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Med Sci (Paris). 2015 January; 31(1): 75–83.
Published online 2015 February 6. doi: 10.1051/medsci/20153101016.

Les protéines de la famille TSC-22D
De nouveaux régulateurs de l’homéostasie cellulaire ?

Aurélie Pépin,1 Armelle Biola-Vidamment,1 Perle Latré de Laté,1 Marie-Alix Espinasse,1 Véronique Godot,2 and Marc Pallardy1*

1Université Paris-Sud, Inserm UMR 996, faculté de pharmacie, 5, rue Jean-Baptiste Clément, 92290Châtenay-Malabry, France
2Inserm UMR 955, faculté de médecine, 51, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94010Créteil, France
Corresponding author.
 

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Les protéines GILZ (glucocorticoid-induced leucine zipper) et TSC-22 (transforming growth factor-β [TGF-β]-stimulated clone-22), dont l’expression est induite essentiellement par les glucocorticoïdes (GC) et/ou le TGF-β, ont été particulièrement caractérisées dans les cellules hématopoïétiques [1, 2]. GILZ et TSC-22 appartiennent à la famille des protéines TSC-22D (TSC-22 domain), comprenant 16 autres membres, dont une caractéristique commune est de posséder les domaines très conservés leucine zipper (LZ) et TSC-box. Ainsi, plusieurs membres de cette famille peuvent interagir via une homo- ou une hétérodimérisation, qui se sont révélées, dans certains cas, indispensables à leur activité.

GILZ apparaît comme un des acteurs majeurs de la réponse anti-inflammatoire, au moins en partie, en relayant les effets des glucocorticoïdes. TSC-22 et GILZ contrôlent aussi l’apoptose et la prolifération cellulaire. Ces fonctions, et leur expression dans les cellules hématopoïétiques, suggèrent un rôle probable de ces protéines dans les maladies inflammatoires et tumorales.

Structure des protéines de la famille TSC-22D

Chez les mammifères, les 18 protéines TSC-22D sont issues de l’épissage alternatif de quatre gènes, TSC-22D1-4, localisés sur des chromosomes différents (Tableau I) [3]. Dans la classification proposée par Fiol et al. [3], les transcrits issus de chaque gène sont numérotés selon leur taille (Tableau I). Nous avons ajouté à cette classification les transcrits décrits lors d’études plus récentes [46]. Pour la plupart, les isoformes protéiques, identifiées par analyse informatique ou par des expériences de double hybride, sont peu caractérisées (Tableau II) [3, 5]. Des orthologues de TSC-22, Bun/Dip/Shortsighted, ont été décrits chez la drosophile, ce qui démontre la conservation de ces protéines au cours de l’évolution [5].

Le gène TSC-22D1, localisé sur le chromosome 13 chez l’homme, code pour la protéine TSC-22 ou TSC-22D1-2, composée de 144 acides aminés (aa), ainsi que pour une isoforme de taille supérieure, TSC-22D1-1 [3]. La protéine GILZ humaine est composée de 134 aa ; elle est codée par le gène TSC-22D3 localisé sur le chromosome X et possède 78 % d’homologie avec TSC-22D1-2 dans sa partie codante [3]. Le gène TSC-22D3 code également pour trois autres isoformes (TSC-22D3-1, TSC-22D3-3 et TSC-22D3-4) présentes dans les cellules rénales murines, ainsi que pour un transcrit de taille supérieure nommé L-GILZ (long-GILZ) (Tableau I) [36]. La protéine THG-1 (TSC22 homologue gene 1) humaine, produit du gène TSC-22D4, est composée de 395 aa, et sa séquence comporte 75 % d’homologie avec celle de TSC-22 et 67 % avec celle de GILZ (Figure 1A) [7].

Ces protéines, à l’exception de TSC-22D3-4 et TSC-22D4-2, possèdent toutes le domaine TSC-22, qui est composé de la TSC-box et du domaine leucine zipper, ainsi qu’une région riche en prolines et en acides glutamiques en position carboxy-terminale (Figure 1A) [5]. Ces protéines s’associent par la région LZ, sous forme d’homo- ou d’hétérodimères. Ainsi, GILZ, TSC-22 et THG-1 s’homodimérisent [7, 8]. La mutation des quatre résidus leucine en position 76, 83, 90 et 97 dans le domaine LZ de GILZ invalide sa dimérisation [8], alors que seuls les résidus leucine en position 91 et 97 dans le domaine LZ de TSC-22 sont indispensables à son homodimérisation [9]. THG-1 s’hétérodimérise avec TSC-22 [7] ou avec son isoforme TSC-22D1-1 (Figure 1B). La possibilité d’une hétérodimérisation entre d’autres protéines TSC-22D n’est pas à exclure, même si elle n’a pas encore été explorée.

GILZ et TSC-22 interagissent également physiquement et fonctionnellement avec des protéines n’appartenant pas à la famille TSC-22D (Figure 1B), ce qui constitue un mode d’interférence majeur de ces protéines avec les voies de signalisation, rappelant les effets trans-répressionnels du récepteur des glucocorticoïdes (GR). Ainsi, TSC-22, via les régions LZ et TSC-box, se lie à la protéine antiapoptotique fortiline dans les cellules de carcinome ovarien humain SKOV-3 [10]. Le domaine amino-terminal de TSC-22 interagit avec le récepteur de type I du TGF-β (TGFbRI) et la protéine SMAD7 (mothers against decapentaplegic homolog 7) dans les cellules de rein embryonnaire humain HEK29 [11]. GILZ interagit, d’une part avec la petite protéine G Ras, via son domaine TSC-box et, d’autre part, avec l’effecteur Raf, via son domaine amino-terminal, pour former un complexe ternaire dans les cellules COS-7 [8]. Par ailleurs, GILZ se lie à divers facteurs de transcription, et inhibe leurs activités (Figure 1B). Ainsi, le domaine amino-terminal de GILZ interagit avec les sous-unités c-Fos et c-Jun du facteur de transcription AP-1 (activator protein-1) [12], tandis que le domaine carboxy-terminal de GILZ assure sa liaison à la sous-unité p65 du facteur de transcription NF-kB [8]. Récemment, une interaction directe entre GILZ et SMAD2 été décrite dans les lymphocytes T (LT) [13].

Enfin, une séquence fonctionnelle NES (nuclear export signal) a été identifiée dans la région amino-terminale de TSC-22, expliquant sa localisation cytoplasmique [14]. TSC-22 migre dans le noyau lors de l’apoptose ou après activation de la voie Ras/Raf [14, 15]. Notre équipe a mis en évidence la localisation cytoplasmique de GILZ dans des cellules hématopoïétiques, et identifié une séquence NES (nuclear export signal) dans sa région amino-terminale, sans toutefois que la fonctionnalité de cette séquence n’ait été formellement démontrée [16].

Régulation de l’expression des protéines TSC-22D

Les protéines TSC-22 et GILZ sont exprimées dans de nombreux tissus humains et murins. GILZ est présente chez l’homme dans le muscle squelettique, le cerveau, le cœur, les poumons, les reins et la rate [8]. GILZ a également été détectée chez la souris dans la rate, le foie, la moelle osseuse, les poumons, les ganglions lymphatiques et le thymus [1]. L’ARNm de TSC-22 a été détecté chez l’homme dans les poumons, le cœur, le cerveau, les reins, le placenta, le thymus, la prostate, les ovaires, l’intestin grêle et le côlon, mais il est très faiblement exprimé dans le foie, le pancréas, la rate et les leucocytes du sang périphérique [17]. Les transcrits GILZ et TSC-22 sont exprimés dans les mêmes tissus humains adultes et fœtaux (A. Pépin, et al., résultats non publiés).

L’expression génique de GILZ est régulée par les glucocorticoïdes, des hormones et des cytokines. La dexaméthasone induit l’expression de GILZ dans les cellules hématopoïétiques, les myoblastes, les cellules épithéliales bronchiques et les cellules souches mésenchymateuses [1, 8, 12, 1820]. D’autres hormones régulent positivement l’expression de GILZ, comme l’aldostérone dans les cellules rénales ou les œstrogènes dans la lignée humaine d’adénocarcinome du sein MCF-7 [6, 8]. Les mécanismes régulant l’expression de GILZ lors des processus inflammatoires ne sont pas encore bien compris. Jusqu’à présent, il était admis que l’expression génique de GILZ était induite par différents signaux anti-inflammatoires, comme les glucocorticoïdes, mais aussi par les interleukines-4 (IL-4), -13 et -10 dans les monocytes et les macrophages, l’IL-10 dans les mastocytes et les cellules dendritiques (DC) humaines dérivées de monocytes (MoDC) [8, 1921], ou par le TGF-β dans les MoDC. Inversement, il a été décrit que l’expression de GILZ était réprimée par des signaux pro-inflammatoires ou infectieux, comme dans les macrophages alvéolaires humains, en réponse à l’activation par le LPS (lipopolysaccharide) du récepteur Toll-like 4 (TLR4) [22]. Mais, les travaux de l’équipe d’Éric Morand ont suggéré que GILZ pouvait être exprimée dans des situations inflammatoires. En effet, dans un modèle murin d’arthrite induite par le collagène, ainsi que dans les synoviocytes de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) active, l’expression de GILZ est augmentée par des doses thérapeutiques de glucocorticoïdes. Mais elle croît aussi dans le synovium des patients en absence de glucocorticoïdes exogènes [23], ce qui présente, pour la première fois, GILZ comme une molécule anti-inflammatoire endogène. Enfin, l’expression de Gilz est induite par l’hypoxie dans les macrophages murins [24].

Le promoteur murin de Gilz a été cloné par notre équipe. Il comporte des GRE (GC responsive element) et des FHRE (forkhead responsive element) qui coopèrent pour la transactivation de ce promoteur [25]. Le facteur FOXO3 (forkhead box class O3), activé lors de la déprivation en IL-2 de la lignée de lymphocytes T murins CTLL-2, participe à la transcription de Gilz [25]. En présence d’IL-2, FOXO3 est phosphorylé et donc inactif, et l’expression de Gilz est réprimée [18]. Le promoteur de Gilz comporte aussi des sites potentiels de fixation pour les facteurs de transcription STAT6 (signal transducer and activator of transcription 6), NFAT (nuclear factor of activated T cell), OCT-1 (octamer binding transcription factor-1) et c-Myc [25]. Enfin, un mécanisme de régulation post-transcriptionnelle de Gilz a été décrit dans lequel l’activation par le LPS (lipopolysaccharide) déstabilise l’ARNm de Gilz dans la région 3’UTR (untranslated region), diminuant ainsi son expression [22].

Tsc-22 est régulé positivement par la dexaméthasone dans la lignée d’ostéoblastes murins MC3T3 E1 [2], bien qu’aucune séquence GRE n’ait été identifiée à ce jour dans le promoteur de Tsc-22 [2, 26]. Le TGF-β induit l’expression de Tsc-22 dans la lignée fibroblastique MC3T3 E1, les cellules mésangiales murines primaires et la lignée de kératinocytes humains HaCat [2, 27]. La régulation positive de l’expression de Tsc-22 peut impliquer un mécanisme post-transcriptionnel, puisque le TGF-β augmente la stabilité de l’ARNm de Tsc-22, en diminuant la liaison de la protéine Ybx1 (Y box binding protein 1) responsable de sa dégradation en 3’UTR, via un mécanisme impliquant le miARN-216a [26, 27]. L’expression de TSC-22 est aussi augmentée par l’activation de la voie Ras/Raf dans les lymphocytes pré-B murins Ba/F3 ou dans les fibroblastes murins NIH-3T3 qui surexpriment H-Ras. Cette régulation positive est inhibée par la présence de STAT5 activé [14].

Enfin, une hyperméthylation du promoteur de Tsc-22 inhibant la transcription du gène a été caractérisée dans des lignées de leucémies lymphoïdes murines (EL-4, L110, TK-1 et YAC-1) et dans la lignée P1.17 dérivée d’un plasmocytome murin [28]. Cette répression de l’expression de TSC-22 dans des tumeurs humaines de glande salivaire, de la prostate, du cerveau, ou dans des leucémies lymphoïdes T ou NK (natural killer) humaines [28, 29], suggère que l’expression de TSC-22 pourrait inhiber les processus de tumorigenèse.

Ces résultats montrent que l’expression des gènes codant pour les protéines GILZ et TSC-22 est régulée par de nombreux stimulus et par des mécanismes spécifiques de chaque type cellulaire, suggérant ainsi la multiplicité des fonctions de GILZ et TSC-22.

Régulation de l’homéostasie cellulaire par les protéines TSC-22D
Régulation de l’apoptose
GILZ et TSC-22 apparaissent comme des régulateurs majeurs de l’apoptose des cellules hématopoïétiques.
Apoptose des lymphocytes T matures L’apoptose des lymphocytes T (LT) matures permet de préserver l’homéostasie en réduisant le nombre de cellules en fin de réponse immunitaire. L’apoptose « active » (activation-induced cell death, AICD) est induite par une stimulation répétée du récepteur de l’antigène des LT [40]. L’activation de ces cellules induit l’expression à leur surface du ligand du récepteur de mort Fas (FasL), et l’IL-2 augmente cette expression. GILZ inhibe l’apoptose « active » (Figure 2) en régulant négativement la transcription de Fasl, de l’IL-2 et du gène codant pour la chaîne a de son récepteur (CD25) [8, 12]. L’apoptose « passive » est induite par la déprivation en cytokines : en l’absence d’une nouvelle stimulation par l’antigène, l’expression de l’IL-2 et de ses récepteurs diminue. Nous avons montré que GILZ retarde l’entrée en apoptose des LT murins CTLL-2 privés d’IL-2. En effet, GILZ réprime l’activité transcriptionnelle de FOXO3, s’opposant ainsi à la transcription de BIM (membre pro-apoptotique de la famille Bcl-2) et à l’apoptose des LT [16, 25] (Figure 2). Inversement, TSC-22 favorise l’apoptose de ces cellules (Figure 2) : sa surexpression diminue l’expression de GILZ induite lors de la déprivation en IL-2, résultant en une augmentation de l’expression de BIM (A. Pépin et al., résultats non publiés).

Apoptose des cellules tumorales Récemment, il a été montré que l’expression de GILZ induisait l’apoptose de cellules de leucémie myéloïde chronique [30, 40]. Dans ce contexte, GILZ interagit avec le complexe mTOR (mammalian target of rapamycin)-C2, inhibant la phosphorylation de la kinase Akt (protéine kinase B, PKB) et favorisant l’activation de FOXO3 et la transcription de BIM [30].

TSC-22 contrôle également l’apoptose de diverses cellules cancéreuses. Il augmente en effet l’apoptose de la lignée de carcinome gastrique HSC39 [31], et la sensibilité de la lignée TYS (issue d’une tumeur de glande salivaire humaine) vis-à-vis de trois anticancéreux (5-fluoro-uracile, cisplatine, péplomycine) et de l’irradiation [15]. Par ailleurs, dans les cellules SKOV-3, l’activité pro-apoptotique de TSC-22 est régulée par la fortiline, une protéine anti-apoptotique qui interagit avec TSC-22 via son domaine amino-terminal, entraînant sa dégradation rapide [10].

En résumé, GILZ et TSC-22 sont des régulateurs de l’apoptose, dont la fonction peut être pro- ou anti-apoptotique, selon le contexte et le type cellulaire.

Régulation de la prolifération cellulaire
Le rôle de TSC-22 TSC-22 inhibe la prolifération cellulaire de lignées hématopoïétiques ou issues de carcinomes en bloquant la progression du cycle cellulaire [14, 28]. Ainsi, dans la lignée de carcinome colique Moser S, TSC-22 induit la transcription du gène codant pour p21 (cyclin-dependent kinase inhibitor 1), bloquant ainsi les cellules en phase G0/G1 [9]. TSC-22 inhibe aussi la prolifération cellulaire induite par la voie de signalisation Ras/Raf, sans interagir avec Ras, comme décrit pour GILZ [14].
Le rôle de GILZ Plusieurs arguments expérimentaux font également de GILZ un inhibiteur de la prolifération cellulaire. D’une part, GILZ diminue la phosphorylation de la kinase Akt/PKB, réduisant ainsi l’expression de la cycline D1 et la phosphorylation de la protéine pRb (protéine du rétinoblastome), ce qui induit l’arrêt du cycle cellulaire dans les cellules NIH-3T3 ou les hybridomes T murins 3DO [8]. D’autre part, GILZ inhibe l’activation de la voie de signalisation ERK (extracellular-signal regulated kinase) dans ces mêmes cellules, en interagissant avec la petite protéine G Ras et la kinase Raf [8].

Toutefois, l’analyse de prélèvements de carcinomes ovariens humains a mis en évidence une corrélation entre l’expression de GILZ, celle du marqueur de prolifération Ki67 et la gravité de la tumeur [32], montrant à nouveau que les effets de GILZ dépendent étroitement du modèle cellulaire utilisé.

Régulation de l’inflammation par GILZ
Les propriétés anti-inflammatoires de GILZ ont été étudiées dans divers modèles murins d’inflammation (colique, pulmonaire, ou du système nerveux central), dans lesquels la surexpression de GILZ diminue la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, dont le TNF-a (tumor necrosis factor-a) et l’IL-1β, réduisant ainsi les dommages tissulaires [8, 33]. Dans ces modèles, la surexpression de GILZ est obtenue dans des souris transgéniques [8], par l’administration de la protéine de fusion TAT-GILZ [8], ou celle de glucocorticoïdes (Figure 3).

Cette action anti-inflammatoire de GILZ pourrait aussi s’exercer en pathologie humaine, comme le suggèrent des travaux récents dans la polyarthrite rhumatoïde (PR). Cette maladie auto-immune inflammatoire chronique est caractérisée par une forte production de TNF-a et d’IL-1-β. L’analyse de prélèvements de synovies de patients atteints de PR et de donneurs sains montre que GILZ est exprimée en quantité plus importante chez les patients [23]. Dans un modèle murin de polyarthrite, GILZ, dont l’expression est induite par l’administration de glucocorticoïdes, diminue la gravité de l’inflammation en régulant négativement la production des cytokines IL-1, IL-6 et TNF-α [23]. In vitro, GILZ diminue la production d’IL-6 et d’IL-8 par les synoviocytes stimulés par le LPS [23].

Récemment, une étude a démontré le rôle protecteur de GILZ dans un modèle murin d’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE), très utilisé pour étudier la physiopathologie de la sclérose en plaques humaine et pour tester de nouvelles approches thérapeutiques [34]. L’injection intrapéritonéale de la protéine GILZ murine recombinante, ou d’un peptide de GILZ correspondant aux 22 aa terminaux et capable de lier la sous-unité p65 de NF-kB, diminue la gravité de la pathologie [34].

L’ensemble de ces résultats documentent l’action anti-inflammatoire de GILZ. Au-delà, la littérature suggère également une action immunomodulatrice, en particulier par l’induction de lymphocytes T régulateurs via l’orientation du phénotype des cellules dendritiques en cellules dendritiques « tolérogènes ». En effet, GILZ augmente l’expression des molécules B7-H1/CD274 et ILT3/CD85k, ainsi que la production d’IL-10 – une cytokine immunosuppressive - dans les cellules dendritiques humaines [19]. Le phénotype de ces cellules dendritiques surexprimant GILZ leur permet d’orienter la différenciation des lymphocytes T CD4+ spécifiques de l’antigène en lymphocytes T régulateurs, caractérisés par l’expression du facteur FOXP3 (forkhead box P3) et de CD25, et par la production d’IL-10 [35] (Figure 3). À l’appui de ces observations, une plus faible expression de GILZ a été mesurée dans les cellules dendritiques de patients souffrant d’allergies respiratoires, et la restauration de l’expression de GILZ par les glucocorticoïdes augmente la capacité de ces cellules à induire ex vivo la différenciation de lymphocytes T régulateurs producteurs d’IL-10 et spécifiques de l’antigène [36]. De plus, dans les cellules dendritiques humaines dérivées de monocytes ou dans la lignée monocytaire THP-1, GILZ diminue l’expression des molécules de surface CD80 et CD86, impliquées dans la costimulation de lymphocytes T effecteurs [19, 21]. Enfin, plus récemment, l’expression de GILZ dans les lymphocytes T a été impliquée dans la production périphérique de lymphocytes T régulateurs [13]. En effet, en interagissant physiquement avec SMAD2 et contribuant ainsi à l’induction de l’expression de FOXP3, GILZ apparaît comme un médiateur essentiel de la coopération entre le TGF-β et les glucocorticoïdes dans la différenciation des lymphocytes T régulateurs [13].

Autres fonctions des protéines TSC-22D
Dans les cellules rénales, GILZ (dont l’expression est induite par l’aldostérone) module le transport du sodium par le canal ENaC (epithelial Na+channel) [68], via l’augmentation de son expression membranaire.

Enfin, l’établissement de lignées de souris déficientes en GILZ a montré que son rôle est indispensable dans la spermatogenèse [37]. En effet, les souris mâles knock-out pour GILZ sont stériles et présentent une sévère dysplasie des testicules avec une forte augmentation de l’apoptose cellulaire dans les tubules séminifères observée dès le 20e jour après la naissance [37]. L’absence de GILZ et L-GILZ chez les souris conduit à un défaut de spermatogenèse associé à une prolifération excessive des spermatogonies et à une hyperactivation de la voie Ras [38]. Le contrôle de la prolifération des spermatogonies a pu être spécifiquement restauré in vitro par l’administration d’une protéine de fusion TAT-L-GILZ, impliquant dans cet effet l’interaction protéine-protéine de la région amino-terminale de L-GILZ avec Ras [39].

Conclusion

Si GILZ, TSC-22, THG-1 et L-GILZ en sont les membres les plus étudiés, la famille des protéines TSC-22D est très vaste. Le fait qu’un stimulus puisse induire l’expression de plusieurs isoformes dans un même type cellulaire, et que celles-ci exercent les mêmes propriétés suggère fortement qu’elles puissent être redondantes, comme dans le cas de GILZ et L-GILZ. Si la plupart de ces protéines possèdent des structures homologues et sont exprimées dans la grande majorité des tissus, la complexité vient de la régulation très subtile de leur expression et de leurs fonctions en fonction du contexte cellulaire et de leurs interactions. À titre d’illustration, les protéines TSC-22D peuvent moduler de manière identique une fonction cellulaire, tout comme GILZ et TSC-22 inhibent la prolifération des cellules hématopoïétiques ou, au contraire, agir de façon antagoniste sur un paramètre cellulaire, comme dans le cas des effets de GILZ et TSC-22 sur l’apoptose des LT.

Sur le plan mécanistique, ces régulations peuvent s’expliquer par la dimérisation, qui permet à GILZ d’être actif, ou à TSC-22 et THG-1 de réguler leurs activités respectives dans la cellule. Par ailleurs, l’expression d’une protéine peut être contrôlée par une autre, comme dans le cas de l’inhibition de l’expression de GILZ par TSC-22 décrite dans les lymphocytes T.

Le TGF-β et l’IL-10, qui sont des inducteurs de l’expression de GILZ et/ou de TSC-22, participent également à l’orientation des lymphocytes T en lymphocytes T régulateurs ou lymphocytes T mémoires. Il serait donc intéressant d’évaluer si GILZ et/ou TSC-22 sont majoritairement exprimées dans une sous-population de lymphocytes T, et si ces protéines participent à la plasticité cellulaire des lymphocytes T.

Les glucocorticoïdes, souvent utilisés dans le traitement des maladies anti-inflammatoires, possèdent de nombreux effets secondaires. Leur puissant mécanisme d’action repose non seulement sur l’inhibition de NF-kB ou d’AP-1, par une interaction physique avec le récepteur des glucocorticoïdes activé, mais aussi sur l’induction de gènes cibles, tels que GILZ, permettant d’amplifier ou même de relayer le signal anti-inflammatoire. Ainsi, GILZ a été décrit comme un puissant anti-inflammatoire dans des modèles murins de sclérose en plaques ou de polyarthrite rhumatoïde. L’administration ou la régulation de GILZ pourrait donc être envisagée dans le traitement de ces maladies inflammatoires, permettant alors de s’affranchir des effets délétères des glucocorticoïdes. TSC-22, quant à lui, voit son expression régulée négativement dans de nombreuses tumeurs et pourrait donc être utilisé comme un marqueur de la tumorigenèse. La multiplicité des fonctions des protéines TSC-22D en fait donc des acteurs majeurs à ne pas négliger dans la compréhension des mécanismes impliqués dans les pathologies inflammatoires et la tumorigenèse, ainsi que dans leurs traitements.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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