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Med Sci (Paris). 33(4): 432–439.
doi: 10.1051/medsci/20173304014.

Le gène PIG-A, nouveau marqueur de mutagenèse
Preuves de concept et exposé de la technique

Pierre Castel,1 Xavier Carcopino,1,2 Stéphane Robert,3 Rémi Bonetto,4 Didier Cowen,4 and Thierry Orsiere1*

1Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie (IMBE), équipe Biogénotoxicologie, Santé Humaine et Environnement, Aix-Marseille Université (AMU), CNRS, IRD, Avignon Université, Faculté de Médecine de Marseille, 27, boulevard Jean Moulin, 13005Marseille, France
2Département d’obstétrique et de gynécologie, Hôpital Nord, APHM, Aix-Marseille Université (AMU), Marseille, France
3Vascular Research Center of Marseille, Aix-Marseille Université (AMU), UMR Inserm 1076, Faculté de Pharmacie, Marseille, France
4Département de Radiothérapie, Hôpital Nord, APHM, Aix-Marseille Université (AMU), Marseille, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © IMBE BSHE - Thierry Orsiere).

Les champs d’application de la détection de mutations induites par l’environnement sont aussi larges que la démonstration d’innocuité en toxicologie réglementaire, le diagnostic clinique ou l’étude de la susceptibilité individuelle à des expositions génotoxiques environnementales ou anthropiques1. Les tests actuels permettant de mesurer les effets de ces expositions sont souvent fastidieux à mettre en œuvre et coûteux. Les délais pour obtenir les résultats sont généralement de plusieurs jours et aucun ne permet encore la détection in vivo de mutations géniques chez l’homme. Pourtant, la mise au point d’un test simple, fiable, reproductible et rémanent capable de détecter un large spectre d’expositions génotoxiques est un réel enjeu pour la recherche en oncologie et en toxicologie réglementaire et environnementale.

Le gène PIG-A (PIG-A chez l’homme et le primate, Pig-a chez le rongeur) est impliqué dans la première étape de la biosynthèse de l’ancre glycosyl-phosphatidyl-inositol (GPI) [1] (voir Figure 1 p. 436). Il s’agit d’un gène sentinelle, hautement conservé entre les espèces [2], dont la fréquence de mutation est le reflet de celle des mutations somatiques acquises [3]. À ce titre, il a récemment fait l’objet de nombreuses recherches ayant permis le développement du « test PIG-A » qui estime la fréquence des cellules mutées pour le gène PIG-A par la mesure de la fréquence des cellules circulantes déficientes en ancre GPI [2, 4]. Le caractère innovant de cette approche réside dans la possibilité de mesurer ex vivo, au niveau du sang périphérique, une fréquence de cellules mutées sans avoir recours à une étape préalable de culture cellulaire.

Cette revue présente les divers aspects conceptuels et techniques ainsi que les perspectives d’utilisations du test PIG-A en recherche fondamentale et en recherche clinique.

Le gène PIG-A et l’ancre membranaire GPI : implications cliniques

L’ancre GPI est un complexe glycolipidique d’ancrage membranaire qui permet l’expression de nombreuses protéines au niveau de la membrane plasmique de la cellule. Le gène PIG-A code une sous-unité enzymatique impliquée dans la première étape de la synthèse de l’ancre GPI, l’obtention d’une ancre fonctionnelle nécessitant l’expression de 21 autres gènes [1]. Parmi ces différents gènes, PIG-A est le seul qui soit situé sur le chromosome X. Il se trouve à l’état hémizygote chez tous les sujets, y compris féminins, grâce au phénomène d’inactivation du chromosome X [57] ().

(→) Voir la Nouvelle de S. Augui et E. Heard, m/s n° 6-7, juin-juillet 2008, page 584, et la Dernière Heure de C. Vallot et C. Rougeulle, m/s n° 2, février 2013, page 223

En conséquence, une seule mutation rendant le gène inactif entraîne dans la cellule l’arrêt de la production de l’ancre GPI dont la traduction phénotypique est la disparition des protéines membranaires ancrées par le GPI. Parmi ces protéines figurent de multiples clusters de différenciation (CD) tantôt spécifiques de la cellule qui les porte, comme le CD66b qui est exprimé par les granulocytes, tantôt non spécifiques comme des protéines régulatrices du complément qui sont ubiquitaires telles que le CD55 (decay accelerating factor - DAF) ou le CD59 (membrane inhibitor of reactive lysis – MIRL) [8]. Dans ce dernier cas, l’absence de ces protéines à la surface des cellules circulantes les rend sensibles à l’attaque du complément et constitue le point clé de la physiopathologie d’une maladie hématologique, l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) [9]. Il s’agit d’une anémie hémolytique rare (prévalence : 1 à 10/1 000 000) dans laquelle, en raison d’une mutation acquise du gène PIG-A, la moelle osseuse produit de manière clonale des cellules hématopoïétiques déficientes en GPI et par conséquent en CD55 et CD59 [9]. L’absence de ces protéines de surface est responsable d’une hémolyse intravasculaire relayée par le complément à l’origine des manifestations cliniques : anémie, thromboses, insuffisance rénale chronique ou dystonie musculaire lisse [9].

Fréquence des mutations du gène PIG-A par mesure de la fréquence des cellules GPI-déficientes

Les mutations du gène PIG-A, situé sur le chromosome X, sont les seules pouvant statistiquement aboutir au phénotype de déficience en ancrage GPI. En effet, tous les autres gènes impliqués dans la synthèse du GPI sont autosomiques. Deux mutations inactivant les deux allèles du même gène seraient donc nécessaires pour produire une déficience avec une fréquence théorique évaluée à 2 x 10-14, soit dix millions de fois plus faible que celle estimée pour des mutations spontanées du gène PIG-A [10].

L’International Workgroup on Genotoxicity Testing (IWGT) admet aujourd’hui la réciprocité entre une cellule mutée sur le gène PIG-A et une cellule déficiente en ancre GPI grâce à l’établissement de deux relations réciproques [11]. D’une part, les recherches sur l’HPN ont montré que le phénotype GPI-déficient était lié à une mutation de PIG-A et que la transfection d’un gène PIG-A sauvage dans une cellule de phénotype HPN restaurait la présence de l’ancre GPI et des protéines GPI-ancrées à la surface de la cellule [5]. D’autre part, chez l’animal, après exposition génotoxique contrôlée, le séquençage du gène Pig-a a identifié des mutations acquises uniquement dans les cellules GPI-déficientes [1214]. L’ensemble de ces résultats permet d’affirmer que la mutation du gène PIG-A est responsable d’un phénotype GPI-déficient et, réciproquement, qu’une cellule GPI-déficiente est porteuse d’une mutation touchant le locus PIG-A.

De très faibles fréquences de populations de granulocytes et d’érythrocytes circulants GPI-déficients ont été découvertes chez les sujets sains (entre 10 et 50 cellules déficientes pour 106 cellules totales) [4, 15]. Le séquençage du gène PIG-A dans les cellules circulantes GPI-déficientes a identifié, chez un même donneur sain, des mutations qui se sont révélées différentes au cours du temps, alors même que la fréquence des cellules GPI-déficientes dans le sang circulant restait identique [4]. Ceci, ne pouvant être expliqué que par l’acquisition de mutations de novo par les précurseurs hématopoïétiques à mesure que d’autres disparaissent, a conduit à proposer la fréquence des mutations du gène PIG-A, estimée par la mesure de la fréquence des cellules GPI-déficientes, comme un marqueur de mutations somatiques acquises. La fréquence spontanée des cellules GPI-déficientes mesurée (entre 10 et 30 x 10-6) est comparable à celle observée avec les tests fondés sur l’analyse des gènes codant l’hypoxanthine phosphoribosyltransférase (hprt), la glycophorine A ou le HLA-A (human leucocyte antigen A) (entre 0,5 et 30 x 10-6) qui sont utilisés pour estimer la fréquence des mutations somatiques spontanées [16].

Le test PIG-A et son évolution

Le test PIG-A consiste à réaliser un immunomarquage à l’aide d’anticorps fluorescents spécifiques de protéines ancrées par le GPI ou de ligand dirigé vers le GPI lui-même, suivi de la quantification par cytométrie en flux de la fréquence des cellules déficientes en ancre GPI présentes dans l’échantillon, reflet de la fréquence des mutations qui entraînent l’inactivation du locus PIG-A. Les cellules ne présentant pas de fluorescence sont indifféremment appelées « cellules GPI-déficientes », « mutants » ou parfois « cellules PIG-A mutées ». Cette technique permet l’analyse automatisée et à haut débit de plusieurs millions de cellules selon des spécifications techniques (paramétrage du cytomètre en flux, populations cellulaires d’intérêt, choix des couples anticorps-fluorochromes) ayant fait l’objet de recommandations [17]. La technique est inspirée du diagnostic et du suivi de patients HPN chez lesquels le nombre de cellules GPI-déficientes peut représenter jusqu’à plus de 98 % des cellules circulantes, soit plusieurs dizaines de millions de mutants par millilitre de sang total [18]. En conséquence, l’analyse d’un grand nombre d’événements (au moins un million de cellules d’intérêt) est nécessaire pour atteindre la sensibilité optimale pour une détermination fiable de la fréquence des mutants, ce qui rend la technique extrêmement sensible à la présence de faux négatifs2 [19]. De ce fait, les choix des populations cellulaires analysées, des anticorps utilisés et des paramètres du cytomètre sont des points critiques dans la mise au point du test PIG-A.

Populations cellulaires sanguines circulantes
Les travaux réalisés sur des patients HPN et des sujets sains ont permis de démontrer que chez les sujets sains, les rares cellules GPI-déficientes sont polyclonales et issues de progéniteurs hématopoïétiques, probablement au niveau du premier progéniteur myéloïde, la CFU-GEMM (colony forming unit-granulocyte erythrocyte monocyte megakaryocyte) [15]. Les cellules GPI-déficientes qui circulent apparaissent donc après un délai appelé temps d’expression phénotypique qui correspond au temps nécessaire pour la production des cellules et leur différenciation en cellules matures circulantes [20, 21]. L’expression ubiquitaire du gène PIG-A rend le test applicable à l’ensemble des cellules eucaryotes mais les lignées érythrocytaire et granulocytaire sont principalement étudiées dans la littérature (Tableau I). Cela s’explique par le fait, d’une part, que les prélèvements d’autres cellules seraient trop invasifs et, d’autre part, que les techniques de préparation de suspensions de cellules isolées d’un tissu ou d’un organe altèrent systématiquement les protéines de surface des cellules.

Les érythrocytes sont les cellules circulantes les plus abondantes, de l’ordre du milliard par millilitre. Ils permettent donc la réalisation du test PIG-A sur de très petits volumes sanguins3,. Il faut cependant noter que la fréquence spontanée des érythrocytes GPI-déficients est plus faible que celle des autres populations cellulaires4, [4, 22, 23] et que l’érythrocyte étant la cellule mature de la lignée érythroïde, le temps d’expression phénotypique des mutants correspond à la durée d’une érythropoïèse, soit 18 à 20 jours chez l’homme [24].

Les réticulocytes, précurseurs immédiats des érythrocytes, constituent une autre population d’intérêt. Présents à une fréquence d’environ 50 millions par millilitre de sang, l’analyse d’un million de réticulocytes nécessite un tri cellulaire préalable et l’utilisation d’un marqueur supplémentaire pour les différencier des érythrocytes. Leur durée de vie dans la circulation, de 24 à 48 heures, rend les mutants moins soumis à l’action du complément et l’expression phénotypique après exposition génotoxique est plus précoce de 7 jours [20, 2532].

Chez l’homme, les granulocytes, majoritairement des polynucléaires neutrophiles, sont retrouvés avec une fréquence de 4 à 10 millions par millilitre de sang total chez l’adulte sain. Leur durée de vie courte (24 heures) les expose peu à l’attaque du complément et il n’existe pas de preuve quant à une lyse possible des granulocytes GPI-déficients par le complément [3]. La fréquence des granulocytes GPI-déficients (22/106) est légèrement plus élevée que celle des érythrocytes GPI-déficients chez l’homme (8/106) [4]. Cependant, après prélèvement, leur durée de vie est très courte (quelques heures à température ambiante) et leur analyse nécessite des prélèvements plus importants.

Immunomarquage
La qualité de l’immunomarquage qui précède l’analyse en cytométrie de flux est primordiale pour l’interprétation des résultats. En effet, le critère permettant de discriminer une cellule GPI-déficiente d’une cellule non mutée est l’absence du signal de fluorescence associé à un marqueur GPI-dépendant. En conséquence, toute cause pouvant générer des faux négatifs5, doit être absolument évitée. Les moyens de limiter le nombre de faux négatifs ont été déterminés [3] : d’une part, la sélection de la population d’intérêt doit être réalisée par l’expression d’au moins un épitope GPI-indépendant spécifique du type cellulaire étudié ; d’autre part, la détermination de la fréquence des mutants doit être établie par la perte de fluorescence simultanée de deux à trois marqueurs GPI-dépendants6, [19]. Chez l’homme, le panel (ensemble des anticorps utilisés simultanément pour l’analyse) préconisé en fonction du type cellulaire étudié a fait l’objet de recommandations pour le phénotypage à haut débit du sang de patients HPN (Tableau II) [17]. Il comprend, quel que soit le type cellulaire, au moins un anticorps de sélection cellulaire dirigé contre un épitope GPI-indépendant et deux marqueurs GPI-dépendants.

Cytométrie de flux
L’acquisition du signal des anticorps GPI-dépendants est donc précédée d’une étape de sélection de la population d’intérêt. Les stratégies de sélection sont relativement semblables dans les protocoles publiés (Tableau III). La caractérisation des événements (c’est-à-dire des cellules prises en considération lors de l’analyse) est réalisée selon les paramètres de diffraction de la lumière permettant une sélection des cellules selon leur morphologie, en excluant les doublets (association de deux événements qui se confond avec un élément unique). La population cellulaire d’intérêt est ensuite isolée selon l’expression des marqueurs spécifiques GPI-indépendants utilisés. La fluorescence des marqueurs GPI-dépendants sera finalement analysée dans la population ainsi sélectionnée.

Pour obtenir une puissance statistique suffisante, la lecture de très nombreux événements est nécessaire : au moins un million de cellules de la population d’intérêt [19]. La détermination des seuils de fluorescence au-dessous desquels une cellule sera considérée comme négative et donc GPI-déficiente est capitale. Plusieurs approches ont été proposées (Tableau III). Les recommandations de bonne pratique pour le phénotypage sanguin de patients HPN préconisent, en l’absence de témoin positif (c’est-à-dire de sang provenant de patient diagnostiqué HPN), de créer des faux positifs en incubant l’échantillon avec les anticorps GPI-indépendants seulement [19]. Ainsi, l’absence de marquage des épitopes GPI-dépendants génère une population témoin de faux positifs de marquage. Elle permet, en mélangeant dans des proportions variables des échantillons de sang marqués et non marqués en anticorps GPI-dépendants, le bon positionnement des seuils d’analyse.

Évolution de la technique

Le test PIG-A a été particulièrement développé dans le domaine de la mutagenèse environnementale et réglementaire. Son intérêt réside, en partie, dans les faibles volumes de sang nécessaires pour l’examen permettant ainsi des analyses itératives, par exemple sur le même animal dans les études de toxicologie à administrations réitérées. Les protocoles appliqués actuellement chez le rongeur permettent d’analyser en quelques minutes plus d’un million d’érythrocytes ou de réticulocytes à partir d’un prélèvement sanguin de 100 µl [27]. Si le principe du test reste inchangé, le protocole a progressivement été amélioré afin d’augmenter ses performances tout en limitant le nombre d’événements totaux analysés. Ces avancées reposent sur un enrichissement de l’échantillon en une population cellulaire s’avérant minoritaire afin d’augmenter la proportion de cellules d’intérêt dans l’échantillon analysé. L’enrichissement magnétique permet ainsi d’augmenter la proportion de cellules d’intérêt selon des critères phénotypiques. Il consiste à marquer la population cellulaire ciblée avec un anticorps spécifique fixé sur des billes magnétiques. Un champ magnétique permettra de retenir les cellules marquées fixées sur les billes. L’analyse sera réalisée soit sur les cellules retenues [4, 30], soit sur les cellules non marquées, et donc libres, qui seront récupérées dans l’éluat [27].

Potentiel du test

Les caractéristiques du gène PIG-A en font un marqueur fidèle de l’impact mutagène d’agents chimiques ou de contaminants de l’environnement : sa localisation sur le génome en fait un gène sentinelle reconnu pour la mesure de la fréquence des mutations somatiques in vivo [3] et sa sensibilité à des modes d’actions génotoxiques très divers est démontrée [33]. Le séquençage du gène PIG-A réalisé sur des cellules issues de patients HPN et de sujets sains a ainsi identifié plus de 100 mutations inactivantes (parmi lesquelles des mutations non-sens, faux-sens, des décalages du cadre de lecture, des substitutions, et de larges délétions) aboutissant toutes au même phénotype de déficience en GPI, suggérant que le gène PIG-A puisse être sensible à un grand nombre de modes d’actions génotoxiques [15, 34]. Deux lacunes identifiées par l’IWGT en 2015 ont été comblées par la publication de deux études récentes : les performances du test ne dépendent en fait pas du nombre de copies du chromosome X portées par l’individu, les fréquences spontanées et induites de cellules mutées pour le gène PIG-A n’étant pas différentes entre mâles et femelles [23, 35, 36] ; l’érythropoïèse compensatoire observée après exposition à un agent hémolysant non génotoxique (comme le 2-butoxyéthanol) n’entraîne pas d’augmentation de la fréquence des cellules GPI-déficientes [37].

Ces qualités ont initié l’évaluation du test PIG-A in vitro : le séquençage du gène PIG-A réalisé sur des lymphoblastes humains cultivés in vitro et soumis à divers génotoxiques connus, a révélé des résultats comparables à ceux obtenus in vivo chez la souris après exposition aux mêmes agents [38]. PIG-A est également un bon marqueur d’instabilité génomique in vitro : la fréquence de cellules GPI-déficientes est en effet augmentée dans des lignées de cellules cancéreuses coliques et le séquençage de PIG-A dans ces cellules a mis en évidence 7 types de mutations [39]. Chez l’animal, le séquençage du gène Pig-a a révélé la survenue de mutations induites spécifiques du mode d’action du mutagène utilisé [1214].

La sensibilité et la spécificité du test PIG-A évaluées dans diverses études, incluant les principaux mutagènes connus et des agents non-mutagènes, selon divers schémas d’administration, ont accru son intérêt en toxicologie réglementaire à tel point que l’IWGT (International workshop on genotoxicity testing) a proposé sa réalisation en complément du micronoyau7, au cours des tests réglementaires [11].

Le test PIG-A ne permettrait cependant pas de détecter l’impact potentiel, en termes de mutations géniques, d’expositions brèves et accidentelles, dans les heures ou jours qui suivent l’exposition. En effet, pour que ce biomarqueur puisse retranscrire la mutagénicité de l’exposition, celle-ci doit être suivie du délai nécessaire à l’expression phénotypique des mutants, qui intègrent ici le renouvellement de la population cellulaire d’intérêt. Le test PIG-A serait donc a priori plus adapté au suivi des expositions chroniques et éventuellement multiples à de faibles niveaux de doses, telles que l’on peut en rencontrer en milieu professionnel. Ce test n’est réalisable que sur des cellules circulantes. Adapté aux effets systémiques, il ne sera donc pas informatif dans le cas d’une génotoxicité limitée à un organe spécifique.

Conclusion

Le phénotype GPI-déficient est associé, chez l’homme, à une grande diversité de variations de séquence du gène PIG-A. Chez l’animal, il est relié à l’effet d’expositions génotoxiques de modes d’actions très divers. Ces deux informations nous permettent de supposer que l’identification de cellules GPI-déficientes est susceptible de révéler certaines expositions de l’homme à des agents génotoxiques présentant des modes d’action mutagène variés. La quantification de la fréquence de mutation du gène PIG-A pourrait ainsi apporter des informations utiles si elle s’inscrit dans le cadre du suivi d’enquêtes épidémiologiques de populations professionnellement exposées à des mutagènes, dans le suivi de volontaires sains ou de patients lors d’essais cliniques afin de comparer les fréquences obtenues à celles acquises dans des modèles expérimentaux différents lors des phases de développement précliniques.

Enfin, la possibilité de réaliser le test ex vivo permet une évaluation rapide, globale et intégrée de la sensibilité de l’individu à un environnement génotoxique, tenant compte de la variabilité interindividuelle induite par les polymorphismes génétiques, notamment concernant les gènes impliqués dans la réparation de l’ADN et/ou dans le métabolisme des xénobiotiques. Après expression phénotypique des conséquences d’une exposition mutagène et renouvellement de la population de cellules analysées postérieurement à l’exposition que l’on veut renseigner, le test PIG-A permet, en estimant la fréquence des cellules circulantes mutées pour le gène PIG-A, de disposer des résultats d’un biomarqueur d’effet moins de 2 h après la réalisation du prélèvement sanguin.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Relatif à l’activité humaine.
2 Des cellules non fluorescentes alors qu’elles ne sont pas mutées.
3 Ceci est particulièrement intéressant dans les études sur petits animaux comme le rat ou la souris.
4 La diminution de fréquence des érythrocytes GPI-déficientes est principalement expliquée par leur durée de vie (120 jours chez l’homme), offrant une fenêtre d’exposition au complément particulièrement longue [22]).
5 Par exemple : marquage de mauvaise qualité, épitope faiblement exprimé sur la membrane plasmique de la population cellulaire choisie, quantité d’anticorps non saturante, etc.
6 À la surface d’une cellule sauvage, la probabilité de mesurer une faible fluorescence de manière concomitante sur 2 à 3 épitopes est considérée comme statistiquement nulle.
7 Le test du micronoyau permet d’évaluer les mutations chromosomiques ou génomiques générées par des agents génotoxiques en utilisant des lignées cellulaires.
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