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Med Sci (Paris). 2013 May; 29: 9–10.
Published online 2013 June 7. doi: 10.1051/medsci/201329s202.

Introduction

Catherine Paradeise1*

1Présidente de l’IFRIS (Institut francilien recherche, innovation, société, Université Paris Est - LATTS (laboratoire technique, territoires, sociétés), LATTS- département de sociologie, bâtiment Lavoisier, cité Descartes, Université de Marne-la-Vallée, 77420Champs-sur-Marne, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Congrès comme sujet, Prévision, France, Inventions, tendances, Sciences sociales, Sociétés savantes, Biologie synthétique

 

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Cette journée s’inscrit dans un cycle de cinq conférences débuté il y a deux ans et que l’IFRIS et Genopole ont convenu de développer ensemble sur le modèle britannique : l’objectif est de faire travailler au contact les chercheurs en sciences de la vie et les chercheurs des sciences de l’homme et de la société.

Comme je le soulignais en ouvrant le premier colloque1, dire que les sciences sont en société et non à côté de la société signifie qu’on ne peut comprendre la production, la dissémination, la réception de la science en la dégageant des dimensions institutionnelles, économiques, sociales et cognitives des acteurs et des enjeux qui autorisent ou interdisent, forment ou ignorent, financent ou négligent, organisent d’une manière ou d’une autre la production de concepts, d’outils, de compétences, de résultats, d’externalités et d’usages. Cet effort a débuté il y a deux ans avec une première journée sur les publics concernés ou engagés autour d’une question centrale : comment se construit l’opinion publique sur la science ? Comment des groupes sociaux font-ils exister cette opinion ? Ces échanges nous avaient déjà conduits à évoquer la biologie de synthèse.

Cet effort a été poursuivi au cours de la deuxième journée, en 20112 : elle portait sur les transformations des modalités de production et d’outillage de la biologie à haut débit. Cette dernière a fait entrer la biologie dans l’ère de la « big science », avec des conséquences sur les coûts de production, l’organisation du travail et les formes de mise sur le marché. Nous nous sommes interrogés sur les effets du changement de paradigme de production - traitement des données de masse, modélisation, recours massif à l’informatique -, sur la manière dont nous nous posons les questions scientifiques, dont circule et s’approprie la connaissance.

L’effort se poursuit avec cette journée sur la biologie de synthèse, domaine de la biologie dont l’horizon est de comprendre le vivant en cherchant à le fabriquer et en embarquant une activité de synthèse dans la recherche même. Ce projet de synthèse n’est pas nouveau, mais existe depuis plus d’un siècle en biologie. Il est présent depuis plus longtemps en chimie et s’est plusieurs fois reconfiguré, en particulier au cours de la dernière décennie, à partir des convergences entre sciences de la vie, nanotechnologies et sciences de l’information.

L’objectif de cette journée est de questionner l’émergence de la biologie de synthèse, les grands espoirs et les grandes craintes qu’elle suscite, les problèmes éthiques qu’elle pose, la manière dont ses acteurs s’en emparent, la façon dont se constitue son agenda de recherche et la géographie des laboratoires qui s’intéressent à ce domaine, ainsi que la façon dont les sciences sociales ont été, dès les origines, embarquées dans cette aventure.

Genopole est concerné très directement par ces questions : il en est en partie issu. L’IFRIS est devenu l’Institute For Research and Innovation in Society. Il a engendré un LabEx, « Science, innovation et techniques en société » (SITES), ainsi qu’un DIM de la région Île-de-France sur « Innovation, sciences, techniques et société » (IS2-IT). Ce rassemblement de 180 chercheurs s’intéresse aux problèmes de coévolution entre sciences et société sur tout le spectre qui va des politiques de recherche à l’analyse des controverses sociotechniques, en passant par la constitution des manières de faire la science. Cette réflexion est portée sur différentes échelles de temps, du plus macro au plus micro, en combinant diverses entrées - des analyses de discours, d’institutions, de dispositifs, de pratiques et d’acteurs. Les travaux menés sur la distribution de la recherche en biologie synthétique à travers le monde en constitueront un bon exemple.

Notre alliance avec Genopole repose sur une conviction partagée : la science n’est pas à côté mais dans la société. L’exploration des nouvelles frontières de la connaissance ne peut se faire en vase clos, hors société. La science enfermée dans une tour d’ivoire et qui oublie de penser la coévolution entre science et société encourt le risque d’un retour de boomerang sur ses pratiques. Le cas de la biologie de synthèse est à cet égard exemplaire par les craintes et les espoirs qu’elle fait naître, exacerbés par la dimension d’artificialité de ce secteur disciplinaire. La biologie de synthèse est également exemplaire par la très forte inscription de ses émergences dans la société. D’abord, les applications ou promesses d’applications jouent d’entrée de jeu un rôle majeur. Ensuite, une culture de responsabilité s’y est développée dès ses origines, qui prétend tirer les enseignements des débats autour des OGM ou des nanotechnologies. Nous essaierons d’explorer tout cela aujourd’hui.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
2 Voir médecine/sciences 2012, vol. 28, hors série n° 2 (juin-juillet 2012).