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Med Sci (Paris). 32(12): 1111–1119.
doi: 10.1051/medsci/20163212015.

Altérations de l’épissage et maladies rares

Pierre de la Grange1*

1GenoSplice technology, iPEPS – ICM, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013Paris, France
Corresponding author.
 

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Épissage et épissage alternatif

Avant les années 2000, le dogme central de la biologie moléculaire était « un gène est à l’origine de la synthèse d’une protéine » et le nombre de gènes codants (des protéines) était estimé à plus de 100 000. Le développement des technologies de séquençage associé à l’essor de la bio-informatique a permis d’affiner l’estimation du nombre de gènes codants chez l’homme. Des études récentes [1] fondées sur l’analyse de données de séquençage massif d’ARN de plusieurs milliers d’échantillons (différents tissus, tumeurs et lignées cellulaires) ont mis en évidence plus de 91 000 gènes, dont environ 21 000 codants. Ce nombre est proche de celui d’autres espèces comme la souris, le poisson-zèbre ou le nématode, dont le génome présente également plus de 20 000 gènes codants. La complexité d’un organisme n’est donc pas uniquement liée au nombre de gènes codants au sein de son génome. Il existe en effet d’autres mécanismes biologiques permettant d’augmenter la diversité du transcriptome et du protéome. Le principal mécanisme permettant d’augmenter cette diversité est l’épissage alternatif [41] ().

(→) Voir également la Synthèse de G. Dujardin et al., page 1103 de ce numéro

La Figure 1 présente les grandes étapes de la régulation de l’expression des gènes. Un gène peut être à l’origine de la synthèse de plusieurs transcrits distincts traduits en protéines différentes, qui peuvent avoir des fonctions ou des localisations cellulaires différentes. Certains transcrits ont également un rôle régulateur et sont dégradés par la voie du NMD (nonsense-mediated mRNA decay) [2]. Ces transcrits sont reconnus par le NMD parce qu’ils présentent un codon stop prématuré (ou PTC pour premature stop codon).

L’épissage alternatif n’est pas une exception mais plutôt une règle puisque ce mécanisme concerne la très large majorité des gènes humains codants. Si on considère les gènes avec plusieurs exons, 90 % des gènes humains codants sont soumis à épissage alternatif [3, 4]. Il y a en moyenne environ quatre transcrits différents par gène [3, 4] et pour un tiers des gènes, l’épissage alternatif est à l’origine de la synthèse d’au moins cinq ARN messagers différents [3, 4]. L’estimation de cette diversité des ARN messagers se fonde sur les connaissances actuelles, et notamment sur les bases de données de transcrits qui restent limitées : en fonction des types cellulaires et tissulaires, des stades de développement, des pathologies et des traitements appliqués (par exemple, siARN [small interfering RNA], composés chimiques, rayonnements ultra-violet, stress cytotoxique, etc.), à peine plus de la moitié seulement des transcrits seraient mis en évidence à ce jour [5]. En considérant la part de transcrits non encore identifiés, les variations génétiques et l’édition (un autre mécanisme permettant l’augmentation de la diversité des transcrits) [6] ainsi que les modifications post-traductionnelles, on pourrait estimer entre 100 000 et 1 000 000 le nombre de protéines différentes chez l’homme. Les conséquences de l’épissage alternatif vont de modifications subtiles à de profonds changements cellulaires. L’épissage peut jouer un rôle : (1) de modification des propriétés cellulaires ; (2) de modulation de la transcription ; (3) sur la localisation cellulaire des protéines ; (4) sur leurs propriétés enzymatiques ; (5) sur leurs interactions avec d’autres protéines ; (6) sur les canaux qu’elles forment ; (7) sur leur stabilité ; ou (8) indirectement sur la régulation de l’épissage en modifiant la composition en exons des transcrits des facteurs d’épissage [7]. De plus en plus d’études montrent également l’importance de la régulation de l’épissage des ARN non codants, notamment dans le cancer [8].

Mécanismes de régulation de l’épissage

Les exons codants des gènes ne représentent qu’environ 1,5 % du génome humain. Afin d’être reconnus précisément pour ne pas décaler le cadre de lecture de la traduction, le mécanisme moléculaire de l’épissage nécessite une extrême précision reposant sur le splicéosome, une machinerie composée de plus de 200 protéines distinctes.

Le splicéosome est constitué de cinq complexes ribonucléoprotéiques (U1, U2, U4/U6 et U5) qui vont reconnaître plusieurs signaux au niveau de la séquence des ARN pré-messagers (Figure 2A) : les sites d’épissage 3’ et 5’ appelés aussi respectivement site accepteur et site donneur ; le point de branchement ; et la séquence riche en polypyrimidines. La réaction d’épissage se déroule en plusieurs étapes présentées sur la Figure 2B . Il est maintenant clairement établi que la réaction d’épissage a lieu simultanément à la transcription et qu’un certain nombre de protéines interviennent à la fois dans la régulation de l’épissage et celle de la transcription [9].

Cette reconnaissance des exons par le splicéosome est assortie d’un niveau supplémentaire de régulation qui a pour fonction de renforcer la reconnaissance des sites d’épissage, ou au contraire de la diminuer. En effet, des variants génétiques apparus au cours de l’évolution entraînent l’affaiblissement de sites d’épissage constitutifs ou le renforcement de sites d’épissage cryptiques (normalement peu utilisés). Ils permettent ainsi à la machinerie d’épissage de changer le contenu en exons des ARN messagers synthétisés à partir d’un même gène. Les exons alternatifs ont des sites d’épissage plus faibles (moins bien reconnus par la machinerie d’épissage) que les exons constitutifs (qui sont retrouvés dans la majorité des variants d’épissage). Les séquences d’ARN pré-messager présentent de nombreuses séquences régulatrices, au niveau des exons mais aussi des introns, sur lesquelles les protéines régulatrices de l’épissage (appelées aussi facteurs d’épissage) vont se fixer pour masquer un site ou au contraire renforcer sa reconnaissance (Figure 2C). Les deux grandes familles de facteurs d’épissage sont les protéines riches en acides aminés sérine et arginine, nommées protéines SR, et les protéines des particules ribonucléoprotéiques hétérogènes nucléaires (hnRNP). De manière simplifiée, il est souvent admis que les protéines SR se fixent sur les séquences activatrices (ESE, pour exonic splicing enhancer dans les exons, ou ISE, pour intronic splicing enhancer dans les introns) pour favoriser la reconnaissance des sites d’épissage (Figure 2C). À l’inverse, les hnRNP sont généralement connues pour se fixer sur les séquences inhibitrices (ESS, pour exonic splicing silencer dans les exons, ou ISS, pour intronic splicing silencer dans les introns) pour altérer la reconnaissance d’un site en le masquant (Figure 2C). La reconnaissance d’un exon et son inclusion dépend de la combinaison des facteurs d’épissage impliqués (présence et concentration cellulaire). Il est par ailleurs maintenant bien établi que d’autres conditions peuvent influencer le choix d’inclusion ou d’exclusion d’exons alternatifs comme des modifications des histones [9], ou la vitesse de transcription [10].

Dérégulation de l’épissage dans les maladies rares

En France, une maladie est dite rare lorsqu’elle affecte moins d’un individu sur 2 000. Il existe entre 7 000 et 8 000 maladies rares et, en moyenne, cinq nouvelles sont décrites chaque semaine dans la littérature scientifique. Pour plus de 80 % de ces maladies, une origine génétique a été confirmée. L’importance des variants génétiques dans le contexte des analyses de séquences de patients atteints de maladie d’origine génétique a longtemps été limitée aux régions codantes des transcrits. Seuls les variants prédits pour entraîner un changement d’acide aminé étaient considérés comme des mutations potentielles. Les variants synonymes (des mutations ne modifiant pas l’acide aminé) étaient ainsi écartés, au même titre que les variants localisés en dehors des régions codantes. Il est maintenant établi qu’entre 15 % et 35 % des mutations connues pour être la cause d’une maladie génétique affecteraient l’épissage [11, 12]. Sans a priori sur le fait qu’un variant génétique puisse être ou non une mutation causale d’une maladie génétique, certaines études estiment même à plus de 60 % la proportion de variants qui pourraient affecter l’épissage [13].

Les mutations peuvent affecter l’épissage en agissant en cis (sur le même gène) ou en trans (à distance du gène). Les mutations agissant en cis peuvent altérer un site d’épissage accepteur ou donneur constitutif, ou favoriser la reconnaissance d’un site cryptique, modifier la composition nucléotidique d’une région riche en pyrimidines ou d’un point de branchement, ou altérer une séquence régulatrice de l’épissage. Les mutations agissant en trans peuvent modifier l’efficacité des composants du splicéosome en altérant par exemple un domaine fonctionnel ou domaine d’interaction. Les facteurs d’épissage peuvent également être mutés et entraîner ainsi une altération de la reconnaissance de certains exons. Enfin, d’autres mécanismes d’altération de l’épissage ont été décrits comme responsables de maladies rares, comme par exemple la séquestration de protéines régulatrices de l’épissage due à une répétition de triplets. Les exemples de maladies rares liées à des altérations de l’épissage présentées dans le Tableau I sont détaillés ci-après.

Exemples de mutations agissant en cis au niveau d’un site d’épissage
Une mutation au niveau d’un site accepteur du gène de la chaîne bêta de l’hémoglobine entraîne la bêta+ thalassémie qui est caractérisée par un déficit partiel de synthèse des chaînes de bêta-globine de l’hémoglobine et une anémie1 [14]. La dystrophie musculaire de Duchenne est une maladie neuromusculaire caractérisée par une atrophie et une faiblesse musculaire progressive due à une dégénérescence des muscles. La maladie est liée à des mutations affectant l’épissage du gène de la dystrophine [15]. La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies génétiques touchant les enfants dans les populations occidentales. Elle est associée à plus de 1 250 mutations dans le gène CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator)2, dont certaines affectent directement des sites d’épissage [16]. L’ataxie-télangiectasie est une maladie responsable de troubles nerveux et immunologiques. Cette maladie est due à l’inactivation du gène ATM (ataxia-telangiectasia mutated) liée à une mutation intronique affectant un site cryptique d’épissage. Un autre exemple de mutation au niveau d’un site d’épissage entraînant une maladie est le cas de la glycogénose de type II qui se traduit notamment par une atteinte des muscles à laquelle s’associe une cardiomyopathie dans la forme infantile. L’analyse génétique du gène GAA (acid alpha-glucosidase) a révélé que la mutation non-sens p.R600C3 affectait l’inclusion de l’exon correspondant [17]. D’autres études ont mis en évidence des variants introniques affectant également l’épissage de ce gène [18]. Contrairement aux exemples présentés précédemment où un gène muté était associé à une seule maladie, un même gène peut être associé à plusieurs maladies selon les mutations qu’il porte. C’est le cas du gène de la lamine A/C (LMNA). Les laminopathies regroupent 14 maladies dont des cardiomyopathies, des neuropathies périphériques héréditaires, des lipodystrophies, des dystrophies musculaires et des syndromes de vieillissement prématuré [19]. Des mutations dans des sites donneurs d’épissage du gène LMNA peuvent entraîner des maladies distinctes (Figure 3). Ainsi, la dystrophie musculaire des ceintures de type 1B est caractérisée par une faiblesse musculaire progressive alors que la lipodystrophie partielle familiale type 2 (appelée aussi syndrome de Dunnigan) se caractérise par une absence de tissu adipeux sous-cutané dans la partie inférieure du corps et une accumulation du tissu adipeux au niveau du visage et du cou [20]. Le syndrome de Hutchinson-Gilford (ou progéria) est une affection caractérisée par un vieillissement prématuré lié à l’utilisation d’un site 5’ d’épissage cryptique au niveau de l’exon 11 de la LMNA [21]. D’autres mutations au niveau du site 3’ de l’exon 4 entraînent des cardiomyopathies dilatées [22].

Exemples de mutations agissant en cis au niveau d’un point de branchement
Les mutations décrites au niveau du point de branchement sont rares. À ce jour, seule une douzaine de mutations sont référencées. Le syndrome de Beals (appelé aussi arachnodactylie congénitale avec contractures) est une maladie du tissu conjonctif dont les symptômes sont proches de ceux du syndrome de Marfan4. Cette maladie est due à une mutation au niveau du point de branchement de l’intron 30 du gène FBN2 qui code la fibrilline 2. La maladie de Niemann-Pick de type 1 est une maladie lysosomale due au déficit de l’activité de la sphingomyélinase acide. Ce défaut est responsable de la surcharge des cellules en sphingomyéline. Des patients atteints de cette pathologie sont porteurs de la mutation c.882-28A>G du gène NPC1 (Niemann-Pick disease, type C1) qui altère le point de branchement de l’intron 6 [23]. Le syndrome du QT long congénital5 est une maladie cardiaque héréditaire. Le point de branchement de l’intron 9 du gène KCNH2 (potassium voltage-gated channel subfamily H member 2) est affecté par une mutation -28A>G chez certains patients [24]. Un dernier exemple de mutation altérant un point de branchement est la porphyrie érythropoïétique congénitale (appelée aussi maladie de Günther). Depuis sa description à la fin du xix e siècle, environ 200 cas ont été rapportés dans la littérature. La maladie se manifeste le plus souvent dès la naissance par une photosensibilité cutanée extrêmement sévère et mutilante. La mutation c.661-31T>G du gène UROS (uroporphyrinogen III synthase) entraîne une altération du point de branchement du dernier intron [25].
Exemples de mutations agissant en cis au niveau d’une région riche en pyrimidines
Il existe également un certain nombre de mutations localisées au niveau de la région riche en pyrimidines. L’exemple le plus connu est la mucoviscidose où des mutations altèrent cette région en 5’ de l’exon 9 et entraînent une modulation de la sévérité de la maladie [26]. Dans le cas de l’hémophilie B, qui est caractérisée par un déficit en facteur IX (un facteur de coagulation) entraînant des hémorragies spontanées ou prolongées, la mutation c.392-8T>G du gène F9 (codant le facteur IX) entraîne l’exclusion de l’exon 5 due à une altération du point de branchement de l’intron 4 [27].
Exemples de mutations agissant en cis au niveau d’une séquence régulatrice de l’épissage
Des mutations introniques, ainsi que des mutations exoniques, non-synonymes ou synonymes, peuvent affecter les séquences régulatrices de l’épissage (ESE, ESS, ISE et ISS). C’est par exemple le cas dans la démence fronto-temporale avec parkinsonisme liée au chromosome 17 (DFTP-17). Dans cette maladie, des mutations au niveau de l’exon 10 du gène MAPT (microtubule-associated protein tau), qui code la protéine Tau6, peuvent non seulement entraîner une altération de la force du site d’épissage 5’ de cet exon, mais aussi affecter des séquences ESE au sein de cet exon. Des séquences ESS du gène MAPT sont également affectées par des mutations chez certains patients [28]. Dans le cas de l’amyotrophie spinale (maladie neuromusculaire caractérisée par une faiblesse musculaire progressive due à la dégénérescence et la perte des motoneurones), une mutation dans l’exon 7 du gène SMN(survival motor neuron)1 entraîne l’exclusion de cet exon et une protéine non-fonctionnelle. Chez l’homme, ce gène présente une autre copie appelée SMN2 qui diffère par un variant synonyme C>T dans l’exon 7. Ce variant altère non seulement une séquence ESE sur laquelle se fixe la protéine SR SF2/ASF (serine/arginine-rich splicing factor 2), mais entraîne également la création d’une séquence ESS sur laquelle se fixe la protéine hnRNPA1 (heterogeneous nuclear ribonucleoprotein A1). Cela induit le saut de l’exon 7 dans certains transcrits : la protéine résultante est non-fonctionnelle et ne permet pas de compenser la perte de fonction de SMN1 [29].
Exemples de mutations agissant en trans
D’autres mutations associées à des maladies rares altèrent la régulation de l’épissage en agissant en trans. C’est le cas par exemple dans certaines rétinites pigmentaires qui constituent un groupe de troubles oculaires héréditaires entraînant une perte progressive de la vision. Il a été montré que les patients atteints de ces maladies portent des mutations au niveau des gènes codants du splicéosome comme PRPF4 (pre-MRNA processing factor 4) [30]. Des facteurs d’épissage peuvent également porter des mutations et entraîner des maladies. C’est le cas de mutations dans le gène SF3B1 (splicing factor 3b subunit 1) qui sont associées à l’anémie sidéroblastique idiopathique acquise qui appartient au groupe des syndromes myélodysplasiques [31].

D’autres maladies rares sont dues à des altérations entraînant indirectement des défauts d’épissage. C’est le cas de la dystrophie myotonique de type 1 caractérisée par une myotonie et par une atteinte multisystémique. Cette maladie est due à une anomalie d’épissage des exons 2, 6 et 10 du gène MAPT suite à une inactivation des facteurs MBNL(muscleblind like splicing regulator)1, MBNL2 et CELF2 (CUGBP, Elav-like family member 2) [32]. Dans le cas de la dystrophie myotonique de type 2 qui est également une affection multisystémique (faiblesse musculaire, myotonie, atteinte cardiaque et cataracte), il s’agit d’une expansion de séquences CCTG dans l’intron 1 du gène ZNF9 (zinc finger protein 9) qui entraîne la séquestration de la protéine régulatrice de l’épissage MBNL1. Ce recrutement protéique incorrect conduit à des épissages aberrants de plusieurs transcrits. Environ 10 % des cas de sclérose latérale amyotrophique sont familiaux. Cette maladie neurodégénérative est caractérisée par une paralysie musculaire progressive due à une dégénérescence de certains motoneurones. Des mutations ou des altérations comme des expansions de microsatellites affectant plusieurs gènes impliqués directement ou indirectement dans la régulation de l’épissage (FUS [fused in sarcoma], SOD1 [superoxide dismutase 1], TDP‑43 [TAR-DNA binding protein 43], C9ORF72 [chromosome 9 open reading frame 72], etc.) lui ont été associées [33].

Approches thérapeutiques

Étant donné le nombre important de maladies liées à des mutations affectant l’épissage, des approches thérapeutiques pour moduler ou corriger ces altérations ont été développées ces dernières années dont certaines sont en cours d’essais cliniques [34]. Les deux principales stratégies utilisées à l’heure actuelle sont l’utilisation de petites molécules et les oligonucléotides antisens.

Les petites molécules
Par criblage à haut-débit, plusieurs petites molécules ont été identifiées pour augmenter la quantité de protéines SMN (survival motor neuron) dans le cadre de l’amyotrophie spinale [35]. C’est également le cas pour la dystrophie myotonique de type 1 où des composés chimiques pourraient empêcher la séquestration de MBNL(muscleblind like splicing regulator)1 et restaurer ainsi les défauts d’épissage [36].
Les oligonucléotides antisens
Les oligonucléotides antisens ou « ASO » permettent une modulation ciblée de l’épissage de leur cible. Ces oligonucléotides courts sont complémentaires de leur séquence cible et se fixent sur un site d’épissage ou une séquence régulatrice de l’épissage (Figure 4). Cette approche est développée dans le cadre de la dystrophie musculaire de Duchenne où des ASO ciblent l’ESE de l’exon 51 pour entraîner son exclusion et restaurer ainsi la phase de lecture et la production d’une protéine fonctionnelle [37]. Des approches similaires ont également été utilisées dans le cas de la progéria en ciblant l’exon 10 et l’exon 11 de LMNA [38]. Plus récemment, des ASO ont été développés pour cibler un ISS dans l’intron 7 de SMN2 dans le cadre de l’amyotrophie spinale [35].

Conclusion

L’épissage est le mécanisme principal qui permet l’augmentation de la diversité de nos cellules. C’est aussi un mécanisme complexe, de par sa régulation et sa plasticité : dans des conditions physiologiques, un même gène peut être à l’origine de la synthèse de plusieurs ARN messagers avec des contenus en exons différents, par exemple selon les tissus, les stades de développement, entre ethnies [39] ou même entre individus [40]. D’un point de vue physiopathologique, les exemples cités dans cette synthèse ne représentent qu’une petite sélection de maladies rares dont la cause est liée à une ou plusieurs mutations affectant l’épissage. Cette synthèse n’a pas non plus abordé l’ensemble des conséquences liées aux dérégulations de l’épissage, notamment les cancers. La compréhension des mécanismes de régulation de l’épissage est donc d’une importance capitale. Cette meilleure compréhension permettra également d’améliorer les thérapies fondées sur la modulation de l’épissage.

Liens d’intérêt

Pierre de la Grange est co-fondateur et directeur scientifique de la société GenoSplice technology. 

 
Footnotes
1 La bêta-thalassémie est caractérisée par un déficit total (Bêta0) ou partiel (Bêta+) de synthèse des chaînes de bêta-globine de l’hémoglobine.
2 CFTR est un canal ionique permettant le transport des anions chlorure à travers les membranes plasmiques des cellules.
3 Substitution d’une arginine (R) en cystéine (C) en position 600 de la protéine.
4 Le syndrome de Marfan est une maladie systémique du tissu conjonctif qui se caractérise par une combinaison variable de manifestations cardiovasculaires, musculo-squelettiques, ophtalmologiques et pulmonaires.
5 Le syndrome du QT long congénital se caractérise, sur l’électrocardiogramme de surface, par un allongement de l’intervalle entre les signaux Q et T (temps de systole ventriculaire) et par un risque élevé d’arythmies potentiellement mortelles.
6 La protéine Tau stabilise les microtubules au niveau des neurones.
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