III - Examens de santé et perspectives

2009


ANALYSE

9-

Examen de 24 mois : état des lieux et perspectives

Carnet de santé

Lors de l’examen du 24e mois, des repères sur le développement de l’enfant sont indiqués aux parents : « À 24 mois, votre enfant utilise son index pour désigner quelqu’un ou quelque chose, joue à faire semblant, vous imite dans la vie quotidienne, répond à votre sourire. »
L’examen médical comporte, comme aux âges précédents et de façon adaptée à l’âge, un examen oculaire et auditif ainsi que du développement psychomoteur.
Les questions sur le développement portent sur : marche acquise (quel âge ?) ; comprend une consigne simple ; nomme au moins une image ; superpose des objets ; associe deux mots ; motricité symétrique des quatre membres.
L’intérêt d’un repérage d’un trouble du développement pouvant évoquer un trouble envahissant du développement est discuté ci-dessous.

Question du repérage de troubles envahissants du développement (autisme, TED)

Le repérage permettant d’orienter les familles vers une évaluation diagnostique rigoureuse, limite les errances et le stress. Repérés précocement, les enfants présentant un trouble envahissant du développement pourront bénéficier d’interventions éducatives qui visent à améliorer leurs compétences communicatives, en développant le langage et les interactions sociales et faciliter l’intégration dans un milieu ordinaire. Ainsi, une prise en charge précoce permet une amélioration du pronostic des personnes autistes et atteintes de TED (Inserm, 2002 ; HAS, 2005). L’intervention précoce peut également diminuer l’apparition de symptômes secondaires, tels que les comportements destructeurs et l’automutilation.
Inversement, l’absence de diagnostic précoce conduit à une absence de prise en charge précoce, donc à une perte de chance, voire une maltraitance.
En l’absence de marqueurs biologiques, les actions de repérage des TED ne peuvent reposer que sur l’identification de signes et comportements indicateurs d’un développement anormal. Une première approche consiste à s’appuyer sur les visites médicales systématiques effectuées chez les jeunes enfants et former les professionnels qui en sont responsables à une meilleure détection clinique des TED. Une approche complémentaire vise à développer des questionnaires de repérage qui puissent être utilisés par les professionnels et/ou les parents. Ces instruments doivent être sensibles aux différences dans la nature et la fréquence des signes autistiques et être facilement administrés dans des conditions médicales routinières, comme lors d’un des examens de santé systématiques. Ils doivent requérir peu ou pas de formation particulière pour la passation, de façon à être adoptés par une gamme étendue de professionnels exerçant dans des conditions variées.
Un instrument de repérage doit être évalué de manière empirique, sur des échantillons de grande taille, dans des conditions proches de celles prévues pour son emploi futur. Le plus souvent, des approches longitudinales sont nécessaires pour étudier la validité prédictive de l’outil puisque le critère à l’aune duquel l’instrument de repérage est évalué est un diagnostic de TED, qui ne peut parfois être confirmé que plusieurs années après le repérage.
Savoir interroger les parents est souvent un excellent outil de repérage. Ce sont les parents qui expriment les premiers leurs inquiétudes. Ils ne sont entendus bien souvent qu’une fois le diagnostic posé.

Outils de repérage

Deux outils existent en version française et ont été validés dans une population d’enfants en France. Ils sont en cours de validation dans le cadre d’un dépistage systématique. Il s’agit du CHAT (Checklist for Autism in Toddlers) et du M-CHAT (Modified Checklist for Autism in Toddlers). L’utilisation de ces outils est une occasion importante d’observation partagée entre parents et professionnels (permet aux parents d’exprimer leurs inquiétudes et aux professionnels d’appréhender ces inquiétudes d’après leur connaissance du développement de l’enfant).
Le CHAT est le premier instrument développé à des fins de repérage systématique chez des enfants de 18 mois dans la population générale en Grande-Bretagne. Il s’agit d’un questionnaire en deux parties : une première liste de 9 questions s’adresse aux parents, la deuxième de 5 questions est destinée au médecin pour l’observation lors de la consultation (annexe 3). Les items ont été choisis pour refléter les domaines affectés précocement dans l’autisme : le jeu social, l’intérêt pour les autres enfants, le jeu de « faire semblant », le pointage protodéclaratif, l’attention conjointe. Des items ne devant pas être affectés dans l’autisme viennent s’intercaler dans le questionnaire. Cet outil présente une spécificité élevée de l’ordre de 97 % mais la sensibilité reste faible (40 %). Sa valeur prédictive positive est de l’ordre de 30 % et dépasse 75 % quand le questionnaire est administré une deuxième fois un mois après la première passation.
Le M-CHAT, conçu pour les enfants de 24 mois, repose entièrement sur les parents comme source d’information. Le questionnaire comporte les 9 questions initiales du Chat et 14 nouvelles questions (annexe 3). La sensibilité du test a été estimée à 87 %, la spécificité à 99 %, la valeur prédictive positive à 80 % et la valeur prédictive négative à 99 %. Cet instrument est d’utilisation rapide et facile et ne nécessite pas l’intervention d’un professionnel de santé.
Lorsqu’un certain nombre de réponses aux questions sont négatives, la probabilité d’un trouble envahissant du développement (autisme) ou d’un autre syndrome autistique doit être suspectée et une orientation vers un spécialiste ou un centre de référence doit être envisagée pour un examen approfondi.
Le développement d’instruments de dépistage répond au besoin, reconnu dans tous les pays, d’améliorer l’identification et la détection des TED à un âge précoce.

Repérage en population générale

La surveillance du développement lors des bilans de santé systématiques et en particulier lors de l’examen du 24e mois peut être considérée comme un moyen pertinent de repérage précoce de troubles envahissants du développement. Pour un dépistage efficace, cette surveillance doit être réalisée de manière systématique (chez l’enfant sans problème a priori, de manière régulière, en ciblant ces moments clés du développement de l’enfant).
Une étude (financée par la DGS) est actuellement en cours en France (sous la responsabilité de Bernadette Rogé1 ) avec des parents volontaires recrutés parmi les familles présentant leur enfant à la consultation des 2 ans chez un pédiatre ou un généraliste en libéral ou dans le cadre d’une PMI. Les parents répondent à une série de 23 questions portant sur le comportement de l’enfant (M-CHAT). Le médecin en plus de son examen habituel observe le comportement social de l’enfant dans des situations qui permettent de mettre à jour les anomalies recherchées et de les répertorier (comportements ayant une valeur prédictive validée par des études antérieures) et pose quelques questions aux parents (CHAT). Les médecins volontaires pour participer à cette étude bénéficient d’une formation à l’application du CHAT et au repérage de ces signes. Les résultats au questionnaire sont corrélés avec le statut de l’enfant à 30 et 36 mois (développement normal, retard, anomalie qualitative du développement correspondant aux critères de l’autisme ou d’un autre trouble envahissant du développement). Il s’agit de déterminer par des traitements statistiques appropriés la sensibilité de l’échelle M-CHAT, c’est-à-dire sa capacité à déceler les enfants à risque, et sa spécificité, c’est-à-dire sa capacité à cerner le risque de troubles du spectre autistique de manière différenciée par rapport à d’autres problèmes de développement.
La validation d’un questionnaire susceptible d’être rempli par les parents devrait constituer un outil capable de faciliter le repérage des enfants à risque dans une population tout-venant. Il s’agit de vérifier que les réponses à des questions simples concernant le comportement de l’enfant peuvent permettre de prédire des anomalies du développement confirmées plus tard par des spécialistes.
En attendant une éventuelle utilisation de tels outils de repérage (CHAT et M-CHAT) en population générale, il faut rappeler les signes d’alerte qui doivent conduire parents et médecins à solliciter une orientation vers un centre de référence pour effectuer une évaluation plus précise des signes (tableau 9.Irenvoi vers).

Tableau 9.I Signes d’alerte des troubles envahissants du développement

Pas de babillage à 12 mois
Pas de gestes (pointage, au revoir de la main…) à 12 mois
Pas de mots à 16 mois
Pas de combinaisons de deux mots spontanées (pas seulement écholaliques) à 24 mois
N’importe quelle perte de compétence (de langage ou sociale) à tout âge

Intérêt du repérage précoce pour un diagnostic et prise en charge

Le diagnostic précoce de l’autisme reste une affaire de spécialistes mais le circuit qui amène un enfant à risque chez le spécialiste pourrait être réduit par la mise en place d’une action de repérage des troubles du développement dans la population tout-venant. La Fédération française de psychiatrie a établi des « recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic de l’autisme » sous l’égide de l’HAS (2005). Le diagnostic d’autisme s’établit cliniquement grâce aux observations pluridisciplinaires de professionnels formés et expérimentés complétant les observations parentales. Il existe des guides d’entretiens structurés et des échelles diagnostiques. Les équipes à même d’effectuer un diagnostic peuvent être localisées en CAMSP, CMPP, services de pédiatrie infanto-juvénile, service de pédiatrie, unités d’évaluations ou centres de ressources autisme régionaux. Les centres ressources doivent favoriser la formation des praticiens et la mise en pratique des recommandations.
L’analyse précise du comportement et des capacités de communication faites par une équipe pluridisciplinaire devrait inclure des recherches systématiques de facteurs neurologiques, une étude du caryotype, un bilan métabolique et éventuellement une IRM (imagerie par résonance magnétique nucléaire). Les centres d’expertise pour l’évaluation diagnostique de l’autisme et les possibilités d’accueil pour les personnes avec autisme (en unités spécialisées ou en intégration) doivent être en nombre suffisant avec des professionnels ayant reçu une formation spécifique.
Le diagnostic permet de mettre en place un programme éducatif et de soins adaptés. Ces programmes éducatifs complets peuvent réduire les handicaps cognitifs, communicatifs, sociaux et comportementaux de l’autisme. Ils doivent permettre à l’enfant de réaliser au mieux son potentiel et de favoriser son indépendance et son intégration dans la société, tout en diminuant l’incidence des handicaps secondaires. L’efficacité des interventions dépend néanmoins de la disponibilité et de la formation adéquate de professionnels compétents et organisés dans des services accessibles. Cette prise en charge doit être individualisée, en soutenant dans le court terme les compétences émergentes, et en réévaluant périodiquement les acquis et les besoins nouveaux. La collaboration étroite avec la famille est une caractéristique de toutes les interventions éducatives, qui vise notamment à faciliter la généralisation des compétences à des contextes variés, ce qui est souvent difficile pour ces enfants. En outre, une collaboration effective entre professionnels et familles permet de réduire le niveau de stress de ces dernières, et de mener une vie familiale aussi harmonieuse que possible où chaque membre de la famille (en particulier les frères et sÅ“urs) peut s’épanouir normalement.
Les manifestations de l’autisme sont très hétérogènes et complexes. Cependant, l’âge précoce est une condition importante à l’efficacité de ces interventions (entre 2 ans et 3 ans). Le choix des familles doit être respecté quant au lieu où ses programmes doivent être administrés (à la maison et dans des institutions) mais une coopération étroite entre professionnels et parents sur une longue période de temps est indispensable. L’intensité et la diversité des actions éducatives ont pour but d’exercer une influence favorable sur l’évolution du handicap vers une meilleure intégration sociale (que ce soit en famille, à l’école ou en établissement spécialisé). Une prise en charge précoce et adaptée permet une amélioration des capacités relationnelles, intellectuelles, le développement de l’autonomie et une meilleure insertion sociale de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte atteint d’autisme.

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