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Published online 2014 January 24. doi: 10.1051/medsci/20143001016.

Les anticorps anti-VIH
De multiples activités antivirales

Maryse Peressin,1 Vincent Holl,2 and Christiane Moog1*

1Inserm U1110, Université de Strasbourg, 3, rue Koeberlé, 67000Strasbourg, France
2COVANCE, Lab Science department, hematology and flow department, 7, rue Moise-Marcinhes, 1217Meyrin, Genève, Suisse
Corresponding author.
 

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Fin 2010, le nombre de personnes vivant avec le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) dans le monde était estimé à environ 34 millions (31,6-35,2 millions), soit une hausse de 17 % par rapport à 2001. Cette hausse reflète, d’une part, le nombre important et continu de nouvelles infections et, d’autre part, une extension de l’accès aux traitements antirétroviraux, qui a contribué à la réduction des décès liés au Sida (syndrome d’immunodéficience acquise). En 2009 et pour la première fois après 30 ans d’études sur le VIH, un essai vaccinal de phase III (RV144) a démontré une efficacité de protection de 31 % contre l’infection [ 1]. Si ce pourcentage reste faible, il s’agit cependant du premier essai vaccinal démontrant une protection contre le VIH.

Il est désormais admis que l’induction d’anticorps neutralisants (AcN, voir Glossaire) spécifiques et la stimulation de l’ensemble des mécanismes dépendant des anticorps sont des prérequis au développement d’un vaccin contre le VIH. Les dernières générations de vaccin à l’étude sont basées sur l’utilisation d’immunogènes multiples en prime-boost (voir Glossaire) capables d’activer et d’amplifier en parallèle les deux bras de la réponse immunitaire spécifique - humorale et cellulaire. Ce type de stratégie a été expérimenté dans l’essai thaïlandais RV144 (immunisation avec la combinaison de vecteurs viraux ALVACTM [produit par Sanofi-Pasteur] et de protéine gp120 [voir Glossaire] recombinante AIDSVAX® B/E [développé par VaxGen]). Pourtant, dans cet essai, ni les anticorps ayant une activité neutralisante, ni la réponse cellulaire, n’ont pu être corrélés avec la protection. Cette dernière a, au contraire, été associée à l’induction d’anticorps non neutralisants inhibiteurs (AcNoNI, voir Glossaire) dirigés contre la boucle V1/V2 de la gp120 [1]. Ces anticorps particuliers ont démontré des activités inhibitrices dépendantes de la reconnaissance d’épitopes sur une cellule infectée d’une part, et d’autre part de la fixation de leur région Fc sur les récepteurs Fc (RFc, voir Glossaire) exprimés par des cellules effectrices [ 2].

Si la découverte d’immunogènes capables d’induire in vivo des anticorps de type neutralisants constituerait une avancée majeure dans le domaine de la recherche vaccinale, les résultats de l’essai RV144 ont démontré que l’induction d’anticorps de types inhibiteurs était non seulement possible, mais également corrélée avec la protection contre l’infection [1, 3, 4]. Ainsi, des activités inhibitrices distinctes de la neutralisation classique joueraient un rôle important dans le contrôle de l’infection. La mesure de ce type d’activité était jusqu’alors largement sous-évaluée dans le contexte de la réponse antivirale en général, et de la réponse anti-VIH en particulier.

Dans cette revue, le point sera fait sur l’état des connaissances concernant le rôle et les mécanismes de neutralisation et d’inhibition liés aux anticorps dans la protection contre le VIH in vitro et in vivo, ainsi que dans l’élaboration de stratégies vaccinales innovantes.

Infection par le VIH et réponse humorale

Après une infection par le VIH-1, on distingue trois phases dans l’évolution de la maladie, présentant des caractéristiques virologiques et immunologiques distinctes (Figure 1). La primo-infection se caractérise par un pic de la charge virale plasmatique et des perturbations importantes du nombre et de la composition des cellules mononucléées du sang périphérique. La chute de la virémie plasmatique est consécutive à l’apparition de la réponse cytotoxique (cellules natural killer [NK] et lymphocytes T CD8) et des anticorps (Ac) spécifiques du virus (séroconversion concomitante du début de la phase asymptomatique). Les anticorps produits sont de type immunoglobulines (Ig) G et IgA ; ils reconnaissent l’ensemble des protéines virales. Cependant, si la réponse humorale spécifique est en principe forte et persistante, avec le développement d’une réponse humorale autologue dès la première année après la séroconversion [ 5] (courbe orange, Figure 1 ), seuls 10 à 20 % des patients séropositifs développent des anticorps hétérologues possédant une activité neutralisante vis-à-vis d’un large spectre de souches virales (courbe verte, Figure 1 ). Ces Ac neutralisants sont le résultat de la maturation de la réponse immune du fait de contacts répétés avec de nombreux épitopes de la gp120 après plusieurs années d’infection. L’apparition de ce type d’anticorps n’est pas nécessairement associée à une évolution favorable de la maladie. En effet, une fois l’infection établie, la capacité de contrôle de la réplication du VIH par les anticorps neutralisants est faible, en raison des échappements perpétuels du virus et de l’établissement de réservoirs viraux [ 6, 40].

Mécanisme de neutralisation, activité neutralisante

Initialement, cinq anticorps monoclonaux capables de neutraliser un large spectre d’isolats primaires du VIH (souches isolées de patients infectés) ont été identifiés (b12, 447-52D, 2G12, 4E10 et 2F5). Ils reconnaissent des épitopes spécifiques de la gp120 ou de la gp41 (Figure 2). Plus récemment, et grâce à de nouvelles techniques de criblage, d’autres Ac neutralisants dirigés contre la gp120 ont pu être détectés [ 7, 8].

Ces Ac neutralisants ont des caractéristiques très particulières et sont généralement le résultat d’une longue maturation, traduit par un nombre élevé de mutations somatiques (Figure 2). De plus, certains possèdent une longue chaîne lourde HCDR3, capable de reconnaître des épitopes enfouis, peu accessibles mais conservés [ 9]. Cette grande complexité, ainsi que leur conformation tout à fait particulière, rendent leur induction par vaccination extrêmement complexe.

Le rôle des Ac neutralisants a été largement étudié in vivo dans des modèles animaux, principalement dans des modèles de primates non humains (NHP) [ 10, 11]. L’utilisation de primates non humains infectés de manière expérimentale par voie intraveineuse, orale ou par les muqueuses, avec des virus SHIV (voir Encadré 1 ) a permis de démontrer le rôle protecteur de ces anticorps. Le transfert passif d’Ac neutralisants (inoculés par voie intraveineuse) a permis de protéger de l’infection, c’est-à-dire conférer une immunité stérilisante [10, 11]. L’ensemble des résultats obtenus à l’aide des modèles de primates non humains indique que l’induction d’Ac neutralisants par vaccination permettrait de protéger de l’infection par le VIH.

Activités inhibitrices des anticorps

Des anticorps dépourvus d’activité neutralisante, mais exerçant une activité inhibitrice, ont été identifiés [ 12]. L’activité anti-VIH de ces anticorps, dénommés anticorps non neutralisants inhibiteurs (AcNoNI), est strictement dépendante de la liaison entre leur région Fc et un récepteur Fc exprimé à la surface d’une cellule effectrice. Différents mécanismes d’inhibition ont été démontrés in vitro ( Figure 3BC ).

Activité inhibitrice dépendante de la fixation de la région Fc des IgG aux RFcγ des cellules présentatrices d’antigènes
Un mécanisme d’inhibition du VIH par les anticorps impliquant l’interaction du fragment constant (Fc) d’une IgG à un RFcγ a été mis en évidence in vitro [12, 13] (Figure 3). En effet, lorsque des cellules présentatrices d’antigène (cellules dendritiques [DC] ou macrophages), qui expriment les récepteurs au Fc de type γ (RFcγ), sont les cibles du VIH plutôt que des lymphocytes T CD4 (dépourvus de RFcγ), l’activité inhibitrice des IgG est augmentée de façon drastique (100 à 1 000 fois pour les DC ou les macrophages, respectivement [13, 14]). Le mécanisme d’inhibition n’a pas encore été clairement identifié même s’il a été proposé que les complexes immuns, fixés aux cellules effectrices par l’intermédiaire des RFcγ, seraient phagocytés puis dégradés dans des lysosomes spécifiques. La fixation des anticorps sur les RFc de cellules effectrices peut aussi déclencher l’activation d’autres mécanismes fonctionnels qui pourraient conduire à une diminution de la réplication virale, comme :
  • l’induction de cytokines et/ou de chimiokines antivirales [ 15] ;
  • la maturation des cellules présentatrices d’antigènes qui favoriserait la restriction virale par des mécanismes postfusion [ 16].
L’ADCC ou la réponse cytotoxique cellulaire dépendante des anticorps
La cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC) est un mécanisme combinant des composants de l’immunité innée et adaptative : les anticorps qui reconnaissent la cellule infectée se fixent, via le RFc, à une cellule effectrice (généralement une cellule NK) impliquée dans la défense innée (Figure 3C). Cette interaction entre la cellule infectée et la cellule effectrice par l’intermédiaire de l’anticorps entraîne l’activation de la cellule effectrice qui libère des granules cytotoxiques (granzyme et perforine), des chimiokines, de l’oxyde nitrique ou des dérivés réactifs de l’oxygène conduisant à la destruction de la cellule infectée (Figure 3C) [ 17].
Les anticorps non neutralisants inhibiteurs in vivo
Les Ac non neutralisants inhibiteurs ont suscité un regain d’intérêt suite aux résultats de l’essai clinique RV144, où un corrélat de protection a été mis en évidence avec l’induction de ce type d’anticorps inhibiteurs. Il est cependant à noter que l’importance des mécanismes d’inhibition dépendants des RFc a d’ores et déjà été confirmé dans des modèles animaux [11, 18, 19]. En effet, dans un modèle de primate non humain, l’étude du transfert passif de l’anticorps neutralisant b12 ou de l’anticorps b12 mutant (dénommé LALA et incapable de fixer le complément ou les RFcγ) a démontré une diminution de 50 % de l’efficacité de protection par l’anticorps LALA [11, 18]. Plus récemment, une fonction de protection partielle et une activité sur la diminution de la charge virale ont été attribuées à des Ac non neutralisants inhibiteurs dans le modèle de primate non humain. Ces anticorps possèdent des fonctions inhibitrices dépendantes de leur région Fc et de l’expression des RFc [19, 20].

Chez les patients infectés, des anticorps inhibiteurs sont fréquemment détectés très tôt après la phase aiguë de l’infection ( Figure 1 , courbe rouge) [ 21, 22]. De manière intéressante, une activité inhibitrice dépendante des RFc est détectée de manière significativement plus élevée dans une cohorte de patient dits « contrôleurs » ou « élites » (patients ayant une virémie indétectable pendant plusieurs années en absence de tout traitement) par rapport aux patients virémiques [ 23]. Des études supplémentaires seront nécessaires afin de déterminer si les activités inhibitrices détectées chez les patients infectés sont la cause ou la conséquence du contrôle de l’infection et de l’évolution plus lente vers la maladie.

L’ensemble des résultats suggèrent qu’un vaccin devrait induire des anticorps inhibiteurs impliquant les récepteurs Fc en plus des anticorps neutralisants, afin de solliciter au maximum l’ensemble des mécanismes de défense contre l’infection. Les anticorps inhibiteurs auraient pour avantage de reconnaître des sites hautement immunogènes, et pourraient de ce fait être plus facilement inductible par vaccination.

Le cas particulier des IgA

La réponse IgA spécifique se développe parallèlement à la réponse IgG chez les patients infectés par le VIH-1. Cependant, les réponses relayées par les IgA spécifiques du virus sont faibles, tant au niveau des muqueuses qu’au niveau systémique [ 24]. De façon intéressante, des observations réalisées chez des sujets séronégatifs partenaires de sujets séropositifs HEPS (highly exposed persistently seronegative) suggèrent que des IgA reconnaissant le VIH sont détectées dans le tractus génital ou le liquide séminal, et cela en l’absence de sérologie IgG anti-VIH positive [ 25, 41]. Par ailleurs, des IgA spécifiques du virus ont été détectées dans les sécrétions salivaires de certains nourrissons dont les mères étaient infectées par le VIH. La présence de ces IgA chez des sujets séronégatifs en contact régulier avec le VIH questionne sur leur rôle potentiel dans la protection.

In vitro, il a été observé que pour un épitope donné (celui reconnu par l’Ac neutralisant b12), l’activité neutralisante d’une IgA était équivalente à celle d’une IgG [ 26]. Cependant, les fonctions cellulaires impliquant la région Fc des IgA sont différentes de celles impliquant la région Fc des IgG. Dès lors, la présence d’IgA au niveau des muqueuses engagerait l’activation locale de mécanismes immunitaires distincts de ceux qu’induisent les IgG, tels que l’agrégation des IgA sécrétoires [ 27] ou des mécanismes de type ADCC, impliquant des cellules effectrices (telles que des polynucléaires neutrophiles) exprimant des RFcα.

Si pour l’instant le nombre d’études analysant les IgA reste limité, les résultats suggèrent qu’elles pourraient porter des fonctions spécifiques qui s’ajouteraient à celles des IgG et, ainsi, participer à la protection contre l’infection par le VIH au niveau des muqueuses [ 28].

Effet délétère des anticorps anti-VIH : les anticorps facilitants

Différent travaux réalisés sur des lignées cellulaires ont mis en évidence des anticorps nommés « facilitants ». Ces anticorps, contrairement aux anticorps neutralisants ou inhibiteurs, faciliteraient l’infection par le VIH. Le mécanisme de facilitation serait lié in vitro à une augmentation soit du titre viral (augmentation du nombre de cellules infectées), soit de la production de particules virales infectieuses. Le mécanisme responsable de cette augmentation n’est pas identifié à l’heure actuelle, mais il impliquerait les RFc [ 29].

In vivo, une corrélation entre la présence d’anticorps facilitants et une augmentation de la sévérité de la maladie a été observée pour le virus de la dengue [ 30]. Néanmoins, aucun rôle facilitateur des anticorps n’a pu être mis en évidence in vivo pour d’autres infections virales en général, ni pour le VIH en particulier [4]. Cependant, il est à noter qu’une étude récente a démontré une corrélation entre la présence d’un allèle particulier du RFcγ et une augmentation du risque d’infection dans un sous-groupe de volontaires ayant de faibles pratiques à risques [ 31]. Ces résultats suggèrent un possible effet délétère d’anticorps spécifiques du VIH chez une sous-population de patients ayant un génotype particulier de RFcγ. Des études complémentaires seront nécessaires afin de confirmer cette association, et il s’agira de ne pas sous-estimer ce type d’effets dans le futur développement de vaccins prophylactiques.

Vers de nouvelles pistes vaccinales

Dans le développement d’un vaccin contre le VIH, les espoirs fondés sur l’induction d’anticorps de type neutralisants ont été compromis par la découverte de leurs caractéristiques particulières (longue chaîne lourde HCDR3, nombre important de mutations somatiques) nécessitant une longue maturation et rendant ainsi leur induction très difficile (Figure 2). Cette maturation des lymphocytes B ne pourra vraisemblablement pas être reproduite par une stimulation courte avec un immunogène unique [32]. Ainsi, des stratégies vaccinales fondées sur une succession d’immunogènes capables de mimer, étape par étape, les phénomènes de maturation et d’activation des clones de cellules B sont aujourd’hui proposées. Ce type de vaccination commence tout juste à être expérimenté mais, compte tenu de la complexité des mécanismes impliqués, les chances de succès sont loin d’être acquise.

Au vu des contraintes importantes liées à l’induction d’anticorps neutralisants in vivo, les recherches vaccinales s’orientent vers l’optimisation des caractéristiques des anticorps et l’induction de mécanismes immunitaires additionnels, ainsi que vers des méthodes permettant l’amélioration de la réponse immune. En suivant des concepts développés dans le domaine de la lutte antitumorale, de nombreuses études se sont focalisées sur la modification de la région Fc des anticorps afin d’en accroître l’activité inhibitrice. L’équipe de Burton a généré par mutagenèse dirigée ou par modification de la glycosylation de la région Fc [ 42], un panel d’Ac mutants de l’Ac neutralisant b12 possèdant des affinités variables pour les RFcγ, tout en conservant l’activité neutralisante de la région Fab b12 [ 33, 34]. Ces mutations ont permis d’augmenter l’affinité des anticorps pour les RFcγ et, de ce fait, les fonctions inhibitrices associées (phagocytose, ADCC) in vitro, sans améliorer la protection in vivo dans des expériences d’infections expérimentales chez le macaque. Ce type d’anticorps devrait être induit directement au niveau des sites d’infections (muqueuses anales, vaginales, etc.) afin de limiter la réplication virale dans les nombreuses cellules cibles présentes. C’est pourquoi de nouveaux immunogènes sont actuellement formulés afin d’induire une réponse humorale directement au niveau de ces muqueuses [ 35]. Un essai clinique de phase I a récemment débuté (projet collaboratif européen EuroNeut41) dans le but de tester ces nouveaux concepts [ 36].

Modèle de primate non humain pour l’étude des anticorps protecteurs anti-vih

Les macaques (Rhésus ou Cynomolgus) infectés par un virus simien (SIV) développent un Sida proche de celui qu’induit le VIH chez l’homme. Afin de pouvoir analyser le rôle de la réponse humorale face à l’infection par le VIH dans ce modèle animal, différents virus chimériques (SHIV) ont été construits. Pour ces virus, l’enveloppe du SIV a été remplacée par celle d’un VIH-1. Les virus SHIV reproduisent chez le singe la physiopathogénie du VIH chez l’homme. La présence de l’enveloppe du VIH permet l’induction et l’étude d’une réponse humorale spécifique dirigée contre l’enveloppe du virus humain. Les virus chimériques constituent donc un modèle de choix pour l’étude du rôle des anticorps anti-VIH dans la protection contre l’infection.

Différents modèles d’infection expérimentale SHIV ont été développés (dose unique forte ou succession de doses faibles répétées, infection par voies vaginale, rectale ou systémique), permettant ainsi l’étude du rôle des anticorps et des corrélats de protection.

Ainsi, les modèles de primate non humain ont largement contribué à la compréhension des mécanismes d’inhibition du virus par les anticorps et constituent des prérequis pour nous guider dans le choix et le développement d’un vaccin prophylactique contre le VIH.

Nos connaissances actuelles des mécanismes d’action des anticorps anti-VIH restent cependant très incomplètes, et des résultats récents leur attribuent des activités complémentaires plus larges. Le groupe de Haigwoog souligne une augmentation d’une réponse lymphocytaire B spécifique, en réponse au transfert passif d’anticorps anti-VIH dans un modèle de primate non humain [ 37]. Dans un modèle de rétrovirus murin FrCas, Michaud et al. observent une protection liée à l’induction d’une réponse B et T à long terme, après le transfert passif d’anticorps neutralisants [ 38]. Ce type de mécanisme de stimulation de la réponse adaptative par des anticorps a également été proposé précédemment dans le domaine du cancer [ 39, 43]. Ces études attribuent aux anticorps une fonction supplémentaire « d’immunogène » qui induirait une réponse primaire, puis mémoire, plus efficace qu’une particule virale libre ou qu’une cellule infectée. Les Ac participeraient ainsi à la mise en place d’une réponse adaptative, ouvrant la voie vers de nouveaux champs d’application.

Conclusion

Près de 30 ans après la découverte du VIH, de nombreux concepts vaccinaux ont été testés et les premiers résultats de protection partielle viennent tout juste d’être démontrés. Le rôle des anticorps dans la protection contre le VIH est indéniable, et cette protection est composée d’un ensemble complexe de mécanismes faisant intervenir différents types d’anticorps, de récepteurs, de cellules effectrices, mais aussi le déclenchement d’autres composants du système immunitaire inné, adaptatif et mémoire. Nos connaissances acquises dans les domaines de l’infection et de la réponse immune antivirale nous permettent à présent de proposer de nouvelles voies à explorer dans l’espoir de développer une réponse antivirale forte et complète, nécessaire au développement d’un vaccin prophylactique efficace contre le VIH.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
 
Anticorps neutralisant (AcN) anticorps ayant la capacité d’inhiber in vitro la réplication virale dans une cellule cible et ceci en l’absence d’autres composants comme les récepteurs Fc, le complément ou des cellules effectrices. La reconnaissance d’une particule virale par la région Fab d’un anticorps neutralisant inhibe la réplication du virus en empêchant des évènements précoces comme la fixation ou la fusion virus/cellule hôte.
Anticorps non neutralisant inhibiteur (AcNoNI) anticorps dépourvu d’activité neutralisante, mais ayant la capacité d’inhiber la réplication virale par l’intermédiaire d’autres composants, tels que les récepteurs Fc, le complément ou des cellules effectrices. Un tel anticorps reconnaît la particule virale (ou une cellule infectée) via sa région Fab, mais l’activité inhibitrice est dépendante de mécanismes liés à sa région Fc.
Gp120 glycoprotéine de surface de 120 kDa exprimée par le VIH, constituée de cinq épitopes variables (V1, V2, V3, V4 et V5). Les boucles V1 et V2, très flexibles, masquent le site de fixation au récepteur CD4. De nombreux anticorps anti-VIH sont dirigés contre la gp120. Cependant, l’hypervariabilité de cette protéine permet d’échapper à la réponse humorale spécifique.
Récepteurs Fc (RFc) récepteurs exprimés à la surface des diverses cellules du système immunitaire (neutrophiles, macrophages, cellules dendritiques) capables de fixer la région Fc des anticorps. Les RFc se distinguent par leur affinité pour les différents types d’immunoglobulines (RFcγI, II ou III pour les IgG, RFcα pour les IgA, etc.) et leurs différentes sous-classes (IgG1, IgG2, etc.). La fixation d’un anticorps à un RFc déclenche une cascade de signaux intracellulaires conduisant à l’activation de la cellule effectrice.
Vaccination prime-boost (littéralement amorce-rappel) stratégie de vaccination qui permet de présenter des sites antigéniques sous des formes différentes par différents vecteurs et de façon séquentielle. Ce mode de vaccination permet de stimuler de manière successive les différents bras de la réponse immune (humorale et cellulaire).
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