2008
ANALYSE |
22-
Addictions
L’addiction1
à l’activité physique nous entraîne dans la sphère du sport, voire du sport intensif. Nous voici loin de la comparaison entre sédentarité et activité. Cependant, la mode du « jogging » incite de plus en plus de pratiquants à passer peu à peu la frontière qui sépare l’activité récréative de l’entraînement intensif. Ce passage, qui s’accompagne de prises de bénéfices multiples aux plans musculaire et physiologique, peut cependant, faire glisser certains sujets vulnérables vers une dépendance à leur pratique, psychologiquement dangereuse. Ce risque qui, comme on va le voir, touche particulièrement les adeptes de la course de fond et du body building intense est aggravé par le fait que beaucoup de ces sportifs « amateurs » pratiquent leur activité de manière quasi professionnelle, sans licence, en dehors de tout club, et de toute fédération, et par conséquent privés d’encadrement médical et sportif institutionnel.
Des « idiosyncrasiques », c’est ainsi qu’étaient qualifiés dans un article du New England Journal of Medicine paru au début des années 1970, ces quelquesoriginaux qui, aux États-Unis, couraient dans les rues, sur les routes ou dans les allées des parcs urbains. Quinze années plus tard, des statistiques établies par le Health Science Center de l’Université d’Arizona estimaient le nombre des coureurs américains à plus de 30 millions, et le marché émergent ainsi généré à des milliards de dollars. Pour ne citer que trois « marqueurs » parmi d’autres du phénomène, relevons la construction au cœur des cités de clubs de sport géants et récréatifs (où des dizaines de tapis roulants sont occupés en permanence par des coureurs de fond en salle), la sophistication et la mode des chaussures et tenues de jogging et la parution d’une multitude de magazines spécialisés. Le jogging a remplacé l’aimable footing, exercice de détente sans recherche de performance. Et les marathons, qui avaient été jusque là confidentiels, rassemblent désormais une fois l’an dans les grandes capitales du monde des dizaines de milliers de coureurs hyper entraînés. Parallèlement à cet engouement, véritable phénomène social, la médecine du sport se généralisait, ainsi que les programmes de recherches décryptant les mécanismes à la base des nombreux bénéfices biologiques et psychologiques de l’activité physique. C’est également au début de cette montée en puissance du sport de masse, qu’étaient publiés les premiers travaux sur l’addiction à l’activité physique intense.
Repos ou sevrage ?
Le premier en date à avoir mis en lumière le phénomène de sevrage fut Baekeland en 1970. Ce psychiatre avait observé des troubles du sommeil chez des sportifs contraints d’interrompre provisoirement leur activité. Désirant réaliser une étude expérimentale du phénomène, il tenta de recruter des volontaires pratiquant leur sport 5 à 6 jours par semaine et prêts à cesser leur activité pendant un mois. Malgré la promesse d’une récompense pécuniaire, Baekeland ne réussit pas à réunir sa cohorte, tant était insupportable à ces sujets le fait d’interrompre leur activité même provisoirement, et ce malgré la rémunération. Il dut se « contenter » de sportifs pratiquant 3 à 4 jours par semaine. Pendant le mois de privation, les sujets témoignèrent d’une baisse générale de sentiment de bien-être, d’une anxiété accrue et de réveils nocturnes. Les résultats de Baekeland peuvent se résumer ainsi :
• les coureurs habitués à pratiquer 5 à 6 jours par semaine refusèrent de participer ;
• ceux habitués à courir 3 à 4 jours par semaine manifestèrent clairement des symptômes de sevrage pendant la période de privation. Quoique peu ou pas opérationnalisé, sans véritable substrat théorique, le concept d’addiction entrait dans le domaine du sport.
Ces sensations éprouvées pendant une privation temporaire d’activité, assimilées dès lors à un phénomène de sevrage, ont été à la base des travaux sur l’addiction à l’activité physique. Elles seront également le marqueur cardinal de cette dépendance (Szabo, 1995
). Ainsi, Morgan (1979
) décrit chez les coureurs de fond le fait de continuer une activité physique intense en dépit de blessures (liées ou non à la pratique). Toutes les stratégies permettant de continuer l’exercice sont alors mises en œuvre : automédication, visite de médecins « conciliants » dans leurs prescriptions, négation de la gravité ou même de la réalité des blessures. Le besoin de continuer coûte que coûte l’exercice est, pour Morgan, lié à la nécessité d’éviter les symptômes de manque.


D’autres travaux (Hailey et Bailey, 1982
; Kagan et Squires 1985
; Chan et Grossman, 1988
; Mondin et coll., 1996
) suggèrent que l’arrêt de la pratique d’une activité physique intense peut s’accompagner de manifestations cliniques comparables à celles retrouvées lors d’un sevrage consécutif à l’arrêt de la consommation de substances addictives, comme l’alcool, les opiacés ou les psychostimulants ; à savoir : insomnie, dépression, troubles de l’humeur, anorexie/boulimie, anxiété, frustration, diminution de l’estime de soi, difficulté d’attention et de concentration, douleurs physiques. Chan et Grossman (1988
) ont examiné les effets psychologiques de l’arrêt de l’activité sur des coureurs confirmés. Ils ont comparé un groupe de 30 « Prevented Runners » (PR), privés d’activité depuis au moins deux semaines pour blessure, à un groupe de 30 « Continuing Runners » (CR) courant sans interruption. Soumis au Profile of Mood states (POMS), à l’échelle d’estime de soi de Rosenberg, à l’échelle de dépression de Zeng et à un questionnaire (Running Information Questionnaire), les PR témoignèrent d’une détresse psychologique incluant symptômes dépressifs, anxiété, confusion, troubles de l’humeur et une perte d’estime de soi. Les auteurs en conclurent que la privation d’activité peut, chez certains individus, provoquer des symptômes de sevrage et de détresse psychologique (Chan et Grossman, 1988
).






Addiction « positive » ?
Cependant, grâce justement aux multiples et incontestables effets positifs de l’activité physique, on a commencé par considérer cette addiction (en acceptant bien le concept d’addiction) comme bénéfique. C’est la positive addiction de Glasser (1976
). Cet auteur la définit comme une dépendance psychologique et physique à une activité physique régulière, mais la dénomme « positive » car les sujets en tirent des bénéfices sur le plan du bien-être physique et psychologique et se servent de l’activité physique pour lutter efficacement contre le stress journalier, l’anxiété et la dépression. Sachs et Pargman (1979
) et Thaxton (1982
) ont bien mis en évidence chez des coureurs des symptômes de sevrage, tel un état anxio-dépressif lorsque les participants à l’étude étaient privés de leur activité régulière. Le phénomène observé de dépendance était pourtant catalogué « positif » par les auteurs. Thaxton préconise même explicitement cette « addiction positive » comme traitement à certains troubles psychologiques.



À l’appui des bénéfices médico-sociaux offerts par ce type d’addiction, Vélea (2002
) note que « beaucoup de pratiquants addictés aux sports, ont souvent abandonné une addiction considérée comme négative (pour la plupart une forte dépendance tabagique, l’alcool ou la consommation des drogues) » et que « on voit des centres de postcures qui centrent leurs projets thérapeutiques sur la pratique sportive ».

Pourtant, armé de descripteurs parfaitement acceptables et socialement garants de la « bonne santé » physique et morale, ce terme de positive addiction véhicule une profonde ambiguïté tant les symptômes de sevrage peuvent être les exacts opposés des bénéfices recherchés. Bonne santé, certes, mais au prix d’une contrainte, bonne santé au prix d’une irrépressible appétence, et de ses conséquences possibles. Dès lors, cette dénomination d’addiction positive admettait explicitement le caractère possiblement contraignant de l’activité physique intense, ce qui est paradoxal.
Rompant le paradoxe, Morgan (1979
) ayant constaté que certains sujets plaçaient l’activité physique au dessus des autres considérations de la vie de tous les jours introduisit le concept de negative addiction. Le discours d’un de ses sujets illustre bien le caractère négatif de ce besoin irrépressible d’activité physique : « Je ne peux plus exister sans courir à la mi-journée. Mon problème est que je suis censé conseiller les étudiants toute la journée. C’est mon travail. Assis à mon bureau, je deviens tendu et grognon entre midi et deux heures. Ce dernier mois, je me suis vu sortir courir vers ces heures là, en plus de mes parcours du matin et du soir. Je me sens coupable car je suis payé pour conseiller les étudiants toute la journée. » (Morgan, 1979
, p. 68).


Ce terme d’addiction négative s’accorde bien avec une conception selon laquelle toute addiction est négative sur le long terme (Rozin et Stoess, 1993
). Il est intéressant de se demander si l’addiction positive et l’addiction négative relèvent de deux mécanismes distincts ou bien d’un même objet clinique considéré sous deux angles différents (« côté cour » ou « côté jardin »). À moins que le passage de l’une à l’autre se fasse par effet de seuil. Le fait, comme l’a observé Morgan, de placer peu à peu l’activité physique au dessus des autres considérations de la vie de tous les jours entraînerait chez certains sujets vulnérables le basculement de l’addiction positive versl’addiction négative. À l’appui de ce mécanisme, Chapman et De Castro (1990
) montrent une association entre fréquence des courses et « addiction » : plus les courses sont nombreuses, moins les bénéfices surl’humeur se font sentir. À l’inverse, toujours selon ces auteurs, des courses plus longues mais moins nombreuses auraient un effet positif sur l’humeur. De même, Pierce et coll. (1993a
) comparant des « recreational runners » à des marathoniens et des ultramarathoniens, montrent une liaison directe entre le degré d’entraînement et un score de dépendance mesuré par la Negative Addiction Scale (Hailey et Bailey, 1982
). Il semblerait donc que durant la pratique, il puisse y avoir chez certains sujets un glissement des bénéfices aux effets délétères. Cette transition pourrait être médiée par une augmentation de la fréquence des entraînements.




Quant à la responsabilité de variables internes, Sachs (1981
), cité par Pierce (1994
), émet une hypothèse différentialiste selon laquelle les sujets « positivement dépendants » (non vulnérables) continueraient (au fur et à mesure de leur pratique) à « garder le contrôle sur leur activité », tandis que les « négativement dépendants » (vulnérables) seraient peu à peu « contrôlés par leur activité ». Ce sont ces sujets là qui « décrivent des changements majeurs : vestimentaires, alimentaires, dans leur mode de vie, dans les loisirs (qui deviennent quasiment liés à la pratique sportive, fréquentation des manifestations sportives, des salons), le choix d’un partenaire souvent issu du même milieu pratiquant. L’entraînement devient un véritable rituel pour le sportif. Toute sa journée est organisée et économisée en vue de l’entraînement. » (Véléa, 2002
). Qui sont ces sujets ? Cette question ouvre le champ des différences interindividuelles de vulnérabilité, et aussi celui du dépistage.



Caractérisation et mesure de l’addiction
Ces considérations et ces questionnements sur l’existence, la nature et le fonctionnement d’une dépendance à l’activité physique imposent bien entendu comme préalable la validité d’instruments capables de décrire, de mettre en évidence le ou les phénomène(s), et d’une métrique capable de le (ou les) quantifier.
Caractérisation
La diversité des termes utilisés (sous-tendant parfois des mécanismes probablement différents) pour caractériser le phénomène témoigne d’un flou théorique. Et cela malgré les évidences cliniques désignant clairement une telle dépendance chez certains individus, probablement vulnérables. Citons les termes suivants :
• addiction (addiction) (Kagan et Squires, 1985
; Kagan, 1987
; Clough et coll., 1989
; Davis, 1990
; Anshel, 1991
) ;





• addiction négative (negative addiction) (Hailey et Bailey, 1982
; Rudy et Estok, 1983
; Flynn, 1987
; Furst et Germon, 1993
) ;




• dépendance à l’exercice (exercise dependence) (Adams et Kirby, 1997
; Iannos et Tiggemann, 1997
; Ogden et coll., 1997
; Pierce et coll., 1997
; Stanford, 1997
; Pierce et Morris, 1998
; Smith et coll., 1998
) ;







• exercice excessif (excessive exercise) (Davis et coll., 1993
; Davis et Fox, 1993
; Brewer, 1994
; Manning et Morrison, 1994
; Cohen, 1995
; Sorento-Gerhart, 1997
) ;






• dépendance à la course (running dependence ou running addiction) (Chapman et De Castro, 1990
; Buccinio, 1992
) ;


• sentiment d’obligation vis-à-vis de l’exercice (commitment, exercise commitment, commitment to exercise, attitudinal commitment, obligatory exercise, running ou runners) (Carmack et Martens, 1979
; Pasman et Thompson, 1988
).


Le flou conceptuel dont témoigne ce lexique explique en partie la difficulté à établir une définition de l’addiction à l’activité physique, définition qui doit intégrer des facteurs comportementaux (la fréquence de l’exercice), psychologiques (comme le sentiment d’obligation) ou physiologiques comme la tolérance (Johnson, 1995
; Hausenblas et Symons Downs, 2002a
). Cependant, la caractérisation qui a de loin été la mieux acceptée est celle de Veale (1991
) inspirée de la classification de la dépendance aux substances du DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994
).




Le DSM-IV définit la dépendance comme un « mode d’utilisation inadapté d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative, caractérisé par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d’une période continue de douze mois :
• tolérance, définie par soit le besoin de quantités plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré soit un effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de la substance ;
• sevrage caractérisé par soit un syndrome de sevrage caractéristique de la substance soit une prise de la même substance, ou d’une autre pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage ;
• la substance est prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu ;
• présence d’un désir persistant, ou d’efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance ;
• beaucoup de temps passé à l’obtention, l’utilisation, ou la récupération des effets de la substance ;
• abandon d’activités sociales, professionnelles ou de loisir à cause de la substance ;
• poursuite de l’utilisation de la substance malgré la connaissance des liens entre celle-ci et un problème physiologique ou psychologique. »
Les critères de dépendance à l’exercice de De Coverley Veale (1991
) (traduit par Véléa, 2002
) recoupent effectivement les variables du DSM-IV :


• réduction du répertoire des exercices physiques conduisant à une activité physique stéréotypée, pratiquée au moins une fois par jour ;
• l’activité physique est plus investie que toute autre ;
• augmentation de la tolérance de l’intensité à l’exercice, d’année en année ;
• symptômes de sevrage avec tristesse lors de l’arrêt (volontaire ou contraint) de l’exercice physique ;
• atténuation ou disparition des symptômes de sevrage à la reprise de l’exercice ;
• perception subjective d’un besoin compulsif d’exercice ;
• réinstallation rapide de l’activité compulsive après une période d’interruption ;
• poursuite de l’exercice physique intense en dépit de maladies physiques graves causées, aggravées ou prolongées par le sport, négligence des avis contraires donnés par les médecins ou les entraîneurs ;
• difficultés ou conflits avec la famille, les amis ou l’employeur liés à l’activité sportive ;
• le sujet s’oblige à perdre du poids en suivant un régime, pour améliorer ses performances.
Le critère no 2 du DSM-IV (sevrage) pose cependant un problème lié aux conséquences de l’arrêt de la pratique sportive. Outre ce que nous avons décrit précédemment (Hailey, 1982
; Kagan et Squires, 1985
; Chan et Grossman, 1988
; Mondin et coll., 1996
), le DSM-IV décrit la consommation « d’autres drogues » soit lors de l’arrêt de la pratique soit pendant cette pratique. Ce point sera traité plus loin.




De Coverley Veale insiste en outre sur la nécessité de valider le diagnostic afin d’exclure un trouble du comportement alimentaire. En effet, dans la dépendance primaire à l’exercice physique, celle-ci est une fin en soi. Dans les dépendances secondaires, la motivation à l’activité réside dans le contrôle et la manipulation de la masse corporelle (Hausenblas et Symons Downs, 2002a
). Ainsi dans le critère n°10 de Veale (perte de poids), c’est le contrôle de l’alimentation qui est au service de la performance et non l’inverse, l’exercice physique pouvant être une stratégie de coping dans certains troubles de l’alimentation (Thome et Espelage, 2004
). Cette distinction revêt une importance toute particulière à la lumière de travaux qui dans les années 1980, ont tenté d’assimiler les deux pathologies (Babbini et Davis, 1972
; Yates et coll., 1983
; Blumenthal et coll., 1984
; Blumenthal et coll., 1985
; Hauck et Blumenthal, 1992
; Davis et coll., 1993
; Davis et Fox, 1993
; Bryant-Waugh et Lask, 1999
; Bamber et coll., 2000a
et b
; Solenberger, 2001
; Hoglund et Normen, 2002
; O’Dea et Abraham, 2002
). Selon Yates et coll. (1983
), les coureurs dépendants de sexe masculin ressemblaient aux patientes anorexiques sous plusieurs traits (introversion, usage excessif du déni, dépression…). La validité méthodologique de ce travail a été largement critiquée et des travaux ultérieurs (Babbini et Davis, 1972
; Dishman et Buckworth, 1998
; Powers et coll., 1998
; Bamber et coll., 2000a
et b
) ne purent pas prouver que le trouble alimentaire et la dépendance à la course constituaient une pathologie unique.





















Mesure
La diversité des concepts et des angles d’approche utilisés (activité physique excessive versus « moins excessive », actifs versus non actifs, étude de l’addiction à l’exercice, études des effets de la privation d’exercice en tant que telle, addiction positive, addiction négative, sentiment d’obligation…) s’accompagne d’une tout aussi grande diversité des outils de mesure. Parmi ces outils, on distingue les instruments de mesure qualitatifs comme les études de cas, les interviews (Adams et Kirkby, 1997
) et quantitatifs, comme les questionnaires, bien plus nombreux (Hausenblas et Symons Downs, 2002a
, pour revue). La plupart des recherches sur l’addiction à l’exercice s’est avant tout intéressée à l’addiction à la course, et dans une moindre mesure au culturisme (body building, Smith et coll., 1988
), avec quelques incursions chez les danseurs (Pierce et coll., 1993b
). Il en résulte que les instruments de mesure s’adressent essentiellement aux coureurs.




Les mesures quantitatives de la dépendance à l’exercice portent sur la fréquence, l’intensité, la durée et le nombre d’années de pratique (Davis et Fox, 1993
). Il semble cependant que les facteurs relatifs au nombre d’années de pratique et aux diverses habitudes de pratique ne permettent pas de prédire quoi que ce soit du développement ou de l’intensité de la dépendance (Davis et coll., 1993
). Pour un recensement quasi exhaustif des échelles, on se reportera à la revue de Hausenblas et Symons Downs (2002a
).



La plupart de ces échelles sont des questionnaires à questions fermées. Cependant, Sachs et Pargman (1979
) leur préfèrent une « in-depthinterview » constituée de 8 questions (éventuellement complétées par d’autres dans le but de clarifier les réponses obtenues). Le point de vue des auteurs est que l’interview permet des réponses mieux construites et au final une plus grande précision qu’un questionnaire. Les questions portent sur l’histoire de la pratique de la course du sujet, sa perception de son activité, ses sentiments personnels à propos de la course.

La Running Addiction Scale de Chapman et De Castro (1990
) est composée d’items focalisés sur le sevrage et le ressenti du besoin impérieux de courir. Nous la reproduisons (traduction de Vélea, 2002
), tant elle est caractéristique des autres échelles, mêlant des questions relatives au sevrage, au centrage de l’exercice dans la vie quotidienne et au sentiment d’obligation « contractuelle » vis-à-vis de la course (commitment) (tableau 22.I
).



Tableau 22.I Running Addiction Scale de Chapman et De Castro (1990)
Je cours très souvent et régulièrement (+1)
|
Si le temps est froid, trop chaud, s’il y a du vent, je ne cours pas (-1)
|
Je n’annule pas mes activités avec mes amis pour courir (-1)
|
J’ai arrêté de courir pendant au moins une semaine pour des raisons autres que des blessures (-1)
|
Je cours même quand j’ai très mal (+1)
|
Je n’ai jamais dépensé d’argent pour courir, pour acheter des livres sur la course, pour m’équiper (-1)
|
Si je trouvais une autre façon de rester en forme physique je ne courrais pas (-1)
|
Après une course je me sens mieux (+1)
|
Je continuerais à courir même si j’étais blessé (+1)
|
Certains jours, même si je n’ai pas le temps, je vais courir (+1)
|
J’ai besoin de courir au moins une fois par jour (+1)
|
Ce sont les mêmes critères d’obligation et du recentrement de la vie quotidienne sur l’entraînement qui sont à la base d’une échelle de dépendance au body building (Smith et coll., 1998
) (tableau 22.II
) destinés à ces sportifs très particuliers chez lesquels on note des modifications corporelles qui impliquent une composante dysmorphophobique récurrente (Véléa, 2002
).



Tableau 22.II Échelle de dépendance au body building (Smith et coll., 1998)
Je m’entraîne même quand je suis malade ou grippé
|
Il m’est arrivé de continuer mon entraînement malgré une blessure
|
Je ne raterais jamais une séance d’entraînement même si je ne me sens pas en form
|
Je me sens coupable si je rate une séance d’entraînement
|
Si je rate une séance, j’ai l’impression que ma masse musculaire se réduit
|
Mes amis et/ou ma famille se plaignent du temps que je passe à l’entraînement
|
Le body building a complètement changé mon style de vie
|
J’organise mes activités professionnelles en fonction de mon entraînement
|
Si je dois choisir entre m’entraîner et travailler, je choisis toujours l’entraînement
|
La Negative Addiction Scale de Hailey et Bailey (1982
) vise l’addiction à la course à pied. Si les auteurs n’ont pas évalué les qualités psychométriques de l’instrument et si certains auteurs considèrent que cette échelle ne permet pas de distinguer clairement les coureurs dépendants des non dépendants (Rudy et Estok, 1989
; Hausenblas et Fallon, 2002
), elle a été néanmoins un instrument très utilisé (Rudy et Estok, 1989
; Pierce et coll., 1993a
et b
; Pierce et Morris, 1998
).







La Running Addiction Scale de Rudy et Estok (1989
) est fondée sur la Negative Addiction Scale de Hailey et Bailey (1982
). Elle semble néanmoins posséder une moins bonne reproductibilité.


L’Obligatory Exercise Questionnaire (Pasman et Thompson, 1988
) porte sur les aspects psychologiques de la notion de « obligatory runners/exercisers ». Cette notion a été développée par Yates et coll. (1983
). Les « obligatory runners » sont des coureurs qui continuent leur pratique en dépit des blessures ou des contre-indications évidentes (Yates et coll., 1983
; Yates et coll., 1992
; Symons Downs et Hausenblas, 2004
). Elle a le défaut, inhérent aux échelles unidimensionnelles, de ne couvrir qu’une partie du phénomène de l’addiction à l’exercice (Pierce, 1994
).






L’Exercise Dependence Questionnaire (Ogden et coll., 1997
) a la particularité de prendre en compte à la fois des paramètres biomédicaux comme la tolérance, le sevrage, et psychosociaux comme les interactions entre le phénomène de dépendance et la « vie sociale ».

Les échelles les plus utilisées dans la littérature (en 2002) selon Hausenblas et Symons Downs (2002a
) sont : la Negative Addiction Scale (15 % des études en 2002), l’Obligatory Exercise Questionnaire (12 % des études) et la Commitment to Running Scale (Carmack et Martens, 1979
, 10 %).


Critique des instruments de mesure
L’importante littérature destinée à mettre en évidence les effets du sevrage (un des critères cardinaux de la dépendance) a été critiquée par son manque de rigueur méthodologique.
Mesure des effets du sevrage
Sur onze travaux synthétisés par Hausenblas et Symons Downs (2002a
), les périodes de privation d’exercice vont de 1 jour à 1 mois. Dans cinq de ces recherches les sujets étaient des coureurs, dans deux des nageurs, une d’entre elles se réfère à « l’activité générale » et trois d’entre elles ne précisent pas le type d’activité habituelle des sujets. En outre, il est peu légitime de traiter de la même manière une cessation volontaire (exigée par l’expérimentateur) et un repos forcé dû à une blessure (Mondin et coll., 1996
). De même, Gauvin et Szabo (1992
) relèvent le flou dans la période d’inactivité, le manque de quantification de l’activité habituelle et la faiblesse d’opérationnalisation des critères de dépendance. Enfin, toutes les recherches portant sur le sevrage « volontaire » d’activité se heurtent à l’écueil auquel avait été confronté Baekeland (1970
), à savoir le refus des sujets véritablement dépendants d’accepter une cessation temporaire de leur activité (Szabo, 1998
, pour revue). Il en résulte que les travaux sur la privation expérimentale d’activité n’ont utilisé en réalité que des sujets « non dépendants » (Hausenblas et Symons Downs, 2002a
).






Mesure de l’addiction
Au début de leur revue sur la dépendance à l’exercice, Hausenblas et Symons Downs (2002a
) informent le lecteur que leur première intention était de traiter statistiquement cette littérature sous forme de méta-analyse : « Toutefois, vu l’absence de groupes témoins et la faiblesse des données pertinentes, cette analyse n’a pu être entreprise ». Quant aux instruments de mesure utilisés, c’est-à-dire les échelles, leur validité a été largement critiquée. La plus utilisée d’entre elles, la Negative Addiction Scale (Hailey et Bailey, 1982
), ne permet pas selon les auteurs de la revue, de distinguer clairement les coureurs dépendants des non dépendants. Plus précisément, si cette échelle discrimine bien les sujets courant depuis plus d’une année, aucune information n’est demandée sur la fréquence et l’intensité de leur entraînement. De plus, l’échelle se centre sur des items pouvant être confondus avec des affects négatifs (« lorsque je ne peux pas m’entraîner, je me sens déprimé »). Adams et Kirby (1998
) relèvent la même confusion entre addiction et humeur négative dans la Running addiction scale de Rudy and Estok (1989
). On doit à Chapman et De Castro (1990
) une autre Running addiction scale qui s’appuie préférentiellement sur les effets de sevrage et le sentiment d’obligation.





Distinction entre obligation et addiction
Cette sensation d’une obligation, ou d’un « contrat » (commitment) à courir (à « sortir » comme disent les joggers) est une variable qui émerge cliniquement de manière évidente. De nombreuses échelles ont pris pour base ce sentiment d’obligation : la Commitment to running scale (Carmack et Martens, 1979
) ; la Commitment to exercise scale (Davis et coll., 1995
) ou l’Obligatory exercise questionnaire (Pasman et Thomson, 1988
). Or, comme le remarquent Szabo et coll. (1997
), une partie importante de la littérature et des travaux sur l’addiction ont en réalité mesuré l’obligation (commitment). Sachs (1981
) considérait cette variable comme la résultante d’une analyse intellectuelle de la récompense incluant la relation sociale, les bénéfices en terme de santé, le prestige social sans négliger les avantages financiers de la performance. Selon Terry et coll. (2004
), s’appuyant sur les travaux de Sachs (1981
), les commited exercisers « s’engagent dans l’exercice physique pour des récompenses, considèrent leur activité physique comme une part importante mais non centrale de leur vie, peuvent ne pas souffrir de symptômes de sevrage lorsqu’ils sont contraints d’interrompre leur activité. Au contraire, les addicted exercisers sont plus insensibles aux récompenses, considèrent cet exercice comme la composante centrale de leur vie et ressentent douloureusement les privations d’activité ». Szabo (1995
) ne trouve d’ailleurs aucune corrélation entre addiction et obligation à courir et conclut qu’il s’agit là de deux concepts différents. Dès 1990, Chapman et De Castro avaient abouti à la même conclusion en comparant des sujets des deux sexes sur la Running addiction scale (RAS) et la Commitment to running scale (CR). Les scores à la CR étaient corrélés à l’addiction (RAS) chez les hommes et pas chez les femmes, suggérant par là que les deux échelles mesuraient des variables différentes et que, principalement en ce qui concerne les femmes, l’obligation à courir pouvait exister sans addiction.








Il résulte de cette indépendance fonctionnelle entre le sentiment d’obligation impérieuse à courir (ou à lever des poids) et la dépendance, que l’addiction à l’activité physique existe bien cliniquement, malgré les faiblesses méthodologiques des instruments de mesure. Elle est la caractéristique d’une minorité de sujets particulièrement vulnérables, plus particulièrement des hommes. Comme le notent Terry et coll. (2004
) : « La prévalence de l’addiction à l’exercice est en réalité très faible (De Coverley Veale, 1987
; Szabo, 2000
), mais lorsqu’elle est présente, ses conséquences peuvent être dévastatrices ». Cette constatation pose évidemment le problème de la prédiction et de l’identification, dans le milieu du sport, des sujets à risque.



Trois questions découlent de ce constat : peut-on alors estimer dans une population de sujets entraînés la proportion de ces sujets à risques ? Quels sont les risques majeurs encourus ? A-t-on identifié des prédicteurs de cette vulnérabilité ?
Identifier la minorité à risque
Hausenblas et Symons Downs (2002a
) auxquels on devait (jusqu’au très récent travail de Kern, 2007
) la seule revue critique des instruments de mesure de la dépendance à l’activité physique, et sur la base même de ces critiques, ont construit l’Exercise dependence scale (Hausenblas et Symons Downs, 2002b
) comportant 21 items fondés sur les critères de dépendance aux substances du DSM-IV. Cette échelle serait capable (Terry et coll., 2004
) de différencier les sujets « à risque » des « non dépendants symptomatiques » et des « non dépendants asymptomatiques ». Elle serait aussi capable, selon les mêmes auteurs, de détecter les sujets qui présentent ou non une dépendance physiologique. On doit à cette même équipe (Symons Downs et coll., 2004
) une version « révisée » (Exercise Dependence Scale ou EDS-R), qui fait actuellement l’objet d’une adaptation et d’une validation en français (Kern, 2007
).






Tout en reconnaissant la validité de ces échelles, mais constatant la lourdeur de la passation et de la cotation de leurs nombreux items, et partant la difficulté à être utilisée par le médecin du sport, Terry et coll. (2004
) ont construit une version « réduite » de la EAS : l’Exercise Addiction Inventory (EAI). Elle en conserve six composantes essentielles des addictions aux substances (Brown, 1993
) et comportementales (Griffiths, 1997
et 2002
) :




• la salience, c’est-à-dire le fait qu’une activité domine toutes les autres et envahit la vie intérieure et sociale de l’individu ;
• la modification de l’humeur ;
• la tolérance, c’est-à-dire le besoin d’augmenter la « dose » pour ressentir les mêmes effets ;
• les symptômes de sevrage ;
• les conflits interpersonnels, avec le travail et les conflits intrapsychiques générés par l’activité physique envahissante ;
• la rechute (relapse) : la tendance à récupérer de hauts niveaux du comportement en question après de longues périodes d’abstinence ou de contrôle.
L’EAI qui est, selon ses auteurs (Terry et coll., 2004
), un outil de détection (brief screening tool) comporte six items correspondant à ces six variables et a pour but d’identifier les sujets « à risque » (tableau 22.III
).


Tableau 22.III Tableau : Items de l’Exercice Addiction Inventory (EAI)
L’exercice est ce qui compte le plus dans ma vie
|
Des conflits ont surgi avec ma famille à propos de mon entraînement
|
L’exercice est un moyen de modifier mon humeur
|
J’ai augmenté continuellement mon niveau d’entraînement journalier
|
Si je rate un entraînement, je me sens de mauvaise humeur et irritable
|
Si je réduis ma quantité d’exercice je finis toujours par reprendre mon entraînement au même niveau qu’auparavant
|
Les réponses sont cotées sur 5 niveaux : 1 (pas du tout d’accord) ; 2 (pas d’accord) ; 3 (ni d’accord ni pas d’accord) ; 4 (d’accord) ; 5 (tout à fait d’accord). Un score supérieur à 24 indique un sujet « à risque ».
Szabo et Griffiths (2007
) ont récemment soumis à ce questionnaire 261 étudiants en sport (Sport science students) de l’université de Nottingham (Grande-Bretagne) et 194 sujets témoins sportifs, recrutés dans des clubs de sport (community fitness centres). Les résultats de ce travail montrent que 6,9 % des étudiants en sport seraient « à risque », contre 3,6 % des témoins sportifs.

Ces résultats qui confirment des conclusions antérieures concernant la faible proportion de sujets vulnérables (De Coverley Veale, 1987
; Szabo, 2000
) signifient que les sujets plus « professionnels » seraient plus vulnérables à la dépendance et que seule une petite proportion (4 % environ) de la population générale sportive serait susceptible de devenir dépendante à l’activité physique. On regrettera cependant que la prévalence selon le genre n’ait pas été mesurée, de même que les effets de l’âge, les deux populations n’étant pas appariées sous cet aspect (19-23 ans pour le groupe expérimental, 17-73 ans pour le groupe témoin).


La part des facteurs génétiques et épigénétiques ou de leur interaction reste bien entendu une question en suspens. Des recherches récentes utilisant des modèles animaux commencent à éclairer ce problème. Dans le travail de Ferreira et coll. (2006
), des rats Wistar (stock hétérozygote représentant une population générale) ont eu libre accès à des roues d’activité pendant une durée de 2 mois et demi. Très vite, deux groupes d’individus se sont révélés : des grands coureurs HWR (ou high wheel runners) et des petits coureurs LWR (ou low wheel runners). La présence d’un fort rebond dans l’utilisation de la roue après 24 heures de sevrage pour HWR et sa complète absence chez LWR montre l’existence d’une sous-population ayant une forte appétence pour l’activité physique et dans laquelle se manifeste un symptôme de sevrage (le rebond après arrêt). On retrouve ici une dichotomie dans le développement ou non d’une addiction à l’activité physique.

D’autre part, une forte réponse à l’amphétamine observée chez HWR comparativement à LWR à l’issue d’une privation de roue de 24 heures vient renforcer l’hypothèse selon laquelle HWR et LWR diffèrent non seulement dans le développement du comportement d’utilisation de la roue mais aussi dans l’apparition d’une addiction à son utilisation. La dichotomie HWR/ LWR rendrait directement compte du développement ou non d’une addiction à un comportement sans intervention d’un quelconque facteur pharmacologique, signant clairement un modèle de dépendance comportementale. La même dichotomie rats grands coureurs/rats petits coureurs est mise en évidence dans une autre étude (Larson et Carroll, 2005
). Dans ce travail, la forte appétence à la course semble un bon prédicteur d’une appétence à l’auto-administration de cocaïne. La standardisation extrême des conditions d’élevage de ces animaux de laboratoire pourrait suggérer une origine génétique à cette vulnérabilité. À ce propos, il est intéressant de constater que la lignée de rats Lewis est spontanément appétente (« compulsive ») à la roue en libre accès (Makatsori et coll., 2003
).


Petite minorité à risques, mais à risques potentiellement élevés
On connaît, depuis les premiers travaux de Baekeland (1970
) ou de Morgan (1979
), les désagréments, voire les dégâts, que l’addiction au sport fait courir à ses victimes : désocialisation, conflits familiaux et professionnels, symptômes de sevrage en cas d’arrêt forcé… Un risque potentiellement plus préoccupant nous est rappelé par l’item 2 du DSM-IV (« sevrage caractérisé par soit un syndrome de sevrage caractéristique de la substance soit une prise de la même substance, ou d’une autre pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage ») qui ne fait que formaliser un phénomène connu en addictologie, la polytoxicomanie, c’est-à-dire la consommation abusive de plusieurs substances, licites ou illicites de manière simultanée ou séquentielle. Ce type de consommation a quatre fonctions principales : maximalisation des effets, équilibrage des effets, maîtrise des effets négatifs et « rechange » (Strang et coll., 1993
, cité dans le Rapport annuel sur l’état du phénomène de la drogue dans l’Union Européenne et en Norvège, 2002). C’est le cas de la consommation « séquentielle » dans le but de « rechange » consécutif à un sevrage (de l’activité physique, considérée à titre de modèle comme addictogène) qui nous intéresse et nous préoccupe ici.



Substances psychoactives
Des premières données françaises liées à ce risque ont été fournies par une enquête commandée en 1999 par le ministère de la Jeunesse et des Sports 552 dans l’optique de quantifier et de mieux comprendre l’influence de l’activité physique sur la consommation de substances psychoactives et les conduites addictives. Les sujets inclus provenaient de centres de substitution, de centres de cure ambulatoire en alcoologie, d’associations d’anciens buveurs, de groupes d’auto-support d’usagers de drogues et de patients au passé de toxicomane, ou d’alcooliques. Mille cent onze questionnaires furent remplis (36,1 %) ; 86 % des répondants avaient pratiqué au moins une activité sportive ou un entraînement physique dont 10,5 % à un niveau de compétitionnational ou international. À noter qu’aucun sujet témoin n’a été inclus, conférant à ce travail une simple valeur d’enquête et non de recherche épidémiologique contrôlée.
Dans le groupe « pratique sportive intensive », 36 % avaient utilisé des drogues illicites et 16,4 % reconnaissaient avoir utilisé des produits dopants. Seulement 28,4 % déclarèrent avoir été dépendants pendant leur période de pratique sportive intensive, 15,2 % avant cette période, et la majorité (56,4 %) après l’arrêt (Lowenstein et coll., 2000
). « La vulnérabilité est plus forte dans l’année qui suit l’arrêt des pratiques sportives ». La conclusion de l’enquête est que non seulement une activité physique intense ne protègerait pas mais au contraire pourrait augmenter les risques de comportements addictifs.

Cette enquête, qui, répétons le, ne comportait aucun groupe témoin, a été suivie par une étude commandée par le même ministère, sous la direction de M. Choquet (Choquet et Arvers, 2003
), sur le lien entre pratique sportive et conduites à risques chez les adolescents. On y montre que les jeunes ayant une pratique sportive intense (>8 h/semaine) consomment davantage de drogues (alcool et autres, tabac excepté) et ont des comportements violents plus souvent que les sportifs « modérés ».

En moyenne, cannabis mis à part, on retrouve une consommation de substances illicites et de médicaments nettement plus élevée chez les sportifs de haut niveau, contrairement aux sportifs exerçant une activité physique modérée. L’enquête explore également le lien entre l’intensité de la pratique sportive et la consommation de substances psychoactives. Pour le tabac, une telle corrélation n’est pas retrouvée. S’agissant de l’héroïne, la proportion de sujets consommateurs ayant été inscrits en sections sport-études ou ayant participé à des compétitions nationales ou internationales est significativement plus élevée que dans la population des simples licenciés. La consommation régulière de cocaïne est deux fois plus importante parmi les sportifs que parmi les non-sportifs. L’enquête retrouve également une proportion plus importante de consommateurs réguliers de cannabis parmi ceux ayant fait plus de quatre heures de sport par semaine que chez les non-sportifs. Enfin, l’utilisation de produits dopants (stéroïdes anabolisants, hormones, anti-douleurs et stimulants) augmente avec la fréquence de la pratique du sport. Par ailleurs, les sujets ne pratiquant plus pour diverses raisons ont généralement pratiqué le sport de manière plus intense que les autres et se caractérisent par des niveaux d’usage particulièrement élevés pour tous les 553 produits (substances illicites et médicaments). Cependant, en cas de rupture des habitudes sportives, d’importants facteurs d’ordre psychosocial pourraient intervenir. En effet, au moment de l’arrêt de la pratique sportive, la brusque disparition de l’encadrement sportif peut constituer un facteur de risque important. Le sportif passe parfois sans transition d’un univers fortement encadré à un autre qui ne l’est plus. Il change de mode de vie et manque de repères. Cette désocialisation brusque et fragilisante pourrait jouer un rôle important dans la consolidation d’une dépendance.
Ces données, pour importantes et rigoureuses qu’elles soient, n’apportent cependant pas la preuve d’une liaison causale chez le sujet humain (contrairement à ce qui semble résulter d’études chez l’animal) entre dépendance à l’activité physique intense et consommation, voire dépendance, aux substances illicites. Tout au plus peuvent-elles alimenter un corpus de faits et d’hypothèses qui restent à consolider et à expliciter.
Concernant cette liaison chez l’animal, rappelons l’étude citée plus haut de Larson et Carroll (2005
) qui établit clairement chez le rat de laboratoire une relation entre appétence à la course et consommation de cocaïne. Une très récente étude de Ferreira et coll. (2008
) établit une liaison chez la souris de laboratoire entre activité physique intense (course en roue) et dépendance morphinique, alimentant ainsi la réalité d’un risque de poly appétence à différentes classes de substances psychoactives consécutif au développement d’une dépendance à l’activité.


Alcool et tabac
Concernant la consommation d’alcool, le nombre notablement plus élevé d’études à notre disposition pourrait en revanche constituer un modèle et aider la communauté scientifique à commencer un travail d’analyse causale de cette liaison. Dans le travail de Choquet et Arvers (2003
), une corrélation significative, selon une « courbe en U », est mise en évidence, révélant plus de sujets alcoolo-consommateurs chez les sujets non sportifs et sportifs intensifs que parmi ceux qui ont eu une activité sportive modérée. Ces données confortent certains résultats d’études anglo-saxonnes montrant une consommation d’alcool plus importante chez les sportifs que dans le reste de la population (Rainey et coll., 1996
; Nattiv et coll., 1997
; O’Brien et Lyons, 2000
; Schwenk, 2000
; Thombs, 2000
; Tricker, 2000
), alors que d’autres travaux trouvent une relation inverse (Thorlidsson, 1989
; Donato et coll., 1994
). Cependant, une récente étude française (Lorente et coll., 2003
) montre que si les jeunes sportifs boivent moins que leurs appariés non sportifs, ils rapportent davantage d’épisodes d’ébriété, témoignant probablement d’habitudes de boisson différentes (boisson du week-end type binge drinking ou « troisièmes mi-temps »).










La possibilité de faire courir des rongeurs de laboratoire et de les rendre appétents à l’alcool constituent deux préalables à la mise à l’épreuve de modèles animaux de cette liaison. Récemment, Pichard et coll. (2007
) ont soumis des souris de génotype C57Bl/6J (spontanément consommateurs d’alcool) à deux types distincts d’activité physique. Ces animaux (qui avaient le choix entre boisson alcoolisée à 10 % et eau) furent placés soit dans une cage avec accès libre à une roue (activité dite « récréative ») soit à une roue fermée dont le rythme, la durée et la vitesse de révolution étaient déterminées par l’expérimentateur (« activité intense »). Les résultats montrent que seule l’activité physique intense a induit une surconsommation d’alcool alors qu’au contraire, une activité physique modérée et volontaire a entraîné une diminution de l’appétence pour l’alcool chez cette même lignée.

Ces résultats confortent l’hypothèse selon laquelle une activité récréative et modérée peut exercer une influence protectrice vis-à-vis de la consommation d’alcool. En revanche, chez des sujets vulnérables, l’activité physique intensive et forcée n’aurait pas cet effet bénéfique.
Tous ces résultats, tant chez l’humain que chez l’animal de laboratoire, mériteraient d’être affinés dans toute leur complexité par la prise en compte d’autres facteurs tels que le sexe, le type de sport pratiqué et divers facteurs d’environnement, trois facteurs mis en lumière dans une très récente étude française réalisée en région PACA (Guarliardo et coll., 2006
) sur les liaisons entre pratique sportive et consommation de substances dites « récréatives ». On y apprend que la pratique intensive est corrélée négativement au tabagisme et à l’usage occasionnel du cannabis chez les filles, mais positivement à l’usage du tabac chez les garçons, et qu’un niveau de compétition élevé et la pratique d’une discipline sportive collective sont associés à des usages de tabac, d’alcool et de cannabis. On y apprend également qu’un score de détresse psychologique élevé et une absence de soutien familial favorisent ces consommations. Cette complexité est alimentée par l’interaction de facteurs individuels déjà relevés (âge, sexe…), amis, également statut marital, et de certaines caractéristiques environnementales de l’entraînement (environnement social), comme le montre une autre très récente étude française menée en collaboration avec l’Université de Nottingham (Royaume-Uni) et réalisée auprès du modèle extrême constitué d’ultra-marathoniens adeptes des courses de 100 km (Allegre et coll., 2007
).


Prise de risque et recherche de sensations
Une autre étude sur « pratique sportive et usage de cannabis » réalisée auprès d’un échantillon représentatif d’élèves de la région Midi-Pyrénées (Pillard et coll., 2001
) retrouve une différence liée au sexe : 28,6 % de la population générale des garçons contre 19,6 % des filles consommaient au moins occasionnellement du cannabis. Si cette proportion est identique chez les sportifs et chez les non sportifs, tous sports confondus, elle passe à 50 % chez les garçons pratiquant un sport « alternatif » dans un but de recherche d’émotions. Les auteurs suggèrent que « l’influence de la pratique sportive sur la consommation de cannabis devrait être évaluée en considérant les modalités de cette pratique plutôt que le nombre d’heures hebdomadaires », et ils concluent que « la pratique sportive, lorsqu’elle est pratiquée en dehors des structures sportives et associée à des images particulières telles le risque et la recherche d’émotions, semble favoriser la consommation de cannabis ».

Cette relation entre pratique sportive et comportements de prise de risques qui constituait un autre axe central du travail de Choquet et Arvers (2003
) se retrouve dans des travaux anglo-saxons (Nattiv et Puffer, 1991
; Kokotailo et coll., 1996
; Nattiv et coll., 1997
) : les jeunes sportifs conduisent plus souvent sans casque ni ceinture, sont plus souvent passagers d’un véhicule conduit par un individu sous l’emprise de l’alcool ou autre drogue, ont plus de rapports sexuels à risques (sans préservatifs, sans contraceptifs), et sont plus fréquemment impliqués dans des rixes ou autres types de violences physiques que leurs homologues non sportifs. C’est ce que constatent Nattiv et coll. (1997
) au terme d’une enquête auprès de 2 298 étudiants sportifs (tous sports confondus) et 683 étudiants non sportifs. Le détail de l’analyse révèle cependant que les étudiants de sexe masculin et particulièrement ceux impliqués dans les sports de contact (comme le football américain) témoignent d’une plus grande vulnérabilité aux conduites à risques. Ce travail montre en outre qu’une conduite à risque est prédictive d’autres comportements de ce type.





Concernant la liaison entre pratique sportive et jeux de hasard (qui constituent à la fois une gamme de conduites à risques et de conduites addictives), Cross et coll. (1998
) concluaient à partir d’une étude (elle aussi malheureusement sans groupe contrôle de non sportifs) réalisée auprès de « student-athletes » d’universités du nord-ouest des États-Unis, que les sportifs joueurs étaient aussi ceux ayant des attitudes de recherche de risque et de sensations nouvelles. Leur attirance pour les sensations nouvelles fut évaluée par un questionnaire inspiré des théories de Zuckerman (Zuckerman, 1978
). Ces sportifs joueurs et chercheurs de sensations nouvelles seraient-ils aussi ceux qui sont vulnérables à l’addiction au sport ? Pourrait-on invoquer cette variable comme la variable capable de discriminer les 4 à 7 % environ de sportifs susceptibles d’une dépendance à l’activité physique (Szabo et Griffiths, 2007
) ? Ces questions valent d’être posées et les études à venir auraient tout intérêt à inclure cette variable dans leurs instruments de mesure.



En conclusion, il semble cliniquement incontestable qu’une fraction minoritaire des sujets pratiquant de manière intensive la course de fond et le body building (sports pour lesquels le recueil de données est significatif) est concernée par un phénomène d’addiction à cette activité alors même que ces personnes étant des sportifs « amateurs » sont privées de tout encadrement médical et sportif (technique). Les dégâts de cette addiction aux plans social, familial ou professionnel sont tout aussi évidents. Quant aux risques liés à la consommation de substances, ils constituent une question en suspens, quoique bien des faits cliniques semblent en montrer la réalité. Cependant, nous avons vu qu’en premier lieu le sexe, mais également le type de sport pratiqué, le niveau de pratique, l’environnement socio-familial, les modes de consommation, la recherche de sensations sont autant de facteurs intriqués dans le phénomène d’addiction ainsi que dans la liaison, combien préoccupante, entre cette addiction et la consommation d’alcool et de substances illicites.
Toutes ces données suggèrent fortement que dans la genèse et dans l’expression de ces phénomènes, il ne s’agirait pas d’une liaison monofactorielle simple, mais que nous aurions affaire à une étiologie multifactorielle complexe qu’il conviendrait d’appréhender dans toute sa complexité.
À cette complexité, que nous avons croisée tout au long de cette revue critique, s’ajoute le flou méthodologique persistant sur les instruments de mesure et partant sur les outils de prédiction et de prévention de ce risque encouru par une minorité de sportifs potentiellement vulnérables. Ces questions constituent autant de chantiers pour la recherche et la santé publique.
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