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Med Sci (Paris). 2013 October; 29(10): 821–823.
Published online 2013 October 18. doi: 10.1051/medsci/20132910002.

Dysplasie bronchopulmonaire et génétique

Alice Hadchouel*  and Christophe Delacourt 

 Service de pneumologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149-161, rue de Sèvres, 75015Paris, France ; Inserm U955, Créteil, France ; Fondation PremUP, Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Dysplasie bronchopulmonaire, épidémiologie, génétique, Maladies chez les jumeaux, Maturité foetale, Études d'associations génétiques, Prédisposition génétique à une maladie, Humains, Nouveau-né, Prématuré, Maladies du prématuré, Poumon, embryologie, Polymorphisme de nucléotide simple, Jumeaux

Héritabilité de la dysplasie broncho-pulmonaire

Avec les progrès considérables de la réanimation néonatale et le contrôle optimal des différents facteurs de risque identifiés, l’incidence de la dysplasie bronchopulmonaire (DBP)1 a dans un premier temps diminué pour atteindre un plateau, puis à nouveau augmenter depuis quelques années [ 1]. Pour expliquer cette stagnation épidémiologique, les études de concordance entre jumeaux confortent l’hypothèse d’une susceptibilité génétique à la DBP et suggèrent qu’il s’agit d’une maladie complexe, multifactorielle, résultant d’une combinaison de facteurs génétiques et d’effets environnementaux [ 2]. Le développement du poumon distal chez l’enfant prématuré serait ainsi dépendant d’interactions complexes entre l’environnement au sens large (in- ou ex-utero) et des gènes de susceptibilité, capables de moduler l’adaptation de l’enfant en développement à des conditions pathologiques. R.A. Parker et al. ont ainsi montré que le développement d’une DBP chez un jumeau était un facteur de risque très significatif de DBP chez l’autre jumeau, indépendamment de l’ordre de naissance et des autres facteurs confondants (OR ajusté : 12,3 ; p < 0,001) [ 3]. Plus récemment, l’héritabilité a été estimée en comparant les concordances pour la DBP chez des paires de jumeaux monozygotes, partageant 100 % de leur génome, et des paires dizygotes, partageant en moyenne 50 % de leur génome. V. Bhandari et al. ont ainsi étudié 63 paires de jumeaux monozygotes et 189 paires de jumeaux dizygotes et ont pu estimer l’héritabilité de la DBP à 53 % après ajustement pour les variables de confusion [ 4]. Plus récemment, P.M. Lavoie et al. ont également calculé que l’héritabilité de la DBP dans une population de 318 jumeaux prématurés (70 paires monozygotes et 89 paires dizygotes) était de 82 % [ 5]. Les différences de concordance entre jumeaux monozygotes et dizygotes pour la survenue d’une DBP sont observées lorsque l’on adopte pour définir la DBP le critère de persistance d’une oxygénothérapie à 36 SA, mais disparaissent lorsque l’on inclut les DBP légères, c’est-à-dire les enfants que l’on peut sevrer des besoins supplémentaires en oxygène entre le 28e jour et 36 SA [5]. Le phénotype clinique à J28 ne serait donc que le reflet des agressions environnementales, alors que la persistance de l’oxygénodépendance à 36 SA dépendrait d’interactions gènes-environnement. De fait, une évaluation faite à 36 SA est bien mieux corrélée au devenir respiratoire à moyen et long terme que si elle est faite à 28 jours [ 6].

Recherche de gènes de suceptibilité

De nombreux gènes candidats pourraient être impliqués dans le risque de DBP, car ils interviennent dans la régulation du développement alvéolaire, la réponse inflammatoire, les défenses anti-oxydantes, les processus de réparation cellulaire après agression, ou encore les défenses anti-infectieuses [ 13, 14] ().

(→) Voir les Nouvelles de E. Lopez et P.H. Jarreau, et de E. Zana-Taïeb et P.H. Jarreau, pages 823 et 826 de ce numéro

Plusieurs approches « gènes candidats » ont déjà été réalisées. Cependant, les études disponibles sont souvent limitées à un nombre réduit de patients et les résultats n’ont, pour la plupart, pas été reproduits dans d’autres cohortes. Les résultats de ces études « gènes candidats » sont résumés dans le Tableau I .

Il est peu probable que les études basées sur l’analyse d’un seul gène puissent réellement contribuer à l’identification des variants exerçant l’influence la plus significative. Les études d’association pangénomiques, qui utilisent des centaines de milliers de polymorphismes mononucléotidiques, augmentent considérablement notre capacité à identifier les influences génétiques de maladies complexes, multifactorielles. Une première étude de ce type a été conduite dans une population de 418 nouveau-nés prématurés issus de trois centres de réanimation néonatale d’Île-de-France [ 7]. Ce travail a permis d’identifier le gène codant pour le protéoglycane de la matrice extracellulaire SPOCK2 (sparc/osteonectin, cwcv and kazal-like domains proteoglycan) comme un gène de susceptibilité très prometteur, bien que son rôle dans le développement du poumon n’ait pas encore été étudié [7]. Ce gène a été identifié par criblage pangénomique de deux populations ethniques différentes et le polymorphisme le plus significativement associé à la DBP a été validé par génotypage individuel dans deux populations différentes indépendantes, l’une française, issue des 3 centres participants, et l’autre finlandaise, avec des odds ratios > 2,5. De plus, l’expression du gène SPOCK2 augmente considérablement au cours du développement alvéolaire chez le rat, suggérant son rôle au cours de l’alvéolisation [7]. Un autre gène prometteur a été identifié dans une des deux populations ethniques initiales, il s’agit du gène MMP16 (matrix metalloproteases) [ 8], qui d’une part intervient dans une voie de signalisation commune à la famille des gènes SPOCK [ 9], et d’autre part est très similaire à MMP14 dans sa structure et sa fonction, cette dernière jouant un rôle clé dans l’activation de MMP2 et dans le développement alvéolaire [ 1012].

Conclusion

L’existence d’une prédisposition génétique à la DBP a été clairement établie par les études de concordance entre jumeaux. Cependant, comme dans toute pathologie multifactorielle, l’intervention des facteurs génétiques est complexe et la pathogénie de la maladie résulte d’interactions entre ces facteurs génétiques et les facteurs environnementaux. Les études « gènes candidats » publiées au cours de ces dernières années ont mis en évidence un certain nombre de molécules, mais dont les associations avec la DBP n’ont pas pu être confirmées dans de plus larges cohortes. Les résultats obtenus à l’issue de la première étude pangénomique démontrent le potentiel de ce type de stratégie pour identifier des gènes associés à la DBP, qui n’auraient pas été sélectionnées dans une approche candidate, mais qui ont un impact important sur le phénotype et sont fortement exprimés dans le poumon néonatal. À terme, l’identification de marqueurs génétiques fortement associés à la survenue d’une DBP doit permettre non seulement de mieux comprendre la physiopathologie de cette maladie, mais également de dégager de nouvelles pistes thérapeutiques. L’identification d’une voie de signalisation participant au risque de DBP peut faire envisager des thérapeutiques ciblant cette voie. Plus finement, l’identification de SNP, suivie de la mise en évidence de leur fonction sur l’expression du gène, peut permettre d’espérer une modulation thérapeutique directe de l’expression de ces mêmes gènes.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Pour définition, voir Encadré, page 827 de ce numéro.
References
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