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Med Sci (Paris). 2013 December; 29(12): 1067–1068.
Published online 2013 December 20. doi: 10.1051/medsci/20132912001.

Traitement de la sclérose en plaques : progrès et nouveaux défis

Catherine Lubetzki1*

1Département des maladies du système nerveux Inserm 975, hôpital Pitié-Salpêtrière47-83, boulevard de l’Hôpital75651Paris Cedex 13, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Anticorps monoclonaux, usage thérapeutique, Humains, Sclérose en plaques, thérapie, Gaine de myéline, physiologie, Neuroprotecteurs

 

Le domaine de la sclérose en plaques est en pleine période de mutation(s).

Mutations conceptuelles tout d’abord. Parmi celles-ci, citons : (1) la démonstration du rôle des lymphocytes B dans la physiopathologie de la maladie ; (2) la mise en évidence de l’importance de l’atteinte de l’axone dans l’aggravation du handicap neurologique irréversible, et la précocité de son apparition dans la maladie ; (3) l’identification de facteurs favorisant ou inhibant les capacités de remyélinisation (réparation) des lésions du système nerveux central, entre autres.

Mutations thérapeutiques d’autre part, avec l’apparition de nouveaux traitements qui transforment la prise en charge des patients atteints de sclérose en plaques. À côté des immunomodulateurs classiques (appelés traitements de première ligne) que sont les interférons β et l’acétate de glatiramer, dont l’efficacité est largement démontrée, mais modeste, sur la réduction de la fréquence des poussées, les traitements de seconde ligne - apparus au cours des dernières années - ont démontré une efficacité supérieure sur la composante inflammatoire (qui est évaluée par les poussées cliniques et les nouvelles lésions détectées par imagerie à résonance magnétique [IRM]). Le natalizumab, anticorps monoclonal anti-intégrine α4, qui bloque l’entrée du lymphocyte dans le système nerveux central en inhibant la traversée de la barrière hémato-encéphalique, réduit notablement la fréquence des poussées de la maladie et les lésions sur l’imagerie par résonance magnétique. Le fingolimod, qui empêche, en agissant sur les récepteurs sphingosine-1-phosphate, la sortie des lymphocytes des organes lymphoïdes (et induit donc une immunodépletion périphérique), est également utile chez les patients dont la maladie n’est pas suffisamment contrôlée par le traitement de première ligne. Ces traitements de recours, qui exposent à des effets secondaires rares mais potentiellement très graves, s’inscrivent dans un objectif thérapeutique de suppression aussi complète que possible de l’inflammation au sein du système nerveux central.

Les avancées thérapeutiques sont nombreuses dans ce domaine thérapeutique de « l’anti-inflammation » avec l’arrivée prochaine de nouvelles molécules : l’anticorps monoclonal alemtuzumab, qui induit une immunodéplétion pan-lymphocytaire massive et prolongée, mais aussi les nouveaux traitements immunomodulateurs per os que sont le tériflunomide et l’acide di-méthyl-fumarique. En outre, les résultats des essais thérapeutiques de phase 3 évaluant, chez les patients atteints de sclérose en plaques rémittente, l’anticorps monoclonal ocrelizumab (qui cible spécifiquement la population des lymphocytes B), sont attendus après les résultats intéressants de l’étude de phase 2.

Ces progrès thérapeutiques, qui ciblent tous la composante inflammatoire de la maladie, réduisent la fréquence des poussées. Ils diminuent probablement aussi le handicap directement lié à la poussée. En revanche, ils n’ont pas d’impact, dans l’état actuel de nos connaissances, sur la phase progressive de la maladie, au cours de laquelle le handicap neurologique s’aggrave de façon progressive, sans poussée. Dans ces phases progressives de la maladie, l’activité inflammatoire au sein du système nerveux central est réduite, et l’aggravation du handicap est essentiellement liée à la démyélinisation chronique et à l’atteinte axonale secondaire à cette perte myélinique.

Les essais thérapeutiques qui ciblent la phase progressive de la maladie ont, jusqu’à présent, tous été négatifs. Des études de phase 3 évaluant différents traitements immunosuppresseurs sont en cours, ainsi que des essais de phase 2 avec des molécules potentiellement neuroprotectrices. Force est d’admettre qu’aucune thérapeutique (et ceci est vrai dans les différents domaines de la neurologie) n’a encore démontré d’effet neuroprotecteur.

Une stratégie alternative pour favoriser la neuroprotection est représentée par la stimulation des capacités endogènes de réparation myélinique. Il a en effet été démontré, à la fois dans les modèles expérimentaux et dans les lésions de sclérose en plaques, que la remyélinisation permettait de prévenir la neurodégénérescence axonale. Dans ce cadre, notre compréhension des différentes étapes qui conduisent une cellule progénitrice d’oligodendrocyte (population qui persiste dans le système nerveux central adulte) à devenir un oligodendrocyte remyélinisant s’est beaucoup enrichie au cours de ces dernières années, permettant d’identifier les facteurs qui favorisent, ou au contraire qui inhibent, ce processus de réparation. De nombreuses stratégies précliniques de réparation sont en cours, dans différents modèles expérimentaux. En ce qui concerne la translation vers la clinique, un essai thérapeutique évaluant l’anticorps monoclonal anti-Lingo a débuté récemment. Lingo 1 a été identifé, dans différents modèles, in vitro et in vivo, comme un inhibiteur de la maturation oligodendrogliale dont la suppression favorise la (re)myélinisation. Même si ces développements de stratégies réparatrices en sont à leur début, et risquent de se heurter à la difficulté d’évaluer la neuroprotection et la remyélinisation dans le système nerveux central, ils représentent néanmoins une avancée importante, ouvrant des perspectives thérapeutiques nouvelles centrées sur les phases progressives de la maladie et la prévention du handicap neurologique.

Liens d’intérêt

Catherine Lubetzki déclare une participation ponctuelle à des conseils consultatifs pour Roche, Biogen, Novartis, Genzyme.