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Med Sci (Paris). 2014 December; 30(12): 1187.
Published online 2014 December 24. doi: 10.1051/medsci/20143012024.

Naissance d’une politique de la génétique

Marie Gaille1*

1SPHERE CNRS-Université Paris Diderot, UMR 7219, bâtiment Condorcet, case 7093, 5, rue Thomas Mann, 75205Paris Cedex 13, France
Corresponding author.
 

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Tout commence il y a de cela une cinquantaine d’années, lorsque le médecin américain Robert Guthrie mit au point une technique de prélèvement d’échantillons sanguins sur du papier filtre pour déceler chez les nouveau-nés une maladie génétique rare, la phénylcétonurie, source de retard mental. En 2013, ce sont plusieurs dizaines de maladies qui peuvent être identifiées, d’autant plus facilement depuis la mise au point de méthodes rapides de séquençage de l’ADN. Les cadres législatifs des différents pays où ces techniques de prélèvement sont employées les autorisent et en régulent l’usage de façon très hétérogène.

À partir de ce contexte de départ et de son évolution ces dernières décennies, Joëlle Vailly propose une contribution significative à la connaissance et à la compréhension des tests génétiques appliqués aux nouveau-nés [1, 2]. Formée dans une seconde carrière à l’anthropologie sociale, elle a pu s’appuyer sur son premier métier, chercheuse en biologie moléculaire et en génétique, pour rendre compte de l’émergence d’une politique nationale de test génétique pratiqué au moment de la naissance et de ses fondements scientifiques - en termes de connaissance et de modalité légitime de la preuve médicale.

Tout en s’intéressant de près à certains contextes nationaux, notamment français, britannique et américain, et en faisant l’effort d’une double publication, en français et en anglais - la traduction dans la langue de Shakespeare n’étant pas la reproduction à l’identique du livre français initial -, elle fait bénéficier son lecteur des éclairages suscités par l’étude comparative. En outre, elle s’efforce d’établir des ponts entre les sciences sociales française et anglo-saxonne, sans tomber dans le mythe de contextes nationaux fermés sur eux-mêmes. Bien au contraire, connaissances et arguments circulent rapidement entre ces contextes, de sorte que leur migration et leurs effets respectifs dans différents espaces sont aussi des objets d’étude.

De large ampleur de vue, l’analyse de J. Vailly n’en est pas moins minutieuse, et c’est du travail de détail, ethnographique, qu’elle puise en partie sa force, en se concentrant sur la pratique française de test génétique destinée à identifier les nouveau-nés atteints de la mucoviscidose (cystic fibrosis) dans les années 2000. Sa pertinence tient également au cadre théorique dans lequel cette analyse est menée, qui combine l’examen des connaissances scientifiques étayant cette pratique et celui de son cadre politique, social, légal. Plus précisément, elle se situe au croisement de ces deux éléments, utilisant pour la pensée de M. Foucault comme une « boîte à outils » pour rendre compte de leur interface. Ce faisant, elle rencontre une tendance forte de la bioéthique actuelle, plus prompte qu’auparavant à explorer la dimension politique des pratiques de soin et de la recherche biomédicale.

Finalement, sans imposer au lecteur son propre jugement, elle éclaire les enjeux moraux propres à ces pratiques de test génétique et propose de précieux matériaux de réflexion sur la vie qui vaut d’être vécue, la vie dans la maladie, l’idée de qualité de vie, les catégories de normalité et d’anormalité.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Vailly J. The birth of a genetics policy. Social issues of newborn screening . Traduction L. Garnier. Surrey: Ashgate Publishing Limited; , 2013 : :258. p.
2.
Vailly J. Naissance d’une politique de la génétique. Dépistage, biomédecine, enjeux sociaux . Paris: : PUF; , 2011 : :272. p.