Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 33(3): 213–214.
doi: 10.1051/medsci/20173303002.

Se manger soi-même, avec modération, une condition pour garder un esprit sain dans un corps sain

Patrice Codogno1,2,3* and Guido Kroemer3,4,5,6,7,8**

1Institut Necker-Enfants Malades 
2Inserm U1151, CNRS UMR8253 
3Université Paris-Descartes – Université Sorbonne Paris Cité, Paris, France;
4Inserm UMR-S 1138, Équipe 11 labellisée Ligue nationale contre le cancer, Centre de recherche des Cordeliers, Paris, France
5Université Pierre et Marie Curie, Paris, France
6Pôle de Biologie, Hôpital Européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris, France;
7Plateformes de métabolomique et de biologie cellulaire, Institut Gustave-Roussy, Villejuif, France
8Karolinska Institute, Department of Women’s and Chlidren’s Health, Karolinska University Hospital, Stockholm, Suède
Corresponding author.
 

En nous proposant de coordonner un numéro thématique consacré à l’autophagie à l’été 2016, le comité éditorial de médecine/sciences eut une heureuse intuition en anticipant l’annonce de l’attribution du prix Nobel de physiologie ou médecine à Yoshinori Ohsumi pour ses travaux sur l’autophagie [1] ().

() Voir l’article Nobel de P. Codogno, m/s n° 12,décembre 2016, page 1127

Il est certain que ce prix Nobel donne un éclairage particulier à ce numéro thématique dédié à l’autophagie et aux recherches réalisées en France dans ce domaine. La découverte des premiers gènes (ATG pour autophagy-related) gouvernant l’autophagie, en 1993, par Yoshinori Ohsumi [2], par Michael Thumm, en 1994 [3], et Daniel J. Klionsky, en 1995 [4], permit de commencer à comprendre les mécanismes moléculaires et cellulaires de ce processus. Ces recherches qui sont désormais abordées au plan structural, permirent de montrer que l’autophagie, pensée initialement comme étant purement un mécanisme non-sélectif, peut se révéler hautement sélective vis-à-vis de structures, d’organites et de macromolécules. Il ne s’agit plus d’un processus d’élimination sans règle mais d’un mécanisme très élaboré. La génération de modèles animaux transgéniques, dont l’expression de gènes ATG est modifiée, a ainsi permis de montrer l’importance de l’autophagie dans l’homéostasie, la fonction et le dysfonctionnement de différents organes et tissus, comme le discutent de nombreux articles dans ce numéro. En outre, la découverte des gènes ATG a montré l’implication de l’autophagie dans de grandes fonctions biologiques telles que le développement, la discrimination du soi et du non-soi et le vieillissement. La macro-autophagie (l’autre dénomination de l’autophagie) se décline désormais selon sa sélectivité, mais également suivant les fonctions qu’elle gouverne: macro-autophagie non-sélective et macro-autophagies sélectives impliquées dans des processus qui ciblent des organites, des composants cellulaires, avec d’importantes conséquences fonctionnelles (mitophagie, pexophagie, agréphagie, ribophagie, ferritinophagie, etc., et d’autres à découvrir). Dans cette déclinaison, citons aussi les autres formes d’autophagie: micro-autophagie et autophagie via les protéines chaperonnes (CMA, chaperone-mediated autophagy), dont les fonctions biologiques émergent peu à peu grâce au développement d’outils moléculaires spécifiques [5].

Les modèles animaux qui ont été développés ont également permis de mieux appréhender le rôle de l’autophagie dans de grandes classes de pathologies, maladies inflammatoires, maladies infectieuses, cancer, ainsi que son potentiel comme élément modulateur de la thérapie anti-cancéreuse [6] ou comme cible thérapeutique, comme cela est discuté dans ce numéro en particulier pour les hémopathies malignes. Dans ces temps où la pollution atmosphérique est un problème grandissant, le rôle de l’autophagie dans la réponse aux nanoparticules est aussi abordé. Ainsi, comme le lecteur le constatera, l’intérêt des laboratoires français (Patricia Boya dont le laboratoire est à Madrid et qui participe à ce numéro, initia ses recherches sur l’autophagie en France dans le laboratoire de Guido Kroemer) pour l’autophagie est une riche palette de recherches biomédicales, allant d’aspects fondamentaux à de nouvelles explorations thérapeutiques. L’autophagie est surtout l’un des mécanismes communs à plusieurs fonctions, ce qui en fait un processus fondamental de la réalité biologique.

Malgré notre volonté de donner la parole au plus grand nombre, nous nous excusons auprès de membres de la communauté autophagique francophone qui ne sont pas représentés. Nous sommes conscients que la richesse de la recherche sur l’autophagie s’étend, au-delà même de la recherche biomédicale, à nos collègues qui travaillent sur l’autophagie chez les plantes ou dans diverses espèces de vertébrés. Nous tenons aussi à mentionner les équipes qui étudient l’autophagie chez les champignons, les amibes et les parasites, sans lesquelles les bases fondamentales du mécanisme n’auraient trouvé d’explication. Ces sujets passionnants auront probablement l’occasion d’être abordés dans les colonnes de la revue.

Il nous reste à vous souhaiter bonne lecture, en découvrant l’univers passionnant de l’autophagie dans plusieurs de ses déclinaisons toutes aussi importantes et parfois étonnantes. Autophagie qui connut un moment phare en fin d’année 2016 du côté de Stockholm [1, 7, 8], mais dont l’histoire continue de s’écrire avec encore de nombreuses questions fascinantes à élucider, comme cela est souligné dans les articles de ce numéro.

Cet éditorial ne peut se conclure sans souligner le rôle déterminant, depuis 2011, du club francophone de l’autophagie (CFATG - www.cfatg.org) dans le dynamisme de la recherche sur l’autophagie en France, grâce aux réunions scientifiques qu’il anime et à son soutien aux jeunes chercheurs. Le CFATG, en relation avec les réseaux européens qui se sont créés par la suite dans de nombreux pays de notre continent, contribue aussi à la visibilité et à la reconnaissance internationale de la recherche européenne sur l’autophagie.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Codogno P. L’auto-digestion est invitée à la table de l’Institut Karolinska . Med Sci (Paris). 2016; ; 32 : :1127.’1129.
2.
Tsukada M, Ohsumi Y. Isolation and characterization of autophagy-defective mutants of Saccharomyces cerevisiae . FEBS Lett. 1993; ; 333 : :169.’174.
3.
Thumm M, Egner R, Koch B, et al. Isolation of autophagocytosis mutants of Saccharomyces cerevisiae . FEBS Lett. 1994; ; 349 : :275.’280.
4.
Harding TM, Morano KA, Scott SV, Klionsky DJ. Isolation and characterization of yeast mutants in the cytoplasm to vacuole protein targeting pathway . J Cell Biol. 1995; ; 131 : :591.’602.
5.
Tasset I and Cuervo AM. Role of chaperone-mediated autophagy in metabolism . FEBS J. 2016; ; 283 : :2403.’2413.
6.
Galluzzi L, Pedro JM, Demaria S, et al. Activating autophagy to potentiate immunogenic chemotherapy and radiation therapy . Nat Rev Clin Oncol. 2016 Nov 15. doi: 10.1038/nrclinonc.2016.183.
7.
Tooze SA, Dikic I. Autophagy captures the Nobel Prize . Cell. 2016; ; 167 : :1433.’1435.
8.
Levine B, Klionsky DJ. Autophagy wins the 2016 Nobel Prize in Physiology or Medicine: breakthroughs in baker’s yeast fuel advances in biomedical research . Proc Natl Acad Sci USA. 2017; ; 114 : :201.’205.