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Med Sci (Paris). 33(8-9): 758–764.
doi: 10.1051/medsci/20173308021.

Variants du récepteur des androgènes dans le cancer de la prostate

Edwige Schreyer,1 Philippe Barthélémy,1,3 Félicie Cottard,2 Pauline Ould Madi-Berthélémy,1 Frédérique Schaff-Wendling,1,3 Jean-Emmanuel Kurtz,1,3 and Jocelyn Céraline1,3*

1Université de Strasbourg, Inserm, VSDSC UMR-S 1113, IGBMC, 1, rue Laurent Fries, BP 10142, 67404Illkirch Cedex, France
2Department of urology, Center for Clinical research, University Freiburg Medical Center, Breisacherstrasse 66, D-79106Freiburg, Allemagne
3Service d’oncologie et d’hématologie, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 67000Strasbourg, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Inserm-Morad Roudbraraki).

Signalisation des androgènes et cancer de la prostate

Le cancer de la prostate est le cancer masculin le plus fréquent en Europe et aux États-Unis. Il se situe au 1er rang des cancers incidents chez l’homme de plus de 50 ans, loin devant les cancers du poumon et du côlon-rectum. Le taux d’incidence, standardisé en France en 2011, était équivalent à 97,7 pour 100 000 hommes, situant la France parmi les pays à fort taux d’incidence. Le taux de mortalité était de 10,5 pour 100 000 hommes, illustrant le fait que le cancer de la prostate représente la 3e cause de décès par cancer chez l’homme, ce qui en fait actuellement un problème de santé publique majeur [1].

D’un point de vue physiologique, le développement, la croissance et la fonction de la prostate reposent sur la voie de signalisation des androgènes, dont fait partie la testostérone. La testostérone d’origine testiculaire, ou issue de la conversion de précurseurs surrénaliens tels que la déhydroépiandrostérone (DHEA) et l’androstènedione, est convertie en 5α-dihydrotestostérone (DHT) par l’enzyme 5α-réductase, au niveau des tissus cibles. Pour exercer son action, la DHT se fixe au récepteur des androgènes (RA), un facteur de transcription androgéno-dépendant, membre de la famille des récepteurs des hormones stéroïdes et de la superfamille des récepteurs nucléaires [2]. L’expression du RA est documentée à tous les stades d’évolution du cancer de la prostate, jouant ainsi un rôle-clé dans la prolifération et la survie des cellules cancéreuses prostatiques [3, 4] ().

(→) Voir la Synthèse de F. Labrie et al., m/s n° 10, octobre 2003, page 910

Structure et fonction du récepteur des androgènes

Les fonctions de contrôle androgéno-dépendant de l’expression de gènes sont portées par les quatre domaines fonctionnels du RA : le domaine N-terminal (NTD), intrinsèquement désordonné, contenant la fonction d’activation transcriptionnelle AF-1 ; le domaine de liaison à l’ADN (DBD), très conservé, assurant la reconnaissance d’éléments de réponse aux androgènes (ARE) ; le domaine de liaison au ligand (LBD) contenant la fonction d’activation transcriptionnelle AF-2 ligand-dépendante ; et la région charnière (RC) entre le DBD et le LBD, qui contient le signal de localisation nucléaire [2] (Figure 1).

En l’absence de ligand, la stabilité du RA dans le cytoplasme est assurée par un complexe de protéines chaperonnes incluant les protéines de réponse au choc thermique (heat shock proteins, HSP) HSP40, HSP70 et HSP90, ainsi que les protéines co-chaperonnes p23, FKBP-4 (FK506 binding protein 4) et SGTA (small glutamine-rich tetratricopeptide repeat-containing protein alpha). HSP90 permet le maintien d’une structure conformationnelle assurant une grande affinité du RA pour son ligand naturel, la dihydrotestostérone (DHT). La liaison de la DHT à son récepteur aboutit à la dissociation de HSP90 et au recrutement de HSP27 qui favorise la translocation nucléaire du RA, puis sa fixation aux ARE présents au niveau du promoteur et des régions activatrices en amont des gènes cibles [5]. Cette voie de signalisation correspond à la voie génomique, classique (ou canonique), du RA. Néanmoins, une autre voie de signalisation du RA existe, la voie non génomique. Dans cette dernière, le RA demeure dans le cytoplasme après la stimulation androgénique et active d’autres voies de signalisation intracellulaires convergeant vers la voie ERK (extracellular signal-regulated kinase), puis, en aval, à l’activation de facteurs de transcription (Figure 2) [6].

Hormonothérapie du cancer de la prostate

Le cancer de la prostate étant androgéno-dépendant, la première ligne de traitement pour les patients atteints à des stades avancés consiste en une privation androgénique par castration médicale [7]. Ce traitement vise à supprimer la production d’androgènes testiculaires, soit par désensibilisation des récepteurs hypophysaires de la gonadolibérine (LHRH), au moyen d’agonistes de la LHRH à action prolongée, soit par blocage direct des récepteurs hypophysaires de la LHRH, au moyen d’antagonistes de cette dernière (Dégarelix, Firmagon®). Afin de bloquer la contribution des précurseurs surrénaliens, la castration est, en plus, couplée à des anti-androgènes qui sont des antagonistes stéroïdiens, comme l’acétate de cyprotérone, ou non stéroïdiens, comme le flutamide, le nilutamide et le bicalutamide [8]. Une seconde génération d’anti-androgènes non stéroïdiens, comme l’enzalutamide, a été développée ces dernières années [9]. L’enzalutamide présente une affinité accrue pour le RA, limite le transport nucléaire, altère la liaison de l’ADN aux ARE et le recrutement de coactivateurs [9]. Le blocage androgénique complet consiste également en un couplage de la castration à un inhibiteur de la voie de biosynthèse des androgènes, comme l’acétate d’abiratérone. Cette molécule est un inhibiteur sélectif et irréversible du cytochrome CYP17A1 (aussi appelé 17α hydroxylase/17,20 desmolase), une enzyme clé de la voie de biosynthèse de la testostérone aux niveaux testiculaire, surrénalien mais aussi intratumoral [10].

Résistance à la castration

La résistance à la castration est définie par la reprise évolutive, biologique et/ou clinique, du cancer malgré une castration efficace. Bien que 80 % des patients répondent à la première ligne d’hormonothérapie, tous présentent une reprise évolutive survenant avec un délai très variable après la mise en place de la castration. Des mécanismes RA-indépendants comme la substitution du RA par le récepteur des glucocorticoïdes [11], l’activation de voies mitogéniques, et la surexpression de la cycline D1, peuvent conduire à une résistance à la castration [12]. La surexpression de facteurs anti-apoptotiques, comme Bcl2 (B-cell lymphoma 2), TP53INP1 (tumor protein P53 inducible nuclear protein 1) et HSP27 est également associée à la résistance à la castration [13].

La résistance à la castration est notamment due à la sélection d’évènements moléculaires à l’origine du maintien des activités du RA en dépit des faibles taux d’androgènes produits par la castration. Ces évènements se subdivisent classiquement en mécanismes dits ligand-dépendants et ligand-indépendants. Les cellules cancéreuses prostatiques peuvent ainsi contourner la castration en augmentant la synthèse paracrine de DHT au sein du stroma tumoral, à partir de la testostérone circulante [14]. Les cellules cancéreuses prostatiques peuvent également acquérir une hypersensibilité aux androgènes, par une surexpression du RA. Une amplification du gène du RA a été mise en évidence dans 25-30 % des cancers de la prostate au stade de résistance à la castration [15]. L’augmentation de l’expression du RA peut également résulter d’une absence de sa dégradation à la suite d’une mutation du gène SPOP (Speckle-type POZ protein) qui code une ubiquitine ligase E3 [16]. La synergie avec des voies de signalisation dépendantes de facteurs de croissance, comme l’IGF-1 (facteur de croissance insulinomimétique de type 1), le FGF7 (facteur de croissance des fibroblastes 7), l’EGF (facteur de croissance épidermique), le LHRH, les neuropeptides, et l’IL-6 (interleukine-6), ainsi que la modification du mode d’action des coactivateurs et des corépresseurs, sont susceptibles d’aboutir à la transactivation du RA en dépit des taux faibles résiduels d’androgènes circulants [17]. Un autre mécanisme récurrent, associé à la résistance à la castration, est l’émergence de formes mutées ou de variants d’épissage du RA [18].

Mutations ponctuelles du RA

Le gène du RA étant localisé sur le chromosome X en position q11-14, son expression est monoallélique chez les hommes. Il est donc raisonnable d’imaginer que toute mutation affectant les fonctions du RA dans une cellule donnée puisse induire un changement de phénotype. Si une perte de fonction est généralement attribuée aux mutations, ou altérations génétiques, touchant le RA dans le syndrome d’insensibilité aux androgènes (SIA), les mutations « gain de fonction » sont prépondérantes dans le cancer de la prostate. Ainsi, la région charnière et le LBD représentent des points chauds avec près de 45 % des mutations décrites dans la littérature [19]. Ces mutations ont pour caractéristique majeure de modifier la poche de liaison du ligand formée par les résidus L702, N7056, Q712, Q739, W742, M750, et T878. De façon intéressante, les mutations L702H, W742C, H875Y et T878A représentent à elles seules près de 15 à 20 % des mutations du RA décrites dans le cancer de la prostate résistant à la castration. Ces mutations étendent la spécificité de reconnaissance du RA à d’autres stéroïdes. Ainsi, la mutation T878A augmente l’affinité du RA pour la progestérone et la médroxyprogestérone [20]. Certaines de ces mutations permettent la reconnaissance d’un composé à action anti-androgénique comme un agoniste [18, 21]. La mutation T878A est d’ailleurs retrouvée chez 40 % des patients traités par blocage androgénique complet et utilisant le flutamide comme antagoniste. Des données récentes montrent l’implication de la mutation T878A dans la résistance à l’acétate d’abiratérone via la modification de la voie de biosynthèse des androgènes en faveur de la synthèse de progestérone à la suite de l’inhibition de CYP17A1. Les mutations du RA peuvent également être à l’origine d’une résistance aux nouveaux anti-androgènes. Ainsi, la mutation F876L, touchant le résidu phénylalanine en position 876, près de la poche de liaison du ligand, confère une résistance in vitro et in vivo à l’enzalutamide et à l’ARN-509, deux anti-androgènes de seconde génération [22].

Mutations non-sens et variants d’épissage du RA

De nombreux variants1 du RA, se caractérisant par l’absence de la région carboxy-terminale, ont été décrits dans le cancer de la prostate résistant à la castration. Ces variants peuvent être générés par clivage protéolytique du RA par la calpaïne 2, une protéase dépendante du calcium. Ce mécanisme a été mis en évidence dans des cellules de la lignée cancéreuse prostatique humaine 22RV1 [23]. À noter que le niveau d’expression de la calpaïne 2 est en effet plus élevé dans des cancers de la prostate métastatiques, en comparaison à des cancers localisés [24]. La présence de ces variants tronqués de la région C-terminale peut également s’expliquer par des mutations non-sens au niveau de l’exon 4 du gène du récepteur. Ces mutations provoquent l’apparition de codons stop prématurés au niveau de la région charnière ou de la partie proximale du LBD [25, 26]. Enfin, des épissages alternatifs des transcrits du RA produisent également des formes tronquées du récepteur [24]. Ces cinq dernières années, 17 variants tronqués du RA, issus de ces épissages alternatifs, ont ainsi été identifiés dans plusieurs lignées cellulaires ou modèles de xénogreffes de cancer de la prostate, ainsi que dans des échantillons isolés de patients (Figure 3). Parmi ces variants d’épissage, les variants AR-V7 et AR-V567es ont été particulièrement étudiés, notamment en raison de la disponibilité d’anticorps spécifiques qui ont permis l’étude de leur expression par immunohistochimie dans des échantillons tumoraux provenant de patients. Deux mécanismes moléculaires conduisent à l’expression de ces variants. Le premier consiste en un réarrangement au niveau du locus du gène du RA. Le deuxième repose sur une modification de l’expression de certains gènes du complexe protéique impliqué dans l’épissage, comme hnRNPA1 (heterogeneous nuclear ribonucleoprotein A1), DDX39A et DDX39B (DExD-Box helicase 39A et 39B) [2729].

Tous les variants d’épissage du RA délétés de la partie C-terminale ne présentent pas nécessairement une activité androgéno-indépendante constitutive. En effet, seuls les variants possédant un signal de localisation nucléaire (NLS) sur la protéine présentent cette caractéristique. Le NLS bipartite du RA, au niveau des exons 3 et 4, peut en effet être conservé, comme c’est le cas pour le variant ARV567es, ou un NLS peut être apporté par la séquence intronique retenue. Cependant, le variant AR-V7 constitue une exception. Il présente en effet une localisation nucléaire et une activité constitutive ligand indépendante et ce, en l’absence même de signal de translocation nucléaire.

Plusieurs données concordantes montrent une augmentation sous castration de l’expression des variants d’épissage au cours du temps [30]. Des taux très faibles de variants du RA ont ainsi été détectés dans les tissus prostatiques non cancéreux, de même que dans les formes localisées de cancer de la prostate, avant toute hormonothérapie, alors que ces taux sont bien plus élevés au stade de cancer de la prostate métastatique résistant à la castration. Le rapport entre les variants courts (tronqués) du RA et la forme sauvage du récepteur évolue donc au cours du temps.

Propriétés fonctionnelles des variants du RA délétés du domaine carboxy-terminal

La sélection positive de variants du RA à activité transcriptionnelle ligand-indépendante est un paradigme de mécanisme de résistance du cancer de la prostate à la castration. Ces variants sont initialement exprimés dans des tumeurs primaires, mais leur expression est augmentée dans les métastases osseuses isolées de patients résistants à la castration [31]. Leurs effets sur la croissance des cellules cancéreuses prostatiques, dans un environnement appauvri en androgènes, ont été démontrés in vitro et in vivo [32]. En pratique clinique, les études se concentrent essentiellement sur le variant AR-V7. Sa détection dans les cellules cancéreuses prostatiques circulantes a été corrélée à une résistance à l’enzalutamide et à l’abiratérone [33]. Toutefois, cette observation a été obtenue à partir de cohortes constituées d’un faible nombre de patients, et elle est encore débattue [34].

Les variants du RA stimulent l’expression de gènes connus pour être androgéno-dépendants comme celui codant l’antigène spécifique prostatique (PSA). Cependant, ces variants peuvent induire un profil transcriptionnel qui leur est spécifique, en s’homodimérisant ou en s’hétérodimérisant avec une autre forme tronquée du RA [35, 36]. Le programme transcriptionnel des variants du RA impliquerait le recrutement de cofacteurs particuliers comme FOXO1 (forkhead box protein O1), phospho-MED1 (Mediator complex subunit 1), ou FOXA1 [27, 37]. Vav3, une Rho-GTPase échangeuse de nucléotides GDP/GTP, est également connue pour induire une accumulation plus importante de AR-V7 dans le noyau des cellules cancéreuses prostatiques [38].

Variants constitutifs du récepteur des androgènes, transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) et motilité cellulaire

Les variants constitutivement actifs du RA sont associés à une induction de la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) partielle comme en témoigne la co-expression de marqueurs épithéliaux et de marqueurs mésenchymateux [39]. Cette implication des variants constitutifs du RA dans l’EMT a été rapportée dans d’autres modèles cellulaires, et dans des modèles de souris transgéniques [4042]. Par exemple, un lien entre ZEB1 (zinc finger E-box binding homeobox 1) et les variants du RA a été mis en évidence dans les cellules cancéreuses prostatiques 22RV1 [42], et des souris transgéniques, exprimant le variant ARv567es dans l’épithélium prostatique, développent spontanément des tumeurs prostatiques. La castration de ces souris conduit au développement d’un carcinome invasif caractérisé par une diminution de l’expression de la E-cadhérine et une augmentation du facteur de transcription TWIST et de la vimentine [40].

L’analyse du transcriptome des cellules LNCaP (des cellules établies à partir d’un adénocarcinome prostatique) qui surexpriment un RA sauvage ou le variant AR-V7 montre que les gènes affectés en présence de ce variant sont principalement impliqués dans la motilité cellulaire (GEO dataset GSE71334)2. En plus de la N-cadhérine, CXCL13 (C-X-C motif chemokine 13), FBLN5 (fibiline 5), ou encore TGM2 (transglutaminase 2) font partie des protéines dont les gènes sont les plus surexprimés en présence du variant AR-V7 (Communication personnelle ; GEO dataset GSE71334). Les variants constitutivement actifs du RA induisent aussi l’expression de RhoB (Ras homolog family member B), une petite GTPase, qui est à l’origine de la migration des cellules prostatiques LNCaP [43].

L’ensemble de ces données montre que les variants constitutifs du RA induisent l’expression d’un ensemble de gènes impliqués dans la progression tumorale. Toutefois, les mécanismes moléculaires associant les variants du RA au contrôle de l’expression de marqueurs de l’EMT restent à déterminer.

Variants constitutifs du récepteur des androgènes, marqueurs de cellules souches et de cellules souches cancéreuses

Les cellules souches prostatiques normales n’expriment pas le RA. Il en est de même des cellules souches cancéreuses (CSC) issues de tumeurs prostatiques hormono-naïves [44, 45]. Cependant, le RA serait faiblement exprimé dans les CSC issues de cancer de la prostate résistant à la castration [45]. À ce jour, aucune étude expérimentale n’a montré une expression des variants du RA dans les CSC prostatiques. Toutefois, il existe un lien entre les variants du RA et l’expression de marqueurs de cellules souches. Dans un modèle de souris transgéniques, la surexpression du variant AR-V7 dans l’épithélium prostatique conduit à une augmentation de la population de cellules progénitrices exprimant les marqueurs de cellules souches, Sca-1 (stem cells antigen-1), aldéhyde déshydrogénase et Trop-2 (tumor-associated calcium signal transducer 2) [41]. Le mécanisme moléculaire impliqué serait une augmentation de la sécrétion de facteurs paracrines comme les facteurs de croissance TGFβ2 (tumour growth factor β2) et IGF-1 par les cellules épithéliales exprimant les variants du RA. TGFβ2 et IGF-1 maintiennent la population de cellules souches/cellules progénitrices prostatiques en prévenant ou en retardant leur différenciation [41]. L’expression du variant AR-V7 a également été corrélée à une augmentation des marqueurs de cellules souches Nanog et lin28B (lin-28 homolog B), respectivement dans les cellules cancéreuses prostatiques LNCaP et DU-145 [42]. De plus, l’expression du variant AR-V7 augmente la capacité des cellules PC-3 et DU-145 à former des sphéroïdes [42]. L’ensemble de ces données mène ainsi à l’hypothèse selon laquelle l’expression de variants constitutifs du RA au niveau de la tumeur pourrait conduire au maintien d’une population de CSC du fait des effets paracrines des facteurs de croissance TGFβ2 et IGF-1, mais aussi à une dédifférenciation de cellules épithéliales tumorales en CSC. Comme l’expression de marqueurs mésenchymateux est associée à la résistance à la castration [46], un des rôles de ces variants du RA pourrait être la génération ou le maintien de cette population de CSC résistant à la castration.

Conclusion

Les mécanismes de résistance à la castration semblent maintenir les activités transcriptionnelles du RA au sein de la tumeur. Ces mécanismes impliquent une mutagenèse importante au niveau du LBD conduisant à l’émergence de formes mutées du RA. Ces formes mutées du RA peuvent reconnaître comme agonistes des stéroïdes autres que les androgènes, mais aussi des anti-androgènes, d’où l’intérêt de cibler une autre région du RA. Les recherches actuelles se focalisent donc sur la région amino-terminale, le DBD étant très conservé au sein des récepteurs nucléaires. La région N-terminale constitue plus de la moitié de la séquence protéique du RA et comprend de nombreuses séquences répétées (polyglutamine, polyglycine et polyproline). Elle est notamment impliquée dans les processus de modifications post-traductionnelles du RA et d’interactions protéiques. Toutefois, des études plus approfondies, à l’interface de la biologie et de la biophysique, sont nécessaires pour mieux comprendre le mode d’action de cette région intrinsèquement désordonnée du RA. Par ailleurs, les interconnexions avec les autres voies de signalisation sont nécessaires pour les fonctions des variants du RA. Il serait donc intéressant d’envisager des thérapies combinées ciblant le domaine amino-terminal du RA et les cascades de signalisation impliquées dans le mode d’action des variants du RA.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Le terme générique variant désigne ici des néo-protéines issues de modifications post-transcriptionnelles ou produites par des gènes mutés ou des transcrits alternatifs.
2 Données d’ARN-seq publiées dans la banque GEO (gene expression omnibus, NCBI, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/geo/query/acc.cgi?acc=GSE71334).
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