Les troubles de l’équilibre et les chutes sont un des signes d’aggravation : le signe de Romberg devient positif (le patient ne peut se tenir debout, talons au contact, les yeux fermés) ; l’équilibre monopodal devient précaire (inférieur à 10 secondes) ou impossible. La conséquence est par exemple l’incapacité à se laver les cheveux debout sous la douche car cela nécessite de fermer les yeux. Elle rend dangereuse la marche dans un environnement sombre, mal éclairé ou la nuit. En pratique, se lever la nuit impose d’allumer la lumière. La qualité de vie est impactée par l’aggravation des déficits [1].
Adaptation du chaussage à l’évolution clinique du pied creux neurologique
L’enjeu est la qualité de la marche et le périmètre de marche. Il s’appuie sur la prise en charge des pédicures, des podologues et des podo-orthésistes.
Soins de pédicurie
La surveillance des pieds est une nécessité dès le début de la maladie. Il faut traiter toute induration et prévenir les conséquences du pied creux neurologique par un chaussage adapté.
Chaussage de série
Au début de la maladie, des chaussures basses de série, avec un talon large donc stable en matériau un peu souple, des contreforts assez forts pour tenir l’arrière pied peuvent être suffisantes. Dès ce stade, l’association à des orthèses plantaires et des orthoplasties doit être envisagé. Le déficit des muscles releveurs peut être compensé par un releveur élastique (Boxia).
Des CHUT (chaussures thérapeutiques à usage temporaire) dont le volume est adapté à la présence d’orthèses plantaires peuvent être prescrites. Elles font le lien avec le chaussage sur mesure.
Ultérieurement, dès que nécessaire, on choisira des chaussures à tige montante.
Les orthèses plantaires
Le premier élément d’appareillage du pied, ce sont les orthèses plantaires. Elles sont fabriquées par un podologue sur prescription médicale et portées dans des chaussures de série du commerce. Il s’agit de compenser l’équin (également par le talon de la chaussure qui peut être surélevé) ; d’amortir les zones en sur-appui (sous les têtes métatarsiennes des I et V
e rayons) ; de disposer d’une barre d’appui rétrocapitale (située en arrière des têtes métatarsiennes) pour soulager cet hyper appui et d’un coin postéro-externe pour contrôler le
varus de l’arrière-pied
(Figure 3).
 | Figure 3.
Barre rétrocapitale (1) et coin pronateur postéro-externe pour pied creux varus (2).
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Les orthèses actuelles sont réalisées en associant plusieurs matériaux mousse de densité différentes (dureté shore), collées en « sandwich » pour répartir les charges à l’appui du pied au sol et au cours du déroulement du pas.
La nécessité de porter un chaussage adapté (capable de recevoir une orthèse plantaire efficace) amène à des sacrifices esthétiques difficiles pour certaines patientes (Figure 4).
 | Figure 4.
Orthèse plantaire en mousses de différentes densités assurant répartition des charges et amortissement des hyper appuis. Elle est portée dans une chaussure du commerce (montante). |
Les orthèses d’orteils ou orthoplasties
Ces petits appareils sont faits sur mesure en élastomère de silicone par les podologues. Ils sont « injectés » en position debout après correction des déformations et des anomalies d’appui puis meulés pour une parfaite adaptation. La préparation semi-liquide durcit en quelques minutes. Ils sont indispensables pour lutter contre tous les conflits entre les orteils ou entre les orteils et les appuis au sol et/ou la chaussure (durillons à l’extrémité des orteils, parfois sous-unguéaux). Ils modifient le déroulement du pas digitigrade
(Figure 5).
 | Figure 5.
Orthoplastie (vue en podoscopie) en élastomère de silicone pour modifier la forme de la griffe des orteils 2-3-4 et éviter le contact des durillons des extrémités des orteils en griffe avec la chaussure.
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Non inscrits à la Liste de Produits et Prestations Remboursables (LPPR), ils ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale ni par les mutuelles.
Le chaussage sur mesure
Quand les orthèses plantaires et/ou les orthoplasties placées dans des chaussures du commerce deviennent insuffisantes, il faut envisager des chaussures faites sur mesure par un podo-orthésiste, sur prescription médicale.
La chaussure « orthétique »1 doit être réalisée de façon à compenser les insuffisantes articulaires, motrices et sensitives profondes en gênant le moins possible le déroulement de la marche. Elle doit ne pas limiter l’activité musculaire restante, ne pas contraindre les mouvements du pied en particulier dans la flexion dorsale de cheville (pas postérieur, digitigrade).
Pour cela, nous préconisons des chaussures à tige montante avec un baleinage semi rigide pour la raidir (Figure 6).
 | Figure 6.
Chaussure orthétique adaptée au déficit articulaire, moteur et proprioceptif dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Tige montante, baleinage, orthèse plantaire de compensation de l’équin et des hyper appuis antérieurs, élargissement (transversal) du talon. |
Il faut éviter lors de la première prescription un chaussage avec des contreforts ou tuteurs rigides qui dépassent les besoins des patients. Cela peut les détourner longtemps d’un chaussage adapté.
Détaillons les différents éléments composant la chaussure sur mesure
1. La tige est montante. Sa hauteur est proportionnelle au déficit musculaire : plus le déficit moteur est important, plus la tige doit être haute.
2. Le baleinage. Ce sont deux à quatre ressorts aplatis (Figure 7) qui sont placés dans des goussets latéraux dans la doublure de la chaussure en avant et en arrière des malléoles externe et interne. Leurs qualités mécaniques suffisent au début de la maladie à compenser le déficit moteur des releveurs (du jambier antérieur surtout). La souplesse relative assure une moindre gêne dans le demi-pas postérieur où le pied est en flexion dorsale.
 | Figure 7.
Baleinage. Ce ressort aplati est relativement souple (surtout dans le plan frontal) mais, bloqué par les coutures de la doublure de la chaussure, il réalise une rigidification suffisante au début de la maladie. |
3. L’orthèse plantaire de la chaussure sur mesure. Elle est proche dans sa structure de celle décrite plus haut. La réalisation d’un chaussage sur mesure permet de ne plus avoir la contrainte du volume de l’orthèse (difficulté rencontrée avec les chaussures du commerce) puisque la chaussure sur mesure est fabriquée autour de l’orthèse plantaire. Elle comprend les différents éléments permettant la répartition des charges, l’amortissement des hyperappuis et le contrôle des aplombs. Point particulier : le réglage de la compensation de l’équin, au niveau de la partie talonnière de l’orthèse plantaire et/ou du talon de la chaussure : on suit sa progression au cours de la maladie, on ne le précède pas pour ne pas l’accentuer. Il doit être réglé pour garantir la stabilité antéro-postérieure debout et à la marche.
4. Le contrefort. Il n’est pas envisagé dans le chaussage initial. Il est ajouté quand le déficit musculaire et l’instabilité latérale deviennent importants. Il est en matériau plastique thermoformé, en cuir ou en métal. Sa rigidité et sa hauteur doivent être adaptées aux besoins du patient. Il offre une fonction « releveur » plus puissante que le baleinage mais il est plus contraignant.
5. L’étai talonnier frontal. Il s’agit de donner un peu de largeur au talon de la chaussure surtout en externe pour bloquer la composante varisante de l’arrière-pied et l’instabilité latérale. Il est complémentaire et en synergie avec le coin postéro-externe de l’orthèse plantaire.
6. La chaussure sur mesure comprend également un cambrion pour éviter les déformations de la semelle de marche de la chaussure.
7. Une ouverture « derby » peut être avancée (ouverture cycliste) en cas de difficultés de chaussage (pour pouvoir passer un doigt et redresser un orteil qui se place mal).
8. Un bout dur est parfois en conflit avec des orteils en griffe.
9. Une fermeture qu’il faut adapter aux préférences du patient mais aussi à ses capacités de préhension quand les mains sont sévèrement touchées (laçage, crochets, velcros, glissière).
La couleur, les décorations et autres éléments esthétiques ne concernent pas le prescripteur.
La fabrication de la première paire de chaussure sur mesure est précédée d’une prise de moulage qui peut comprendre une étape numérique (prise de forme et réalisation du positif par ordinateur) et de l’essai d’une ébauche réalisée en matériau plastique transparent (équipée de l’orthèse plantaire définitive) qui permet de vérifier les aplombs, le confort, l’efficacité du chaussage.