III - Examens de santé et perspectives

2009


ANALYSE

7-

Examens à la naissance : état des lieux et perspectives

Carnet de santé / développement normal

Le volet « période périnatale » du carnet de santé comporte des informations sur la période prénatale, l’accouchement, l’examen de l’enfant à la naissance (poids, taille, périmètre cranien, le résultat du test Apgar à 1 minute et à 5 minutes) mais aussi des examens systématiques des premiers jours réalisés par le médecin :
• un examen clinique de l’enfant (fréquence cardiaque et respiratoire ; tonus ; réactions aux stimuli sonores, examen des hanches et pieds…). Ce bilan comporte également un examen ophtalmologique et la recherche d’une déficience auditive ;
• des examens biologiques de dépistage (phénylcétonurie, hyperplasie congénitale des surrénales et hypothyroïdie, dépistage ciblé de la drépanocytose, mucoviscidose).
L’examen ophtalmologique à la naissance comprend : l’examen des globes oculaires (qui doivent être de taille normale et symétrique : une mégalo cornée peut révéler un glaucome congénital) ; l’aspect de la pupille (les pupilles normales sont rondes, de même taille et réactives à la lumière, des opacités ou troubles de la transparence peuvent révéler une cataracte) ; l’étude du réflexe photomoteur (sa présence permet de s’assurer du fonctionnement de la rétine, des voies afférentes vers le cortex et efférentes vers l’iris) ; la lueur pupillaire (la présence d’une leucocorie, reflet blanc dans la pupille, doit faire suspecter un rétinoblastome).
Dans le carnet de santé, la recherche d’une déficience auditive doit être mentionnée avec la méthode utilisée.
La question du dépistage systématique d’une déficience auditive à la naissance par des tests objectifs est discutée ci-dessous.

Question du dépistage d’un déficit auditif en période néonatale

La déficience auditive est le déficit sensoriel le plus fréquent chez l’enfant puisqu’elle atteint un à deux enfants sur mille. Ses conséquences sur le développement du langage et de la communication sont importantes dès l’instant où la perte auditive atteint ou dépasse 40 dB HL (Hearing Level) sur la meilleure oreille. En effet, même les surdités moyennes (40-70 dB), qui représentent 50 % des surdités de l’enfant, ont un impact sur les apprentissages scolaires, le développement cognitif et l’adaptation sociale qui ne peut pas être sous estimé.
Cependant, les parents sourds n’appréhendent pas toujours la surdité de leur enfant comme limitant les possibilités de communiquer avec lui puisqu’ils peuvent avoir recours au langage des signes.
En dépit des examens préconisés dans le carnet de santé au cours de la première année, la majorité des surdités de perception bilatérales ≥ 40 dB HL sont diagnostiquées après l’âge de 12 mois si l’enfant n’a pas fait l’objet d’un dépistage systématique à la naissance. Ce retard diagnostique peut avoir différentes causes : l’absence d’outils comportementaux fiables à la disposition de l’ensemble des pédiatres, l’absence de facteurs de risque chez au moins la moitié des enfants sourds, la capacité souvent étonnante de bien des enfants sourds à renforcer d’autres aptitudes sensorielles donnant le change, l’espoir chez certains parents que leurs doutes initiaux soient contredits par le diagnostic du médecin, l’association possible d’une surdité de perception à une banale otite séreuse, et également des paroles rassurantes non étayées par un examen auditif précis.
Une première mesure simple pour améliorer la situation serait donc d’agir de façon coordonnée sur l’ensemble de ces facteurs, mais ceci s’avère en pratique difficile et en tout cas infructueux. L’apparition de techniques objectives fiables, automatisées et applicables dès les premiers jours de vie rend envisageable le dépistage de ce déficit sensoriel sur le lieu de naissance. Même si l’existence de techniques fiables n’est pas le seul argument pour justifier un dépistage généralisé, leur pertinence scientifique est un premier élément à discuter.

Tests de dépistage néonatal

Actuellement, deux types de tests de dépistage peuvent être utilisés : les otoémissions acoustiques (OEA) et les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA).
Les OEA désignent des sons de faible intensité générés par l’oreille interne, que l’on peut recueillir dans le conduit auditif externe si l’oreille moyenne fonctionne correctement. Les conditions techniques de leur obtention et leur signification physiopathologique (fonctionnalité des cellules ciliées externes de la cochlée) en font un très bon outil de dépistage néonatal. L’absence d’OEA chez le nouveau-né peut toutefois relever de deux mécanismes très différents. Il peut s’agir d’une pathologie même légère de l’oreille moyenne, car une surdité de transmission de 15-20 dB HL suffit en général à les faire disparaître. Il peut aussi s’agir d’une atteinte des cellules ciliées externes responsable d’une surdité de perception ≥ 25-30 dB HL (moyenne des seuils audiométriques à 500, 1 000 et 2 000 Hz). Cette double dépendance à l’égard de la fonction de l’oreille moyenne et de l’oreille interne explique que, dans un programme de dépistage néonatal, la spécificité1 des OEA (77 à 96 % selon les études) soit un peu moins bonne que leur sensibilité (entre 96 et 100 % selon les auteurs)2 . Pour optimiser la spécificité, les programmes de dépistage néonatal fondés sur les OEA sont donc structurés en deux étapes : les enfants suspects au premier test étant systématiquement testés une deuxième fois.
Les potentiels évoqués auditifs automatisés qui sont l’autre outil de dépistage (PEAA) s’enregistrent à la surface de la peau en stimulant les oreilles à une seule intensité sonore. Les structures dont ils explorent l’activité physiologique sont la cochlée, le nerf auditif et les voies auditives du tronc cérébral. Ils se distinguent donc fondamentalement des OEA sur ce plan. Même si la spécificité des PEAA est meilleure que celle des OEA, les programmes de dépistage néonatal utilisant les PEAA sont eux aussi organisés en deux étapes (les enfants ayant un premier test positif étant systématiquement testés une seconde fois), afin de réduire le taux de faux positifs et renforcer la valeur prédictive positive.
Les tests de dépistage par les OEA et les PEAA peuvent être comparés d’un point de vue scientifique d’une part, technique et financier d’autre part. La première comparaison qui est faite entre les deux types de matériels est scientifique, sous la forme des valeurs prédictives positives (VPP)3 rapportées dans une dizaine de programmes. Les VPP brutes et pondérées (tenant compte du nombre d’enfants inclus dans les études) sont plus élevées dans les programmes de dépistage fondés sur l’étude des PEAA (27,3 % versus 8,2 %).
Selon les données disponibles, les programmes de dépistage à double étape devraient être privilégiés car ils réduisent fortement le taux de faux positifs et surtout renforcent la VPP.
Le second critère scientifique sur lequel on peut s’appuyer pour juger de l’efficacité d’un programme de dépistage néonatal de la surdité est le taux de faux négatifs. Le dépistage néonatal par les OEA ne permet pas de repérer une catégorie particulière de surdités de l’enfant. Les enfants diagnostiqués comme porteurs d’une « neuropathie auditive » sont caractérisés par une préservation des OEA contrastant avec l’absence de PEA du tronc cérébral. Or, on sait maintenant que ces enfants s’ils sont sourds profonds peuvent recevoir avec succès un implant cochléaire.
Concernant les modalités pratiques on peut noter que les PEAA permettent de tester les deux oreilles en même temps. Néanmoins, les OEA présentent l’avantage d’une durée d’examen (plus courte) et celui d’un coût de l’appareil et de consommables moins élevés.

Dépistage auditif néonatal en population générale

Un dispositif de santé publique mis sur pied pour assurer un dépistage auditif néonatal en population générale requiert une organisation rigoureuse dans la réalisation des tests et la collecte des données individuelles, la répétition du test si l’appareil n’identifie pas de réponse, la convocation des enfants testés positivement dans un centre diagnostique et le repérage de ceux qui ne s’y rendent pas. Le dispositif doit également assurer le repérage des nouveau-nés transférés dans un autre service (réanimation néonatale en particulier) avant d’avoir pu être testés.
Un programme expérimental soutenu par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) et mené avec l’aide de l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE), a été chargé d’étudier depuis le printemps 2005 la faisabilité d’un dépistage par les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA) dans six bassins de vie de 12 000 nouveau-nés chacun. Cette technique a été préférée aux otoémissions acoustiques (OEA) pour les raisons scientifiques suivantes : caractérisées par un moindre taux de faux positifs (enfants suspects au test néonatal mais dont la suite des examens atteste qu’ils ne sont pas atteints d’une surdité de perception bilatérale ≥ 40 dB HL), une valeur prédictive positive plus élevée (supérieure à 15 % dans la plupart des programmes utilisant les PEAA en deux étapes), et la possibilité de dépister les neuropathies auditives.
D’autres expériences, faisant appel aux OEA en deux étapes, ont été initiées sur le territoire grâce à des financements locaux ou des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC). Les OEA sont recueillies plus rapidement et leurs consommables sont moins coûteux qu’avec les PEAA.
Dans le cadre des études recherche-action sur l’outil de dépistage, la comparaison des deux techniques (OEA, PEAA) porte sur le nombre d’enfants sourds identifiés (écart avec la prévalence attendue), la valeur prédictive positive et le décompte aussi précis que possible des faux négatifs.
En 2007, la Haute autorité de santé (HAS) a rendu un avis sur le dépistage néonatal systématique de la surdité bilatérale4  : « la HAS recommande que le dépistage systématique de la SPN soit mis en Ĺ“uvre au niveau national de façon progressive, en s’appuyant sur les expérimentations en cours afin de bénéficier de leur expérience. Cette montée en charge progressive, région par région, d’un programme de dépistage systématique de la SPN au niveau national permettra d’identifier les difficultés rencontrées au plan organisationnel (modalités de dépistage en maternité et structuration des prises en charge en aval) qui, le cas échéant, pourront être corrigées au fur et à mesure de l’extension. La HAS évaluera la pertinence d’une actualisation de cette recommandation au vu des résultats des expérimentations en cours ».
Dans son avis 103 (10 janvier 2008) « Ethique et surdité de l’enfant : éléments de réflexion à propos de l’information sur le dépsitage systématique néonatal et la prise en charge des enfant sourds » le Comité consultatif national d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé (CCNE)5 déclare que le dépistage néonatal de la surdité « ne devrait pas faire l’objet d’une pratique généralisée », mais plutôt d’un « repérage orienté ». Il estime que les conditions éthiques « d’une généralisation du dépistage de la surdité à la maternité », recommandé par la Haute autorité de santé (HAS), ne sont pas réunies actuellement.

Dépistage en service de néonatalogie

La prévalence de la surdité chez les enfants en service de néonatologie est beaucoup plus élevée qu’en population générale, puisqu’elle varie de 8 à 45/1 000 selon les études.
Or, ces enfants en service de néonatologie ne font pas actuellement l’objet d’un dépistage systématique. Dans le programme expérimental de la Cnamts, les enfants en néonatologie issus d’une maternité participante sont les seuls à être dépistés. Dans les programmes loco-régionaux, le dépistage en service de néonatologie est soit non pratiqué soit non systématique. Une réactivation des recommandations DGS/Dhos pourrait être utile.

Prise en charge des enfants sourds dépistés à la naissance

Parmi les critères exigibles de tout programme de dépistage figurent deux principes à mettre en exergue à propos des tests diagnostiques consécutifs au dépistage néonatal :
• il doit exister un traitement efficace pour les cas dépistés et des indications selon lesquelles le dépistage précoce conduit à un meilleur pronostic que l’intervention plus tardive ;
• il doit exister des critères valides permettant de déterminer à qui le traitement s’adressera ; ce traitement doit être disponible.
La précision du diagnostic (surdité de perception bilatérale de niveau audiométrique connu, supérieur ou égal à 40 dB sur la meilleure oreille) représente une étape-clé dans un programme de dépistage néonatal sur l’audition. En effet, l’orientation vers un programme de développement précoce de l’audition et de la communication est assurée en prenant en compte la nature et le degré de la perte auditive de l’enfant, les attentes des parents, leurs valeurs culturelles et un éventuel autre handicap associé. Bien que le choix des parents se porte parfois sur le langage gestuel (Langue des signes française) en particulier dans les familles de sourds, la plupart des familles d’entendants opte pour une réhabilitation auditive visant à l’acquisition du langage oral. Cependant, cette situation n’exclut pas d’informer les parents de l’intérêt d’une éducation bilingue fondée sur la langue des signes et l’apprentissage du langage oral grâce à un appareillage approprié.
Dans la grande majorité des études attestant de l’intérêt d’un appareillage auditif précoce pour le développement du langage oral, des aides auditives bilatérales sont adaptées en pratique à partir de l’âge de 4-6 mois. Ce délai de quelques mois est en effet souvent nécessaire pour à la fois garantir la précision du diagnostic et assurer aux parents un soutien psychologique leur permettant d’accepter la surdité de leur enfant et de s’investir dans une communication précoce efficace, tirant profit au maximum des capacités auditives de l’enfant.

Maintien de la vigilance chez les nourrissons à dépistage auditif néo-natal négatif

En raison de l’existence de surdités d’apparition secondaire (d’origine génétique ou acquises sous l’effet de facteurs environnementaux tels que cytomégalovirus ou ototoxicité), le corps médical et les parents doivent être vigilants sur les réactions auditives et le développement du langage du nourrisson. Quelques repères simples peuvent éveiller l’attention et motiver une demande d’examen audiophonologique, chez un enfant qui :
• à 9 mois ne redouble pas les syllabes ;
• à 14 mois ne dit pas « papa » ou « maman » et ne répond pas à son prénom ;
• à 2 ans n’associe pas deux mots, ne montre pas des parties du corps lorsqu’on lui demande ;
• à 3 ans n’est pas compréhensible (ou compréhensible seulement par ses parents).
L’utilité du dépistage auditif scolaire généralisé en début et fin de maternelle doit à cet égard être rappelée.

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