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Med Sci (Paris). 2015 May; 31(5): 538–545.
Published online 2015 June 9. doi: 10.1051/medsci/20153105016.

Le criblage à Roscoff
Une recherche d’inhibiteurs de kinases tournée vers la mer

Blandine Baratte,1 Benoît Serive,1 and Stéphane Bach1*

1CNRS/UPMC USR3151, plate-forme de criblage KISSf (kinase inhibitor specialized screening facility), station biologique de Roscoff, place Georges Teissier, CS 90074, 29688Roscoff Cedex, France
Corresponding author.
 

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La plate-forme de criblage KISSf de Roscoff, un site dédié à la recherche sur les inhibiteurs de kinases

En 1872, Henri de Lacaze-Duthiers, professeur à la Sorbonne, fonde à Roscoff le « laboratoire de zoologie expérimentale ». Ses objectifs sont la recherche, l’enseignement et l’accueil scientifique. Le choix de Roscoff s’explique, notamment, par la grande biodiversité végétale et animale, l’accessibilité au matériel biologique, rendue aisée grâce au phénomène de marée, mais aussi par la proximité avec Paris par le train. Plus de 140 ans plus tard, le site roscovite, dont l’effectif dépasse les 300 personnes, est un des centres de biologie marine parmi les plus importants en Europe1.

Au sein de cet institut se trouve une plate-forme de criblage spécialisée dans l’identification d’inhibiteurs chimiques de protéine kinases, la plate-forme KISSf (kinase inhibitor specialized screening facility) (Figure 1). Cette spécialisation prend racine dans les années 1970, une vingtaine d’années après la première observation d’une activité kinase assignée à une enzyme hépatique, la caséine kinase, par Eugene Kennedy [1]. En effet, les travaux pionniers de Pierre Guerrier et Marcel Dorée sur l’implication de la phosphorylation dans la reprise du processus de la méiose, notamment chez les ovocytes d’invertébrés marins, ont été réalisés à Roscoff [2]. Ces études ont conduit à la mise en évidence de l’inhibition d’activité de phosphorylation par de petits composés chimiques, tels que le 6-diméthylaminopurine (6-DMAP) [3]. Par la suite, Laurent Meijer poursuivit ce travail sur différents modèles marins (Arenicola marina, Urechis caupo, Marthasterias glacialis, etc.). Il participa ainsi à la caractérisation des acteurs kinasiques contrôlant le cycle de division cellulaire, et notamment à la découverte de la kinase dépendante de cycline, CDK1/cycline B [4]. La conservation des acteurs régulant la division cellulaire a permis l’utilisation d’une grande variété de modèles cellulaires. Le choix des modèles marins a été judicieux pour les études biochimiques du fait de la division synchronisée des cellules, qui donne ainsi accès à des quantités importantes de protéines. Le laboratoire a alors développé des stratégies permettant de purifier, à partir d’ovocytes d’étoile de mer, des quantités significatives d’enzymes natives, rendant ainsi possibles des approches à grande échelle, telles que le criblage moléculaire [5]. Depuis cette orientation thématique, l’équipe de Laurent Meijer soutenait l’idée que les acteurs contrôlant le cycle de division cellulaire pouvaient être des cibles thérapeutiques pertinentes pour le traitement de ­pathologies humaines – comme le cancer - basées sur un développement cellulaire anarchique. Le milieu des années 1990 marqua le début des approches d’analyse systématique de l’inhibition de kinases d’intérêt thérapeutique à Roscoff. Des inhibiteurs de faible poids moléculaire (environ 350 g/mole) furent caractérisés et, en particulier, une purine substituée en positions 2, 6 et 9, appelée roscovitine (structure représentée dans la Figure 2 ), pour rappeler l’origine de sa découverte. Elle est au moins 250 fois plus efficace que le 6-DMAP pour l’inhibition de CDK1/cycline B [6]. Des collaborations constantes avec des équipes de chimistes médicinaux sont à l’origine de dérivés plus actifs, tels que le CR8, synthétisé en 2008 par l’équipe du Professeur Hervé Galons (université Paris Descartes, Paris, France) [7].

La (R)-roscovitine est à présent un des inhibiteurs de CDK le plus couramment utilisé en recherche fondamentale et appliquée2,. Sa faible toxicité et ses faibles effets secondaires sont le reflet d’une bonne sélectivité pharmacologique3,. Des études ont montré que CDK1, -2, -5, -7 et -9 sont les protéine kinases les plus sensibles à la molécule [8]. Ainsi, exploitée par la société Cyclacel (Berkeley Heights, New Jersey, États-Unis) sous le nom de Seliciclib ou CYC202, elle a notamment atteint la phase 2 d’études cliniques pour le traitement du cancer du poumon non à petites cellules et, plus récemment, de la maladie de Cushing, dont les résultats sont attendus en 20174. La roscovitine appartient à une classe de molécules qui possèdent un mode d’inhibition par compétition avec l’ATP et présentent des caractéristiques structurales communes : système hétérocyclique hydrophobe plat, qui occupe la poche de fixation purine en y établissant des interactions hydrophobes et de Van der Waals, ainsi que deux ou trois liaisons hydrogène avec les acides aminés constituant cette poche (deux liaisons H sont établies par exemple entre la roscovitine et la leucine 83 de CDK2) [9, 10].

Les protéine kinases, des cibles thérapeutiques impliquées dans des pathologies multiples

La chaîne robotique de KISSf permet le criblage de 2 500 composés par jour ( Figure 1 ). Une telle plate-forme académique centrée sur l’étude des protéine kinases est unique en France. Elle bénéficie ainsi des soutiens des réseaux IBiSA (infrastructures en biologie, santé et agronomie) au niveau national, et de Biogenouest au niveau inter-régional. Au niveau européen, une structure de criblage d’inhibiteurs de kinases existe, par exemple à l’université de Dundee5,. Actuellement, des efforts sont réalisés au sein de l’Europe afin de mettre en réseau des acteurs du domaine de la chémobiologie (plates-formes de criblage et chimistes médicinaux, publics et privés), tels que les programmes « EU-OPENSCREEN » et European Lead Factory 6. L’avenir tend vers une mutualisation des ressources de criblage afin d’optimiser les chances de découverte d’une molécule d’intérêt thérapeutique. C’est dans cette voie que la plate-forme KISSf s’impliquera au cours des prochaines années, au sein du laboratoire dirigé depuis juillet 2011 par le Dr Sandrine Ruchaud, dont la thématique principale est l’étude des kinases mitotiques, telles que l’haspine et la famille des protéines Aurora.

La quasi-omniprésence des protéine kinases dans de multiples pathologies humaines offre de grandes perspectives thérapeutiques [11]. Outre les stratégies d’inhibition des acteurs du cycle cellulaire impliqués en cancérologie, le laboratoire a par exemple exploré des stratégies ­d’inhibition de kinases impliquées dans des maladies neurodégénératives (dont la maladie d’Alzheimer [12]), des maladies parasitaires (dont la malaria [13]) et, plus récemment, dans la régulation d’une mort cellulaire programmée par nécroptose (en collaboration avec le Dr Marie-Thérèse Dimanche-Boitrel, Inserm U1085, IRSET, Rennes [14]). La pertinence du choix des cibles kinases est d’une importance cruciale, car elle conditionne la modulation efficace du phénotype cellulaire désiré, par exemple un arrêt de la croissance cellulaire de lignées tumorales. Hormis leur application potentielle en thérapie humaine, ces inhibiteurs sont également des outils essentiels en recherche fondamentale, notamment pour l’étude des fonctions cellulaires des kinases ciblées. La plate-forme dispose ainsi d’une « ciblothèque » de plus de 20 kinases, associées aux essais enzymatiques permettant d’étudier leur activité. Outre la cible, un autre paramètre important en criblage est la diversité chimique des molécules à analyser. C’est notamment grâce à l’intégration de KISSf dans des réseaux thématiques, tels que les groupements de recherche du CNRS (GDR ChemBioScreen et BioChiMar) [31], ou encore l’axe « Valorisation des molécules marines en cancérologie » du cancéropôle Grand-Ouest, que des collaborations avec des équipes de chimistes ont pu être établies. Ces dernières nous permettent d’accéder à une grande variété de structures et d’obtenir des dérivés de sélectivité pharmacologique accrue [30]. Quelques molécules « phares » caractérisées à Roscoff sont représentées sur la Figure 2 . C’est en collaboration avec le Dr George Pettit du Cancer Research Institute (Arizona State University, États-Unis) que l’hymenialdisine, extraite notamment de l’éponge Axinella verrucosa, a été caractérisée comme un puissant inhibiteur de kinases d’intérêt thérapeutique [15, 32]. La sélectivité pharmacologique de l’hymenialdisine, ainsi que celle d’autres inhibiteurs caractérisés à Roscoff (dont la roscovitine [8] et l’aloisine [16]), a été étudiée par chromatographie d’affinité (fonctionnalisation des structures représentée sur la Figure 2 ). Cette étude est cruciale pour mieux appréhender, voire expliquer, certains effets secondaires observables lors d’une utilisation chez l’homme (pour revue voir [17]).

La chimiodiversité marine, une ressource majoritairement inexplorée

Actuellement, sept molécules d’origine marine sont sur le marché du médicament, notamment pour le traitement du cancer7 [18]. Par exemple, le Yondelis® (PharmaMar, Madrid), utilisé pour le traitement de sarcomes des tissus mous évolués, est une molécule retrouvée chez le tunicier Ecteinascidia turbinata. Ces molécules font partie des 20 000 structures chimiques d’origine marine déjà connues, révélant une chimiodiversité importante pour les inhibiteurs de kinases. L’inhibition thérapeutique de protéine kinases est d’un intérêt majeur, en particulier en cancérologie. La Food and Drug Administration (FDA) américaine a déjà approuvé la mise sur le marché de 27 inhibiteurs de kinases (dont 14 depuis 2013), principalement dans le cadre du traitement de cancers. En outre, plus de 500 autres inhibiteurs de kinases sont en phase d’étude clinique8 [19]. Il est à noter que depuis avril 2015, les premières prescriptions d’Ibrance (Palbociclib, Pfizer) sont effectives aux États-Unis pour le traitement de cancers du sein métastatiques. Il s’agit du premier inhibiteur de CDK (précisément des CDK4 et 6) entrant sur le marché, appartenant à cette classe d’enzymes historiques de la plate-forme KISSf.

De nombreuses pathologies humaines, notamment orphelines9 restent sans traitement. Il est donc nécessaire de poursuivre une recherche active de nouvelles structures chimiques d’intérêt thérapeutique. Cela passe, notamment, par une meilleure exploitation du milieu marin encore sous-étudié à ce jour. En effet, les océans sont le berceau prébiotique de notre planète, source d’une immense biodiversité. On compte 21 phylums exclusivement marins sur les 33 phylums connus [20]. On y retrouve, notamment, les invertébrés marins, source indéniable de molécules d’intérêt en thérapie humaine. La plate-forme KISSf est un acteur de cette bioprospection via des collaborations avec des chimistes des substances naturelles, tels que le Dr Mohamed Mehiri (institut de chimie de Nice). Leur travail, parfois sur quelques grammes de matériel biologique récolté dans le lagon néo-calédonien ou encore dans le bassin méditerranéen, est fondamental dans cette quête du composé original bioactif, bioactivité sélectionnée au cours de l’évolution pour son rôle (initial) d’ordre écophysiologique. Ceci s’applique particulièrement aux métabolites extraits de plancton. Les écosystèmes planctoniques marins couvrent près de 98 % du volume de notre biosphère, et la France planctonique est 20 fois plus étendue que sa surface terrestre. Encore très peu étudiés, ces écosystèmes contiennent pourtant de 10 à 100 milliards d’organismes par litre d’eau de mer, une ressource conséquente en termes de formes de vie encore inconnues et de composés bioactifs inexplorés. On estime que 91 % des espèces marines de la planète n’ont pas encore été découvertes, décrites ou classées. Cette biodiversité traduit des formes adaptatives très diverses, pourvues de défenses contre des environnements biotiques et abiotiques généralement hostiles [21, 22]. Les interactions biologiques intraspécifiques ou interspécifiques développées sont pour certaines considérées comme de l’allélopathie (voir Encadré ). L’étude de ces modes de communication sera peut-être à l’origine des futurs médicaments d’origine marine. En effet, les biosynthèses qui en résultent conduisent à l’obtention de molécules appartenant, par exemple, aux classes des polycétides, des terpènes, des alcaloïdes, des oxylipines, des glycolipides, des peptides, des polysaccharides, des lectines, des isoprénoïdes, des macrolides et des microlides [23]. Dans le domaine de la pharmacognosie, la communauté scientifique s’accorde à dire que là où l’on trouve des biologies différentes, des chimies sont à découvrir et de nouvelles molécules sont à exploiter. Le potentiel d’exploration est donc très élevé et il est synonyme de découverte de nouveaux agents antitumoraux, antileucémiques, etc. [24, 25]. Néanmoins, seul un programme de criblage à haut débit optimisant les différentes étapes menant à l’identification de « touches » sera à la hauteur de la tâche. C’est ce que le projet OCEANCHArCoT (ocean chemodiversity against cell cycle targets) ( Figure 3 ) a pour ambition de réaliser. Cet acronyme a été choisi en mémoire de Jean-Baptiste Charcot (1867-1936), médecin français et explorateur des zones polaires, qui a organisé des expéditions océanographiques ayant permis de collecter de nombreux échantillons issus de la biodiversité marine.

Interactions écologiques intra- et interspécifiques

Allélopathie : l’allélopathie est l’ensemble des interactions biochimiques directes ou indirectes, positives ou négatives, d’une plante sur une autre (microorganismes inclus), au moyen le plus souvent de métabolites secondaires, tels que les acides phénoliques, les flavonoïdes, les terpénoïdes et les alcaloïdes. Cette définition initiale peut être élargie à tout organisme vivant, qu’il soit eucaryote ou procaryote, animal ou végétal, microscopique comme macroscopique, et les classes chimiques concernées ne se limitent pas à celles citées. Ces composés allélochimiques jouent un rôle important dans le besoin de développement des organismes en question. Cela passe par l’accès aux ressources environnementales (lumière, substances nutritives, espace vital), par l’armement chimique contre leurs prédateurs, mais aussi par la coopération intra- et interspécifique. Les interactions qui ne sont pas directement concernées par des échanges chimiques (allélopathie) sont la prédation, le parasitisme et le neutralisme. Les autres modes d’interactions (décrits ci-dessous) sont des niches potentielles pour l’identification de nouveaux composés actifs.

Mutualisme : le mutualisme est une association non obligatoire entre des organismes de deux espèces différentes dans laquelle chacun en récupère un bénéfice. Les arrangements mutualistes sont plus susceptibles de se développer entre organismes ayant des exigences de vie très différentes. C’est le cas du partenariat entre les amphiprions (poissons clown) et les anémones de mer.

Symbiose : la symbiose est un cas particulier de mutualisme entre deux organismes interagissant de manière spécifique, intime et obligatoire, qui s’inscrit dans la durée. Un rapprochement physique est généralement observé et, dans certains cas, il peut aller jusqu’à l’internalisation d’un des deux protagonistes, appelé(s) alors endosymbionte(s). Le bénéfice est bilatéral (exemple, le partenariat entre les bactéries chimio-autotrophes et le ver géant des sources hydrothermales Riftia pachyptila). Ces interactions mutualistes sont interdépendantes strictes, aucun des partenaires ne pouvant survivre sans l’autre dans des conditions naturelles.

Protocoopération : la protocoopération est une variante du mutualisme dans laquelle l’interaction favorable entre les deux organismes n’est nullement indispensable à leur survie.

Commensalisme : dans ce mode d’interaction, un seul des deux partenaires bénéficie d’un avantage. Le bénéfice est donc unilatéral. Le second partenaire n’est pas ou peu affecté.

Amensalisme : dans ce mode d’interaction, un seul des deux partenaires est affecté négativement. L’autre partenaire n’est pas ou peu affecté.

Compétition : la compétition intervient quand deux organismes d’un environnement donné mettent en œuvre des moyens pour acquérir une même ressource limitée, de nature spatiale (compétition pour l’habitat) ou trophique (compétition pour le régime alimentaire).

Syntrophie : la syntrophie caractérise l’aptitude de deux cellules ou deux souches bactériennes à se développer sur un milieu minimum, uniquement si elles sont en présence l’une de l’autre.

Quorum sensing : ensemble des mécanismes régulateurs qui contrôlent l’expression coordonnée de certains gènes bactériens au sein d’une même population bactérienne. Les bactéries produisent et relarguent des molécules de signal appelées auto-inducteurs, qui augmentent en concentration en fonction de la densité cellulaire.

Déréplication

L’objectif de la déréplication est d’identifier le plus tôt possible, dans un mélange complexe (extrait naturel brut), la présence de composés déjà décrits dans la littérature avant même leur isolement physique, qui peut être long et coûteux. Cela implique : (1) d’utiliser des techniques analytiques de caractérisation physico-chimique adaptées aux molécules d’intérêt, et (2) de comparer les profils obtenus à des bases de données chimiques et/ou à une chimiothèque de standards. Ainsi, la probabilité d’arriver à l’élucidation structurale de molécules originales pendant un laps de temps donné est plus élevée que dans le cas d’une recherche de molécules d’intérêt de façon plus traditionnelle.

Le projet OCEANCHArCot

Le programme OCEANCHArCoT est dédié à la recherche de nouveaux inhibiteurs marins, qui ciblent des kinases mitotiques (application notamment en cancérologie) et nécroptotiques (mort cellulaire impliquée notamment dans les ischémies cérébrales et cardiaques). OCEANCHArCoT s’appuie sur une méthode de criblage à haut débit innovante. Il s’agit de la spectrométrie de masse par bioaffinité qui utilise une technologie de pointe : la SEC-ESI-FTICR-MS (online size exclusion ­chromatography electrospray ionisation Fourier transform ion cyclotron resonance mass spectrometry) [26]. L’identification d’un composé actif présent dans un extrait brut est bien souvent fastidieuse et chronophage. L’utilisation de cette technique demeure une des stratégies qui concourent à l’identification plus rapide de nouvelles molécules actives au même titre que d’autres méthodologies, telles que la déréplication (voir Encadré ). Ce criblage sans a priori (interaction cible-ligand) permet d’identifier des inhibiteurs allostériques et non allostériques. En ciblant des zones moins conservées que la poche à ATP des kinases, les inhibiteurs allostériques offrent une meilleure sélectivité ­pharmacologique [19]. Cette méthode est basée sur la détection d’une interaction entre une cible biologique (une kinase) et un éventuel ligand présent dans un extrait brut d’un organisme à cribler. Si une interaction est détectée, celle-ci peut être de nature inhibitrice ou activatrice. Dans les deux cas, cette interaction peut présenter un intérêt pharmaceutique à évaluer dans la suite des travaux. Cette détection d’interaction est rendue possible par la sensibilité de la technique, qui peut déterminer la masse d’un ligand avec une erreur de moins de 0,08 dalton, et identifier les composés bioactifs présents dans un extrait brut, même s’ils sont présents à moins de 0,02 % du poids sec de l’extrait [27]. Ce programme d’excellence est soutenu par la Commission européenne dans le cadre d’un financement Marie Curie. Il s’étend de 2014 à 2017 et implique le criblage d’une banque australienne d’extraits d’organismes marins (Eskitis Institute, Brisbane, Australie), ainsi que le criblage d’extraits d’une collection de souches marines présente à la station biologique de Roscoff (Roscoff culture collection, CNRS/UPMC). Ce programme rejoindra donc les thématiques abordées par le projet investissement d’avenir OCEANOMICs (coordonné par le Dr Colomban de Vargas, SBR, Roscoff), qui comprend un volet d’exploration des métabolites de protistes marins en culture (pour revue voir [28]). Le criblage de la chimiodiversité des microorganismes est une tendance actuelle. Leur culture en (photo-)bioréacteurs contrôlés permet de s’affranchir de la récolte en milieu naturel, tout en rendant les quantités d’extraits compatibles avec la caractérisation de la bioactivité et la détermination des structures chimiques d’intérêt [29]. Il est, de plus, appréciable de pouvoir étudier et exploiter la plasticité cellulaire de ces microorganismes par des approches génomiques, transcriptomiques, protéomiques et métabolomiques, ce qui sera le cas dans les programmes initiés à Roscoff. La plate-forme de criblage KISSf, historiquement ancrée dans la bioprospection marine au sein de la station biologique de Roscoff, poursuivra ainsi son travail d’exploration d’un réservoir moléculaire marin encore peu étudié.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Les auteurs tiennent à remercier le Dr Stéphane La Barre pour son aide dans la rédaction de cet article. Les auteurs remercient également : le Dr Sandrine Ruchaud, directrice de l’Unité de service et recherche USR3151 CNRS-UPMC « Phosphorylation de protéines et pathologies humaines », pour son soutien à la bioprospection marine ; le Pr émérite André Toulmond pour son travail essentiel de mémoire sur l’historique de la station biologique de Roscoff ; Céline Liret, Océanopolis, Brest, pour la photo d’Axinella verrucosa ; l’équipe de la Roscoff culture collection (RCC), pour les photographies de microalgues en microscopie ; la société Bruker Daltonics pour la photographie du FTICR-MS. La plate-forme de criblage KISSf bénéficie du soutien des réseaux Biogenouest (axe exploration fonctionnelle), IBiSA, cancéropôle Grand-Ouest (axe valorisation des molécules marines en cancérologie), et des GDR CNRS « ChemBioScreen » et « BioChiMar ». KISSf est partenaire d’OCEANOMICs, programme qui a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme « Investissement d’avenir » ANR-11-BTBR-0008. Le Dr Stéphane Bach est soutenu par l’INCa (#2012-115) pour son travail sur la mort cellulaire programmée. Le Dr Benoît Serive est bénéficiaire d’une bourse postdoctorale IOF (international outgoing fellowships) « Marie Curie » #622735 de la Communauté européenne.

 
Footnotes
2 L’article décrivant son activité inhibitrice est cité plus de 875 fois (source Web of Sciences TM).
3 L’estimation des cibles affectées par l’inhibiteur a été la plus exhaustive possible.
4 www.clinicaltrial.gov, NCT00372073 et NCT02160730.
7 Données synthétisées et mises à jour sur le site http://marinepharmacology.midwestern.edu/clinPipeline.htm
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