Mais qu’en est-il pour le domaine de la recherche ? À première vue, le mariage est plus délicat, du moins au niveau de la communication entre chercheurs qui se fonde sur des pratiques normées, adossées à des méthodologies rigoureuses, à des investigations longues s’opposant à l’immédiateté de la « conversation généralisée » des réseaux sociaux et des blogs.
L’intérêt paraît pourtant manifeste si l’on considère le nombre d’inscrits à des services tels que ResearchGate, BiomedExperts, Mendeley, CiteULike, etc. et l’usage croissant du réseau Facebook à la fois pour la sphère privée et la sphère professionnelle. L’article de Christophe Boudry dans ce numéro de médecine/sciences [
1] (→) nous donne un panorama élargi de l’offre de services pour les scientifiques. L’appropriation du web 2.0 se situe à plusieurs niveaux : elle est à la fois individuelle (autopublication de blogs), collective privée (espace de partage d’informations, de références, de fichiers, d’écriture collective), et collective publique (archives ouvertes) [
2], mais il reste toujours difficile d’en mesurer finement le développement selon les communautés. Le contexte de chaque activité scientifique semble déterminant pour l’hybridation avec le web 2.0 : besoin de travail en équipe à distance, stratégie de mise en visibilité de travaux, ouverture vers la société civile. L’usage durable s’adosse à un besoin ressenti et à une satisfaction d’efficience personnelle. Les services de profils permettant de repérer des experts dans diverses spécialités semblent particulièrement d’actualité à en croire la multiplication des propositions [
3]. BiomedExperts permet, par exemple, à tout chercheur de s’insérer dans un réseau d’expertise en renseignant quelques données personnelles, le service importe ensuite automatiquement les publications de la base PubMed Central après validation.
(→) Voir page 653 de ce numéro
Citons également les réseaux sociaux de patients, les échanges entre professionnels-patients notamment pour les soins et l’éducation à la santé, et les patients blogueurs (des études ont montré en revanche que les univers restent encore étanches, très peu de blogueurs font référence à la littérature scientifique ouverte, préférant des récits de vie personnelle [
4]). Dans un tout autre rapport, un usage inédit concerne la fourniture de données par les réseaux sociaux à la recherche médicale, principalement pour le suivi des épidémies et la détection de foyers infectieux [
5].
En revanche, l’idée selon laquelle les processus d’évaluation des résultats scientifiques pourraient adopter d’autres modalités utilisant l’horizontalité des réseaux, donc plus ouvertes que l’évaluation à l’aveugle par deux ou trois experts, ne trouve guère son élan. De façon significative, le constat se limite aujourd’hui à un élargissement au stade de la post-publication comme le propose le service F1000
1, mais le processus reste toujours cadré par une labellisation d’experts. Les réseaux sociaux n’ont donc pas ébranlé le cœur du système éditorial scientifique. Dépasseront-ils un jour leur seul rôle d’adjuvants, pour redistribuer autrement l’évaluation ?