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Med Sci (Paris). 33: 39–45.
doi: 10.1051/medsci/201733s108.

L’intelligence artificielle à l’aide des myologues
Le point de vue d’un non robot

Eytan Beckmann,1,2 Bruno Peyrou,3 Laure Gallay,4 and Jean-Jacques Vignaux1,2

1Institut Dauphine d’Ostéopathie, Paris, France. www.osteoparis13.com
2Cabinet d’Ostéopathie, 75013Paris, France
319 rue de la Comète, 75007Paris, France
4Service de Médecine Interne, Hôpital Edouard Herriot, Lyon, FranceINMG, CNRS UMR 5310–Inserm U1217, Université Lyon 1, France
 
Mise au point sur la médecine numérique

La médecine est un art mais aussi une science en constante évolution. Le terme de « médecine de précision », lancé en 2015 par un décret du Président Obama est défini par le National Institute of Health (NIH) comme une « approche émergente pour le traitement et la prévention des maladies qui tient compte de la variabilité individuelle des gènes, de l’environnement et du mode de vie de chaque personne » [1]. L’essor des capacités de séquençage et autres méthodes moléculaires, la constante diminution des coûts associés, l’apparition de nouvelles technologies d’analyse biomédicales et de nouveaux outils permettant de recueillir, stocker et analyser ces données, favorisent son expansion. Souvent présentée comme une médecine sur mesure ou personnalisée adaptée à chaque patient, la médecine de précision est caractérisée par l’utilisation massive de données digitales (big data). L’analyse de ces données contribue au développement des connaissances médicales : elle guide le médecin et l’aide à améliorer les prestations de soin pour atténuer voire retarder des maladies tant au niveau individuel qu’au niveau de la population [2].

Proposé par Lee Hood, ce concept visionnaire prend en compte les caractéristiques particulières de chaque individu et est appelé médecine 4P « Personnalisée, Prédictive, Préventive et Participative » [3]. Ces attributs lui offrent de nouveaux atouts pour répondre à certains défis actuels (errance et erreurs diagnostiques, suivis insuffisants, besoin de nouvelles solutions thérapeutiques, etc.) transformant ainsi la médecine jusqu’alors principalement réactive en une médecine proactive, dans laquelle le patient est acteur du suivi, de la gestion et de l’entretien de sa santé.

Médecine personnalisée
La médecine personnalisée telle que définie précédemment repose sur la capacité à recueillir un maximum de données (observations ou résultats d’analyses) liées à l’individu, parmi lesquelles les informations liées à son génome.

Les génomes de deux individus pris au hasard présentent, en moyenne, environ 6 millions de variations d’un ou d’une succession de plusieurs nucléotides. Ce type de variations ou polymorphisme, souvent appelé SNP (prononcer « snip ») est la source la plus fréquente de variation génétique entre deux individus. Il confère une spécificité et une identité génétique propre à chacun, sur laquelle se greffent des facteurs environnementaux, l’ensemble contribuant au caractère unique de tout individu. Cette spécificité influe fortement sur les capacités de l’individu à développer une pathologie, à lutter contre elle et à répondre aux traitements.

Les observations recueillies dans le cadre de la médecine personnalisée pourraient donc permettre de prodiguer des soins adaptés à chaque individu, et par conséquent, de le traiter plus efficacement, ainsi que de prévenir ou de ralentir l’apparition de certaines maladies.

Médecine prédictive
L’essor de la panoplie d’outils qui permettent de générer et d’analyser les données de santé d’un grand nombre d’individus offre de nouvelles perspectives cliniques. Les développements de la génomique ont d’ores et déjà permis, notamment grâce au séquençage du génome, d’identifier des mutations ou variants génétiques qui favorisent ou qui sont à l’origine de tumeurs, et par conséquent d’optimiser les stratégies thérapeutiques associées [4]. La connaissance de ces particularités génétiques et moléculaires tout comme celles d’autres facteurs de risques liés aux habitudes de vie et à l’environnement permettent soit d’améliorer le suivi et le dépistage du cancer chez les patients à risque [4], soit de proposer des traitements personnalisés [5, 6]. L’analyse de toutes ces données qui contiennent de plus en plus d’informations longitudinales, permet, grâce à l’utilisation d’algorithmes de modélisation, d’affiner les paramètres menant au diagnostic, de définir le bénéfice des traitements et d’estimer, voire prédire, les durées et les conditions de survie de patients à risque [7].
Médecine préventive
La médecine préventive se situe à l’intersection des différents univers que sont le big data, la technologie et la médecine elle-même. « Préventive », elle offre la possibilité de contourner ou d’éviter, grâce à une prise en charge adaptée, la survenue des pathologies. Ainsi l’un des intérêts majeurs de la médecine préventive est qu’elle permet, chez des personnes à risque, d’identifier très tôt dans leur développement, des pathologies encore asymptomatiques. En rendant possible une prise en charge adéquate (traitement, mesures hygiéno-diététiques), elle peut freiner, retarder voire enrayer l’apparition de ces maladies, et donc avoir des effets positifs sur la qualité de vie et le bien-être des individus concernés comme sur les coûts afférents à la prise en charge de leurs pathologies.

Des outils tels que les objets connectés (e-Health) peuvent améliorer la prise en charge en aidant au suivi et à l’évaluation de certains troubles et pathologies ainsi qu’au dépistage précoce de certaines dégradations de la santé [8].

Médecine participative
L’émergence des objets connectés et l’accès de plus en plus aisé aux données médicales (via internet, association de malades, forum, littérature médicale grand public, etc.) donnent à l’individu une place centrale dans le système de santé [8]. Ces éléments contribuent au développement de la médecine participative et incitent le patient à être plus attentif à sa santé et à la préserver. Les données issues de ces nouveaux outils appartenant au champ de la e-santé pourraient bientôt compléter celles provenant du domaine médical.

Aux côtés du praticien et des autres professionnels de la santé [9] le patient sera de plus en plus sollicité à participer à sa propre prise en charge.

Comment faire du 4P ?
Grâce à l’apparition de ces nouvelles technologies, chaque individu sera associé à un nuage de données propres (cliniques, organiques, génomiques, chimiques, moléculaires, environnementales ou liées à leur mode de vie, imagerie, réseaux sociaux, etc.). En 2014 la quantité de données relatives à la santé aurait déjà atteint, aux États-Unis seulement, le zetabytes (1021 bytes, soit 1 milliard de terabytes) [10]. Ces données, systémiques, recueillies dans le temps, parfois en quasi-continu, et digitalisées, représentent en quelque sorte, pour chaque individu, un avatar de son état biologique et clinique, et sont à la base de la médecine 4P.

De puissants outils informatiques et des modèles complexes sont nécessaires pour transformer ces données en informations utilisables ainsi que pour extraire des renseignements pertinents à l’interprétation de l’état de santé d’un individu. Ces nouveaux modèles et algorithmes (« deep learning », etc.) sont appelés à jouer un rôle croissant dans l’amélioration de la gestion de la santé publique de demain.

L’intérêt du deep learning

Le deep learning (« apprentissage profond » en français) méthode phare de l’intelligence artificielle (IA) et branche de ce que l’on nomme « machine learning », est un système d’apprentissage et de classification. Basé sur des « réseaux de neurones artificiels numériques », il permet à un programme de reconnaître un contenu, d’analyser des données de plus en plus complexes et de les classifier [11]. Appliqué concrètement au domaine médical, le deep learning apparaît comme un outil précieux pour assister les médecins et les professionnels de la santé dans leur prise de décision et pour simplifier la gestion des données médicales ( Figure 1 ). Il pourrait enfin et surtout faciliter la recherche « translationnelle » qui fait le lien entre la recherche fondamentale et la recherche clinique ou les applications thérapeutiques, afin d’accélérer le progrès médical au profit des malades.

Des outils précieux pour les praticiens
Déjà en usage dans le cadre de recommandations thérapeutiques et de diagnostic, les techniques « d’apprentissage profond », outils qui permettent de transformer la masse énorme d’informations collectées en connaissance, aident des experts en imagerie médicale à mieux identifier, classer, quantifier, repérer les anomalies et interpréter des images issues de radiographies [12], de PET/Scan [13] et/ou d’IRM [14]. Ils favorisent le dépistage de certains cancers, de fractures et même d’atteintes dues à la maladie d’Alzheimer [15].

En évaluant différentes caractéristiques cliniques et globales, ces outils peuvent aider au diagnostic et à la prédiction/prévision de certaines pathologies comme des cancers [7, 16]. Une étude comparative a souligné leur valeur ajoutée dans la démarche diagnostique de cancers de la peau, l’analyse par l’IA d’images issues de biopsies, surpassant en vitesse et en exactitude la plupart des techniques conventionnelles [17]. Et même si pour l’heure, le diagnostic du médecin, assisté de ces techniques, reste le plus précis et fiable [18], le binôme fonctionnel, praticien/IA apparaît comme précieux dans des situations complexes, et semble appelé à se développer dans un avenir proche.

Autre apport important, ces outils permettent une collecte exhaustive et standardisée de données médicales complexes et aident à leur interprétation dans le cadre de l’analyse et de la gestion de l’état de santé d’un individu et de potentielles atteintes à venir [19].

Les médecins sont aujourd’hui victimes de la progression vertigineuse des connaissances médicales (le temps de doublement des connaissances médicales en 1950 était de 50 ans, en 2010 de 3,5 ans et en 2020, il devrait être de seulement 73 jours) [20]. Cette augmentation explosive est plus rapide que nos capacités à les assimiler et à les appliquer efficacement, d’où l’utilité d’outils comme le deep learning.

Compte tenu de l’avancée rapide dans ces domaines, il est légitime d’anticiper que le deep learning, qui, pour certaines applications, atteint déjà une précision comparable, voire meilleure que celle du diagnostic d’un médecin non-assisté [18], continuera à s’améliorer. Son application clinique, sous forme d’algorithmes d’analyse et de soutiens décisionnels, jumelée au savoir-faire du praticien, permettra ainsi d’affiner le diagnostic, de diminuer le nombre d’erreurs et d’optimiser la prise en charge du malade et l’orientation rapide et personnalisée du processus thérapeutique.

Ainsi, ces nouveaux outils, par l’analyse de données diverses, assisteront le médecin en fournissant des informations personnelles, précises et fiables.

… Pour la recherche
Le développement des intelligences artificielles permet de réduire les coûts et durées des processus de recherche. Par exemple, l’analyse d’un grand nombre de données génomiques par des IA facilite la détection de mutations (mais pas encore sa validation fonctionnelle pour l’instant), accélérant ainsi la découverte d’options thérapeutiques adaptées et individualisées.

D’autre part, grâce aux réseaux sociaux (Twitter, Facebook, etc.), un très grand nombre de données épidémiologiques peuvent être recueillies. Leur analyse pourrait permettre d’améliorer les connaissances en santé publique et de surveiller et anticiper le développement de certaines maladies [21], l’efficacité des thérapies administrées [22] ou même d’identifier des réactions indésirables dues à l’utilisation de certains médicaments [23].

La recherche médicamenteuse pourrait ainsi, elle aussi, profiter de ces outils. L’analyse de données « omics » permettrait non seulement l’identification de nouveaux biomarqueurs représentatifs de pathologies mais aussi de proposer de nouvelles cibles thérapeutiques pour le développement de médicaments plus efficaces. Ainsi, grâce à l’analyse de 70 000 articles scientifiques par une IA, des protéines associées à de nombreux cancers ont pu être identifiées [24]. Cette découverte, pour autant qu’elle ait pu être faite, aurait pris des années si elle avait été réalisée par des moyens humains.

… Pour les patients
Certains patients n’ont pas attendu l’arrivée de la médecine de précision pour se mobiliser et s’engager dans la prise en charge de leur propre santé. Internet permet de consulter diverses sources d’informations. « Dr Google », par exemple, bien que loin de l’expertise médicale, est à la portée de tous. D’autres moyens abondent, comme le marché du Direct-to-Consumers (D2C) dont la société 23andMe qui propose une analyse génétique est sans doute l’archétype. Les associations de patients peuvent influencer et faire avancer l’état des connaissances [22].

Les objets connectés (ECG, glucomètre, tensiomètre, podomètre, polysomnographe, etc. dont les nombre et champs d’applications ne cessent de croître) permettent aussi de collecter des données de santé brutes, longitudinales et segmentées accessibles aux patients comme à leurs médecins. L’analyse de ces informations pourrait permettre au praticien d’améliorer ses connaissances sur la santé du patient, et à ce dernier de s’impliquer durablement dans la dynamique de sa propre santé et de prendre les mesures requises pour la préserver [8].

Certaines applications permettent déjà de réaliser des pré-diagnostics en temps réel et de conseiller le patient pour mieux réguler ses constantes vitales et prévenir les complications [25].

Une nomenclature commune
Les données médicales et personnelles des patients sont par essence complexes, et hétérogènes. Elles se présentent sous de multiples formats. Leur analyse requiert une harmonisation cruciale. Il est donc impératif d’assurer l’interopérabilité – notion transversale qui permet à divers outils ou systèmes technologiques de pouvoir communiquer [26] – entre, par exemple, les langages médicaux, biologique, génétique, le vocabulaire formel ou informel et la grammaire irrégulière, les textes ou les images. L’IA doit en effet maîtriser un vocabulaire contrôlé et normalisé afin de décrire les relations entre chaque langage. Snomed (www.snomed.org/snomed-ct) ou Human Phenotype Ontology (http://human-phenotype-ontology.github.io/about.html) sont des exemples de standards de nomenclature que l’IA doit pouvoir gérer. Des normes d’interopérabilité pour les échanges entre applications du domaine de la santé existent déjà – comme la norme HL7 (Health Level Seven ; http://www.hl7.org/) – qui favorisent l’intégration de données d’origines diverses au sein de l’IA. Ces normes dites « sémantiques » structurent et codifient les données et le vocabulaire, à des fins d’interprétation et d’interopérabilité.
Les maladies neuromusculaires

L’IA dispose d’un potentiel encore peu exploité comme outil d’appoint pour la gestion des maladies génétiques. Pour les maladies rares, la base de données OMIM (Online Mendelian Inheritance in Man) qui recense les gènes humains et phénotypes associés, dénombre à ce jour plus de 8 000 phénotypes dont environ 6 000 ont des bases moléculaires connues, et près de 4 000 gènes mutés liés à ces phénotypes ont été identifiés [27, 28]. Cette liste se rallonge chaque année de quelques 50 nouveaux gènes [28]. Cette accélération dans la croissance de la connaissance de l’étiologie génétique est due essentiellement aux développements des techniques de séquençage génomique et à la réduction des coûts afférents. Devant la variabilité majeure des expressions pathologiques et la difficulté de la validation formelle au niveau fonctionnel, les relations phénotypes-génotypes restent cependant complexes, requérant in fine une expertise médicale pour les définir. Pour certains de ces gènes, une mutation peut conduire à plus d’une pathologie. D’autre part, certains patients sont porteurs de mutations dans différents gènes, responsables de caractéristiques cliniques souvent floues et difficiles à classifier.

Dans OMIM, on dénombre ainsi plus de 200 maladies neuromusculaires qui diffèrent par leurs causes (génétiques, auto-immunes, inflammatoires, etc.), zones d’atteintes (cellules musculaires, jonctions neuromusculaires, etc.), conséquences (orthopédiques, cardiaques, respiratoires, digestives, etc.) et gravité sur l’organisme des patients [29].

L’intérêt du deep learning pour les maladies neuromusculaires
À travers le suivi des symptômes
Le parcours diagnostic des maladies neuromusculaires est très variable. Certains tableaux cliniques atypiques peuvent compliquer la tâche du médecin et nécessiter une multitude d’examens complémentaires, plus ou moins lourds et coûteux. Dans certains cas, un laps de temps de plusieurs mois, voire plusieurs années, peut séparer la première consultation de l’établissement du diagnostic. Certains patients atteints de maladies rares attendent même près de 4 ans avant que ne commence la démarche de recherche de diagnostic [30]. Cette errance diagnostique est souvent due à la rareté de ces maladies et à un manque de formation dans leur domaine. D’après les résultats d’une enquête portée par l’AFM-Téléthon (Symposium AFM-Téléthon/FILNEMUS, congrès Myology 2016, Lyon) à destination des malades atteints de maladies neuromusculaires sans diagnostic précis, 288 participants ont répondu être en errance depuis en moyenne plus de 16 ans (25 % sont en errance depuis plus de 20 ans, 50 % sont en errance depuis plus de 10 ans).

En analysant les symptômes des patients et en examinant les bases de données de ces symptômes, l’IA pourrait apporter des solutions à ces problématiques et seconder le médecin dans le choix des investigations ou des avis spécialisés à demander.

Ces données forment une masse d’informations considérable dont l’augmentation rapide rend l’assimilation de la mise à jour difficile. L’utilisation de l’IA, nourrie par ces jeux de données, permettrait au médecin d’être non seulement constamment tenu au courant des dernières avancées, mais aussi d’être plus efficace, plus précis dans son diagnostic et plus focalisé dans la prise en charge à mettre en place.

L’intégration et la standardisation des données
Pour qu’une « intelligence artificielle », utilisant des algorithmes de deep learning, puisse analyser et interpréter des données associées aux pathologies neuromusculaires, il est fondamental de lui proposer un apprentissage sur des informations médicales pertinentes [31].

Pour cela on peut aborder les choses suivant deux approches différentes : la première est basée sur la quantité d’informations présentes dans les bases de données (« data-driven » [19]), la seconde sur la qualité de ces données (« goal-driven » [32]).

Dans le premier cas, les différents algorithmes se servent de la masse des données pour analyser et proposer différents résultats. Or, dans le cas des maladies neuromusculaires, souvent orphelines, le problème majeur est la rareté des données [31].

Dans le deuxième cas, les informations fournies par la base de données doivent d’être les plus pertinentes possibles. Pour cela, il est nécessaire de faire entrer dans la boucle une « intégration » supervisée. Afin d’éviter les erreurs et les biais issus de données incomplètes ou partiellement exactes, la base de données doit contenir aussi bien les tableaux cliniques de chaque pathologie que les données épidémiologiques, les examens complémentaires associés à chaque pathologie, les données génétiques, les avancées de la recherche, etc.

Dans le but de valider la base de données, il semble nécessaire que des experts spécialisés dans ce domaine interviennent pour en consolider l’architecture en contrôlant les liens entre les différentes données entrées, confirmer que les corrélations entre elles sont légitimes et exploitables et vérifier la bonne nomenclature et terminologie. Dans le cadre du Programme d’action communautaire de l’UE en santé publique, la Commission européenne a cofinancé EPIRARE (European Platform for Rare Disease Registries) un projet sur les registres des maladies rares qui a débuté officiellement le 15 avril 2011.

Cette intégration de données supervisée, appelée « standard d’intégration », est basée sur l’expérience de médecins experts qui retranscrivent leur raisonnement clinique et choisissent les données à utiliser lors de l’apprentissage. Cette étape est fondamentale pour que l’IA puisse ensuite « s’entraîner » à raisonner pour finalement proposer des résultats cohérents. Cette intervention humaine dans la structuration de la base de données par l’utilisation de « labels » (catégories), induit un « biais » humain. Avec le temps et l’incrémentation de la base de données, ce biais pourrait être réduit, voire supprimé, faisant alors tendre l’IA vers une approche « data-driven ».

Réaliser un suivi médical, reproductible, fiable et expertisé
L’intégration de symptômes par le patient lui permettrait d’enregistrer ses propres données de santé sous la forme d’un carnet de santé virtuel et ainsi mieux renseigner le système médical sur son état général. L’IA pourrait aussi, grâce à l’analyse des données, détecter une éventuelle dégradation et ainsi avertir le patient ou le médecin.

De plus, l’analyse de ces données de santé, comparées aux données épidémiologiques présentes dans la base de données de l’IA, pourra aider le médecin à affiner son diagnostic. En effet, en comparant les probabilités et prévalences de pathologies associées à des tableaux cliniques assez similaires, l’IA pourra indiquer instantanément au médecin quel type de pathologie serait la plus probable chez un patient donné.

Limites
Le monde médical utilise et utilisera de plus en plus l’Intelligence Artificielle. Quant à la médecine elle aura tendance à se personnaliser toujours plus.

Il n’en reste pas moins que le concept actuel de « médecine personnalisée », tel que nous l’avons décrit tout comme le décrivent de multiples publications, même s’il suscite un grand enthousiasme, n’est pas encore une réalité. Et malgré les succès initiaux, l’ampleur et l’étendue de ses champs d’action ne sont pas encore connues. Seul l’avenir apportera des réponses. Le débat est ouvert.

Une série d’interrogations se posent déjà, qu’il s’agisse de la confidentialité et la sécurité des données médicales enregistrées dans les bases de données ou des questions éthiques comme celles concernant les limites de ce qui peut ou doit être dit au patient, à tout moment, y compris au moment de découvertes fortuites.

L’opacité de certains raisonnements algorithmiques liés aux IA ainsi que le risque éventuel d’une dérive vers une (dé)responsabilisation médicale sont aussi des sujets nécessitant un cadre éthique bien défini.

Conclusion

La médecine actuelle fait face à de nombreux défis - immense quantité de données médicales à mémoriser, découverte de nouvelles pathologies et de nouveaux gènes ou de mutations pouvant ralentir l’établissement d’un diagnostic (cause d’errances) - ainsi qu’aux très fortes similarités cliniques pouvant induire des erreurs médicales.

Grâce à l’émergence de la médecine 4P et à l’intervention d’intelligences artificielles capables d’intégrer et analyser différentes données médicales issues de la clinique et de la vie quotidienne, ces difficultés pourraient être, au moins en partie, résolues ( Figure 2 ).

En effet, une IA reliée à une base de données constamment mise à jour, servant d’outil d’appoint au médecin et l’assistant dans sa pratique pourrait, grâce à des algorithmes de soutien décisionnels cliniques (suivant des consensus de protocoles de pratiques normalisés, réalisés et validés par des experts), aider le médecin dans sa démarche diagnostique.

Il est important de souligner que les intelligences artificielles pourraient permettre l’optimisation de nombreuses prises en charge sans pour autant pallier l’expertise médicale, l’indispensable relation humaine patient-praticien, la responsabilité du diagnostic et le choix thérapeutique. Cette association médecin-IA permettrait alors, grâce à des algorithmes décisionnels de pointe mis au point avec l’aide d’experts, de réaliser une analyse continuelle des données médicales améliorant ainsi l’ensemble de la prise en charge du malade.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Nous remercions le Professeur Bruno Eymard et Jean-Yves Hogrel pour leur soutien et le Professeur Jean-Claude Kaplan pour sa relecture attentive.

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