainsi, le vieillissement du ver impliquerait un programme génétique doté d’une certaine élasticité puisque modulable expérimentalement. Daf-2 est le chef de file d’un groupe de gènes appelés « gérontogènes » ou « modulateurs du vieillissement ». Des actions simultanées sur certains de ces gènes ont permis de multiplier jusqu’à six fois la longévité du ver, suggérant que ces « gérontogènes » pourraient fonctionner de manière indépendante. Toutefois, une étude récente [4] révèle la complexité du mode d’action de ces gènes du vieillissement. Ces expériences ont ainsi pu démontrer que le gain de longévité observé chez les vers mutants Daf-2 résulterait de la somme des influences positives et négatives de plusieurs gènes et de leurs produits (protéines) sur le vieillissement. En résumé, des réseaux de gènes aux effets parfois contraires et se régulant entre eux produiraient, in fine, un effet sur la longévité.

Outre qu’il a permis de préciser l’organisation fonctionnelle des « gérontogènes », le ver permet aussi de tester d’anciennes théories du vieillissement. Dès 1956, Harman a proposé sa théorie radicalaire ou encore théorie du stress oxydatif du vieillissement. En 1972, ce même auteur précise que le vieillissement résulte d’un déclin fonctionnel induit par une accumulation de dommages moléculaires et cellulaires telle qu’elle sature les capacités d’autoréparation de l’organisme (un exemple de lésion tissulaire caractéristique est donné dans la Figure 1). Classée parmi les théories gérontologistes du vieillissement - qui tentent d’expliquer le « comment » du vieillissement à l’inverse des théories évolutionnistes qui en recherchent l’« origine » -, la théorie radicalaire va inciter les chercheurs à établir un lien de causalité entre le vieillissement et son induction par les radicaux libres. Cependant, des travaux récents du laboratoire de Hekimi viennent d’apporter un nouvel éclairage [5]. L’observation d’une augmentation de longévité consécutive à une diminution des niveaux d’enzymes responsables de l’élimination de radicaux libres laisse supposer que les effets du stress oxydant sur le ver seraient la conséquence plutôt que la cause du vieillissement (→) [51]. Plus récemment, le même laboratoire [6] a pu montrer qu’un traitement par les antioxydants produit un effet négatif sur la longévité !

(→) Voir l’article de C. Terret et F. Solari, page 311 de ce numéro

Depuis que ces travaux ont débuté, plusieurs modulateurs de la longévité ont été identifiés chez le ver et répertoriés par certains laboratoires [7]. De telles découvertes favorisent le défrichage de voies de signalisation nouvelles et potentiellement conservées chez l’homme [8]. L’analyse de polymorphismes génétiques, dont certains sont associés à des longévités notables (centenaires) chez l’homme [9] (→) [52] commence à livrer un tableau général de leur implication en tant que régulateurs de la sénescence. Quant au modèle qu’offre le ver pour le criblage in vivo de gènes impliqués dans la programmation du vieillissement ou encore l’identification de molécules modulatrices [10], il est particulièrement prometteur !

(→) Voir l’article d’A. Brunet, page 316 de ce numéro

Toutefois, le nématode ne permet pas d’accéder aux fonctions spécialisées acquises au cours de l’évolution, telles que l’audition, une fonction qui a été explorée dans différents modèles murins.

Contribution des modèles murins à la compréhension de la presbyacousie

Dans les sociétés où l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, la surdité liée à l’âge, ou presbyacousie, est un problème de santé publique. En effet, 70 % des personnes de plus de 65 ans ont des problèmes auditifs [11]. La presbyacousie est une pathologie multifactorielle faisant intervenir une combinaison de facteurs individuels et environnementaux. D’un point de vue physiopathologique, Schuknecht et Gacek [12] ont été les premiers à décrire une dégénérescence de l’organe de Corti (presbyacousie sensorielle), du ganglion spiral (presbyacousie neurale) et de la strie vasculaire (presbyacousie striale) en étudiant des os de rochers humains1. À côté de ces données humaines, l’exploration de différentes souches de souris présentant un vieillissement cochléaire constitue un outil de recherche précieux pour mieux appréhender les mécanismes de dégénérescence des structures cochléaires (Tableau I) [13]. Ces modèles animaux soulignent aussi l’importance des facteurs génétiques dans le vieillissement de l’audition et de leurs interactions avec les facteurs environnementaux. Nous illustrons par quelques exemples comment les modèles de souris peuvent contribuer à la compréhension de la presbyacousie chez l’homme.

Susceptibilité au bruit et vieillissement cochléaire
Henry en 1982 [14], et plus tard Li en 1992 [15], ont évalué la susceptibilité au bruit de différentes souches de souris. Il a fallu attendre 1996 pour que Erway et ses collaborateurs montrent que la susceptibilité au bruit de la souche murine C57BL/6 obéissait à une transmission autosomique récessive, et postulent l’existence d’un locus ahl (age-related hearing loss) [16]. Dans une autre étude sur la souche C57BL/6, les mêmes auteurs font le lien entre locus ahl et vieillissement cochléaire [17]. D’autres équipes localisent le locus sur le chromosome 10 [18], ce qui leur permet d’envisager un lien étroit entre la susceptibilité au bruit et le vieillissement cochléaire. À ce jour, trois nouveaux locus ont été associés à la vulnérabilité au bruit, et cinq autres sont impliqués à la fois dans la vulnérabilité au bruit et dans le vieillissement cochléaire (Tableau I).
Presbyacousie sensorielle
On sait depuis longtemps que certaines lignées de souris sont atteintes de surdités précoces [19]. L’implication d’une protéine constitutive des stéréocils des cellules sensorielles auditives a été mise en évidence à partir de la lignée B6/CAST-Cdh23CAST, porteuse d’une mutation de la cadhérine 23. Dès l’âge d’un an, ces souris présentent une dégénérescence de l’organe de Corti suivant un gradient base-apex. D’autres lignées comme BALB/c, CBA/J, 129S6/SvEv montrent des altérations des cellules de soutien (noyau fragmenté, cytoplasme dense, etc.), alors que les cellules sensorielles sont intactes [20]. L’endommagement de ces cellules de soutien contribue aux pertes auditives liées à l’âge, de manière directe en affectant la micromécanique de la cochlée, ou indirectement en favorisant la perte des cellules sensorielles.
Presbyacousie neurale
Un modèle murin intéressant est la souris knock out AChRβ2. Rappelons que les terminaisons des neurones ganglionnaires sont en contact avec les axones efférents dont les corps se situent dans l’olive supérieure latérale. Ces efférences latérales contiennent des neurotransmetteurs classiques (acétylcholine, dopamine, GABA) et des neuropeptides (enképhalines, dynorphines, calcitonin gene-related peptide [CGRP]) dont le rôle connu est de contrôler l’activité des neurones ganglionnaires et qui pourraient jouer un rôle neurotrophique important dans la survie de ces neurones. L’invalidation de la sous-unité β2 des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine (AChRβ2) présents sur les terminaisons des neurones ganglionnaires entraîne une surdité et une diminution drastique du nombre de ces neurones. D’autre part, ainsi qu’on a pu le constater chez l’homme âgé [21], des phénomènes de regroupement de neurones survivants, trois ou quatre occupant la même gaine de myéline, ont été observés chez des souris présentant une dégénérescence neurale, telles que les souris C57BL/6 précédemment citées. Si le mécanisme à l’origine de ce phénomène est inconnu, le partage d’une même cellule de Schwann pourrait promouvoir la survie des neurones en leur offrant une même cible synaptique.

En conclusion, le vieillissement cochléaire résulte de plusieurs atteintes. Les modèles murins permettent d’identifier les gènes et les mécanismes responsables de la presbyacousie, ce qui peut permettre de développer des traitements susceptibles de ralentir son évolution chez l’homme, voire de la stopper.

Le vieillissement neurosensoriel est-il inéluctable ? Une perspective de réparation peut-elle être envisagée ? Des travaux de plus en plus nombreux sur des îlots de cellules souches découvertes dans le système nerveux central pourraient permettre de répondre à ces questions.

Vieillissement du cerveau et cellules souches adultes

Dans les années 1960, plusieurs équipes démontraient la formation, chez le rongeur, de nouveaux neurones dans le cerveau adulte, au sein de régions particulières - dites niches -, notamment dans l’hippocampe et la zone sous ventriculaire (Figure 2). Ces travaux contredisaient le dogme d’un cerveau doté d’un nombre fixe de neurones déclinant avec l’âge et ouvraient ainsi la voie à l’étude de la neurogenèse adulte. Ainsi germait l’idée d’une neuropoïèse adulte jouant le rôle d’une « moelle » nerveuse qui, à l’image de la moelle osseuse pour le système hématopoïétique, régénèrerait le système nerveux au cours de la vie. Il n’en est rien. Hormis dans ces niches, le renouvellement spontané de nos cellules nerveuses est probablement très faible ou inexistant. Des expériences basées sur l’étude de cerveaux humains ayant incorporé du carbone 14 pendant les essais atomiques ont démontré que nos neurones sont en majorité ceux que nous avons formés lors de notre développement embryonnaire et qu’ils ne sont pas remplacés au cours de la vie [22]. Il serait d’ailleurs difficile d’imaginer que ces cellules, support cellulaire de notre personnalité et stockant les informations accumulées au cours d’une vie entière, soient continuellement renouvelées comme le sont les cellules constitutives d’un épithélium. C’est le prix à payer pour avoir obtenu de l’évolution un système nerveux si performant.

Ces niches de cellules souches sont associées à la mémorisation et à l’apprentissage [23]. Le rôle de l’hippocampe dans la mémoire à long terme est bien connu et la réduction de la neurogenèse dans cette région provoque, chez les animaux, un déficit dans la mémoire spatiale et les apprentissages conditionnels. Chez l’homme, une relation entre la diminution des cellules souches de l’hippocampe et des déficits de la mémoire et de l’apprentissage semble exister [24].

Ces niches ne sont pas épargnées par le vieillissement. Chez les rongeurs, la neurogenèse de l’hippocampe diminue d’un facteur 10 avec l’âge (entre deux mois et deux ans [25]) et s’accompagne d’un déclin de la mémorisation. On assiste aussi à une baisse de la neurogenèse dans la zone sous ventriculaire qui produit les jeunes neurones qui migrent dans le bulbe olfactif. Chez les primates âgés dont l’homme, la taille de l’hippocampe peut être diminuée et le nombre de jeunes neurones est dans ce cas réduit [26]. Plusieurs facteurs semblent concourir à cette baisse. L’augmentation du taux de corticostéroïdes avec l’âge pourrait y contribuer. En effet, il est connu que, lors d’un stress, le niveau élevé de corticostéroïdes influence négativement la neurogenèse [25]. Par ailleurs, ont été aussi incriminées : une modification de la structure de la niche affectant la vascularisation, l’entrée en sénescence des cellules souches, ou encore l’augmentation du taux de certaines cytokines comme le TGFβ1 (transforming growth factor β) [25]. Cependant, la neurogenèse peut être réactivée chez les animaux âgés par l’exercice physique [25], comme on l’observe chez les jeunes animaux. Chez l’homme également, l’exercice apparaît bénéfique pour s’opposer à la réduction de l’hippocampe liée à l’âge et au déficit de mémorisation.

En dehors des niches, il existe des cellules dont le potentiel de prolifération et de différenciation est plus restreint que celui de cellules souches proprement dites, et que l’on désigne communément sous le terme de cellules progénitrices, exprimant NG2 (un protéoglycane à héparane sulfate) ou A2B5 (un ganglioside) (Figure 2). Ces cellules prolifèrent abondamment et jouent notamment le rôle de précurseurs d’oligodendrocytes, ces dernières assurant la myélinisation. Le vieillissement du cerveau humain s’accompagne d’une perte importante du nombre de fibres nerveuses myélinisées [27]. Les raisons de cette altération sont mal comprises : elle pourrait être due à une diminution du nombre de ces cellules progénitrices myélinisantes ou à l’altération de leurs propriétés.

En conclusion, parmi les multiples aspects du vieillissement du cerveau, l’atteinte des cellules souches au cours de ce processus constitue un élément relativement nouveau et dont l’étude est en pleine expansion. Le modèle rongeur, en raison de ses avantages, constitue un modèle intéressant pour explorer les relations cellules souches-vieillissement. Cependant, l’extrapolation au cerveau humain est hasardeuse, car ce dernier n’est pas seulement plus gros que celui des rongeurs, mais il est aussi bien plus complexe dans sa structure cellulaire et son organisation. Ainsi qu’on commence à l’observer chez les primates, il est probable qu’il existe d’autres niches de cellules souches dans le cerveau humain, comme par exemple l’amygdale [28]. D’où l’importance de développer des études chez l’humain, en dépit de toutes les difficultés que cela comporte, afin de préserver et utiliser pleinement notre capital « cellules souches neurales » et lutter ainsi contre le vieillissement.

Microcebus murinus, un modèle primate pour l’étude du vieillissement cérébral et des maladies neurodégénératives associées
Pourquoi un modèle primate lémurien ?
Avec l’accroissement de la longévité, le nombre de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer augmente considérablement dans nos sociétés. En effet, l’âge constitue le facteur de risque le plus important de survenue de maladie d’Alzheimer. Cette pathologie est complexe, multifactorielle et encore mal connue. Il est par conséquent important de mieux comprendre les mécanismes moléculaires qui la sous-tendent et qui la différencient d’un vieillissement physiologique normal. Pour cela, les modèles animaux sont indispensables.

Les souris sauvages ne présentent pas spontanément dans leur cortex d’agrégats protéiques caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, tels que les plaques amyloïdes et/ou les dégénérescences neurofibrillaires, alors que ces agrégats sont retrouvés naturellement dans le cortex des primates. De plus, les fonctions cognitives et les comportements des rongeurs n’atteignent pas le même degré de sophistication que ceux des primates. Chez ces derniers, la croissance des aires corticales frontales et temporales, indispensables aux processus mnésiques et aux apprentissages, a permis un développement des fonctions cognitives hautement intégratives. Par ailleurs, des études transcriptomiques réalisées sur des échantillons de cerveaux d’individus âgés ont montré que les changements d’expression de gènes sont mieux conservés entre primates qu’entre primates et souris [29]. Cependant, l’utilisation des primates pose de nombreux problèmes éthiques, de coût, de longévité et de cohortes. Nous avons choisi d’étudier un autre modèle primate, Microcebus murinus, un petit primate lémurien originaire de Madagascar (Figure 3A), pour étudier le vieillissement cérébral et les maladies neurodégénératives qui lui sont associées (Figure 3B et 3C).

Une large palette d’études possibles : du génome au comportement
Le microcèbe murin, Microcebus murinus, a une espérance de vie de quatre à six ans en milieu naturel qui peut atteindre 10 voire 13 ans en captivité. Les animaux de plus de 5 ans ont de nombreuses similitudes avec les humains âgés [30]. Par exemple, environ 5 % des microcèbes présentent, principalement au niveau du cortex, des plaques amyloïdes denses (Figure 3C) [31], une atrophie corticale et une dilatation ventriculaire, visibles en IRM et plus importantes que celles qui sont observées au cours du vieillissement physiologique [32]. Les animaux porteurs de plaques amyloïdes sont appelés Alzheimer disease-like (Figure 3C) par opposition aux adultes normaux (Figure 3B).

Au niveau comportemental, bien que curieux, les microcèbes sont très émotifs et facilement stressés. C’est pour cela que, depuis plusieurs années, l’évaluation de leurs capacités mnésiques reste difficile et que les tests ont dû être adaptés à leur personnalité [33]. Cependant, les différents aspects de la mémoire, mémoire de travail, mémoire spatiale ou encore mémoire à long à terme, peuvent être évalués. Microcebus murinus a un odorat très sensible que nous utilisons pour tester ses capacités mnésiques. Nous avons montré, en utilisant cette modalité olfactive via des approches de type go/no go, que des femelles très âgées (13 ans) pouvaient conserver des capacités cognitives intactes, suggérant que l’âge n’est pas systématiquement associé à des déficits cognitifs [34]. Par une approche transcriptomique (puces Affymetrix HG 133plus2), nous avons comparé les transcrits du cortex temporal droit de microcèbes âgés sains avec ceux de sujets jeunes adultes et de sujets ayant une maladie Alzheimer-like [35]. Les profils d’expression génique observés sont spécifiques de l’âge ou de la pathologie des animaux (Figure 4). Parmi les gènes dont l’expression est modifiée, 47 discriminent de façon très efficace le vieillissement de la pathologie neurodégénérative. Ces gènes sont impliqués dans la plasticité synaptique, la synthèse des protéines et dans des mécanismes de régulation de la transcription. Ces résultats suggèrent qu’au cours du vieillissement physiologique, la surexpression des gènes impliqués dans la synthèse protéique pourrait participer à des processus de compensation, alors que celle-ci serait abolie chez les animaux ayant une pathologie Alzheimer-like.

En conclusion, ce petit lémurien est un modèle très pertinent, non seulement pour décrypter les mécanismes moléculaires impliqués dans le vieillissement cérébral et les maladies neurodégénératives associées, mais aussi pour analyser ses comportements cognitifs et sociaux, qui se rapprochent beaucoup plus de ceux de l’homme que de ceux des rongeurs habituellement utilisés.

Dans le futur, une meilleure compréhension des mécanismes concourant à minimiser les effets du vieillissement, passera nécessairement par un effort d’intégration des nombreuses données issues de la diversité de ces organismes modèles.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Le rocher forme l’os temporal avec l’écaille et l’os tympanal.
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