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Med Sci (Paris). 2015 November; 31: 30–31.
Published online 2015 November 6. doi: 10.1051/medsci/201531s308.

Préclinique

Jean-Thomas Vilquin1*

1Centre de de Recherche en Myologie, Sorbonne Universités, UPMC – Inserm UMRS 974, CNRS FRE 3617, Institut de Myologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France
 

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Vignette (Photo © 66627500 : Jacob ST/Fotolia.com).

 

Oligonucléotides dans le saut d’exon
Développement d’une nouvelle formulation
Résumé L’efficacité pharmacodynamique, moléculaire et physiologique d’une nouvelle classe d’oligonucléotides antisens est étudiée et comparée aux molécules de référence dans des modèles animaux de la dystrophie musculaire de Duchenne. Administrés par voie systémique chez la souris, les tricyclo-ADN (tcADN) présentent une clairance rapide, une bonne stabilité tissulaire, sans occasionner de produits de dégradation. Leur présence est persistante dans les différents muscles des animaux après un traitement hebdomadaire chronique, leur demi-vie tissulaire pouvant être approchée de 45 jours. Dans les souris mdx, le saut d’exon observé est supérieur à celui obtenu avec d’autres classes d’agents, en particulier dans le diaphragme et le cœur. Et surtout, l’épissage est noté au niveau du système nerveux central, au-delà de la barrière hémato-encéphalique. La restauration protéique de la dystrophine est observée à divers niveaux dans tous ces tissus (analyses histologiques, Western-blot). Cette restauration se traduit par différents bénéfices physiologiques chez la souris mdx « classique » : normalisation de la force spécifique musculaire, augmentation de la résistance à l’exercice excentrique, abaissement des taux de créatine kinase sérique, amélioration générale des fonctions respiratoires et cardiaques, enfin normalisation de l’activité psychomotrice. Ces résultats sont plus spectaculaires encore chez la souris utr-/mdx (dite double KO), où l’effet cardiaque est particulièrement important. Le traitement empêche les lourdes manifestations de la myopathie (cyphose, rétractions musculaires), et les souris traitées améliorent leur locomotion et leur comportement. Ces bénéfices sont liés à la structure des tcADN, qui ont une affinité accrue pour les ARN, une plus grande hydrophobicité, une résistance aux nucléases et à l’ARNase H. Solubles dans l’eau, les tcADN y formeraient des nanoparticules qui pourraient faciliter ou augmenter les transfections.
Commentaire La modulation d’épissage permet l’expression de protéines, tronquées mais fonctionnelles, dans un nombre croissant d’indications. Plusieurs catégories d’oligonucléotides peuvent être utilisées à cette fin, les chefs de file étant jusqu’à présent les phosphorodiamidates morpholinos oligomères (PMO), et les 2-O-méthyl phosphorothioates. Leur efficacité moléculaire a été démontrée dans de nombreux modèles, mais les doses à utiliser pour obtenir des bénéfices physiologiques, ou qui se traduiraient par une amélioration de la qualité de vie des patients, restent importantes. Les connaissances de leurs limites permettent de concevoir d’autres types de molécules synthétiques, tels que les tcDNA. Les propriétés pharmacologiques de ces agents sont d’autant plus intéressantes qu’ils semblent efficaces à plus faibles doses, mais aussi qu’ils peuvent cibler des tissus plutôt réfractaires tels que le muscle cardiaque, ou difficiles d’accès tels que le système nerveux central, tout en passant par la voie systémique. Cette nouvelle classe d’agents permettrait donc d’obtenir une distribution polyvalente, capable de corriger les différentes facettes du déficit. Ainsi, chez les souris mdx, on observe en parallèle une amélioration du phénotype musculaire, du phénotype général, et un changement de comportement. Basées actuellement sur les doses et schémas employés pour les oligonucléotides de référence, les conditions d’utilisation des tcADN pourraient être encore optimisées. Des études de toxicité de ces produits devront encore être entreprises chez l’homme.
Dystrophies musculaires
Vers une panoplie élargie de modèles animaux
Résumé Ces derniers mois ont vu la création ou la description de nombreux nouveaux modèles animaux de maladies neuromusculaires, susceptibles d’améliorer nos connaissances de ces pathologies, et d’étudier des stratégies thérapeutiques de manière pertinente et optimisée. L’édition génique est accessible avec de bons rendements à l’aide des nouvelles catégories de nucléases, les TALEN et les CRISPR/caspases. Celles-ci ont permis de générer efficacement des modèles de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) chez le rat (Larcher et al. ; Nakamura et al.). Ces animaux ont une taille compatible avec nombre d’évaluations physiologiques, de systèmes d’administration et de suivi ; de plus, les signes de la DMD (faiblesse musculaire progressive, dégénérescence et régénération musculaires, atteinte cardiaque, fibrose) sont plus pertinents que ceux observés classiquement chez la souris mdx. En parallèle, l’observation ponctuelle d’un cas clinique canin est rapportée (Beltran et al.) et élargit la panoplie, même si dans le cas présent la lignée est perdue avec la mort de l’animal, et que son histoire naturelle est limitée. Des gros modèles peuvent être créés artificiellement, ainsi l’induction de l’amyotrophie spinale peut être obtenue chez le porc (Duque et al.) par l’injection intrathécale de vecteurs AAV9 contenant un shRNA inhibant le fonctionnement du gène SMN. Les animaux développent une faiblesse musculaire et une paralysie progressive liée à la perte des motoneurones. Le traitement préventif par l’administration intrathécale précoce de vecteurs AAV9 contenant le gène SMN humain empêche l’apparition du phénotype, et le traitement symptomatique par le même vecteur stabilise l’état pathologique. Enfin, une lignée de souris exprimant DUX4 sous contrôle de la doxycycline a été créée pour tenter d’élucider des mécanismes physiopathologiques de la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale (DMFSH). L’expression de DUX4, portée ici par le chromosome X, étant légèrement labile, les embryons mâles développent différentes pathologies, souvent létales. Chez les survivants, après induction, l’expression de DUX4 perturbe la myogenèse. Plutôt qu’un bon modèle de la DMFSH, celui-ci peut donc s’avérer utile pour tester des approches thérapeutiques visant à contrer ou contrôler l’expression de DUX4.
Commentaire Il y a moins de trente ans, les défauts génétiques des pathologies neuromusculaires étaient largement méconnus et l’adéquation des modèles proposés souvent controversée. Il reste possible de continuer à décrire des modèles d’apparition spontanée. Mais les progrès impressionnants de l’édition génique, l’efficacité remarquable des nouvelles catégories de vecteurs, permettent de créer de manière dirigée des modèles permanents, inductibles ou acquis, de plus en plus précis et de plus en plus ciblés. Ces approches fournissent des modèles plus accessibles aux investigations multidisciplinaires, plus manipulables de par leur taille, plus pertinents et plus complets quant à leur proximité avec les maladies humaines. Les modèles de mutations dirigées servent à la compréhension des mécanismes physiopathologiques ou des corrélations entre génotype et phénotype. Les modèles de mutation inductible, ou de modulation acquise, s’ils ne sont pas encore parfaits, peuvent servir à analyser ou contrôler les expressions des gènes et protéines morbides ou thérapeutiques in vivo, et à déterminer le timing optimal des traitements. Naturellement, il sera nécessaire de redévelopper des outils d’étude ou d’analyse, adaptés à l’espèce animale concernée, tels que les vecteurs de transferts, les anticorps monoclonaux, les séquences codantes spécifiques… mais ces modèles pourront rendre des services inestimables aux communautés médicales et scientifiques.
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