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Med Sci (Paris). 2013 February; 29(2): 127–130.
Published online 2013 February 28. doi: 10.1051/medsci/2013292004.

Le facteur de survie neuronale GDNF
Un nouveau modulateur de la signalisation sémaphorine au cours de la navigation axonale

Camille Charoy1 and Valérie Castellani1*

1Centre de génétique et de physiologie moléculaire et cellulaire (CGphiMC), UMR CNRS 5534 université de Lyon, UCBL1, 16, rue Raphaël Dubois, 69622Villeurbanne, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Axones, effets des médicaments et des substances chimiques, métabolisme, physiologie, Mouvement cellulaire, génétique, Survie cellulaire, Facteur neurotrophique dérivé des cellules gliales, pharmacologie, Humains, Modèles biologiques, Modèles neurologiques, Neurones, Sémaphorines, Transduction du signal

Le GDNF : facteur de croissance et chimioattractant pour les axones

C’est dans le cadre d’études visant à purifier des molécules sécrétées par les cellules gliales et capables de promouvoir la survie neuronale que le facteur neurotrophe GDNF (glial cell line-derived neurotrophic factor) a été isolé par N. Bermingham et ses collaborateurs [ 1]. La structure de cette petite protéine glycosylée, d’une quarantaine de kDa, l’apparente aux molécules de la superfamille du TGFβ (transforming growth factor β) et forme, avec trois autres membres - la neurturine [NRN], l’artémine [ART] et la persephine [PSP] - la famille des GDNF. Le GDNF est exprimé dans de nombreux tissus de l’organisme comme le foie, le cœur, les poumons ou encore les testicules. Dans les systèmes nerveux central et périphérique, il est détecté dans la plupart des structures cérébrales. Il est ainsi accessible à de nombreuses populations de neurones : neurones dopaminergiques du mésencéphale ou cellules de Purkinje, motoneurones de la moelle épinière et, en périphérie, neurones sympathiques et neurones entériques dérivés des crêtes neurales [ 2]. Le GDNF possède des propriétés biologiques diversifiées : dans le cerveau adulte, un de ses effets majeurs est de promouvoir la survie des neurones dopaminergiques. Il régule également d’autres aspects importants de la physiologie des neurones dopaminergiques, par exemple en stimulant la synthèse et le turn-over de la dopamine. Dans la moelle épinière et les ganglions périphériques, il exerce des effets neuroprotecteurs et neurotrophiques similaires sur les motoneurones et les neurones sensoriels. Le GDNF est ainsi une cible thérapeutique de première importance dans le contexte des maladies neurodégénératives. Il est notamment l’objet d’une attention particulière dans la recherche de traitements de la maladie de Parkinson [ 3].

Au cours du développement, le GDNF participe à de nombreuses étapes de la formation du système nerveux. Il régule la prolifération, la différenciation et la survie neuronales. Il participe aussi au contrôle des migrations cellulaires et à la navigation des projections neuronales. On attribuait jusqu’à maintenant au GDNF un rôle de facteur promoteur de croissance axonale et de chimioattractant dans ce processus de formation des connexions nerveuses, fonctions mises en évidence lors d’études de navigation des projections périphériques [2, 4]. C’est en étudiant les mécanismes de navigation d’une population d’axones se projetant dans la moelle épinière, les projections commissurales, que nous avons découvert un nouveau rôle du GDNF.

La navigation des projections axonales commissurales de la moelle épinière

La plaque du plancher, un territoire de cellules gliales situé au bord ventral du canal central de la moelle épinière, est un centre organisateur majeur, à la fois pour la mise en place des sous-types neuronaux de la moelle épinière et pour la formation des connexions spinales. La plaque du plancher sécrète des morphogènes qui contribuent à définir les identités des neurones spinaux et qui sont réutilisés plus tardivement pour orienter la trajectoire des projections spinales. C’est par exemple le cas de Shh (sonic hedgehog) et des Wnt (wingless integration site), qui jouent des rôles clefs dans le guidage des projections commissurales [ 5]. Ces projections émanent d’une population d’interneurones dorsaux et sont guidées jusque dans la plaque du plancher. À ce niveau, elles traversent la ligne médiane pour se projeter ensuite sur des neurones cibles situés du côté opposé à la région de leurs corps cellulaires d’origine. Ces projections font partie d’un ensemble de circuits, dits commissuraux ou controlatéraux, qui permettent l’interconnexion des parties droite et gauche du système nerveux central assurant ainsi une coordination et une intégration des informations et des commandes [ 6]. La plaque du plancher fonctionne également comme une barrière, en repoussant les populations de projections avoisinantes, dites ipsilatérales, qui sont destinées à innerver des neurones situés du même côté.

Le système des projections commissurales est l’un des modèles d’étude les plus exploités par les scientifiques pour comprendre les mécanismes qui contrôlent la navigation axonale, et identifier les molécules de guidage qui sont lues par l’extrémité motile de l’axone (qu’on appelle le cône de croissance) et l’orientent en direction de sa cible. De très nombreux travaux ont révélé qu’au cours de la navigation des projections commissurales, les cônes de croissance répondent à une combinaison de signaux de guidage qui contrôlent successivement les étapes clés de leur trajet : l’étape de pré-traversée, qui amène les axones commissuraux dans la plaque du plancher ; l’étape de traversée, au cours de laquelle les axones traversent la ligne médiane  ; et l’étape de post-traversée, qui permet aux axones de sortir de la plaque du plancher et de tourner longitudinalement pour naviguer parallèlement à la ligne médiane en direction du cerveau (Figure 1).

Régulation des réponses axonales aux signaux de guidage 

Un des paramètres importants de cette navigation réside dans la régulation temporelle de la perception des signaux de guidage présents dans la plaque du plancher. En effet, pour que la traversée de la ligne médiane s’accomplisse, il est nécessaire que, dans un premier temps, les axones commissuraux perçoivent des signaux (signaux attractifs) qui les attirent dans la plaque du plancher, puis, et seulement dans un deuxième temps, des signaux répulsifs qui les repoussent hors de la plaque du plancher et les dirigent dans l’hémi-moelle opposée. Les principaux acteurs moléculaires de ces effets d’attraction et de répulsion exercés par la plaque du plancher ont été caractérisés. Les nétrines, Shh et le VEGF (vascular endothelial growth factor) agissent ensemble pour attirer les axones commissuraux dans la plaque, tandis que les Slit, les éphrines et les sémaphorines entrent en action dès leur traversée de la ligne médiane pour repousser les axones hors de la plaque du plancher [6, 7] (Figure 1).

En revanche, les mécanismes moléculaires qui contrôlent les variations séquentielles de sensibilité des neurones à ces deux types de signaux sont encore très peu connus. Par des approches expérimentales combinant différents modèles murins et aviaires, des modèles de cultures de tissus et des techniques de biochimie, notre équipe a caractérisé en 2010 le mécanisme contrôlant le gain de réponse à un signal répulsif de la plaque du plancher, la sémaphorine 3B (Sema3B). Ce mécanisme module la disponibilité du récepteur de Sema3B à la surface du cône de croissance. Ce récepteur est un complexe formé de deux sous-unités : la neuropiline-2 (Nrp2) qui fixe le ligand, et la plexine-A1 (PlexA1) qui est recrutée par la neuropiline-2 pour assurer la transduction du signal Sema3B répulsif dans le cône de croissance. Au stade de pré-traversée, les deux sous-unités du récepteur sont synthétisées par les neurones commissuraux, mais seule Nrp2 est présente à la surface du cône de croissance. En effet, PlexA1 est clivée par une protéase endogène, la calpaïne 1, ce qui bloque la formation d’un récepteur fonctionnel et donc la lecture du signal Sema3B par le cône de croissance. Au stade de traversée, le cône de croissance est exposé à des signaux émanant de la plaque du plancher qui suppriment l’activité calpaïne, et donc le clivage de PlexA1. La sous-unité parvient à la surface du cône de croissance, où elle s’associe à Nrp2, confèrant une sensibilité au signal répulsif Sema3B. Nous avons identifié NrCAM (neuronal cell adhesion molecule), une molécule d’adhésion de la superfamille des immunoglobulines, comme étant un premier signal de la plaque capable d’inhiber l’activité calpaïne et de sensibiliser le cône de croissance à Sema3B. Cependant, l’absence de cette molécule chez l’embryon de souris n’entraînait aucunement le spectre des défauts des projections commissurales que l’on pouvait attendre compte tenu de l’altération du mécanisme de gain de réponse à Sema3B ainsi créée. Cela suggérait que le signal majeur de régulation n’est pas NrCAM [ 8].

GDNF : un régulateur de la signalisation de la sémaphorine 3B

Nous avons donc cherché à identifier ce signal, et nous nous sommes intéressés à GDNF, dont la restriction d’expression à la plaque du plancher dans la moelle épinière en développement est particulièrement frappante. Nous n’avons pas détecté sur les axones commissuraux les effets chimioattractif et promoteur de croissance typiques du GDNF. En revanche, nous avons observé, dans divers modèles de cultures neuronales, que le GDNF est capable d’inhiber l’activité de la calpaïne 1, et donc de restaurer l’expression de PlexA1 dans le cône de croissance des axones commissuraux et la réponse répulsive à Sema3B (Figure 2). De plus, nous avons observé que l’invalidation de GDNF chez la souris génère des défauts de traversée de la plaque du plancher qui ressemblent à ceux qui sont induits par la perte de la signalisation Sema3B/PlexA1. Ces défauts étaient toutefois atténués, ce qui suggérait l’action conjointe du GDNF et de NrCAM dans l’activation de la réponse répulsive à Sema3B. Pour valider cette hypothèse, nous avons généré une lignée de souris dont les gènes codant pour GDNF et NrCAM étaient invalidés : les défauts de traversée étaient cette fois aussi proéminents que ceux qu’entraîne la perte de Sema3B ou PlexA1 [ 9].

Classiquement, le GDNF exerce ses effets via deux récepteurs de signalisation principaux : la tyrosine kinase RET (rearranged during transfection) et NCAM. RET et NCAM recrutent toutes deux un corécepteur, GFRα1 (GDNF family receptor a1), qui augmente l’affinité de liaison de GDNF et l’activation des voies de signalisation intracellulaires [2, 4]. Nous avons observé, par immunomarquages sur coupes et analyse d’une lignée murine dans laquelle une étiquette fluorescente a été fusionnée à RET, que ce récepteur n’est pas présent dans les axones des neurones commissuraux. Au contraire, NCAM et GFRα1 ont été détectés dans les axones aux stades de pré-traversée, traversée et post-traversée. L’analyse de la trajectoire des projections commissurales dans la lignée murine déficiente pour RET n’a révélé aucun défaut de traversée de la plaque du plancher, au contraire de la lignée mutante pour NCAM, qui reproduit les défauts attendus d’une perte d’activité de GDNF. Nous avons également observé, dans les modèles de cultures neuronales, que la perte de NCAM et GFRα1, et non celle de RET, compromet la mise en place du mécanisme de gain de réponse à Sema3B, c’est-à-dire l’inhibition de l’activité calpaïne, l’expression de surface de PlexA1 et la réponse répulsive à Sema3B. Ces différentes approches expérimentales ont donc permis de conclure que le médiateur de GDNF dans ce système biologique est le complexe NCAM/GFRα1 (Figure 2).

Ces résultats permettent d’enrichir la palette des fonctions du facteur GDNF et d’identifier de nouveaux intervenants dans les voies de contrôle de la signalisation sémaphorine et les modifications post-traductionnelles des récepteurs plexine. PlexA1 est un récepteur partagé par de nombreuses sémaphorines, sécrétées (Sema3A à Sema3G) comme transmembranaires (Sema5). Outre leur rôle lors du développement du système nerveux, les signalisations sémaphorine/plexine exercent de nombreuses autres fonctions : elles participent à la formation de nombreux organes et tissus comme le cœur, le système vasculaire et l’os [ 10] ; chez l’adulte, elles interviennent dans les fonctions immunitaires [ 11]. L’altération de leur expression ou de leurs propriétés contribue à la dissémination des cellules cancéreuses, à la vascularisation des tumeurs, ou encore à la limitation de la régénération du système nerveux lésé [ 12]. Cette étude ouvre ainsi des perspectives thérapeutiques car l’ensemble de ce réseau de protéines est impliqué dans de multiples contextes physiopathologiques. De nouvelles questions se posent à présent : cette propriété de GDNF est-elle partagée par d’autres facteurs neurotrophiques ? la régulation de PlexA1 intervient-elle également dans d’autres récepteurs plexines ? Si tel était le cas, le spectre d’interactions fonctionnelles entre ces différentes grandes familles de protéines en serait élargi.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
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Bermingham N , Hillermann R , Gilmour F , et al. Human glial cell line-derived neurotrophic factor (GDNF) maps to chromosome 5 . Hum Genet. 1995; ; 96 : :671.–673.
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