Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 33(6–7): 664–669.
doi: 10.1051/medsci/20173306025.

La politique de l’enfant et le dilemme de la hiérarchie

Jean-Baptiste Van der Henst1*

1Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod, CNRS - Université de Lyon 1 - UMR 5304, 67, boulevard Pinel, 69675Bron Cedex, France
Corresponding author.
 

inline-graphic medsci2017336-7p664-img1.jpg

Le dilemme de la hiérarchie

Jean-Luc et Benoît ont 3 ans. Ils sont dans la même école et aiment passer du temps ensemble à la récréation. Mais quand il s’agit de décider à quoi ils vont bien pouvoir jouer, leurs divergences de vue sont patentes. Si l’un dit qu’il aimerait jouer à la balle, l’autre répondra qu’il préfèrerait faire une partie de billes. Si l’un propose de sauter dans la cour, l’autre voudra aller courir, etc. Ce n’est pas tant un esprit de contradiction qui les anime, que des préférences bien distinctes. Mais ils trouveront toujours une solution à leur conflit et finiront par jouer tous les deux au même jeu. Ce dénouement sera cependant invariablement univoque : Jean-Luc imposera ses choix et Benoît les acceptera. Dans la relation qui les unit, Jean-Luc occupe donc la position dominante et Benoît la position subordonnée. Jean-Luc jouit du pouvoir et prend les décisions alors que Benoît s’y soumet.

Cette situation d’asymétrie relationnelle, où un individu a durablement l’avantage sur un autre, n’est, bien sûr, pas propre à la cour de récréation. Les relations hiérarchiques constituent un trait récurrent de la vie sociale. On les observe dans toutes les sociétés humaines, même dans les groupes les plus égalitaires de chasseurs-cueilleurs [1]. Elles apparaissent entre pairs dès les premiers temps de l’expérience collective comme à la crèche [2] et, chez les animaux sociaux, la hiérarchie structure de part en part l’organisation des groupes. La hiérarchie n’est pas sans conséquence pour les individus. Du rang qu’ils occupent, peuvent dépendre la quantité de ressources auxquelles ils ont accès, leurs chances de survie, ou encore leur succès reproductif [3].

Il est dès lors légitime de penser qu’un monde social hiérarchisé impose des contraintes sur le plan cognitif. Identifier qui domine dans une relation, anticiper quel sera le comportement du dominant, ou savoir qui aura le droit à quoi en fonction de son statut hiérarchique, sont des connaissances précieuses pour se mouvoir dans l’environnement social. à cet égard, de nombreux travaux issus des sciences cognitives révèlent que les animaux sont doués d’étonnantes capacités à extraire de l’information à partir des hiérarchies. Ces travaux montrent aussi que certaines de ces capacités émergent très tôt chez le bébé humain et ne cessent de se complexifier pendant l’enfance. Les poissons Burtoni1 réalisent ainsi des inférences transitives sur la base des relations de dominance entre leurs congénères (Si un individu voit parmi un groupe de congénères que A domine B et que B domine C, il va prédire que A domine C [4]). À 10 mois, les bébés humains utilisent une asymétrie physique pour prédire une asymétrie sociale (si l’individu A est plus grand que l’individu B, alors ils s’attendent à ce que A s’impose socialement vis-à-vis de B [5]). Et à 3 ans, les enfants utilisent les relations de pouvoir entre deux individus pour inférer d’autres asymétries (s’ils constatent que A commande B, ils prédisent que A aura plus de ressources que B [6]).

Les données obtenues chez l’animal et le jeune enfant montrent à quel point la hiérarchie peut s’inscrire dans le substrat cognitif. Mais par-delà la capacité à prendre acte d’une réalité sociale stratifiée, surgit une autre question, plus politique cette fois, qui est celle d’agir sur cette réalité. Quelles positions les créatures sociales adoptent-elles vis-à-vis des asymétries de pouvoir ? Et comment s’enracinent-elles chez l’humain ? Imaginez-vous par exemple être à la place d’un enfant de 3 ans qui assiste à l’immuable scénario des échanges entre Jean-Luc et Benoît. Seriez-vous plus enclin à avantager Jean-Luc, le dominant, et consolider ainsi l’ordre social naissant, ou, au contraire, à renverser l’asymétrie pour favoriser Benoît, le subordonné, et restaurer une forme d’égalité ? Et votre position serait-elle susceptible d’évoluer en grandissant ? La relation entre Jean-Luc et Benoît porte en elle une certaine ambivalence et favoriser l’un ou l’autre pourrait bien relever du dilemme : d’un côté, vous pourriez juger positivement l’habileté de Jean-Luc à imposer ses préférences et obtenir l’assentiment de son compagnon (Jean-Luc est un leader né !) ; mais de l’autre, vous pourriez aussi déplorer le traitement inégalitaire subi par Benoît, qui n’a jamais la possibilité d’assouvir ses envies (Benoît est un peu le « dindon de la farce », et c’est injuste !). Alors ? Conforter le statu quo ou corriger l’inégalité ? Comment notre sens politique, lorsqu’il prend corps pendant nos premières années de vie, tranche-t-il ce dilemme ?

Ce qu’indiquent les données

Nous avons examiné cette question dans une étude parue récemment dans la revue Developmental Psychology [7]. L’étude s’appuie sur deux expériences dont la trame consiste à présenter à des enfants une relation de dominance entre plusieurs individus. Les enfants ont ensuite la possibilité d’agir en faveur du dominant ou du subordonné, en attribuant à ceux-ci différents niveaux de ressources. Dans la première expérience (Figure 1), les enfants répartis en quatre groupes d’âge (3, 4, 5 et 8 ans) voyaient deux marionnettes identiques qui désiraient jouer ensemble, mais à des jeux différents ; et à plusieurs reprises la même marionnette imposait ses choix de jeu à l’autre. Les 173 enfants qui ont participé devaient ensuite choisir à qui donner un grand chocolat et à qui donner un petit chocolat. Les résultats observés révélèrent à la fois un favoritisme marqué envers l’une des marionnettes et des différences importantes entre les groupes d’âge. Les enfants les plus jeunes ont en majorité avantagé le dominant : 68 % des 3 ans et 65 % des 4 ans lui ont donné le grand chocolat. Mais à 5 ans, cette préférence disparaissait : seuls 46 % des enfants ont favorisé le dominant. Et à 8 ans, un retournement drastique a été observé avec 93 % des enfants offrant le grand chocolat au subordonné.

Dans cette première expérience, les enfants devaient réaliser une action positive en donnant des ressources. Il se pouvait donc qu’ils se concentrent plus, par un effet du contexte expérimental, sur la dimension positive du dominant (il réussit à s’imposer). Pour écarter cette possibilité et inciter les enfants à se focaliser sur la face plus sombre du dominant (il est égoïste), la tâche proposée dans la seconde expérience (Figure 2) consistait à infliger une perte aux protagonistes : les enfants devaient ici leur prendre, et non plus leur donner, des ressources. Les enfants voyaient cette fois trois personnages, de taille égale, représentés par des dessins. L’un était le dominant, le chef, qui décidait des jeux auxquels tous trois allaient jouer, alors que les deux autres se pliaient à ses desiderata. Dans le déroulé du scénario, les enfants apprenaient ensuite que les trois personnages dessinés étaient pourvus d’une boîte dans laquelle se trouvaient de l’argent. L’enfant découvrant le contenu des boîtes constatait que le dominant était riche de trois pièces et que, parmi les deux subordonnés, l’un avait aussi trois pièces, mais l’autre une seule. La tâche qui fut alors demandée à l’enfant consistait, en quelque sorte, à « jouer les Robin des Bois » : prendre aux riches pour donner au pauvre. Pour être plus précis, il devait prendre une pièce, soit au dominant riche soit au subordonné riche, pour la mettre dans l’escarcelle du subordonné pauvre. S’il prenait au dominant riche, il contrecarrait la hiérarchie initiale ; s’il prenait au subordonné riche, il la renforçait. Les résultats observés auprès de 133 enfants furent remarquablement conformes à ceux de la première expérience. À l’âge de 3-4 ans, 67 % des enfants ont protégé les ressources du dominant et ont soustrait la pièce au subordonné. À 5-6 ans, ils n’étaient plus que 53 % et à 8 ans, 77 % des enfants ont pris la pièce au dominant (Figure 3).

Les données quantitatives issues de ces deux expériences montrent que les enfants tiennent donc compte de l’asymétrie relationnelle des protagonistes lorsqu’ils leur distribuent des ressources. Des informations plus qualitatives vont également dans ce sens. Dans les deux expériences, la tâche ne s’arrêtait pas à une distribution de ressources ; les enfants devaient aussi justifier leur décision. Et les explications ainsi produites invoquaient fréquemment la différence de statut entre les protagonistes. Par exemple, les enfants en faveur du subordonné dressaient volontiers le constat d’une inégalité et exprimaient un désir de compensation : « il [le subordonné] n’avait pas choisi ses jeux. Moi, j’ai envie de lui faire choisir ses jeux » ; « il mérite plus parce qu’il n’a pas pu jouer » ; « il n’a rien choisi, il n’a pas le choix ». À l’inverse, lorsqu’ils avantageaient le dominant, les enfants se focalisaient plus sur la supériorité sociale de celui-ci : « lui, il décide, celui-là c’est le chef » ; « c’est le commandant » ; « il est plus grand ».

Comment traduire en des termes psychologiques les phénomènes observés dans cette étude ? Comment expliquer la tendance initiale à favoriser le dominant, puis celle plus tardive à contrecarrer l’asymétrie ? Commençons d’abord par souligner que l’environnement social des enfants de 3-4 ans n’est pas le même que celui des enfants de 8 ans. Des études observationnelles montrent qu’à la crèche et dans les premières années d’école maternelle, la dominance est foncièrement antisociale et s’exprime par des interactions agonistiques (pour une revue voir les travaux de Hawley [8]). Le dominant est alors coercitif et agressif envers le subordonné. Mais à partir de 5 ans, la recherche du compromis, le partage et la collaboration émergent comme des tactiques du dominant pour accroître son influence. Et à 8 ans, cette forme de dominance prosociale est largement présente. L’allocation de ressources peut s’envisager comme une forme d’évaluation sociale qui consiste à favoriser celui qui pourrait être le meilleur partenaire lors d’interactions futures. Or, s’affilier avec un dominant est une stratégie qui peut se révéler bénéfique, non seulement pour profiter des avantages dont celui-ci jouit, mais aussi pour éviter d’entrer en conflit avec lui. Si l’environnement ne recèle que des dominants antisociaux, s’affilier avec eux pourra donc s’avérer, malgré tout, une stratégie avantageuse. Mais à mesure que des dominants plus coopératifs émergeront, les antisociaux deviendront beaucoup moins attractifs et pourront même être rejetés [8] ; les mêmes bénéfices à s’affilier à un dominant pourront être obtenus à moindre coût. Cela pourrait donc expliquer en partie pourquoi à 3-4 ans, les enfants ont une évaluation relativement positive d’un dominant qui ne fait que s’imposer, alors qu’à 8 ans ils le sanctionnent plus largement.

Un autre aspect de la hiérarchie sociale, qui diffère entre les enfants plus jeunes et plus âgés, tient aux relations qu’ils entretiennent avec les figures d’autorité que sont les adultes. À 3-4 ans, ils dépendent largement des adultes pour accéder aux connaissances, au bien-être, ou pour faire des choix judicieux. Mais à 8 ans, ils apprennent beaucoup plus de leurs pairs et s’affranchissent de leur dépendance vis-à-vis des adultes. Une valorisation de l’autorité est donc prévisible aux premiers âges. Dans les années 1930, Jean Piaget2 faisait déjà remarquer que, dans les premiers stades du développement moral « la justice n’est pas différenciée de l’autorité des lois : est juste ce que l’adulte commande » ([9], p. 227), et qu’à 8 ans, les enfants font primer l’égalité et l’équité sur l’autorité des adultes. Des données plus récentes montrent par ailleurs que même si les enfants sont capables à 3 ans de désapprouver une autorité malveillante, ils le font bien plus ouvertement à 8 ans [10]. Le profil développemental que nous avons observé pourrait donc refléter cette tendance à aligner justice et autorité à un âge précoce et à faire primer la justice en grandissant.

Un autre mécanisme qui peut expliquer l’avantage conféré au subordonné est l’accroissement de l’empathie pendant l’enfance. Avec le temps, les enfants se montrent de plus en plus sensibles aux conséquences négatives d’une injustice [11]. Selon l’âge, ils conceptualisent différemment les émotions qu’une action malveillante engendre chez son auteur. Avant 3-4 ans, ils auront tendance à lui attribuer pour l’essentiel des émotions positives (« celui qui a volé un jouet est content parce qu’il a atteint son but »), alors qu’après, ils seront plus enclins à lui associer des émotions négatives et à regarder l’action à travers un prisme plus moral (« il doit se sentir coupable de la souffrance qu’il a infligée à la victime qui n’a plus son jouet ») [12, 13]. On peut donc comprendre qu’une plus grande acuité émotionnelle conduise les enfants les plus âgés à favoriser le subordonné et à sanctionner le dominant. Ces enfants ont pu aussi vouloir se montrer sous leur meilleur jour en indiquant à l’expérimentateur qu’ils avaient bien identifié l’injustice et qu’ils étaient prêts à la corriger. Il se pourrait ainsi que si l’expérimentateur n’avait pas été présent dans la pièce, ils auraient été moins enclins à favoriser le subordonné. Plusieurs études ont en effet montré que les enfants agissent plus généreusement lorsqu’ils sont observés [14, 15].

Enfin, une explication plus cognitive de l’effet observé mérite aussi d’être considérée. La perpétuation du statu quo consiste à se conformer à une réalité qui est avantageuse pour un des protagonistes. En accordant plus de ressources au dominant, l’enfant se contente, en somme, de reproduire sous une autre forme l’inégalité qui lui est donnée à voir. Mais avantager le subordonné s’appuie sur des représentations plus complexes, qui nécessitent de mettre de côté la réalité observable pour envisager une situation contraire à celle-ci. En raison d’un développement moins avancé de ce que l’on appelle les « fonctions exécutives », les enfants les plus jeunes pourraient donc avoir plus de mal à inhiber l’évidence inégalitaire qui leur tend les bras [7].

Controverses et perspectives

Parce que ces résultats et les différents éléments d’explication qui s’y rapportent peuvent nous informer sur la manière dont notre sens social et politique se met en place, on peut comprendre qu’ils intéressent une audience plus large que la simple sphère académique. Les résultats de cette étude ont ainsi eu un écho dans la presse et furent assez fidèlement restitués. Cependant, il convient de dissiper certaines interprétations abusives qui ont pu être formulées3. La revue Sciences Humaines affirme, à la lumière des résultats, que les enfants « ne deviendraient sensibles aux inégalités qu’à l’âge de 5 ans » ou que « le sens de l’égalité naît vers 5 ans ». Il s’agit là d’une erreur à la fois conceptuelle et factuelle. Sur le plan conceptuel, notre étude se place dans le contexte précis d’une inégalité de pouvoir et on ne peut donc lui faire porter une conclusion aussi générale. Sur le plan factuel, la littérature scientifique indique que les tendances égalitaristes émergent bien avant 5 ans : par exemple, les bébés de 15-16 mois se montrent surpris lorsqu’un individu distribue des ressources de manière inégalitaire [16, 17] et préfèrent celui qui distribue à parts égales [18] ; et quand ils peuvent distribuer eux-mêmes des ressources, les enfants font prévaloir l’égalité [19] ou s’évertuent à réduire une inégalité de ressources déjà existantes [17], tout cela avant l’âge de 5 ans. Ce que montre, en revanche, la littérature, c’est qu’autour de cinq ans, il y a un renforcement qualitatif de l’égalitarisme. Par exemple, à cet âge les enfants commencent à partager leurs propres ressources à parts égales entre eux et un autre individu [21-24]. Le phénomène s’amplifie à 8 ans, âge où les enfants vont jusqu’à refuser des distributions lorsqu’elles les favorisent par rapport à un autre individu [25].

Dans les deux expériences présentées ici, l’âge fut un facteur déterminant dans la variation des distributions. Il n’est bien évidemment pas à exclure qu’à des âges plus avancés les participants modifient encore leurs distributions et redonnent la part belle au dominant, notamment quand on pense à l’attractivité que peuvent susciter les leaders à l’adolescence. Mais d’autres paramètres mériteraient aussi d’être examinés : par exemple, se pourrait-il que les filles et les garçons diffèrent dans leurs allocations ? Cela n’a pas été le cas dans cette étude et ce n’est, en général, pas le cas pour d’autres travaux qui utilisent des paradigmes de distribution de ressources. Mais le genre, qu’il s’agisse de celui de l’enfant ou de celui des figurines demanderait une étude plus systématique. Dans les deux expériences, les marionnettes et les figurines dessinées appartenaient au même genre (il s’agissait de garçons). Mais imaginons que l’asymétrie de pouvoir se double d’une différence de genre (garçon versus fille ou fille versus garçon). Les enfants pourraient, par un mécanisme d’identification, considérer que le personnage du même genre qu’eux mérite d’être le dominant et lui attribue plus de ressources lorsqu’il se trouve dans cette position. Mais il se pourrait aussi qu’ils légitiment plus volontiers une asymétrie qui associe pouvoir et masculinité, pour la simple raison que celle-ci risque d’être plus fréquente dans leur entourage. Au-delà du genre, des facteurs environnementaux ou individuels pourraient également influencer les résultats comme, par exemple, la culture, l’organisation familiale, ou la personnalité de l’enfant. Des enfants issus de cultures ou de familles dont la structure est verticale, ou des enfants qui occupent un rang hiérarchique plus élevé dans leur classe pourraient être plus enclins à renforcer l’asymétrie qui se présente à eux, en accordant plus de ressources au dominant. À cet égard, une étude a récemment montré qu’une modification ponctuelle du statut social de l’enfant influençait sa volonté de partager des ressources [26] : les enfants ayant le statut le plus élevé (ils étaient parvenus à obtenir un jouet particulièrement attractif) étaient moins enclins à partager des autocollants que leur donnait l’expérimentateur que les enfants de plus bas statut (ils avaient dû se contenter du jouet le moins attractif).

Les résultats exposés ici montrent qu’à un âge assez précoce, les enfants peuvent se représenter les désavantages associés à la subordination. Ces désavantages sont pourtant subtils. Dans les deux expériences, le subordonné ne se fait pas voler ses ressources, il ne subit aucun dommage physique et ne se voit infliger aucune punition de la part du dominant. Il se retrouvera même dans une situation plutôt heureuse, puisqu’à la fin il jouera avec lui. Mais les enfants, à 5 ans, commencent à reconnaître qu’il y a pourtant une certaine injustice à ne pouvoir satisfaire ses envies et à devoir se conformer au bon vouloir d’autrui. Si, chez les plus jeunes, la réussite du dominant l’emporte sur le sort fait au subordonné, en grandissant, ils deviennent capables d’orienter leurs actions pour corriger cette inégalité. Comme si, dans l’émergence de ses sentiments politiques, le tout jeune être humain faisait sienne la célèbre phrase d’Henry de Montherlant : « il n’y a pas le pouvoir, il y a l’abus de pouvoir, rien d’autre ».

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Astatotilapia burtoni, plus communément appelé Burtoni, est un poisson tropical originaire d’Afrique. Il vit en couple ou en groupe. Les membres de chaque groupe s’organisent autour d’une hiérarchie bien établie.
2 Jean Piaget (1896-1980) était un psychologue suisse dont le travail était centré sur le développement cognitif. Il a consacré sa vie à étudier la naissance de la pensée chez l’enfant.
3 Le sens de l’inégalité naît vers 5 ans. Sciences humaines – 18 novembre 2016.
References
1.
Boehm C, Boehm C. Hierarchy in the forest : The evolution of egalitarian behavior . Harvard University Press; , 2009 : 306 p.
2.
Boyce WT. Social Stratification, Health, and Violence in the Very Young . Ann N Y Acad Sci. 2004; ; 1036 : :47.–68.
3.
Ellis L. Dominance and reproductive success among nonhuman animals: a cross-species comparison . Ethol Sociobiol. 1995; ; 16 : :257.–333.
4.
Grosenick L, Clement TS, Fernald RD. Fish can infer social rank by observation alone . Nature. 2007; ; 445 : :429.–432.
5.
Thomsen L, Frankenhuis WE, Ingold-Smith MC, et al. Big and mighty: preverbal infants mentally represent social dominance . Science. 2011; ; 331 : :477.–480.
6.
Charafeddine R, Mercier H, Clément F, et al. How Preschoolers Use Cues of Dominance to Make Sense of Their Social Environment . J Cogn Dev. 2015; ; 16 : :587.–607.
7.
Charafeddine R, Mercier H, Clément F, et al. Children’s allocation of resources in social dominance situations . Dev Psychol. 2016; ; 52 : :1843.–1857.
8.
Hawley PH. The ontogenesis of social dominance: A strategy-based evolutionary perspective . Dev Rev. 1999; ; 19 : :97.–132.
9.
Piaget J. Le jugement moral chez l’enfant . Félix Alcan; , 1932 : 478 p.
10.
Laupa M, Turiel E. Children’s conceptions of adult and peer authority . Child Dev. 1986 ; :405.–412.
11.
Spinrad T, Eisenberg N. Empathy, prosocial behavior, and positive development in schools . Handb Posit Psychol Sch. 2009 ; :119.–129.
12.
Nunner-Winkler G, Sodian B. Children’s understanding of moral emotions . Child Dev. 1988 ; :1323.–1338.
13.
Arsenio WF, Kramer R. Victimizers and their victims: Children’s conceptions of the mixed emotional consequences of moral transgressions . Child Dev. 1992; ; 63 : :915.–927.
14.
Leimgruber KL, Shaw A, Santos LR, et al. Young children are more generous when others are aware of their actions . PLoS One. 2012; ; 7 : :e48292..
15.
Engelmann JM, Herrmann E, Tomasello M. Five-year olds, but not chimpanzees, attempt to manage their reputations . PLoS One. 2012; ; 7 : :e48433..
16.
Schmidt MFH, Sommerville JA. Fairness expectations and altruistic sharing in 15-month-old human infants . PloS One. 2011; ; 6 : :e23223..
17.
Sloane S, Baillargeon R, Premack D. Do infants have a sense of fairness ? . Psychol Sci. 2012; ; 23 : :196.–204.
18.
Geraci A, Surian L. The developmental roots of fairness: infants’reactions to equal and unequal distributions of resources . Dev Sci. 2011; ; 14 : :1012.–1020.
19.
Kenward B, Dahl M. Preschoolers distribute scarce resources according to the moral valence of recipients’ previous actions . Dev Psychol. 2011; ; 47 : :1054.–1064.
20.
Li V, Spitzer B, Olson KR. Preschoolers reduce inequality while favoring individuals with more . Child Dev. 2014; ; 85 : :1123.–1133.
21.
Fehr E, Bernhard H, Rockenbach B. Egalitarianism in young children . Nature. 2008; ; 454 : :1079.–1083.
22.
Gummerum M, Hanoch Y, Keller M, et al. Preschoolers’ allocations in the dictator game: The role of moral emotions . J Econ Psychol. 2010; ; 31 : :25.–34.
23.
LoBue V, Nishida T, Chiong C, et al. When getting something good is bad: Even three-year-olds react to inequality . Soc Dev. 2011; ; 20 : :154.–170.
24.
Rochat P, Dias MD, Liping G, et al. Fairness in distributive justice by 3-and 5-year-olds across seven cultures . J Cross-Cult Psychol. 2009; ; 40 : :416.–442.
25.
Blake PR, McAuliffe K. “I had so much it didn’t seem fair”: Eight-year-olds reject two forms of inequity . Cognition. 2011; ; 120 : :215.–224.
26.
Guinote A, Cotzia I, Sandhu S, et al. Social status modulates prosocial behavior and egalitarianism in preschool children and adults . Proc Natl Acad Sci USA. 2015; ; 112 : :731.–736.