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Med Sci (Paris). 2015 November; 31: 32–33.
Published online 2015 November 6. doi: 10.1051/medsci/201531s309.

Clinique

Tuy Nga Brignol1* and Christian Réveillère2**

1AFM-Téléthon, Évry, France
2Psychologue Attaché Centre de Référence Maladies Neuromusculaires CHU Henri Mondor, Créteil AFM-Évry Professeur Université Tours,  
Corresponding author.
 

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Atteinte des muscles linguaux dans la maladie de Pompe à début tardif
Résumé
Une équipe américaine de l’Université de Duke (Caroline du Nord) a réalisé une évaluation quantitative de la force linguale sur une période de 3 ans chez 30 patients atteints de la forme tardive de la maladie de Pompe (LOPD). L’examen de la parole par évaluation perceptive a aussi été effectué pour rechercher l’existence de dysarthrie. L’âge moyen des participants était de 51 ± 13,9 ans. Sur le plan de la marche, 43 % (n = 13) étaient indépendants, 50 % (n = 15) déambulaient avec aide et 7 % (n = 2) en fauteuil roulant. Au moment de l’évaluation, 27 % des patients (n = 8) n’ont pas été traités par enzymothérapie substitutive (ERT), 13 % (n = 4) l’ont été pendant moins d’un an, 13 % (n = 4) pendant 1 à 3 ans et 47 % (n = 14) pendant plus de 3 ans. L’échantillon est constitué majoritairement de femmes (70 %).

L’évaluation quantitative de la force linguale est effectuée avec un équipement disponible dans le commerce (Iowa Oral Pressure Instrument). La force de la langue a été mesurée, par au moins 3 essais répétés, en utilisant des encouragements verbaux et des périodes de repos de 30-60 secondes. La pression linguale maximale moyenne sur 3 essais a été quantifiée en kilopascals (kPa) et comparée aux valeurs publiées de référence.

Les résultats ont montré une faiblesse linguale chez 80 % des patients, quantifiée en légère (29 %), modérée (29 %) et sévère (42 %). Dans l’ensemble, 87 % des patients ont été diagnostiqués avec une dysarthrie quantifiée de légère à modérée. Il n’y a pas eu de cas de dysarthrie sévère. Une baisse moyenne de 6,82 kPa en force linguale a été observée en cas de sévérité de la dysarthrie. Ces données quantitatives fournissent une preuve supplémentaire de l’atteinte bulbaire chez les patients atteints de LOPD.

Commentaire
Cette étude rétrospective est basée sur l’analyse des dossiers de 30 patients atteints de LOPD ayant bénéficié d’une évaluation quantitative de la force linguale et d’une analyse de la voix entre 2009 et 2012, dans le cadre d’un suivi systématique. Les résultats ont mis en évidence l’existence d’une faiblesse des muscles linguaux. Une dysarthrie est également observée. L’implication de la causalité reste à démontrer car une faiblesse linguale (légère à modérée) est présente chez des patients ne présentant pas de dysarthrie clinique. L’intervention d’un clinicien sans insu pour mesurer la force linguale et déterminer l’existence et la sévérité de la dysarthrie est un facteur limitant la portée des résultats de cette étude. Toutefois, ces données permettent d’orienter des études à venir : relation entre la faiblesse linguale et le développement/l’évolution de la dysarthrie, ainsi que la dysphagie oro-pharyngienne ; étude pour déterminer la relation entre force des muscles linguaux et anatomie/structure de la langue par imagerie (IRM) ; étude du traitement par ERT sur la force linguale et l’élocution. De même, il serait justifié de réaliser des études pour déterminer s’il existe une relation entre la faiblesse des muscles de la langue (origine bulbaire) et les muscles squelettiques des membres et les muscles respiratoires. Par ailleurs, des études plus poussées pourraient mettre en évidence la présence précoce de la faiblesse de la langue, peut-être même chez des patients atteints de LOPD asymptomatiques. L’atteinte des muscles linguaux pourrait être un symptôme important à rechercher, contribuant au diagnostic précoce de la LOPD, sachant qu’une thérapie précoce par ERT donne de meilleurs résultats.
Dystrophie myotonique de type 1 (DM1) infantile et spectre autistique
Résumé
Les rares études sur la comorbidité entre DM1 et troubles du spectre autistique (TSA) donnent des résultats contradictoires. Des troubles du spectre autistique avaient été mis en évidence par une équipe suédoise (Ekström et al., 2008) chez des sujets DM1, principalement dans la forme congénitale (48 % TSA ; 18/37) et plus faiblement dans la forme infantile (16 % TSA ; 3/18). Ces résultats n’ont pas été retrouvés, par deux équipes françaises (Douniol et al., 2012), dont la population était uniquement composée de la forme infantile (0 % TSA ; 0/28), ni par l’étude d’Echenne et al. (2008) alors qu’elle comportait 53 % de forme congénitale (5 % TSA ; 1/17) et 47 % de forme infantile (0 % TSA ; 0/15). La tendance des résultats des études françaises est en accord avec une étude hollandaise plus ancienne (Steyaert et al., 1997). Au final, seule l’étude d’Ekström suscite la question de la comorbidité entre DM1 dans sa forme congénitale et la présence de TSA. La population de cette étude se distingue des autres par la forte présence de déficience intellectuelle (76 % < 50). D’où la conclusion des auteurs de la présente étude : « Au vu des résultats disponibles jusqu’à présent, les patients DM1 peuvent présenter des symptômes autistiques et ces symptômes semblent être corrélés au phénotype de la DM1 (forme congénitale) et au niveau cognitif (degré de déficience intellectuelle) ».
Commentaire
La question de la comorbidité entre DM1 forme congénitale et TSA demeure complexe et suscite plus de questions que de réponses. D’apparition précoce, le TSA se traduit par deux catégories de difficultés, ne pouvant être expliquées par une déficience intellectuelle ou un retard de développement : « troubles de la communication sociale » et « comportements restreints et répétitifs ». L’étude d’Ekström et al. (2008) montre que si la comorbidité DM1-TSA est présente, elle est souvent associée à une déficience intellectuelle, ce qui en soi, pose une difficulté de diagnostic différentiel. Par ailleurs, outre l’aspect quantitatif (score du QI), les profils cognitifs entre DM1 et TSA comportent des différences qualitatives bien soulignées dans la présente étude (Huerta et al., 2015) : (1) capacités visuoconstructives altérées et QIV>QIP dans la DM1/capacités visuoconstructives préservées et QIV<QIP dans le TSA bas niveau (QI<70) ; et (2) différence de réactivité aux interactions sociales et vis-à-vis des objets (réponses plus adaptées dans la DM1). Ainsi, dans la DM1, si le langage n’est pas utilisé spontanément dans les relations sociales, il y a effort de réponses en cas de sollicitation et agréabilité dans la relation. Dans la DM1, l’hypotonie, l’inexpressivité du visage, les difficultés à sourire peuvent être interprétées comme de l’indifférence, de la passivité, du retrait social et être assimilées à un « tableau autistique » qui ne se vérifie pas dans le temps (Douniol et al., 2009). De plus, les comportements d’automutilation et stéréotypies, de fascination pour certaines stimulations sensorielles (par exemple, regarder, toucher ou sentir les objets de façon excessive), d’hypersensibilités sensorielles (par exemple, intolérance aux bruits forts), d’immutabilité (intolérance face aux changements et situations nouvelles) ne sont en général pas présents dans la DM1. Donc le chevauchement clinique entre les deux troubles n’est que partiel, voire apparent, car l’intentionnalité des comportements est différente, la relation aux objets voire au réel également. Outre le besoin d’études complémentaires, reposant sur des observations cliniques fines, nous pouvons retenir que l’état actuel des connaissances met en avant l’intérêt de bilans précis dans le domaine cognitif, socio-émotionnel et du langage afin de poser des indications de programme de remédiation précocement.
References
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Jones HN, Crisp KD, Asrani P, Sloane R, Kishnani PS. Quantitative assessment of lingual strength in late-onset Pompe disease . Muscle Nerve. 2015; ; 51 : :731.–735.
1.
Huerta E, Jacquette A, Cohen D, et al. Forme infantile de la dystrophie myotonique de type 1 (DM1) et troubles du spectre autistique (TSA) : existe-t-il une comorbidité ? Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence. 2015; ; 63 : :91.–98.