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Med Sci (Paris). 2015 October; 31(10): 881–888.
Published online 2015 October 19. doi: 10.1051/medsci/20153110014.

Les acteurs moléculaires du remodelage cardiaque pathologique
Exemple des protéines Epac et carabin

Yannis Sainte-Marie,1,2,3 Malik Bisserier,1,2 Florence Tortosa,1,2 and Frank Lezoualc’h1,2*

1Inserm, UMR-1048, institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, 1, avenue Jean Poulhès, BP 84225, F-31342Toulouse Cedex 4, France
2Université Toulouse III Paul Sabatier, F-31342Toulouse, France
3Faculté des sciences pharmaceutiques, Université Toulouse III Paul Sabatier, F-31342Toulouse, France
Corresponding author.
 

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Le cœur est un organe plastique : sous l’influence de diverses conditions physiologiques ou pathologiques, sa structure et sa fonction s’adaptent au niveau de l’organe lui-même, du tissu et des cellules le composant. L’ensemble de ces modifications sont regroupées sous le terme de remodelage cardiaque dont on distingue deux formes en fonction du stimulus déclenchant et des conséquences en termes de santé.

Chez l’adulte, le remodelage cardiaque physiologique est observé chez le sportif régulier et la femme enceinte. Il se caractérise par une croissance harmonieuse du cœur dans le sens où l’hypertrophie des cardiomyocytes s’accompagne d’un accroissement de leur capacité contractile et d’une adaptation de leur cycle calcique et de leur métabolisme, rendant possible une augmentation du travail cardiaque [1]. Ce remodelage permet de prendre en charge l’augmentation de la perfusion des organes nécessaire dans ces conditions physiologiques.

Le remodelage cardiaque pathologique est observé en association avec différentes pathologies, familiales ou acquises, dont les plus répandues sont l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde et les troubles du métabolisme. La qualification de pathologique du remodelage, initialement sans conséquences cliniques, repose sur son association avec la survenue ultérieure de pathologies cardiovasculaires. Le remodelage pathologique comprend de multiples atteintes dont les mieux décrites sont la modification de la géométrie de la cavité cardiaque associée à une hypertrophie des cellules contractiles cardiaques (les cardiomyocytes), en particulier dans le sens longitudinal, la fibrose et l’altération de la force contractile cardiaque provenant de modifications diverses du couplage excitation-contraction [2] (Figure 1). Il est à noter que des modifications d’autres tissus (artériels, nerveux, musculaires ou ceux impliqués dans le métabolisme) peuvent participer au développement de l’insuffisance cardiaque (IC), mais nous n’abordons ici que le remodelage du tissu cardiaque. Ces altérations concourent à la mise en place du syndrome clinique d’insuffisance cardiaque lorsque le fonctionnement du cœur n’assure plus la perfusion adéquate des organes [41] ().

(→) Voir la synthèse de F. Pinet et C. Bauters, m/s n° 8-9, août-septembre 2015, page 770

Le remodelage cardiaque pathologique a été identifié comme une cible thérapeutique potentielle à partir d’une étude prospective réalisée sur la population de Framingham1 où l’un des paramètres du remodelage cardiaque, l’hypertrophie, a été associé à la survenue ultérieure de pathologies cardiovasculaires [3]. Cette hypothèse a été confirmée par l’efficacité des traitements actuels qui visent à réduire les contraintes hémodynamiques en contrant la suractivation des systèmes neurohumoraux (catécholamines, rénine-angiotensine-aldostérone). Cette stratégie thérapeutique freine aussi le remodelage cardiaque pathologique de manière décisive [4].

Cependant, les mécanismes qui relaient le stimulus pathologique et conduisent au phénotype délétère restent à découvrir.

Intérêts de la « dissection moléculaire » du remodelage cardiaque

L’insuffisance cardiaque est la conséquence non seulement d’une inadéquation entre les capacités de pompage du cœur et les contraintes hémodynamiques, mais aussi d’un remodelage cardiaque orchestré par un programme génique. Ce point essentiel, à l’origine des recherches actuelles, a été illustré par les travaux pionniers des docteurs Ketty Schwartz, Bernard Swynghedauw et de leurs collaborateurs, qui ont mis en évidence la réexpression d’un programme génique, dit fœtal, par le ventricule après un stimulus pathologique [5]. Avec le développement de modèles animaux génétiquement modifiés, l’origine potentiellement intrinsèque du remodelage cardiaque a pu être démontrée. Il faut citer ici les travaux fondateurs de Molkentin et Olson portant sur la voie de signalisation de la calcineurine (CaN) [6] (Figure 2). Cette phosphatase, initialement identifiée dans les lymphocytes, est responsable de la translocation nucléaire du facteur de transcription NFAT (nuclear factor of activated T-cells) qui peut ensuite activer ses gènes cibles (voir Figure 3). La surexpression cardiaque de la CaN ou de NFAT chez la souris induit un remodelage cardiaque délétère qui se caractérise, entre autres, par une hypertrophie cardiaque (HC) et une fibrose conduisant à l’insuffisance cardiaque et la mort des animaux. En plus d’identifier la voie CaN/NFAT comme un acteur majeur du remodelage cardiaque, cette étude a montré qu’en l’absence de modification des contraintes hémodynamiques, une seule voie de signalisation était suffisante pour induire un remodelage pathologique. Parmi les différentes cascades de transduction répondant aux stimulus pathologiques, la voie de la CaMKII (Ca2+/calmodulin-dependent protein kinase II) joue un rôle essentiel dans la mise en place du remodelage délétère [7] (Figure 2). Cette kinase, sensible au calcium, est responsable de l’activation du facteur de transcription MEF2 (myocyte enhancer factor 2). Elle lève la répression génique en provoquant la phosphorylation et l’export nucléaire des histone déacétylases (HDAC) (Figure 2).

Le remodelage cardiaque pathologique regroupe des altérations touchant les cardiomyocytes mais également des modifications phénotypiques d’autres types cellulaires peuplant le tissu cardiaque. La multiplication et la transformation des fibroblastes en myofibroblastes participent activement à l’excès de dépôt de matrice extracellulaire. Des altérations des cellules vasculaires sont également impliquées dans une dysfonction coronaire dont la raréfaction capillaire est une conséquence. Les cellules immunitaires interviennent aussi en coordonnant une réponse inflammatoire et en influençant, par les cytokines qu’elles sécrètent, les fonctions des autres types cellulaires cardiaques. Il est intéressant de noter que, dans certains modèles expérimentaux, l’hypertrophie des cardiomyocytes (ou la fibrose seule) ne permet pas d’anticiper l’atteinte fonctionnelle du myocarde. Ainsi, l’hypertrophie accrue des cardiomyocytes dans un modèle de surexpression de la NOS1 (nitric oxide synthase 1) soumis à une surcharge de pression n’est pas associée à un dysfonctionnement majoré mais au contraire à un maintien de la fonction cardiaque [8]. Par ailleurs, l’inhibition, par traitement avec un anticorps neutralisant le TGFβ (transforming growth factor b), de la fibrose induite par une surcharge de pression n’améliore pas la fonction cardiaque mais au contraire augmente la dilatation ventriculaire et le dysfonctionnement [9]. Ces deux exemples illustrent le fait que le caractère pathologique du remodelage ne se comprend in fine qu’avec l’analyse de l’ensemble des aspects du remodelage et de leurs conséquences fonctionnelles sur le cœur. La communauté scientifique est engagée dans l’étude moléculaire des événements de signalisation liant les stimulus pathologiques et le programme génique de remodelage délétère.  Cette « dissection moléculaire » du remodelage, aussi bien pathologique que son alternative physiologique, devrait permettre de faire émerger de nouvelles options thérapeutiques [10, 11].

Nous souhaitons donner ici deux exemples issus des recherches menées dans notre laboratoire, et portant sur la signalisation pathologique des cardiomyocytes. Le premier exemple  concerne la protéine Epac1 (exchange protein directly activated by cAMP). Cette protéine intervient en aval de l’activation des récepteurs β-adrénergiques (β-AR), point de divergence conduisant à plusieurs voies de signalisation dont la dissection moléculaire permettra peut-être de développer des stratégies thérapeutiques encore plus efficaces que les β-bloquants2. Le deuxième exemple est la protéine carabin. Elle se place juste en amont de la convergence nucléaire de la signalisation de la CaMKII, de la calcineurine ou des MAPK (Figure 2). En effet, même si l’inhibition de la calcineurine a été identifiée directement ou indirectement comme une stratégie prometteuse dans des modèles animaux, les molécules pharmacologiques disponibles ne présentent pas un rapport bénéfice/risque favorable. Une stratégie alternative plus spécifique du cardiomyocyte et/ou une meilleure efficacité de ces molécules seraient donc souhaitables.

Epac1 : un facteur d’échange favorisant l’hypertrophie pathologique
Signalisation du second messager AMP cyclique (AMPc)
L’augmentation des catécholamines et l’activation de leurs récepteurs sont associées cliniquement et expérimentalement à l’induction d’un remodelage cardiaque pathologique [12]. Pourtant, l’utilisation des β-bloquants dans l’insuffisance cardiaque peut paraître contre-intuitive puisque les catécholamines représentent le principal stimulant de la contractilité et de la relaxation cardiaques. En effet, ces médicaments resensibilisent le système de signalisation adrénergique qui est désactivé par les concentrations élevées et chroniques de catécholamines [13]. Cela permet de rétablir la réserve inotrope et s’accompagne d’une baisse du remodelage pathologique [14, 15]. Ainsi, ce n’est pas tant de bloquer l’ensemble de la signalisation adrénergique qui semble important, mais bien de moduler ses différents aspects. En termes de signalisation, les β-AR sont responsables de multiples effets. Pour citer quelques exemples : production d’AMPc activant la protéine kinase AMPc dépendante (PKA) mais également des facteurs de transcription CREM (cAMP response element modulator) ; augmentation du calcium en tant que second messager [16, 17]. Ainsi, comprendre l’ensemble des voies en aval des β-AR semble important pour réussir à améliorer le traitement de l’insuffisance cardiaque. C’est dans ce contexte que nous nous intéressons aux effets cardiaques de nouvelles protéines de liaison à l’AMPc appelées Epac (exchange proteins directly activated by cAMP).
Les protéines Epac
Les protéines Epac sont des facteurs d’échange directement activés par l’AMPc qui favorisent la forme active des petites protéines G de la famille Ras, Rap1 (Ras-associated protein-1) et Rap2 en catalysant l’échange du GDP pour le GTP [18, 19]. Il en existe deux isoformes, Epac1 et Epac2, qui sont codées respectivement par les gènes RAPGEF3 (Rap guanine nucleotide exchange factor3) et RAPGEF4. Epac1 est fortement exprimée dans le cœur, les vaisseaux sanguins et le rein, tandis que Epac2 a été initialement mise en évidence dans le pancréas et le cerveau [18]. Les protéines Epac présentent une forte homologie de structure. Elles sont constituées d’une région catalytique située du côté carboxy-terminal et d’une région régulatrice en amino-terminal (Figure 3A). La région catalytique permet l’échange du GDP par le GTP sur les petites protéines G effectrices de Epac. La région régulatrice est constituée d’un domaine de liaison à l’AMPc. La fixation de l’AMPc à Epac induit un changement de sa conformation qui libère la contrainte stérique exercée par la région régulatrice sur la région catalytique, activant la protéine [20].
Epac1 et remodelage pathologique cardiaque
La preuve initiale que Epac1 est impliquée dans l’hypertrophie des myocytes cardiaques a été obtenue à l’aide de cultures primaires de cardiomyocytes de rats nouveau-nés, un modèle de choix pour identifier les facteurs de remodelage et leurs mécanismes d’action. Ainsi, l’activation directe de Epac1 par un analogue de l’AMPc qui lui est spécifique, le 8-pCPT3 [21], ou la surexpression de Epac1, favorisent l’hypertrophie cellulaire et l’expression des marqueurs du remodelage cardiaque délétère (programme génique fœtal) [22, 23]. À l’inverse, l’inhibition pharmacologique de Epac1 par un analogue de la tétrahydroquinoline, le CE3F4, ou l’extinction de Epac1 par l’utilisation de shARN, préviennent l’hypertrophie des cardiomyocytes induite par la stimulation des β-AR [2325]. Le mécanisme par lequel Epac1 provoque l’hypertrophie pathologique des cardiomyocytes n’est pas complètement élucidé. Cependant, des expériences montrent que ce facteur d’échange influence les mouvements calciques intracellulaires par le biais de la phospholipase C et des récepteurs à l’IP3 (inositol triphosphate), pour activer les voies de signalisation dépendantes de la phosphatase CaN et de la CaMKII [23, 26]. Ces événements moléculaires font intervenir la β-arrestine, protéine d’échafaudage, et des régulations épigénétiques qui dépendent des HDAC (Figure 3B) [2628].

L’étude de souris invalidées pour les gènes Epac1 et Epac2 a permis de mieux comprendre le rôle de ces protéines dans le remodelage pathologique. Les souris Epac1-/- et Epac2-/- , ainsi que les doubles knock-out, ne présentent aucune anomalie cardiaque. Ces isoformes ne semblent donc pas indispensables au développement du myocarde et au maintien de la fonction cardiaque à l’état basal [2931]. Seule la délétion de Epac1 réduit le remodelage pathologique induit par l’activation chronique des β-AR, ce qui confirme l’importance de Epac1 dans la signalisation β-adrénergique au cours de l’hypertrophie cardiaque pathologique. Toutefois, dans un autre modèle d’hypertrophie cardiaque induite par une sténose aortique, l’absence de Epac1 ne prévient pas l’hypertrophie cardiaque, mais seulement la fibrose et l’apoptose des cardiomyocytes, ce qui suggère que les effets cardioprotecteurs de Epac1 vis-à-vis de l’hypertrophie cardiaque dépendent de la nature du stress [30].

Epac1 et fonction cardiaque
De façon très intéressante, en réponse à différents stress hypertrophiques (injection de catécholamines ou surcharge de pression), les souris Epac1-/- présentent une meilleure contractilité cardiaque (maintien de la réserve inotrope) [30, 31]. Par ailleurs, ces souris sont protégées de la survenue d’arythmies atriales [30]. Ces résultats suggèrent que Epac1 participe aux dérèglements calciques lors du remodelage cardiaque pathologique et des arythmies qui lui sont associées (Figure 3B). Ainsi, dans les cardiomyocytes ventriculaires de rat, l’activation de Epac1 induit une augmentation de la libération spontanée de calcium à partir des stocks intracellulaires (un phénomène appelé bouffées calciques ou Ca2+ sparks) par le biais d’une hyperphosphorylation des canaux récepteurs de la ryanodine4, RyR2 [32], ce qui provoque une fuite calcique du réticulum sarcoplasmique [33, 34]. Il a été proposé que l’augmentation du relargage ectopique de calcium, consécutive à l’activation de Epac par les β-AR, pourrait être à l’origine des effets arythmogènes dans les cardiomyocytes isolés de souris. Cependant, l’isoforme de Epac impliquée dans ces troubles du rythme reste encore controversée [29, 30, 35]. Une étude récente montre que Epac1 accélère le repompage du Ca2+ dans le réticulum sarcoplasmique par la SERCA2 (sarco/endoplasmic reticulum Ca2+-ATPase) en favorisant l’hyperphosphorylation du phospholamban5, par la PKCε (protéine kinase Cε). Ceci pourrait induire une surcharge du réticulum sarcoplasmique, propice aux fuites calciques [30]. L’ensemble de ces résultats suggèrent qu’en normalisant les mouvements calciques et en freinant le remodelage cardiaque, un inhibiteur pharmacologique de Epac1 pourrait s’avérer efficace pour le traitement de l’insuffisance cardiaque [25].
Carabin : une protéine inhibant l’hypertrophie pathologique

Au cours de ces dernières années, il est apparu de plus en plus évident que le myocarde possède une variété de mécanismes de rétrocontrôle pour contrebalancer la réponse hypertrophique. À titre d’exemple, l’effet hypertrophique de Epac1 induit des processus d’adaptation et de survie pour prévenir le stress cardiaque [31]. La surexpression cardiaque des protéines AKAP79 (A kinase anchor protein), Cabin1/Cain ou PICOT s’oppose à l’hypertrophie cardiaque induite par un stress mécanique ou catécholaminergique [36]. Ces protéines cardioprotectrices ciblent essentiellement la voie de la CaN/NFAT, ce qui en fait tout l’intérêt. Elles peuvent en effet offrir des perspectives thérapeutiques contre l’insuffisance cardiaque.

Nous avons identifié dans le myocarde une autre protéine appelée carabin qui est capable d’interagir non seulement avec la CaN mais aussi avec la petite GTPase Ras et la CaMKII, deux autres voies de signalisation majeures impliquées dans le remodelage pathologique.

Carabin et remodelage cardiaque
Carabin fut initialement caractérisée dans le système immunitaire [37]. Cette protéine de 446 acides aminés possède deux régions importantes : une région (séquence 89-294) Ras/Rab GAP (GTPase activating protein) et une région (séquence 406-446) de liaison à la CaN dans sa partie carboxy-terminale. Dans les cellules T et B, carabin inhibe l’activité phosphatase de la CaN et la signalisation associée à la petite protéine G, Ras et son effecteur ERK (extracellular signal-regulated kinase) [37, 38]. Étant donné les rôles critiques joués par ces protéines de signalisation dans la mise en place du remodelage délétère, nous avons émis l’hypothèse que carabin pourrait avoir un rôle cardioprotecteur.

Nos premières expériences explorant l’implication potentielle de carabin dans la régulation de l’hypertrophie cardiaque pathologique ont révélé l’existence d’une corrélation inverse entre l’expression cardiaque de carabin et la sévérité du remodelage cardiaque. Ainsi, nous avons constaté que le niveau d’expression de carabin est diminué dans le myocarde de rat et de souris lorsque celui-ci est hypertrophié en réponse à une sténose aortique, mais également dans le cœur des patients atteints d’insuffisance cardiaque [39]. Des études de surexpression et de délétion nous ont permis d’étudier plus finement l’implication de carabin dans la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque. La restauration de l’expression cardiaque de carabin, par une approche de transfert de gène in vivo chez la souris, prévient le remodelage et la dysfonction cardiaque induite par une surcharge de pression. De même, in vitro, la surexpression de carabin bloque la réexpression du programme génique fœtal, ainsi que l’hypertrophie des cardiomyocytes, en réponse à des stimulus neurohumoraux. À l’inverse, les souris déficientes en carabin sont hypersensibles à un stress hémodynamique et développent rapidement des anomalies cardiaques menant à une hypertrophie cardiaque et une insuffisance cardiaque [39].

Carabin : une protéine aux cibles multiples
Au niveau moléculaire, les mécanismes de l’action cardioprotectrice de carabin sont associés à l’inhibition simultanée de trois voies de signalisation qui jouent un rôle déterminant dans l’hypertrophie cardiaque. Carabin inhibe les voies dépendantes de la CaN, de la CaMKII et des petites protéines G Ras par l’intermédiaire de ses domaines d’interaction avec la CaN et Ras-GAP. En effet, la surexpression de carabin dans des cardiomyocytes en culture inhibe l’activité phosphatase de la CaN ainsi que l’activité transcriptionnelle de son effecteur NFAT lors de l’hypertrophie. Par des expériences de mutagenèse dirigée, nous avons montré que carabin réprime, non seulement l’activité de la petite protéine G Ras grâce à son domaine Ras-GAP, mais aussi l’activation de la CaMKII, de même que l’export nucléaire des protéines HDAC. Les régions Ras-GAP et les régions d’interaction avec la CaN de carabin agissent en synergie afin que l’inhibition du remodelage soit optimale [39].

Ainsi, favoriser l’activité de carabin, en compensant par exemple son déficit d’expression par transfert de gène, pourrait constituer une nouvelle piste pour le traitement de l’insuffisance cardiaque puisque cette protéine inhibe conjointement trois voies majeures de la signalisation conduisant à l’hypertrophie.

Conclusion

Cette revue a fait le point sur la compréhension des mécanismes mis en œuvre dans la constitution d’un remodelage cardiaque en réponse aux différents types de stress imposés au cœur. Ainsi, la protéine Epac1, activée par l’AMPc, semble favoriser l’hypertrophie cardiaque, la fibrose et diminuer la contractilité cardiaque dans des situations expérimentales de stress pathologiques. La protéine carabin, quant à elle, en inhibant simultanément de multiples acteurs du remodelage cardiaque pathologique (CaN, CaMKII, MAPK) permet de protéger les animaux de l’hypertrophie cardiaque associée à une dilatation ventriculaire et à la fibrose induite par une surcharge de pression.

Ces nouvelles connaissances pourraient offrir des opportunités pour améliorer le traitement de l’insuffisance cardiaque qui reste très imparfait malgré les progrès de ces dernières années. Les avancées considérables réalisées dans les technologies de transfert de gènes et le criblage moléculaire à haut débit pourraient faciliter le passage de ces connaissances à la clinique.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Ce travail est soutenu par l’Inserm, l’université Toulouse III Paul Sabatier, la région Midi-Pyrénées, l’Association française contre les Myopathies et la Fondation pour la recherche médicale.

 
Footnotes
1 Framingham est une ville du Massachusetts intégrée depuis 1948 dans une étude sur les maladies cardio-vasculaires. Cette localité a été choisie par l’Institut national du cœur, des poumons et du sang (NHLBI) de Bethesda pour sa représentativité de la population américaine.
2 Les b-bloquants sont des médicaments qui agissent par antagonistes compétitifs des catécholamines (épinéphrine, norépinéphrine) au niveau des récepteurs b-adrénergiques. Ils sont par exemple utilisés pour améliorer la contractilité cardiaque.
3 Le 8-pCPT-2′-O-Me-cAMP (8-[4-chlorophenylthio]-2′-O-methyladenosine-3′,5′-cyclic monophosphate) est un activateur fort d’Epac.
4 La ryanodine est un alcaloïde qui modifie le fonctionnement de certains canaux calciques.
5 le phospholamban est une protéine de la membrane du réticulum sarcoplasmique exerçant un effet inhibiteur sur la pompe à calcium SERCA2.
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