2009


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Ce document constitue la deuxième édition de l’expertise opérationnelle réalisée par un groupe de travail réuni en 2003 par l’Inserm à la demande de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs indépendants (Canam) devenue le Régime social des indépendants (RSI) pour élaborer des propositions d’actions de prévention et d’éducation à la santé pour les enfants et les adolescents.
Il s’appuie sur les données et les recommandations issues de plusieurs expertises collectives publiées dans le domaine de l’obésité (2000), des troubles mentaux (2002) et de la consommation d’alcool (2002). Il constitue un prolongement de l’expertise collective publiée en 2001 sur l’éducation pour la santé des jeunes.
Le Centre d’expertise collective de l’Inserm a assuré la coordination de cette expertise opérationnelle.

Groupe de travail et auteurs

, Les attributions de chaque membre du groupe ont été conservées telles que dans l’édition de 2003 sans tenir compte de changements éventuels

Pierre arwidson, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé

Marc brodin, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Université Paris VII

Marie-Aline charles, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Inserm unité 258

Michel chauliac, Direction générale de la santé, Ministère chargé de la santé

Marie choquet, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Inserm unité 472

Nathalie cuvillier, Direction de la sécurité sociale, Ministère chargé de la santé

Catherine dartiguenave, Direction générale de la santé, Ministère chargé de la santé

Fabienne debaux, Direction générale de la santé, Ministère chargé de la santé

Christine de peretti, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Ministère chargé de la santé

Claude got, Observatoire français des drogues et des toxicomanies

Christine kerneur, Direction de l’enseignement scolaire, Ministère chargé de l’éducation nationale

Viviane kovess, Fondation MGEN pour la santé publique, Université René Descartes Paris V

Diane purper-ouakil, Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Hôpital Robert-Debré

Marie-Françoise rolland-cachera, Conservatoire national des arts et métiers, Istna, Inserm unité 557

Marie-Claude romano, Direction de l’enseignement scolaire, Ministère chargé de l’éducation nationale

Jean-Louis san marco, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé

Coordination scientifique et éditoriale

Fabienne bonnin, attachée scientifique au Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat

Catherine chenu, attachée scientifique au Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat

Jeanne etiemble, directeur du Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat

Catherine pouzat, attachée scientifique au Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat

Assistance bibliographique et technique

Cécile gomis, secrétaire au Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat

Chantal grellier, documentaliste au Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat


Avant-propos

Durant la dernière décennie, plusieurs états des lieux et, en particulier, la conférence nationale de santé de 1997 ont attiré l’attention des pouvoirs publics sur la santé des enfants et des adolescents. Prenant acte de cette priorité, la Caisse nationale d’assurance maladie des professions indépendantes (Canam) a défini avec l’Inserm un programme d’expertises collectives ciblé sur les pathologies de l’enfant qui sont en augmentation (obésité, troublesmentaux, asthme…). À l’issue d’une analyse exhaustive des données de la littérature au niveau international, les experts ont défini des recommandations pour améliorer le dépistage et la prévention de ces pathologies.
La Canam a également sollicité l’Inserm pour un bilan des connaissances sur les méthodes en matière d’éducation pour la santé utilisées auprès des jeunes dans le contexte national et international.
Tirant profit de l’ensemble de ces travaux et de ceux menés à la demande de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) sur les risques liés à la consommation d’alcool chez les jeunes, l’Inserm a récemment proposé à la Canam un approfondissement des recommandations élaborées par les groupes d’experts concernant la prévention de l’obésité, des troubles mentaux ainsi que du risque alcool chez les jeunes dans le but de proposer quelques actions bien définies de prévention et d’éducation pour la santé.
Sous l’égide de l’Inserm, un groupe de travail a été constitué, rassemblant plusieurs scientifiques des expertises citées ainsi que des acteurs des administrations et organismes ayant en charge l’élaboration des politiques publiques.
Les troubles pris en considération par le groupe de travail représentent une préoccupation de santé publique en raison d’une prévalence élevée qui tend encore à augmenter. Ainsi, une proportion non négligeable d’enfants et d’adolescents (environ 12 % en France) souffrent de troubles mentaux, c’est-à-dire de troubles qui interfèrent avec leur développement, freinent leurs apprentissages scolaires et compromettent leur devenir par une répercussion sur la qualité de vie au quotidien. La prévalence de l’obésité est également de 10-12 % chez les enfants de 5 à 12 ans. L’augmentation du nombre d’enfants touchés est très rapide, et pose en termes de santé publique le problème des complications susceptibles de compromettre leur santé à long terme. Concernant les conduites d’alcoolisation, environ 10 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans auraient une consommation régulière d’alcool (c’est-à-dire qu’ils ont consommé au moins dix fois une boisson alcoolique au cours des trente derniers jours) et 5 % connaissent des ivresses régulières (c’est-à-dire qu’ils ont été ivres au moins trois fois au cours des trente derniers jours)1 .
Des facteurs de risque comportementaux et environnementaux sont en jeu dans les problématiques étudiées. Un certain nombre de ces facteurs sont accessibles à une prévention. Cependant, l’étude des déterminants psycho-sociaux, la compréhension des aspects environnementaux et surtout la connaissance des mesures de prévention efficaces restent lacunaires. La collecte systématique de données concernant les attitudes, savoirs, comportements et préoccupations de santé est très récente en France.
La distinction classique entre prévention primaire, secondaire et tertiaire est actuellement remplacée par les notions de prévention généralisée ou universelle, sélective et indiquée. Les interventions dites généralisées sont destinées à la population générale ou tout du moins à des groupes qui n’ont pas été sélectionnés sur la base d’un risque défini. Les campagnes de vaccination et la prévention en milieu scolaire en sont des exemples. La prévention sélective vise un sous-groupe d’individus ayant un risque significativement plus élevé que la moyenne de développer un trouble. La prévention indiquée s’adresse aux sujets qui ont des signes d’appel, en restant en deçà des critères diagnostiques.
Si la notion de prévention est claire pour tous malgré des nuances apportées par différents corps professionnels (la « prévention médicalisée » du médecin, la « prévention répressive » du gendarme), le concept d’éducation pour la santé et plus largement celui de promotion de la santé font souvent l’objet d’interprétations diverses. Le caractère pluridisciplinaire et pluriprofessionnel de ces domaines fait que chacun y projette sa vision de la santé.
L’éducation pour la santé recouvre un ensemble de pratiques pouvant contribuer à la prévention des maladies et des accidents et à la promotion de la santé. Traditionnellement, l’éducation pour la santé consistait en des interventions éducatives qui visaient à apporter des informations et à inciter les individus à adopter des attitudes et des comportements favorables à leur santé dans un objectif de prévention. Actuellement, l’éducation pour la santé est plus souvent considérée comme un processus créant avec les personnes et les groupes les conditions du développement de leurs capacités, valorisant leur autonomie et leur responsabilité, ceci dans un but de promotion de la santé.
Le concept de promotion de la santé formalisé en 1986 dans la charte d’Ottawa, qui reste la référence mondiale, a élargi la démarche éducative en mettant en avant la responsabilité collective. Il ne s’agit plus seulement d’éduquer les individus, mais aussi de favoriser les mobilisations et les changements collectifs en prenant en compte les déterminants psychosociaux et sociétaux à l’origine des comportements et des attitudes défavorables à la santé. La promotion de la santé inclut l’éducation pour la santé, qui en reste une composante essentielle. Les principes évoqués pour la promotion de la santé font appel à la notion de milieu et de cadre de vie. Les interventions reposent sur une approche intersectorielle prenant en compte la multicausalité des déterminants de santé. L’approche se veut accompagnatrice du développement, le but étant l’augmentation de la capacité des individus à s’autogérer (notion d’empowerment).
Concernant l’éducation pour la santé, l’école est reconnue comme le lieu d’intervention privilégié. En effet, l’école permet d’atteindre la très grande majorité d’une classe d’âge. Les jeunes y représentent une population captive facile à informer dans le cadre des programmes d’enseignement. Mais surtout, de par sa mission éducative, l’école participe à la construction des individus. Cependant, le cercle familial conserve un rôle de premier plan et la participation des parents dans les programmes d’éducation pour la santé est capitale pour le bon déroulement de ceux-ci. L’éducation pour la santé doit pouvoir se poursuivre tout au long de la scolarité des élèves de la maternelle jusqu’au secondaire. Les programmes doivent être mis en œuvre de manière progressive en tenant compte des préoccupations liées à l’âge. La cohérence et la continuité des interventions, instaurées tout au long du cursus scolaire avec l’école, la famille et tous ceux qui interviennent auprès des jeunes est un gage de réussite. Des modes d’interventions diversifiés, adaptés aux publics et aux thèmes abordés, doivent permettre une participation active des jeunes et favoriser le développement des compétences psychosociales.
Les propositions d’actions réunies dans ce document se situent dans le registre de la prévention universelle, c’est-à-dire qu’elles s’adressent à tous les enfants et adolescents. Si l’éducation pour la santé sous-tend la plupart de ces actions, certaines se situent plus dans le champ de la création d’environnements favorables ou dans celui de la prévention des risques. L’objectif de ce travail est d’offrir aux décideurs, en fonction de leur rayon d’action (ministère, municipalité, établissement scolaire, classe…), quelques pistes d’actions bien ciblées2 . En effet, ces propositions représentent des actions qui méritent d’être :
• généralisées et développées : éducation nutritionnelle, activités physiques, prévention du risque alcool ;
• réactivées : loi Évin, programme d’éducation physique ;
• clarifiées : offre alimentaire en milieu scolaire ;
• expérimentées et évaluées : programmes de gestion du stress et développement des compétences psychosociales.
Les conditions de mise en œuvre de ces projets sont fondamentales. Ainsi, l’enjeu majeur que représente la santé actuelle et future des jeunes nécessite que ces projets soient conduits par des personnes formées. Les modes d’intervention doivent avoir été validés et doivent reposer sur la reconnaissance des multiples facteurs individuels et collectifs qui déterminent les conditions du maintien de la santé. L’examen de la littérature a conduit à constater la rareté des travaux français et des équipes universitaires françaises impliquées dans la conception et l’évaluation scientifique d’interventions éducatives de santé. C’est pourquoi le groupe de travail insiste sur la nécessité de développer la recherche et la formation en éducation pour la santé.
Si le milieu scolaire est fortement sollicité pour la mise en œuvre d’actions, il ne faut pas oublier que les jeunes évoluent aussi dans d’autres milieux (familles, groupes de pairs, quartiers). Les actions de santé doivent tenir compte de la complexité et de l’intrication des déterminants des comportements et des modes de vie ; normes sociales, culturelles et familiales, construction identitaire des jeunes, contradictions entre incitations publicitaires et messages sanitaires…
Enfin, l’accès à la prévention et à l’éducation pour la santé pose encore en France des problèmes d’inégalités territoriales et sociales. À l’heure où la répartition des compétences en matière de santé publique et d’éducation est en réorganisation, cela peut être l’occasion de développer l’éducation pour la santé autour de principes tels que l’équité géographique (accessibilité, schémas territorialisés), la pérennité et la continuité (actions continues plutôt que projets ponctuels) et la qualité (formation des intervenants, développement de la recherche).
Ce document, qui porte sur des aspects fondamentaux de la santé physique et mentale des enfants et des adolescents, représente une nouvelle étape dans la mise à disposition des acquis de la recherche auprès des décideurs politiques et institutionnels.

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