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Med Sci (Paris). 2014 May; 30(5): 537–543.
Published online 2014 June 13. doi: 10.1051/medsci/20143005017.

Les récepteurs de nectines/nectines-like DNAM-1 et CRTAM
Immuno-surveillance ou échappement tumoral ?

Véronique Catros,1,2* Benoit Dessarthe,1 Aurélie Thedrez,1 and Olivier Toutirais3

1Inserm UMR U991, Foie, Métabolismes et Cancer, 35033Rennes, France
2Site biologie cellulaire du CRB (centre de ressources biologiques) santé de Rennes, centre hospitalier universitaire de Rennes, 35033Rennes, France
3Inserm U919, GIP (groupe d’intérêt public) Cyceron, université de Caen Basse-Normandie, 14074Caen, France
Corresponding author.
 

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Les nectines/nectines-like et leurs ligands

Les nectines et nectines-like (Necl) sont des molécules dont le nom vient du terme latin necto qui signifie connecter. Elles appartiennent à la superfamille des immunoglobulines (Ig) et ont été initialement décrites pour leur rôle dans les processus d’adhérence indépendants du Ca2+ [ 1]. Ce sont des partenaires importants de la formation des jonctions cellulaires dans les tissus épithéliaux et elles participent également à la polarité cellulaire [ 2]. Leurs rôles dans la migration cellulaire, l’inhibition de contact, puis la prolifération et la différenciation ont été décrits secondairement. Récemment, la corrélation entre leur surexpression dans les tumeurs ou, au contraire, la perte de leur expression, et le pronostic de ces tumeurs en ont fait des candidates potentielles au titre de biomarqueurs de tumeurs [1].

Historiquement, PVR (poliovirus receptor) (CD155), aujourd’hui dénommée nectine-like 5 (Necl-5), est la première molécule de la famille des nectines/nectines-like à avoir été caractérisée : c’est le récepteur d’entrée du poliovirus humain. Nectine-1 et nectine-2 ont été les premières nectines isolées, et leur rôle de récepteur dans l’internalisation des virus herpes simplex 1 et 2 a ensuite été démontré.

Actuellement, quatre nectines (nectine-1 à -4) et cinq molécules apparentées aux nectines (Necl-1 à -5) ont été identifiées. Leur nomenclature est compliquée du fait que chaque nectine/nectine-like possède plusieurs appellations (voir pour revue [2]). Par exemple, nectine-1 est parfois appelée PRR1 (poliovirus receptor-related protein) ou HVEC (herpes virus entry mediator C). Il faut noter que nectine-4, aussi appelée PVLR4 (poliovirus-receptor-like 4), est également un des récepteurs d’entrée du virus de la rougeole [ 3]. Pour Necl-2, plusieurs appellations existent selon la situation biologique dans laquelle son expression a été recherchée : TSLC1 (tumor suppressor in lung cancer 1), IGSF4 (immunoglobulin superfamily member 4), Ra175, SglGSF (spermatogenic immunoglobulin superfamily), ou SynCAM1 (synaptic cell adhesion molecule 1).

Toutes ces molécules ont une structure similaire (Figure 1A). Les trois domaines de type Ig-like de la portion extracellulaire - un de type V et deux de type C2 - sont responsables des interactions homophiliques et hétérophiliques des nectines/nectines-like entre elles ou avec leurs ligands, ainsi que de leur dimérisation (Figure 1B). La portion intracytoplasmique possède des motifs conservés qui permettent l’interaction indirecte avec le cytosquelette via des protéines adaptatrices. Dans le cas des nectines, l’interaction avec l’actine se fait par l’intermédiaire de la protéine afadine (filamentous [f]-actin-binding protein). Certaines nectines sont également capables de s’associer avec d’autres molécules cytoplasmiques, telles que PAR3 (partioning defective 3 homologue) ou PICK1 (protein interacting with PRKCA1) (pour revue voir [ 4]). À la différence des nectines, les nectines-like ne lient pas l’afadine : elles interagissent avec l’actine via des protéines d’échafaudage de la famille des MAGuK (membrane-associated guanylate kinase) ou des protéines de la famille de la bande 4.11.

Les nectines initient les jonctions adhérentes, puis coopèrent ensuite avec les cadhérines pour stabiliser ces jonctions. Les complexes nectine-afadine et cadhérine-caténine interagissent par le biais de protéines adaptatrices associées à leur domaine intracytoplasmique comprenant la ponsine, la vinculine, ADIP (afadin DIL domain-interacting protein) et LMO7 (Lim domain only protein 7). Ce sont ces complexes qui activent des voies de signalisation conduisant à la réorganisation du cytosquelette et à la migration cellulaire [2].

Les nectines et nectines-like se dimérisent à la surface d’une même cellule, et ces dimères peuvent former des interactions trans avec une cellule voisine (Figure 1B). Les interactions trans hétérophiliques sont plus fortes que les interactions trans homophiliques. Cela a été bien décrit, notamment pour les liaisons entre nectine-1 et nectine-3 dans les jonctions synaptiques du système nerveux, ou encore entre nectine-2 et nectine-3 dans la spermiogenèse [1].

D’autres molécules appartenant également à la superfamille des immunoglobulines sont impliquées dans des interactions hétérophiliques en trans avec les nectines et les nectines-like. Il s’agit des molécules DNAM-1 (DNAX accessory molecule-1 ou CD226), CRTAM (class-I restricted T cell-associated molecule ou CD355), tactile (CD96) et TIGIT (T-cell immunoreceptor with Ig and ITIM domains aussi appelée WUCAM, VSTM3 [V-set and transmembrane domain-containing protein 3], ou VSIG9) [ 5]. Les interactions trans hétérophiliques constituent de véritables couples récepteur-ligand. Les molécules DNAM-1 ou CRTAM, exprimées par certains leucocytes, interviennent de cette manière dans des fonctions immunitaires : le couple DNAM-1/Necl-5 participe à la diapédèse des monocytes et le couple CRTAM/Necl-2 joue un rôle dans la rétention des lymphocytes T au niveau des aires ganglionnaires. Comme nous le décrirons plus loin, ces interactions jouent également un rôle majeur dans l’immunosurveillance des cancers en établissant des interactions entre les lymphocytes effecteurs et leurs cellules cibles [ 6].

Rôle des nectines/nectines-like dans le développement tumoral 

Une perte d’expression de Necl-1, de Necl-2 ou de Necl-4 ou, au contraire, une surexpression de nectine-4, de Necl-2 ou de Necl-5 ont été rapportées dans différents types histologiques de cancers : carcinomes, gliomes, tumeurs hématopoïétiques ou nerveuses. Un rôle direct de ces molécules a été démontré dans plusieurs étapes impliquées dans la carcinogenèse comme la prolifération, la migration et la dissémination métastatique, conduisant à les considérer comme de véritables biomarqueurs de tumeur et des cibles thérapeutiques potentielles.

Par exemple, nectine-4, qui est surexprimée dans les cancers du sein, de l’ovaire et des poumons, peut être considérée comme une cible pour le développement d’anticorps monoclonaux thérapeutiques [ 7]. Le fait que cette nectine soit également un des récepteurs du virus de la rougeole en fait une protéine clé pour le développement de nouveaux traitements anticancéreux par virothérapie oncolytique [ 8].

Necl-1, Necl-2 et Necl-4 sont reconnus comme des gènes suppresseurs de tumeur. La perte d’expression de Necl-1 induit la tumorigenèse dans des modèles cellulaires de carcinome colique ou de gliome humain. Le terme de TSLC1 (tumor suppressor in lung cancer 1) pour désigner Necl-2 vient de sa participation à un complexe moléculaire à fonction inhibitrice de croissance dans les adénocarcinomes pulmonaires de type NSCLC (non-small-cell lung carcinoma). Ce complexe y est sous-exprimé, et sa ré-expression expérimentale supprime la croissance tumorale [ 9]. La molécule Necl-2 est codée par le gène TSLC1 dont la méthylation des sites CpG de son promoteur est fortement corrélée à sa perte d’expression dans les formes évoluées de NSCLC, de cancers de l’œsophage, ainsi que dans d’autres types de tumeurs [ 10].

Toutefois, à côté du rôle suppresseur de tumeur bien caractérisé pour Necl-2, des effets pro-oncogéniques ont été rapportés [ 11]. Le gène TSLC1 est surexprimé dans les leucémies aiguës de l’adulte, mais aussi dans certains mésothéliomes où il participe à l’invasivité tumorale [ 12]. Il en va de même pour nectine-4 dont la portion extracellulaire peut être clivée, libérant une forme soluble. L’augmentation du taux sérique de nectine-4 chez les patientes atteintes de carcinome mammaire constitue un véritable marqueur pronostic de la maladie [ 13].

L’observation du double rôle de Necl-2, à la fois suppresseur de tumeur dans certains types de cancers et pro-oncogénique dans d’autres, pourrait en partie s’expliquer par un effet orchestré par les cellules de l’immunité. En effet, plusieurs types cellulaires - cellules présentatrices d’antigènes, effectrices ou immunorégulatrices - participent au contrôle du développement tumoral2 [ 14]. Ces cellules sont présentes dans le microenvironnement de la tumeur qui exprime ou non les nectines. Nous verrons plus loin comment les nectines et nectines-like modulent l’activité des cellules effectrices de la réponse immunitaire [5].

Rôle des protéines nectines/nectine-like dans la défense immunitaire antitumorale
Les principales cellules effectrices de la défense immunitaire antitumorale
Les lymphocytes Tαβ sont les cellules effectrices de la réponse immunitaire adaptative. Les lymphocytes T CD8 (lymphocytes T cytotoxiques ou CTL) sont dotés d’un récepteur T (TCR) qui leur permet de reconnaître et de lyser des cellules de l’hôte exprimant des antigènes tumoraux présentés sous forme de peptides par les molécules HLA de classe I [ 15].

Les cellules NK (natural killer) sont des cellules effectrices de l’immunité innée dont l’activité cytotoxique dépend de l’engagement de récepteurs NK (NKR) de type inhibiteur ou activateur [ 16]. Les récepteurs inhibiteurs suppriment l’activation cytotoxique en se liant, par exemple, aux molécules HLA de classe I. À l’inverse, les récepteurs activateurs déclenchent la cytotoxicité en interagissant avec des ligands de stress présents à la surface des cellules cibles. L’activation finale de la cellule NK résulte de la balance entre les signaux inhibiteurs et activateurs transmis par ces récepteurs. Un NKR activateur bien connu est NKG2D (natural killer group 2D). Son interaction avec les ligands MICA/B (MHC-class I-related chain A and B) et ULBP (UL16-binding protein) exprimés par les cellules tumorales renforce la capacité cytotoxique ou de sécrétion de cytokines des cellules NK.

Les autres effecteurs de l’immunité antitumorale sont les cellules NKT et les lymphocytes Tγδ qui présentent à la fois un TCR et des NKR (Figure 2). Les Tγδ possèdent un TCR qui résulte de recombinaisons de gènes codant pour leurs chaines γ et δ, et dont l’arrangement leur confère une spécificité de reconnaissance pour des antigènes très conservés au cours de l’évolution des espèces [ 17]. Selon le sous-type de Tγδ, la reconnaissance peut entraîner l’élimination spécifique de cellules présentant des antigènes infectieux, ou bien des antigènes du soi dérégulés ou stressés [ 18]. Ils interviennent dans des réponses immunitaires innate-like, dites de l’immunité transitionnelle, de cinétique et de localisation anatomique particulières selon le sous-type de Tγδ.

Chez l’homme, la sous-population particulière de Tγδ, TVγ9Vδ2, présente un intérêt majeur car elle reconnaît des molécules appelées phosphoantigènes (PAg) à la surface des cellules tumorales. Les PAg résultent de la voie du métabolisme des isoprénoïdes, une voie qui est surexprimée par les cellules cancéreuses et qui peut être amplifiée par un traitement par des aminobisphosphonates [17]. La présentation des PAg n’est pas restreinte par les molécules HLA de classe I [ 19], mais dépend de la formation d’un complexe avec des molécules de butyrophyline 3A1 [ 20]. Une synapse immunologique se forme grâce aux interactions qui s’établissent entre le TCR et les NKR de la cellule effectrice et leurs ligands respectifs exprimés par la cellule cible (Figure 3). Les TVγ9Vδ2 ont une capacité mémoire et possèdent une puissante capacité cytolytique vis-à-vis d’un large panel de type histologique de tumeurs sans affecter les cellules saines [ 21]. Elles produisent des cytokines, telles que le TNFα (tumor necrosis factor α) et l’IFNγ (interféron γ), impliquées dans le développement de la réponse immunitaire adaptative. Elles participent également à l’efficacité des chimiothérapies immunogènes du cancer. Par exemple, la survie sans récidive de patients traités par chimiothérapie conventionnelle est corrélée à la fréquence des TVγ9Vδ2 dans leur sang périphérique [ 22]. Les propriétés antitumorales des TVγ9Vδ2 en font des cellules dont la pharmacomodulation suscite beaucoup d’espoirs pour une immunothérapie des tumeurs [ 23].

DNAM-1 et CRTAM sont des récepteurs impliqués dans l’immunité antitumorale
Les récepteurs DNAM-1, CRTAM, CD96 et TIGIT forment un sous-groupe de NKR qui sont exprimés à la fois sur les cellules NK et les T CD8. Ils modulent leur activité effectrice dans des situations immunologiques spécifiques. De manière étonnante, DNAM-1 et TIGIT peuvent contrôler la fonction effectrice des TCD8 par des mécanismes analogues à ceux qui interviennent dans les interactions entre les molécules de costimulation CD28 ou CTLA-4 (cytotoxic T-lymphocyte antigen 4) et leurs ligands CD80 ou CD86 [5].

DNAM-1 et CRTAM sont des immunoglobulines possédant une structure similaire. Elles contiennent un domaine extracellulaire à deux boucles et un domaine intracellulaire capable de se lier à un motif PDZ (Figure 1). Par leur fonction d’adhérence, elles participent à l’interaction des cellules NK avec les cellules tumorales [6]. Ces NKR sont également présents à la surface des cellules de l’immunité transitionnelle que sont les lymphocytes Tγδ.

La molécule DNAM-1 est constitutivement exprimée par les cellules NK humaines [6] et les lymphocytes TVγ9Vδ2 [ 24]. Elle interagit avec nectine-2 et Necl-5, et favorise ainsi la fonction cytolytique des cellules NK [ 25, 26] (Figure 3). Pour les lymphocytes TVγ9Vδ2, des expériences menées sur des lignées d’hépatocarcinome ont révélé que l’engagement de DNAM-1 avec Necl-5 (mais pas avec nectine-2) participe aussi à leur capacité de reconnaissance et de lyse des cellules tumorales. L’engagement conjoint de DNAM-1 et de NKG2D potentialise la capacité lytique de ces cellules effectrices [24].

À la différence de DNAM-1, la molécule CRTAM ne s’exprime à la surface des lymphocytes T CD8, NK, NKT et TVγ9Vδ2 qu’après leur activation. Son expression est précoce et transitoire pour les T CD8 et les NK, mais plus tardive pour les TVγ9Vδ2 [ 27]. L’interaction de CRTAM avec son ligand Necl-2 a des conséquences différentes selon la cellule effectrice considérée. Par exemple, elle joue un rôle essentiel dans la rétention des T CD8 dans les ganglions en se liant à Necl-2 et favorise leurs interactions avec les cellules dendritiques [5]. Elle facilite la polarisation des T CD4 et joue un rôle dans la production d’IFNγ par les T CD8. Elle augmente la capacité cytotoxique des cellules NK et, de ce fait, facilite l’immunosurveillance des tumeurs exprimant Necl-2 [ 28]. En conséquence, chez la souris, des cellules tumorales qui expriment Necl-2 sont plus massivement rejetées par un mécanisme relayé par les NK que des cellules n’exprimant pas Necl-2 [28].

Pour les TVγ9Vδ2, l’expression de CRTAM peut être induite par une stimulation par des anticorps anti-CD3, mais aussi par une stimulation spécifique par des PAg ou encore par des cellules tumorales traitées par des aminobisphosphonates [27]. Mais, à la différence de ce qui est observé avec les cellules NK, la présence de CRTAM n’augmente ni la capacité cytotoxique, ni la production d’IFNγ des cellules TVγ9Vδ2 [27].

Des lymphocytes cytotoxiques meurent de reconnaître des nectines-like
Récemment, nous avons démontré à l’aide de cellules tumorales exprimant Necl-2, naturellement ou après transduction, que l’engagement de CRTAM avec Necl-2 contrôlait la survie des lymphocytes TVγ9Vδ2 activés [27]. Cet effet n’est pas observé avec les cellules NK ou les T CD8 (Figure 4).

Le contact entre les lymphocytes TVγ9Vδ2 CRTAM+ et les cellules tumorales Necl-2+ conduit à augmenter le nombre de lymphocytes engagés dans un processus de mort cellulaire. Cette mort cellulaire est inhibée en empêchant l’interaction CRTAM/Necl-2 à l’aide d’une molécule recombinante CRTAM soluble. De la même manière, l’engagement de CRTAM à l’aide d’anticorps spécifiques suffit à induire le processus de mort cellulaire, suggérant que CRTAM induit le signal de mort [27].

Pour préciser le mécanisme en jeu dans ce phénomène, les trois principaux types de mort cellulaire programmée ont été étudiés à l’aide d’inhibiteurs spécifiques : l’apoptose, la mort autophagique et la nécrose régulée ou nécroptose (Figure 4) [ 29]. Le blocage de l’apoptose ou de la nécroptose n’a aucun effet sur la mort cellulaire observée. En revanche, les inhibiteurs de l’autophagie, la wortmannine et la bafilomycine, réduisent considérablement la mort des lymphocytes TVγ9Vδ2 induite par l’interaction CRTAM/Necl-2. Notre groupe a également montré que l’interaction de CRTAM avec son ligand Necl-2 est associée à une augmentation des marqueurs de l’autophagie dans les TVγ9Vδ2 : induction de l’expression de la molécule LC3 (light chain protein 3) et augmentation du nombre de vacuoles acides [27]. Bien que l’autophagie ait longtemps été considérée comme une stratégie de survie à des stress cellulaires (comme le manque de nutriments par exemple), il est apparu récemment qu’elle peut aussi être un mécanisme de mort cellulaire [29]. Dans ce cas, l’inhibition des voies autophagiques réduit la mortalité de ces cellules. La mort autophagique de lymphocytes induite par l’interaction CRTAM-Necl2 est un mécanisme d’élimination d’une cellule effectrice immunitaire qui n’avait encore jamais été décrit en dehors de leur infection par un virus [ 30].

Nectine-like 2 : une cible pour une immunothérapie Tγδ efficace
De nombreux travaux, tant expérimentaux que cliniques, justifient de développer des stratégies d’immunothérapie des tumeurs basées sur l’activation et l’amplification des lymphocytes Tγδ [ 31, 32]. Ces stratégies ne s’avèreront pleinement efficaces que si l’immunosuppression locale ou générale induite par la tumeur est inhibée conjointement [ 33, 34]. Récemment, des résultats prometteurs ont été obtenus dans plusieurs essais cliniques ciblant des étapes clés de l’immunité adaptative à l’aide d’anticorps monoclonaux anti-CTLA-4 et/ou anti-PD-1 [ 35]. De telles stratégies de blocage pourraient être envisagées avec des anticorps thérapeutiques dirigés contre Necl-2.

L’interaction CRTAM/Necl-2 a des conséquences opposées sur l’immunité antitumorale : d’un côté, elle amplifie l’activité cytotoxique des NK et la sécrétion d’IFNγ des T CD8 et, de l’autre côté, elle induit la mort des lymphocytes TVγ9Vδ2. L’expression de Necl-2 serait un mécanisme de contre-attaque de la cellule tumorale qui lui permettrait d’échapper à la défense immunitaire de toute première ligne exercée par les lymphocytes TVγ9Vδ2.

Il apparaît donc important d’analyser l’expression de Necl-2 dans les tumeurs avant d’envisager une immunothérapie. Necl-2, déjà marqueur moléculaire de mauvais pronostic dans certaines leucémies, pourrait se révéler être un marqueur histologique de mauvais pronostic lorsqu’on envisage l’immunothérapie d’une tumeur solide par transfert adoptif de lymphocytes TVγ9Vδ2. Ce nouvel éclairage du rôle de Necl-2 sur l’immunité justifie que de nouvelles études soient menées sur les cellules immunitaires infiltrant la tumeur. Ces études permettront, peut être, de réinterpréter la dualité de Necl-2, facteur de bon pronostic dans les tumeurs bronchiques ou de mauvais pronostic dans d’autres types de tumeur. S’agit-il de tumeurs infiltrées plutôt par des NK ou plutôt par des Tγδ (Figure 5) ?

Dans le cas de patients porteurs de tumeur Necl-2+, les stratégies d’immunothérapie reposant sur les lymphocytes TVγ9Vδ2 devront être couplées avec des antagonistes et/ou des inhibiteurs de l’expression de Necl-2. Des anticorps thérapeutiques anti-Necl-2 peuvent être développés. À l’inverse, des stratégies basées sur l’amplification des cellules NK seront à privilégier dans un environnement tumoral exprimant Necl-2.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Merci à Jean-Jacques Fournié (UMR 1037, centre de recherche en cancérologie de Toulouse) pour ses précieux conseils. Les données publiées par notre groupe ont été obtenues grâce à des financements de la Ligue contre le cancer, de la région Bretagne et de l’INCA (PL2008-034). Les auteurs remercient le centre de ressources biologiques (CRB)-santé de Rennes (http://www.crbsante-rennes.com) pour son aide à la préparation des échantillons de patients.

 
Footnotes
1 La protéine 4.1 (anciennement bande 4.1) est un composant du système membranaire du globule rouge, assurant l’ancrage du réseau d’actine et de spectrine à la membrane. ll existe de nombreuses isoformes de 4.1 et plusieurs protéines issues de gènes très homologues.
2 Voir à ce propos le numéro thématique publié par m/s en avril 2014 (n° 4, vol. 30) « Microenvironnements tumoraux : conflictuels et complémentaires ».
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