Contextes de l’activité physique et sportive en France

2008


ANALYSE

4-

Contextes sociaux et motivations

Comprendre comment l'évolution des contextes sociaux influence la participation aux différents types d'activité physique est primordial pour créer et cibler des interventions efficaces et augmenter les niveaux de pratique de l'activité physique dans la population. Ces enjeux impliquent de travailler à plusieurs niveaux.
Il faut d'abord connaître les influences majeures de la participation à des activités physiques : milieu socioéconomique, environnement social et environnement matériel sont les plus étudiés parmi les variables agissantes. Partant de ces contextes, il est également nécessaire d'examiner les motivations des personnes de faire ou non une ou plusieurs activités physiques. Pour répondre à ces deux questions, nous nous sommes servis de sources différentes, provenant de recherches en population générale ou d'enquêtes à petits échantillons, réalisées dans différents pays.

Limites des études exploitées

Il importe de signaler dès à présent les difficultés méthodologiques qui relativisent parfois les résultats. En effet, selon les époques et les pays, les mesures de l'activité physique ont été effectuées de manières fort différentes. Depuis quelques années, la forte corrélation entre santé et activité physique a incité les chercheurs à construire des outils de recueil d'informations plus performants et tenant compte des multiples contextes de l'activité physique. On distingue alors trois niveaux d'activité physique : faible (la marche), modéré et élevé. Mais on commence seulement à disposer d'enquêtes fondées sur ces outils.
Pour les études antérieures, qui sont aussi les plus nombreuses, des limites certaines existent. La première tient aux critères choisis pour décider de la pratique d'activité physique. Dans la plupart des études disponibles, l'activité physique est saisie à partir de critères simplifiés1 . Parfois on appréhende seulement les activités sportives, parfois on appréhende les activités physiques globalement sans différencier les niveaux de dépense énergétique, parfois on appréhende les niveaux d'exercices modérés et intensifs. Peu d'études examinent la question du niveau le plus bas d'exercice.
Une deuxième limite est l'absence de certains champs d'appréhension de l'activité physique. L'activité physique liée aux transports et au travail, aux activités domestiques et au jardinage n'est quasiment pas explorée. Cette absence est dommageable pour avoir une vision exhaustive des déterminismes des activités physiques. Malheureusement, en l'état actuel des recherches, nous ne disposons pas des données permettant une comptabilité rigoureuse des activités physiques et sportives toutes activités confondues. C'est donc sur les activités physiques de loisirs que portera essentiellement notre travail.
La comptabilité de l'activité sportive de loisirs elle-même pose problème : être compté comme pratiquant d'une activité physique et sportive peut être déterminé par le fait d'avoir eu une activité physique ou sportive au moins dans l'année, ou dans le dernier mois, ou dans la dernière semaine. Or, pour vérifier que l'activité physique agit sur la santé, il faut saisir au moins un niveau d'activité et une fréquence hebdomadaire d'exercice. Nous ne disposons pas toujours de cette dernière donnée.
L'appréhension des activités est loin d'être systématique. Ainsi, l'opposition entre activité physique et comportement sédentaire apparaît de manière floue. On peut penser que si l'un augmente, l'autre baisse. Cependant, cela dépend de la manière dont sont définis les critères de l'un ou l'autre. L'activité physique comparée au comportement sédentaire est souvent évaluée par des indicateurs (avoir fait une activité faisant suer ou changeant le rythme respiratoire pour l'activité physique, regarder la télévision pour le comportement sédentaire) qui ne permettent pas de disposer d'un partage exclusif entre ces deux types de comportements. Par exemple, les récents résultats du Baromètre santé 2005 (Guilbert et Gautier, 2006renvoi vers) montrent qu'alors que les heures passées devant un ordinateur ou un livre (plus de trois heures) diminuent les probabilités d'avoir un niveau d'activité physique favorable à la santé (calculé avec le questionnaire IPAQ, International Physical Activity Questionnaire), seul le temps passé devant la télévision diminue les chances d'activité sportive. Tout dépend donc de la manière dont est déterminé l'exercice physique. Dans le cadre de la promotion de l'activité physique, ce décalage pose des problèmes puisque l'on ne sait pas alors s'il est plus juste d'agir en tentant de diminuer la sédentarité ou en favorisant l'activité physique (ou sur les deux), les deux comportements n'étant pas influencés par les mêmes facteurs.
Au niveau de la saisie des motivations, les méthodologies utilisées varient beaucoup. On trouve des questions ouvertes ou des questions fermées qui ne donnent pas toujours de résultats comparables. Même pour les seules questions fermées, les items diffèrent parfois de manière importante d'une enquête à l'autre et certains restent imprécis. Les possibilités de comparaison sont donc assez réduites.
Au-delà de ces limites, la diversité des recherches, tant du point de vue des méthodes (questionnaires en face à face ou téléphoniques, entretiens, suivis durables de cohortes ou photographies ponctuelles des activités...) que de la taille des échantillons, pose réellement question. Nous avons pris le parti ici de n'exploiter que les résultats les plus fiables et les plus cohérents entre eux. Ont été privilégiées les études par questionnaires portant sur des échantillons représentatifs. Les rares études qualitatives utilisées seront signalées dans le texte. Aucune méta-analyse n'existe sur les thématiques des contextes sociaux et des motivations.

Liens entre contexte socioéconomique, environnement social et activité physique et sportive

Nous allons étudier successivement ces différentes variables pour mieux comprendre en quoi elles agissent sur la pratique des activités physiques ou sportives.

Activité physique et sportive et appartenance sociale

Les premiers liens établis entre les activités physiques et le statut socioéconomique datent des années 1970 en France. Pierre Bourdieu (1979renvoi vers) a montré qu'il existe des corrélations conséquentes entre les classes sociales et les sports pratiqués, même si on ne peut parler là que de tendances.
Ces différences de pratiques sportives en fonction des catégories sociales sont traitées de manière plus large dans tout ce qui tient du rapport au corps. C'est l'objet d'un article de Luc Boltanski (1971renvoi vers), basé sur la consommation médicale et les soins du corps. Des usages différenciés du corps existent qui sont déterminés par les conditions de vie : « L'intérêt et l'attention que les individus portent à leur corps, c'est-à-dire, d'une part à leur apparence physique, plaisante ou déplaisante, d'autre part, à leurs sensations physiques, de plaisir ou de déplaisir, croît à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie sociale (passant des agriculteurs aux ouvriers, des ouvriers aux employés, des employés aux cadres), et que diminue la résistance physique des individus qui n'est autre que la résistance qu'ils sont en mesure d'opposer à leur corps et leur force physique, c'est-à-dire le parti qu'ils peuvent tirer de leur corps. » (Boltanski, 1971renvoi vers). Il s'agit-là d'un cadre large, cherchant à établir des logiques de constitution des pratiques en examinant leurs valeurs symboliques.
Les travaux de Christian Pociello (1999renvoi vers), par exemple, prenant appui sur des statistiques des années 1980, montrent bien comment des cultures sportives se confrontent à des styles de vie, construisant « une opposition nette entre les sujets qui prennent le sport comme « simple » composante active, hygiénique, dynamisante de leurs activités distractives ou récréatives, culturelles ou touristiques et, par ailleurs, les partisans d'un sport de compétition « pur et dur », d'oppositions franches et instituées et parfois à fort investissement énergétique (...) » (Pociello, 1999renvoi vers). De chaque côté de cet axe, on trouvera une population sur-représentée, d'un côté des femmes et des cadres moyens du public, de l'autre des cadres supérieurs du privé. Tendances là encore, qui ne définissent pas les préférences sportives de manière systématique mais jouent, par les systèmes de représentations symboliques des activités sportives, sur les types d'activité recherchés. Ces résultats ne sont pas le propre de la France et on peut en retrouver d'autres exemples, aux Pays-Bas par exemple (Elling et Claringbould, 2005renvoi vers).
Pourtant, ces travaux sont à présent contestés pour différentes raisons :
• la théorie n'explique qu'en partie les choix, les systèmes de dispositions ne conduisant pas systématiquement à la pratique d'un sport prédéfini ;
• la consommation de masse d'activités et de biens sportifs s'accroît dans toutes les populations, perturbant la distribution culturelle des pratiques ;
• les transformations des modes de socialisation dans les sociétés contemporaines produiraient de nouveaux types de groupes et le rôle de l'appartenance sociale dans la production des identités sociales en serait diminué.
C'est donc en partie l'évolution des systèmes de valeurs, produisant des hybridations culturelles, qui empêcherait de saisir l'influence des contextes socioéconomiques sur les pratiques sportives, en réduisant le rôle des classes sociales dans la constitution des goûts.
Pourtant, dans les études disponibles, on peut noter que la catégorie socioprofessionnelle, le niveau de diplôme et le niveau de revenus sont fréquemment utilisés pour expliquer des différences d'activité physique et sportive.

Catégorie socioprofessionnelle, niveau de diplôme, niveau de revenus

Par exemple, les résultats du Baromètre santé 2000, étude en population générale en France portant sur un échantillon représentatif de 13 685 personnes de 12 à 75 ans (Guilbert et coll., 2001renvoi vers), où la pratique sportive est définie seulement sur la question « Au cours des 7 derniers jours, avez vous pratiqué un sport ? », montrait des différences importantes entre les catégories socioprofessionnelles2 (figure 4.1Renvoi vers).
Figure 4.1 Pourcentage de pratiquants par catégorie socioprofessionnelle (d'après Guilbert et coll., 2001renvoi vers, Baromètre santé 2000)
La presque équivalence entre ouvriers et employés d'une part, entre professions intermédiaires et cadres d'autre part, montre que la seule appartenance sociale ne peut expliquer la totalité de la tendance à pratiquer des activités sportives.
L'enquête « Participation culturelle et sportive »3 (PCS) de l'Insee en 2003, portant sur 5 700 personnes de plus de 15 ans, montre un même type de résultats. Les ouvriers et les agriculteurs font 1,6 fois moins d'activités physiques ou sportives que les professions intermédiaires, les artisans et commerçants 1,9 fois moins et les étudiants 2,2 fois plus. Mais les écarts des autres catégories (cadres, employés, chômeurs, retraités) ne sont pas très forts. Ces chiffres semblent étayer l'hypothèse d'une diminution au cours du temps de l'importance des milieux sociaux dans la définition des activités de loisirs et notamment en ce qui concerne les activités physiques et sportives.
Un autre facteur, fortement corrélé au statut socioéconomique, est le niveau d'études. Les résultats les plus évidents proviennent de la même enquête de 2003 (PCS, Insee) (figure 4.2Renvoi vers).
Figure 4.2 Pourcentage de personnes ayant pratiqué au moins une activité physique et sportive dans les douze mois selon le niveau d'études (d'après Insee, Résultats de l'enquête 2003 « Pratiques culturelles et sportives »renvoi vers)
Plus les personnes ont un niveau d'études élevé, plus elles ont des activités sportives. Alors que la pratique physique et sportive est très différente entre hommes et femmes sans diplôme (79 % pour les hommes contre 64 % pour les femmes dans l'enquête PCS), l'écart de pratique entre hommes et femmes est quasiment inexistant parmi les personnes diplômées du supérieur. Différentes études corroborent ce fait : si un faible niveau d'études peut être associé pour les femmes à une moindre probabilité d'exercice hebdomadaire, cette différence n'est pas significative pour les hommes (Droomers et coll., 2001renvoi vers ; Giles-Corti et Donovan, 2002arenvoi vers ; Popham et Mitchell, 2006renvoi vers).
On retrouve là des différences de représentation entre hommes et femmes quant aux activités physiques. Ces représentations sont liées au milieu social, la pratique sportive restant conséquente chez les hommes des classes populaires. De la même manière, ne jamais avoir travaillé fait baisser les probabilités de faire des activités physiques pour les femmes, alors que cela n'a pas d'influence pour les hommes (Popham et Mitchell, 2006renvoi vers).
Le niveau d'activité physique est aussi fortement corrélé au niveau de revenus (figures 4.3Renvoi vers et 4.4Renvoi vers).
Figure 4.3 Taux d'activité sportive en fonction des revenus mensuels du ménage par unité de consommation (d'après Guilbert et coll., 2001renvoi vers, Baromètre santé 2000)
Figure 4.4 Pratiques physiques et sportives en fonction des revenus (d'après Insee, Résultats de l'enquête 2003 « Pratiques culturelles et sportives »)
Les figures 4.3Renvoi vers et 4.4Renvoi vers, provenant l'une du Baromètre santé 2000, l'autre de l'enquête PCS de l'Insee (2003renvoi vers), présentent des résultats similaires. La proportion est nette : plus l'on a des revenus élevés, plus les probabilités d'avoir eu une activité sportive dans la dernière semaine est élevée. « La majorité des sports occasionnent des frais parfois importants (inscription, matériel, équipement, déplacement...), ce qui peut constituer un frein à la pratique pour certains groupes socialement fragilisés » commentent les auteurs du Baromètre santé. Mais ce n'est pas seulement d'accès et d'équipement dont il est question ici puisque l'enquête PCS laisse une place plus importante aux activités physiques de loisir (au lieu de seulement considérer les activités sportives) et inclut des activités ne nécessitant pas un équipement coûteux. D'autre part, la même étude souligne le rôle des niveaux de revenus après 30 ans : on pratique d'autant plus d'activités physiques et sportives que les revenus sont élevés. Enfin, les revenus jouent dans le choix du type de pratique, les populations plus aisées étant davantage inscrites dans les structures institutionnelles (clubs, salles...), les populations plus pauvres ayant des pratiques moins formalisées.
De façon similaire, de nombreuses études par questionnaires en population générale montrent la relation entre le niveau de revenus et l'exercice physique. C'est le cas de l'enquête « Health survey for England 2003 », portant sur 18 553 personnes de 16 ans et plus. Elle montre que les hommes qui vivent dans les foyers à bas revenus ont une faible probabilité de participation régulière dans toutes les activités physiques. De manière plus générale, les taux de participation à l'exercice physique, les activités sportives et la marche baissent en même temps que les revenus (Stamatakis, 2004renvoi vers).
Pourtant, certaines études montrent une corrélation plus nuancée entre le niveau de revenus et le niveau d'exercice. C'est le cas d'une étude anglaise portant sur un échantillon important, 9 473 personnes interrogées en 4 vagues sur 8 ans, et assez comparable au Baromètre santé en France (Popham et Mitchell, 2005renvoi vers). La corrélation entre revenus du foyer et exercice hebdomadaire existe bien (avoir un métier à basse qualification réduit les probabilités d'exercice), mais elle joue ici davantage pour les hommes que pour les femmes et reste relativement faible, opérant de manière plus nette pour les agents de maîtrise et les techniciens (hommes et femmes).
Le niveau de revenus et le diplôme sont bien discriminants. Comment agissent-ils ? Une des premières variables à examiner est alors celle de l'accès aux équipements. Dans la mesure où, en France comme dans d'autres pays, le fait d'habiter un quartier ou un autre peut être socialement déterminé par le niveau de revenus ou les mécanismes de sélection résidentielle, il est légitime de se poser la question de l'accès aux structures d'exercice physique et sportif par rapport aux lieux de résidence.

Lieu de résidence et accès aux équipements

Une première étape, pour étudier cette relation, est de comparer la taille de l'agglomération et le nombre de pratiquants. L'hypothèse à confirmer est qu'il existe des disparités au niveau des équipements disponibles en matière d'activités physiques et sportives selon les types de lieux de résidence.
Ainsi, les résultats du Baromètre santé 2000 montrent des disparités d'activité sportive selon la taille de l'agglomération : on trouve par exemple 39,3 % de pratiquants dans les communes rurales contre 42 % et plus dans les villes de plus de 100 000 habitants. Comme l'enquête portait uniquement sur les pratiques sportives, il est logique de penser que le rôle des équipements est surdimensionné ici. On voit dans d'autres recherches que lorsque c'est l'activité physique en général qui est mise en avant, les lieux informels sont plus employés (Giles-Corti et Donovan, 2002brenvoi vers).
L'enquête de 2000 sur les pratiques sportives en France (MJS/Insep4 , 2000renvoi vers) indique que les pratiques sportives des Français, selon qu'ils habitent à la ville ou à la campagne, sont assez similaires : 81 % de la population rurale et 84 % de la population urbaine déclarent une activité physique ou sportive au moins dans l'année écoulée. Un pourcentage important des ruraux, proche du pourcentage des urbains, pratique une fois par semaine (70 % de ruraux, 73 % d'urbains). Les différences entre ville et campagne semblent se trouver davantage dans le type de pratiques, ce qui explique aussi les différences entre le taux de pratiques dans les deux enquêtes (MJS/Insep et Baromètre santé) puisqu'un certain nombre d'entre elles pouvaient être considérées comme n'étant pas réellement des sports par les personnes interrogées. Ainsi, bicyclette, boules, pêche et chasse apparaissent davantage en milieu rural alors que natation, footing, ski, tennis et danse apparaissent plus en milieu urbain.
Mais c'est peut-être davantage dans l'opposition entre lieux de vie favorisés ou non que la différence réside. En Écosse, McIntyre et coll. (1993renvoi vers) montrent que l'inégale distribution des équipements joue en faveur des banlieues favorisées et explique ainsi une plus faible pratique des activités physiques et sportives des classes à faibles revenus. Aux États-Unis, Ross (2000renvoi vers) démontre que les habitants des banlieues pauvres ont un haut niveau de marche, alors que les pratiques sportives plus intenses sont corrélées avec des revenus supérieurs. Elling et Claringbould (2005renvoi vers) notent un phénomène analogue aux Pays-Bas et soulignent l'importance de la sécurité dans les déplacements et les lieux d'activité physique, notamment pour les femmes et les enfants.
Les travaux australiens de Giles-corti et Donovan (2003renvoi vers) sur un échantillon de 1 803 adultes (18-59 ans) présentent des résultats plus complets, mais aussi plus mesurés. Axés sur les pratiques physiques récréatives, ils montrent clairement une différence entre les zones d'habitation favorisées et défavorisées : les habitants ayant des statuts socioéconomiques plus bas utilisent moins les équipements payants que les habitants des zones plus riches. Les auteurs indiquent que les zones à faible statut socioéconomique comportent des équipements propices à l'activité physique en proportion similaire ou supérieure aux zones à haut statut socioéconomique, même s'ils ne sont pas de même type (les accès à la plage et aux terrains de golf sont plus fréquents dans les zones à hauts revenus), mais que ce sont d'abord les lieux informels (plage, parcs et rues) qui sont utilisés aux fins d'activité physique récréative. Jouent aussi les perceptions de l'environnement : les habitants des zones à bas statut socioéconomique perçoivent moins souvent leur environnement comme sûr, attractif et permettant de se promener et, de même, ils sont plus sensibles au trafic routier. Leurs travaux soulignent les effets de la perception du voisinage sur la marche, en termes de sécurité et de plaisir. Ils concluent à la force des normes sociales et culturelles qui influent sur les comportements (Giles-Corti et Donovan, 2003renvoi vers).
On comprend que les différences établies en termes de voisinage et d'équipements seront alors très variables selon les politiques territoriales et nationales, mais aussi en fonction de la perception de l'environnement qu'ont les habitants d'une zone précise.
En ce qui concerne la France, de manière générale, parmi les raisons de non pratique d'activité physique ou sportive données dans l'enquête PCS, les difficultés d'accès aux équipements, l'éloignement, et les horaires sont rarement évoqués. La répartition des équipements sportifs publics et privés et les effets de compensation des activités entre rural et urbain permettent semble-t-il des activités physiques sans problème réel d'accès. L'argument financier lui-même se retrouve bien dans les milieux modestes et pour les personnes au chômage, mais arrive derrière les autres raisons. On peut donc, en ce qui concerne la France, penser que la question de l'accès aux équipements est très marginale entre rural et urbain. Elle joue sur le type d'activité pratiqué (la natation, par exemple, est plus fréquente lorsqu'on habite à 20 minutes d'une piscine), mais peu sur la pratique elle-même (PCS ; Insee, 2003). En revanche, la question se pose des relations entre centre et périphérie, certaines communes de banlieue pouvant présenter un relatif sous-équipement par rapport à la concentration de population y résidant (MJSVA/Insep5 , 2001renvoi vers).

Appartenance ethnique

Une autre variable est souvent étudiée, pour laquelle peu de données sont disponibles en France. Il s'agit de l'appartenance ethnique. Les principaux travaux qui l'abordent sont principalement hollandais, canadiens et américains.
Aux Pays-Bas, les filles (entre 14 et 20 ans) des minorités ethniques participent moins aux activités sportives que les filles des majorités ethniques. Une des variables examinées, l'appartenance à l'Islam, n'est pas explicative ici (Ellings et Knoppers, 2005renvoi vers). Dans un travail de 1999, Marie Choquet notait que les filles françaises de souche sont plus nombreuses à pratiquer un sport que les autres (50 % contre 44 % des Françaises d'origine étrangère et 40 % des étrangères) (Choquet et coll., 1999renvoi vers). Certainement, on voit ici une spécificité en ce qui concerne les filles, mais sans qu'un facteur précis puisse être détaché. Est-ce lié à une plus grande participation aux tâches domestiques, dont on sait qu'elle est plus forte dans les familles des milieux populaires auxquelles appartiennent plus souvent les filles issues des minorités ethniques ? Est-ce lié à une éducation parentale plus stricte vérifiant davantage les sorties des filles ? Rien ici ne permet de conclure.
Aux États-Unis, les travaux sur le surpoids des enfants montrent que ceux qui sont le plus concernés par ce problème sont aussi ceux qui regardent beaucoup la télévision et n'ont pas ou peu d'activité physique. Parmi ceux­ci, les enfants les plus concernés sont les filles, les noirs non-hispaniques et les mexicains-américains (Andersen et coll., 1998renvoi vers ; Gordon-Larsen et coll., 1999renvoi vers).
Le fait de regarder la télévision est considéré comme l'indice principal de sédentarité (certains auteurs y rajoutent le fait d'être devant un ordinateur, hors situation de travail). Ici le seuil semble être à quatre heures et plus de télévision par jour, seuil corrélé au surpoids (Andersen et coll., 1998renvoi vers). Bien qu'aux États-Unis, on reconnaisse le poids de l'appartenance ethnique dans les considérations de santé et la propension à faire de l'exercice physique, peu d'études ont exploré cette dimension (Ram et coll., 2004renvoi vers). Il semble que l'appartenance ethnique joue sur le choix des activités ludiques hors l'école, les minorités ethniques déclarant souvent moins de ressources environnementales permettant l'exercice physique. Et, dans le même temps, on voit que les étudiants des catégories socioéconomiques les plus élevées reçoivent plus souvent une éducation physique scolaire et de meilleure qualité, que les élèves issus de familles défavorisées. L'éducation physique semble être mieux faite dans les écoles des zones riches que dans celles des quartiers pauvres (Sallis et coll., 1996renvoi vers). Au Canada, l'appartenance ethnique semble moins pertinente que le statut socioéconomique et les auteurs concluent à un lien entre le statut socioéconomique et la participation aux sports organisés (O'Loughlin et coll., 1999renvoi vers).
Toutes ces recherches ne permettent pas de détacher significativement le rôle de l'appartenance ethnique de celui des revenus ou de la composition familiale (opposition entre famille monoparentale et famille avec les deux parents) aux États-Unis (Lindquist et coll., 1999renvoi vers) ou du genre aux Pays-Bas. Cependant, la plupart des conclusions amène à penser que l'accès au sport varie en fonction des équipements, scolaires ou non, présents dans le quartier. Aussi, à défaut d'éliminer le facteur ethnique, peut-on penser que le facteur socioéconomique prévaut ici. On retrouve là les interrogations sur le taux d'équipements des quartiers, posées plus haut.

Temps de loisirs et activité physique

Le faible taux de pratique des agriculteurs et artisans, commerçants et chefs d'entreprise en France permet de poser aussi la question du temps disponible. Les disparités du taux d'activité physique et sportive varient en fonction de la situation professionnelle. La figure 4.5Renvoi vers montre ces variations.
Figure 4.5 Taux de pratique physique et sportive selon la situation professionnelle (d'après Guilbert et coll., 2001renvoi vers, Baromètre santé 2000 et Insee, résultats de l'enquête 2003 « Pratiques culturelles et sportives »)
Bien que les questions du Baromètre santé ne portent que sur l'activité sportive alors que le questionnaire du PCS est plus complet, on observe, au-delà des disparités d'effectifs, une même tendance. D'un côté les étudiants ont davantage d'activités physiques et sportives et de l'autre les autres inactifs (personnes au foyer ne cherchant pas de travail) et les retraités en font moins. Il existe aussi une faible différence entre les travailleurs et les chômeurs.
Le fait d'être étudiant contribue grandement à la hausse des probabilités d'activités sportives. Les chiffres du PCS cumulent étudiants, lycéens et militaires. Pour les lycéens, les cours d'EPS rendent l'exercice sportif quasiment obligatoire, de même que celui-ci est lié à l'activité militaire. Le cas des étudiants est différent. Leur taux de participation montre une plus grande disponibilité temporelle mais aussi probablement une spécificité de la « culture estudiantine ». En Angleterre, Popham et Mitchell (2006renvoi vers) trouvent les mêmes différences de pratiques que celles que révèle l'enquête PCS, entre étudiants hommes et population active.
L'enquête PCS 2003 montre que, pour les travailleurs, la pratique sportive augmente avec le nombre de congés pris au cours de l'année et ce indépendamment du niveau de vie et du milieu professionnel. Le taux de pratique est de 76 % pour les personnes travaillant ayant pris deux semaines au moins, de 81 % pour celles qui ont pris de 3 à 5 semaines, de 88 % pour celles ayant pris 6 semaines de congé et plus. « Les actifs n'ayant pas pris de congés du tout au cours des douze mois précédant l'enquête pratiquent en moyenne deux APS différentes contre quatre pour les actifs ayant pris plus de six semaines de congés » (Muller, 2005arenvoi vers). On voit là l'effet des activités physiques ponctuelles, liées aux vacances, dont on peut penser qu'elles ne peuvent, par leur irrégularité, agir réellement sur la santé.
Les résultats du PCS ne montrent pas de différence importante entre le fait de travailler ou d'être au chômage. Mais les résultats sont établis en fonction de l'activité physique et sportive sur l'année. Lorsque l'on observe la pratique hebdomadaire, le temps de travail semble jouer de manière plus importante : pour les hommes, travailler un temps moyen de 48 heures par semaine est associé avec une probabilité d'exercice hebdomadaire réduite comparé à ceux qui sont sans emploi. Pour les femmes, un effet similaire est observé à partir de plus de trente heures de travail par semaine.
Le nombre d'heures agit davantage pour les hommes : travailler dans une petite entreprise ou être à son compte fait baisser les probabilités d'exercice hebdomadaire, faire des heures supplémentaires agit de la même façon (Popham et Mitchell, 2006renvoi vers). On peut alors supposer qu'au-delà de la question des revenus, susceptible d'agir sur les heures supplémentaires, il faudrait considérer une variable supplémentaire qui serait celle de l'engagement dans le travail.
Sont observables aussi des variables qui tiennent aux temporalités familiales et, notamment, à la présence d'enfants en bas âge. L'enquête PCS montre que 75 % des personnes vivant avec un enfant de moins de trois ans ont eu une activité physique ou sportive en 2003 contre 83 % des personnes vivant avec des enfants entre 4 et 14 ans (PCS ; Insee, 2003). L'enquête de Popham et Mitchell montre que si la naissance d'enfants diminue les probabilités d'exercice régulier, des variations existent en fonction du sexe considéré chez les parents. Pour les hommes, la poursuite d'un exercice régulier ne baisse que lorsque l'enfant a moins de quatre ans. Pour les femmes, on ne perçoit pas d'effet significatif lorsque l'enfant a moins d'un an, mais ensuite les effets perdurent au-delà de 4 ans. Les auteurs postulent que les recommandations d'exercice post-natal pousseraient les femmes à faire plus d'exercice pendant la première année de l'enfant, alors que les exigences du rôle maternel réduisent ensuite les possibilités d'exercice jusqu'à l'adolescence (Popham et Mitchell, 2006renvoi vers). Une autre étude, menée aux États-Unis, montre des résultats similaires en comparant une population de mères de 20 à 65 ans dont les enfants ont moins de cinq ans avec une population de même âge sans enfants (Sternfeld et coll., 1999renvoi vers ). On sait que la présence d'enfants au foyer va de pair avec une plus grande fréquence du sentiment de fatigue, et, chez les femmes en particulier, de celui d'être débordé dans la vie quotidienne. Ce sentiment s'établit en conjonction des horaires de travail dont elles se plaignent plus souvent que les hommes6 (Chenu, 2002renvoi vers). Contraintes professionnelles et contraintes familiales pèsent donc de manière nette dans le fait d'avoir ou non des activités physiques.

Culture du temps

Puisque nous étudions ici l'activité physique au travers des activités de loisirs, la compréhension de la manière dont ces dernières s'établissent est susceptible de nous éclairer sur la « culture du temps » des différents milieux sociaux, c'est-à-dire leur plus ou moins grande capacité à structurer leurs disponibilités.
Les catégories populaires (ouvriers) ont le plus de temps libre et occupent davantage leurs loisirs à des activités domestiques (bricolage, jardinage, télévision), les cadres, disposant de moins de temps libre, ont davantage de loisirs extérieurs, culturels et sportifs (Coulangeon et coll., 2003renvoi vers).
Encore faut-il différencier ici les modes de gestion du temps. On différencie ainsi les loisirs du temps quotidien, défini par les contraintes professionnelles et domestiques, et les loisirs de temps long qui nécessitent une planification.
Dans le premier cas, les ressources économiques, sociales et culturelles jouent peu. C'est d'abord le temps disponible qui définit les activités. Les activités les plus fréquentes, pour les actifs occupés, hors périodes de congés, sont alors la télévision ou la vidéo (70,2 %), la lecture (25,4 %) et les semi-loisirs (jardinage, bricolage et activités d'entretien, 23,8 %). On notera que le sport (incluant l'activité physique à domicile) ne concerne alors que 5,8 % des personnes et les ballades 4,9 %.
En revanche, dans le second cas, on observe une plus grande propension aux loisirs (nombre et fréquence) des cadres et professions intermédiaires par rapport aux agriculteurs et aux ouvriers, des personnes disposant de hauts revenus (1 677 € ou plus) par rapport à celles disposant de bas revenus (moins de 838 €), des personnes plus diplômées par rapport au moins diplômées.
C'est donc bien ici le milieu social qui fait différer les pratiques. Leurs disparités sont donc liées à une « inégale capacité à planifier et à organiser de manière active l'espace du temps libre, capacité qui semble dépendre pour l'essentiel du revenu et des facteurs sociaux et culturels (...) » (Coulangeon et coll., 2003renvoi vers).
Les auteurs insistent sur le fait que plus le temps libre quotidien est important et moins le capital culturel est élevé, plus l'utilisation de la télévision est conséquente ; une utilisation qui est un facteur de sédentarité.
On lit là une structuration du temps de travail lié aux grandes transformations de la production dans notre société où le niveau de qualification joue directement sur le temps de travail : un homme cadre travaille en moyenne 348 heures de plus par an qu'un ouvrier (Beffy, 2006renvoi vers) et la perméabilité des différentes activités des cadres les oblige à un niveau d'organisation plus important (Guilbert et Lancry, 2005renvoi vers). Les capacités à organiser le temps semblent alors décisives dans la mise en place d'activités de loisirs.
Enfin, on peut se poser la question de savoir si les activités de loisirs, abordées ici de manière assez générale, comportent un pan significatif d'activités physiques et sportives. L'enquête sur les pratiques culturelles et sportives des Français nous montre que le nombre de sorties, de visites et d'activités artistiques augmente avec celui des activités sportives. Les deux tiers des personnes de 15 ans ou plus ont des loisirs relevant des deux champs « sport » et « culture ». Le cumul de ces activités est fréquent, notamment dans certaines catégories de population. Ainsi, les personnes faisant beaucoup de sport pratiquent aussi plus souvent des activités artistiques que celles qui ont peu d'activités physiques ou sportives. La fréquence des pratiques sportives et celle des activités culturelles augmentent conjointement avec le diplôme et le niveau de vie (PCS ; Insee, 2003).
Puisque l'on sait que les bénéfices de l'activité physique sur la santé dépendent d'une pratique régulière, à défaut de disposer de données détaillées, on peut vérifier la répartition des pratiques institutionnelles (en club et autres structures), qui correspondent logiquement à une certaine constance, la pratique institutionnelle étant associée à la régularité de pratique (Baromètre santé 2000 ; PCS : Insee, 2003renvoi vers). Or, on constate que, en dehors de l'âge, facteur déterminant dans l'institutionnalisation des pratiques, le fait d'appartenir aux populations favorisées joue de manière importante : les personnes appartenant aux ménages les plus aisés pratiquent bien plus de manière institutionnelle, ce que montre la figure 4.6Renvoi vers.
Figure 4.6 Pourcentage de pratiquants institutionnalisés en fonction du niveau de revenus (d'après Insee, Résultats de l'enquête 2003 « Pratiques culturelles et sportives »)
En résumé, la « culture du temps » semble bien déterminante ici. Ce n'est pas tant le niveau de revenus que le fait que celui-ci soit associé à des catégories sociales disposant de capacités à prévoir et gérer leurs disponibilités qui détermine les activités de loisirs et parmi celles-ci les activités physiques et leur fréquence.

Transmission des modèles parentaux

Les personnes issues des classes aisées de la population (niveau de revenu et capital scolaire plus importants) pratiquent davantage que ceux des classes défavorisées. Mais, de plus, les différences de pratique se retrouvent au niveau de leur progéniture. Même si les adolescents ont souvent des activités physiques et sportives puisque deux tiers d'entre eux pratiquent une activité sportive en dehors des cours d'enseignement physique et sportif (EPS) (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers), il existe bien des différences liées aux catégories socioprofessionnelles qui s'appliquent en fonction du sexe.
L'enquête « Pratique sportive des adolescents » commanditée par le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative et l'Insep en 2001renvoi vers et menée auprès 1 501 adolescents de 12 à 17 ans montre bien cela. Les enfants de 12 à 17 ans n'ayant pas d'activité physique et sportive en dehors des heures d'EPS sont avant tout des filles de milieux sociaux peu favorisés, à la fois au niveau des revenus et du capital scolaire : « Sans doute plus des trois quarts des filles de familles où les parents n'ont aucun diplôme et dont les revenus sont inférieurs à 1 066 euros par mois ne font pas de sport » (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers). On retrouve là des logiques présentes au niveau des pratiques en population générale. Elles agissent à la fois par les caractéristiques socioéconomiques et par le sexe.
Les disparités d'exercice physique hors pratiques scolaires se prolongent tout au long de la scolarité en se renforçant. À la fin du second degré, on trouve toute une gamme de situations qui sont marquées par deux pôles : d'un côté les garçons des milieux favorisés ayant un fort taux de pratique sportive (81 %), de l'autre les filles issues de milieux sociaux moins favorisés dont le taux de pratique sportive est bas (40 %). Les enfants se dirigeant vers les filières professionnelles pratiquent moins que leurs camarades en lycée (72 % contre 58 %). Cette différence est plus forte pour les filles que pour les garçons. On rencontre là une explication partielle du haut degré de pratique sportive des étudiants : les plus sportifs vont à l'université.
Si de nombreuses variables sont susceptibles d'entrer en ligne de compte (taille de la fratrie, configuration familiale, situation professionnelle de la mère), les deux variables les plus importantes sont le niveau de diplôme et le niveau de revenus. Le niveau de diplôme des parents est plus discriminant que le niveau de revenus, son influence se renforce d'autant plus que les parents interviennent dans le choix du cursus scolaire. Le niveau de revenus agit davantage pour les filles que pour les garçons (figures 4.7ARenvoi vers et 4.7BRenvoi vers).
Figure 4.7 Pratique sportive des enfants selon les revenus des parents (A) et selon le niveau de diplôme des parents (B) (d'après MJSVA/Insep, 2001renvoi vers, Pratique sportive des adolescents)
Les revenus des parents agissent sur le fait que les enfants soient licenciés ou pas dans un club et cela davantage pour les filles que pour les garçons. Les disciplines choisies elles-mêmes sont fortement marquées socialement. Les enfants des milieux favorisés pratiquent ski, voile et escrime, tennis et golf. Les enfants moins favorisés font du football, du rugby, de la boxe et de la lutte.
On remarque, comme pour les adultes, que les jeunes non sportifs pratiquent moins d'activités culturelles que leurs camarades sportifs. Il ne semble donc pas qu'il y ait « de modèle alternatif dans lequel les sportifs délaisseraient d'autres activités, qui seraient au contraire pratiquées par les non sportifs ». De même, les sportifs, garçons et filles, sont plus nombreux à lire chaque jour que les non sportifs. On retrouve là une causalité sociale : les non sportifs appartiennent à des milieux moins favorisés où l'usage de la lecture, comme du sport, est moins fréquent (MJSVA/Inserm, 2001).
Les différents points évoqués ici semblent montrer qu'il existe bien une transmission des modèles sportifs des parents vers les enfants. Les parents qui pratiquent le plus, c'est-à-dire ceux issus des milieux les plus favorisés, influencent la pratique juvénile de leurs enfants. De plus, à niveau égal de diplôme, le fait d'avoir un père qui pratique un sport augmente les probabilités des enfants d'en faire un et ce autant pour les garçons que pour les filles. L'écart entre les garçons et les filles disparaît si la mère pratique régulièrement un sport (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers).
Tous ces éléments indiquent qu'il existe toujours des écarts liés aux appartenances sociales. Ces dernières sont moins liées aux groupes socioprofessionnels et aux « cultures » qui en émergeaient qu'elles ont pu l'être auparavant. Cependant, les déterminismes sociaux restent importants. L'élément le plus déterminant ici est sans conteste le niveau de diplôme. Le double mouvement de massification et de démocratisation scolaire a permis l'accès aux études de la majorité de la population française. Mais, malgré cet accès, des inégalités scolaires, puis des inégalités sociales perdurent. Le lien entre le niveau de diplôme et l'accès au travail, de manière générale, mais aussi à différentes formes de travail selon leurs niveaux de qualification, joue de manière importante sur l'insertion sociale. Dans ce cadre, il faut comprendre que non seulement les activités physiques et sportives suivent le niveau d'insertion sociale, mais aussi que la propension à la pratique se transmet plus ou moins à la génération suivante, comme se transmettait autrefois la culture ouvrière. En ce sens, les cours d'EPS à l'école semblent avoir une importance marginale sur l'adoption du goût de l'activité physique et sportive, et ce de manière encore plus nette en ce qui concerne les filles.

Motivations pour la pratique d'activités physiques et sportives

Au-delà de l'effet des contraintes (appartenance sociale, temps, revenus, accessibilité), il est important de pouvoir considérer les valeurs accordées aux activités physiques et sportives afin de comprendre les motivations des pratiquants.
Les chercheurs ont IDEntifié plusieurs motivations d'exercice physique : la santé, l'apparence, la perte de poids, le support social, la détente, la réduction du stress, la compétition et la reconnaissance. Ces motivations interviennent de manière variable et non exclusive dans les activités sportives (Davis et coll., 1995renvoi vers). Mais les études disponibles en utilisent des gammes différentes et parfois peu comparables.
Le Baromètre santé 2000 proposait aux répondants une gamme relativement vaste de motivations de pratique sportive : pour le plaisir, pour la santé, pour maigrir, pour se muscler, pour rencontrer des amis, par esprit de compétition, par obligation (école, famille, médecin). Le plaisir, la santé et les rencontres avec des amis sont les trois motivations qui interviennent le plus. On notera cependant que la catégorie « plaisir » est vaste et imprécise, les sources du plaisir n'étant pas spécifiées (Guilbert et coll., 2001renvoi vers).
Les raisons du choix d'une activité physique et sportive sont liées à des valeurs diverses : bien-être individuel, détente, santé, engagement (physique et moral), compagnie des proches et rencontre avec les autres, contact avec la nature sont fréquemment avancés. La recherche des sensations, l'amélioration des performances, l'esprit de compétition ou la volonté de gagner, la prise de risque apparaissent de façon moins conséquente. Toutes ces raisons données déterminent les activités de manière sélective : on les retrouve plus ou moins en fonction des activités choisies. Pour exemple, si la recherche de détente et de bien-être est présente pour presque tous les types d'activités, la recherche de santé est donnée davantage pour les pratiquants de gymnastique, de course à pied, de musculation, d'arts martiaux et de sports de combat alors que la volonté d'être avec ses proches est plus présente pour ceux qui jouent aux boules ou vont aux sports d'hiver (MJS/Insep, 2000).
Les motivations annoncées varient de manière conséquente en fonction des catégories socioprofessionnelles, de l'âge et du sexe.

Facteurs de variation des motivations : catégorie socioprofessionnelle, sexe et âge

Pour toutes les catégories socioprofessionnelles, le plaisir, puis la santé interviennent en premier lieu. De ce fait, peu de différences apparaissent réellement d'une catégorie à l'autre. Quelques-unes méritent cependant d'être soulignées (figure 4.8Renvoi vers).
Figure 4.8 Motivations (hors plaisir) de pratique sportive en fonction des catégories socioprofessionnelles (d'après Guilbert et coll., 2001renvoi vers, Baromètre santé 2000)
Les agriculteurs sont les seuls à présenter un profil atypique car ils sont ceux pour qui les motivations de santé, de se muscler et de gagner sont les plus faibles. On remarque que l'esprit de compétition est plus important pour les artisans, commerçants et chefs d'entreprise (16,9 % contre 7,8 % pour les ouvriers, deuxième catégorie où cette motivation apparaît le plus). Les cadres sont un peu plus nombreux que les autres à donner la santé comme motivation (71,3 % contre 67,6 % pour les professions intermédiaires, 66,4 % pour les ouvriers et 65,6 % pour les employés). Enfin, perdre du poids est plus important pour les employés (Baromètre santé 2000).
Les différences de motivation apparaissent plus nettement entre les sexes. Les hommes disent faire du sport pour le plaisir plus fréquemment que les femmes (74,9 % contre 67,5 %). De même, les premiers déclarent plus fréquemment faire un sport par esprit de compétition (10,7 % contre 3,9 %) alors que les secondes avancent plus souvent la recherche de perte de poids (18,6 % contre 10,8 %) (Baromètre santé 2000) (figure 4.9Renvoi vers).
Figure 4.9 Motivations des pratiques sportives en fonction du sexe (d'après Guilbert et coll., 2001renvoi vers, Baromètre santé 2000)
La faible attraction de la compétition sur les femmes se retrouve dans d'autres recherches. Dans l'enquête PCS, elles ne sont que 4 % des pratiquantes à s'y adonner contre 15 % des pratiquants. Plus rarement présentes dans les sports collectifs ou duels (tennis, boxe, escrime...), elles sont davantage tournées vers les pratiques individuelles, qu'elles font à des fins d'entretien et de détente et non de performance (PCS ; Insee, 2003renvoi vers).
De même, de fortes variations apparaissent en fonction de l'âge (figure 4.10Renvoi vers).
Figure 4.10 Motivations des activités sportives en fonction de l'âge (d'après Guilbert et coll., 2001renvoi vers, Baromètre santé 2000)
Plus l'on vieillit, plus les motivations pour la santé augmentent. Le sport « pour la santé » est deux fois plus souvent cité par les 20-25 ans (60,5 %) que par les 12-14 ans (31,6 %). Le plaisir diminue après 19 ans et perd beaucoup d'importance après 44 ans. La motivation « pour gagner » culmine entre 12 et 25 ans et diminue ensuite constamment au fil de l'âge. La recherche d'une sociabilité est importante jusqu'à 25 ans et diminue ensuite de manière conséquente. La volonté de se muscler est forte entre 15 et 25 ans, puis s'abaisse sans cesse avant de connaître un léger regain après 65 ans (Baromètre santé 2000renvoi vers). Il est alors nécessaire d'examiner séparément les différentes classes d'âge.

Adolescents et jeunes adultes

Les parents sont responsables des premières opportunités des enfants de faire un sport et sont complètement impliqués dans l'expérience sportive de leurs enfants (Greendorfer, 1992renvoi vers ; Brustad et Partridge, 2002renvoi vers). Les premiers sports des enfants sont souvent choisis par les parents et participent de représentations sexuées. Les filles sont davantage inscrites dans les clubs de gymnastique et les structures de danse, les garçons dans les clubs de judo qui, tous trois proposent des accueils à partir de 5 ans, voire 3 ans (judo) et 4 ans (danse et gymnastique) (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers).
Il existe parfois des traditions familiales du sport, bien plus présentes dans les classes supérieures et moyennes pratiquant en club, qui se transmettent « naturellement » aux enfants, à force de visites aux stades ou de pratiques accompagnées. Elles sont parfois liées directement à la compétition, résultant alors d'une culture de la performance (Aquatias et coll., 1999renvoi vers). Et l'on sait que le fait d'avoir des parents sportifs prédisposent à faire du sport : les adolescents dont les parents font du sport font eux-mêmes plus souvent du sport que les autres adolescents (80 % contre 60 %, MJSVA/Insep, 2001renvoi vers). De même, le fait que les parents montrent à leurs enfants l'attention qu'ils leur portent pour leur réussite dans des activités sportives joue sur l'estime de soi des enfants dans l'exercice sportif (Bois et Sarrazin, 2005renvoi vers) et l'on sait qu'une socialisation positive dans le sport augmente les chances de participation sportive tout au long de la vie (Elling et Claringbould, 2005renvoi vers). Cependant, les attentes des parents diffèrent en fonction du sexe des enfants. Ils attendent moins des filles un comportement sportif (Fredricks et Eccles, 2005renvoi vers).
La majorité des réponses (90 %) des adolescents à la question de ce qui leur plaît dans le sport est liée d'abord au plaisir : se dépenser, se défouler, bouger, s'amuser, se détendre. Vient ensuite le fait d'apprendre, de maîtriser une technique, de sortir et de s'occuper (entre 80 et 90 % des réponses). Les préoccupations de santé et d'apparence (maigrir, rester en forme...) viennent ensuite, en troisième position (entre 70 et 80 % des réponses). Suivent les motivations liées aux sociabilités (faire des rencontres), à la compétitivité (faire des compétitions, se mesurer aux autres, se surpasser), aux sensations (avoir des sensations fortes, prendre des risques) ou à l'oubli des problèmes. Enfin, entre 40 et 50 % des réponses concernent le fait de se donner en spectacle (être apprécié d'un public, donner des spectacles, être regardé par les autres).
Ces réponses sont assez similaires pour garçons et filles, en dehors de « l'esprit de compétition », des « sensations fortes » ou du « sentiment de se surpasser » que les garçons mettent bien plus en avant (de 30 à 40 %) (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers). De Bourdeaudhuij et Sallis (2002renvoi vers) ont montré que la compétition était une motivation significative dans l'activité physique des jeunes hommes de 16 à 24 ans, ce qui confirme cette différence entre genres.
On note enfin une motivation d'activité physique et sportive propre aux plus jeunes des garçons (12-15 ans) et aux plus âgées des filles (14-17 ans) : le fait de pouvoir « sortir ». Le contrôle parental étant plus affirmé et plus durable sur les filles que sur les garçons, il est logique de trouver une telle dispersion (Baromètre santé jeunes 1997-1998 ; Arenes et coll., 1998renvoi vers).
Les réponses données à ce « qu'on espère » dans l'enquête sur les adolescents sont également très différentes en fonction du sexe : les rêves de gloire et de fortune concernent quatre garçons sportifs sur dix et seulement deux sur dix pour les filles. Mais ce sont les plus jeunes des garçons qui sont les plus concernés (12-13 ans) (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers).
Une autre étude auprès d'adolescents scolarisés de 14 et 15 ans (n=448) en Seine Saint-Denis montre que les garçons sont particulièrement sensibles à la compétition et à la victoire alors que les filles s'attachent d'abord à leur santé et ensuite aux relations amicales. Garçons et filles divergent aussi sur la volonté de maigrir (plus importante chez les filles) ou de se muscler (plus importante chez les garçons). On perçoit donc des motivations fortement sexuées (figure 4.11Renvoi vers).
Figure 4.11 Motivation principale à faire du sport de garçons et filles de 14­15 ans (d'après Niéto et Leroux, 2003renvoi vers)
Le temps de pratique influence notablement les motivations. On observe que les filles qui ont la pratique la plus intensive (8 heures et plus d'entraînement hebdomadaire) ont des motivations qui se rapprochent sensiblement de celles des garçons. En effet, elles ont une attention plus marquée que les autres pratiquantes à la compétition et à la victoire, et dans le même temps une attention moindre à leur santé et au fait de retrouver leurs amis. La volonté de maigrir diminue, alors que celle de se muscler augmente. En parallèle, la position des garçons ne connaît pas de telles transformations et est plus homogène que celle des filles dans toutes les catégories de pratique. On peut alors penser que les valeurs adoptées par les sportifs qui ont le temps de pratique le plus intensif sont plutôt des valeurs masculines. De même, les sportifs pratiquant hors des clubs sont moins intéressés par l'entraînement et la compétition et déclarent en revanche une forte attention à la santé et aux relations amicales (Niéto et Leroux, 2003renvoi vers).
Les adolescents de l'enquête MJSVA/Insep citent aussi des motifs de déplaisir. Ceux-ci sont plus présents pour les filles que pour les garçons, pour les non sportifs que les sportifs. La figure 4.12Renvoi vers présente les plus importants.
Figure 4.12 Principaux motifs de déplaisir des adolescents (d'après MJVSA/Insep, 2001renvoi vers)
Le fait de « prendre des coups » ressort davantage chez les non sportifs, filles et garçons, que chez les sportifs, mais reste conséquent, puisque c'est le deuxième motif de déplaisir, quelle que soit la population considérée. Les contraintes de l'entraînement sont toujours plus importantes pour les filles, sportives ou non.
Les motifs de déplaisir sont presque toujours plus cités par les jeunes filles de milieu favorisé que par celles de milieu moins favorisé (niveau de diplôme plus bas). Les auteurs font l'hypothèse d'un certain rejet du sport par ces populations féminines « du fait de l'éloignement culturel pour les catégories les plus défavorisées, du fait de l'expérience pour les catégories les plus favorisées » (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers).
Chez les adolescents non sportifs, la crainte de « ne pas être bon » (figure 4.12Renvoi vers) constitue un autre motif de déplaisir. Une étude sur une population d'étudiants (n=363) permet de corroborer ce fait, même si la population est plus âgée (18-20 ans). Pour les étudiants, l'influence des amis apparaît plus forte que celle de la famille. Ceux-ci, par les compliments et les encouragements, contribuent à l'estime de soi, qui est le plus fort prédicteur du temps total d'exercice. Inversement, plus les étudiants sont critiqués, plus leur attitude envers l'exercice est négative. Les auteurs notent que cela vaut davantage pour les activités sportives à forte dépense, du fait que les étudiants interprètent les questions sur l'exercice en ce sens, sans penser aux activités physiques modérées ou légères. Quoi qu'il en soit, dans ce cadre, les activités réelles des amis comptent davantage que leurs opinions (Okun et coll., 2003renvoi vers). De même, une étude irlandaise sur les comportements de santé des adolescents montre un lien positif entre l'attention des jeunes à l'évaluation par autrui et le fait qu'ils évitent l'exercice pour des raisons d'apparence, de force et de coordination (Martin et coll., 2001renvoi vers). La question de l'estime de soi est centrale pour les adolescents. Durant l'enfance, elle est arbitrée essentiellement par les parents, à la fin de l'adolescence, l'influence des pairs a gagné en importance. On ne s'étonnera donc pas de retrouver ce facteur parmi les trois plus cités comme causes d'abandon d'une activité physique et sportive : les contraintes de l'entraînement, la maîtrise de la technique et le sentiment de ne pas être bon. Les filles parlent davantage des contraintes de l'entraînement, les garçons du sentiment de ne pas être bon (MJSVA/Insep 2001renvoi vers).

Adultes

On retrouve au niveau des adultes des tendances similaires à celles qui agissent sur le comportement adolescent. Le plaisir est toujours la motivation dominante mais le rôle des sociabilités y intervient beaucoup aussi. Celles-ci varient selon les périodes : on fait davantage de sport avec sa famille et ses proches pendant les vacances. Certaines activités physiques et sportives sont alors plus présentes : boules, marche, pêche ou ski (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers ; PCS, Insee, 2003). Durant l'année, d'autres sports se lient davantage aux sociabilités professionnelles : c'est le cas pour le football, le golf, le rugby ou l'escalade. D'autres encore sont davantage faits avec des amis (football, basket-ball, rugby). Les sociabilités sont plus sportives pour les pratiquants des sports collectifs, des arts martiaux et des sports de combat ou du golf dont la moitié de l'effectif total déclare faire du sport avec leurs condisciples, ce qui est deux fois plus fréquent que pour la moyenne générale des sportifs (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers).
Les résultats du Baromètre santé 2000 montrent une décroissance de la motivation « rencontrer des amis » au fil de l'âge (45,6 % à 20-25 ans et 31 % à 55-64 ans). Ces résultats peuvent découler de l'absence des activités physiques, considérées par les répondants comme n'étant pas du sport. Cependant, on sait que presque toutes les pratiques de sociabilité baissent avec l'âge et ce, d'autant plus que le niveau de diplôme et les revenus sont bas. Les femmes sont plus facilement atteintes par cet effet de l'âge sur les sociabilités (Bidart, 1997renvoi vers). On peut donc penser que cette décroissance est réelle et qu'elle agit directement sur l'exercice sportif.
Plus on a de proches (significant others) qui font de l'exercice toutes les semaines avec soi, plus on a de chances d'atteindre le niveau recommandé d'activité physique (calculé par la dépense énergétique). De même, les membres d'un club ou d'une structure d'activité physique ont deux fois et demi plus de chances d'arriver au niveau recommandé. Ce dernier point pose la question du support social (Giles-Corti et Donovan, 2002arenvoi vers). Le niveau de sociabilité n'est pas une variable suffisante, encore faudrait-il savoir comment les proches, ayant des activités physiques et sportives ou non, et les personnes qui pratiquent avec ceux qui ont ces activités considèrent les pratiquants et les soutiennent. Mais nous disposons de peu de données à ce sujet.
Autre tendance, au cours de la vie les préoccupations de santé sont sans cesse croissantes dans les motivations des pratiquants sportifs : plus on avance en âge, plus les activités physiques et sportives sont pratiquées à cette fin (de 60,5 % pour les 20-25 ans à 74,1 % pour les 55-64 ans) (Baromètre santé 2000).

Personnes âgées

La pratique des seniors (50 ans et plus) est marquée par une rupture à partir de 60 ans où la pratique diminue de manière conséquente, d'abord pour les femmes à 60 ans, puis pour les hommes à 65 ans. La population des seniors pratiquant est plus féminine, disposant de plus de temps libre, moins diplômée mais avec un niveau de vie plus élevé que la moyenne de la population (PCS ; Insee, 2003).
Les motivations à pratiquer une activité sportive évoluent toutes à la baisse. Si la baisse de l'importance des motivations commence souvent plus tôt, entre les 55-64 ans et les 65-75 ans on voit diminuer de manière conséquente le plaisir (- 6,1 %). Au contraire, de 65 à 75 ans, la motivation sociable (rencontrer des amis) augmente légèrement (après une baisse à partir de 55 ans) ainsi que la volonté de se muscler (respectivement + 1,2 % et 2,2 %). Malgré la faiblesse des différences, ces deux inversions montrent la modification des intérêts du sport pour les personnes âgées (Baromètre santé 2000).
Les raisons de moindre pratique exprimées sont principalement les problèmes de santé et le fait de s'estimer trop âgé pour avoir une activité physique et sportive. Ces raisons sont plus marquées pour les femmes. De 60 à 64 ans, elles sont 58 % à invoquer les raisons de santé et 24 % à s'estimer trop âgées pour expliquer qu'elles ne pratiquent pas. C'est à partir de 75 ans que les causes avancées s'inversent : l'âge intervenant pour 62 % et la santé pour 65 %. Pour les hommes, la classe d'âge des 60-64 ans argue des problèmes de santé pour 43 % et de l'âge pour 18 % seulement. À 75 ans et plus, 71 % mettent en avant les problèmes de santé et 54 % l'âge (PCS ; Insee, 2003).
Les raisons avancées quant aux problèmes de santé sont difficilement contestables. Mais le fait d'estimer être trop âgé pose de toutes autres questions, liées là encore aux représentations collectives des personnes âgées en société. Le fait de vieillir a longtemps été considéré comme un problème social et médical. En conséquence, le repos ou les légers exercices à finalités thérapeutiques ont longtemps été les normes définies pour les personnes âgées. La croissance de la population du « troisième âge » modifie ces perceptions et rend nécessaire une relecture des représentations antérieures. Une enquête qualitative australienne montre que l'usage du sport de compétition est aussi, au-delà du désir de rester physiquement actif et de préserver sa santé et son autonomie, un moyen de négocier et de résister aux représentations courantes du vieillissement (Dionigi, 2006renvoi vers). La croissance de l'investissement associatif des seniors pourrait aller en ce sens. Les 60-69 ans adhèrent de plus en plus souvent : 58 % sont membres d'au moins une association. Le taux d'adhésion des 60-69 ans dans les associations sportives était en 2002 de 11 % (Enquête « Vie associative », partie variable de l'Enquête permanente sur les conditions de vie d'octobre 2002, Insee), il n'était que de 8 % pour l'ensemble des plus de 60 ans en 1999 (Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages, Insee, Octobre 1999).
On peut donc penser que les motivations des seniors à pratiquer des activités physiques et sportives pourraient se modifier en même temps que leurs conditions de vie. Pour cela, il est essentiel de travailler sur les représentations générales de la vieillesse et du vieillissement dans nos sociétés.

Activité physique et sportive et insertion sociale

Les différents facteurs qui conditionnent la pratique sportive dévoilent à la fois des déterminants purement matériels (le coût des activités, la disponibilité d'équipements, le temps de loisirs) et des déterminants culturels, liés aux modes de vie des personnes. Les motivations accompagnent ce mouvement au niveau des représentations, notamment des représentations sexuées, pour définir le choix des pratiques (hors club, en club, en club avec compétition) et des activités.
Que les facteurs se conjuguent et se renforcent, nul doute à cela. Niveau de diplômes, niveau de revenus et catégories socioprofessionnelles semblent bien déterminer le cadre global des activités de loisirs consacrées aux activités physiques et sportives. Mais entre le poids des contraintes socioéconomiques et celui des motivations, il importe de voir lequel est le plus important. Un bon moyen de confronter ces deux grands types de variables est de considérer les raisons de non pratique sportive.

Raisons de non pratique des activités physiques et sportives

La première raison avancée par les non pratiquants est liée à des problèmes de santé. Elle concerne plus du tiers des personnes ayant peu ou pas d'activités physiques et sportives dans l'enquête PCS. Les hommes non pratiquants mettent cependant plus volontiers en avant les contraintes professionnelles ou scolaires (23 % des hommes contre 13 % des femmes) alors que les femmes mettent plus souvent en avant les contraintes familiales (17 % des femmes contre 9 % des hommes).
Si l'on observe ces différentes motivations de non pratique en fonction du niveau de diplôme, on voit apparaître de fortes dissemblances (figure 4.13Renvoi vers).
Figure 4.13 Principales raisons de faire peu ou pas d'activité physique par sexe et niveau de diplôme (d'après Insee, Résultats de l'enquête 2003 « Pratiques culturelles et sportives »renvoi vers)
Les contraintes professionnelles et familiales concernent toutes deux le manque de temps des personnes interrogées. Et l'on voit que ce manque de temps agit plus sur les personnes ayant un niveau de diplôme supérieur au bac que sur les personnes n'ayant aucun diplôme, avec un effet de sexe dans les deux cas, les contraintes professionnelles ou scolaires étant toujours plus citées par les hommes que par les femmes, les contraintes familiales étant toujours plus citées par les femmes que par les hommes. Si l'on additionne les deux types de contraintes, on voit qu'elles sont très nettement majoritaires pour les personnes ayant un diplôme supérieur au bac. Au contraire, pour les personnes n'ayant aucun diplôme, les problèmes de santé sont d'abord cités, puis l'absence de goût pour le sport.
D'un côté, les personnes ayant fait des études supérieures ont moins de temps disponible et font pourtant, en proportion, plus d'activités physiques et sportives que les personnes ayant un faible niveau scolaire. Nous avons vu que ce paradoxe pouvait être résolu par l'existence d'une culture du temps différente, les personnes plus diplômées sachant mieux s'organiser.
Mais cela n'explique pas les choix que les personnes diplômées peuvent faire. Le manque de goût pour le sport est peu expliqué.
La question des motivations s'articule alors à celles des représentations. Pour mieux comprendre cela, on peut considérer les écarts de pratique entre hommes et femmes en fonction des milieux : ceux-ci disparaissent presque dans les milieux favorisés, et notamment sous l'effet du diplôme, mais ils restent importants dans les milieux populaires. Les écarts entre garçons et filles sont plus forts lorsque l'on considère les revenus inférieurs à 1 066 € par mois (66 % des filles ne pratiquent pas contre seulement 17 % des garçons). C'est donc que les revenus des parents jouent beaucoup sur la pratique des filles et moins sur celle des garçons. L'impact du diplôme des parents semble agir plus sur ces derniers : 31 % des garçons et 57 % des filles ne pratiquent pas de sport dans les familles dont les parents sont sans diplôme. Ce sont les garçons des familles ayant des revenus moyens et de faible niveau de diplôme qui sont les moins sportifs (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers).
Or, « le sport est un vecteur central de socialisation virile. Sur le terrain, l'adolescent gagne ses galons de mâle » (Guionnet et Neveu, 2004renvoi vers). Les modèles de comportements virils dans les classes populaires sont susceptibles de jouer ici un rôle important. Ils semblent être plus présents lorsque le niveau de diplôme des parents se cumule avec de bas revenus. Les pratiques et les modalités d'exercice ont certes évolué. Le sexe n'est plus le caractère le plus discriminant dans les pratiques sportives. Mais il reste néanmoins un facteur important chez les adolescents.
Au niveau des adultes, à partir de 25 ans et quel que soit le niveau de diplôme et de revenus, les hommes pratiquent plus que les femmes. Cependant, ici, en plus de l'effet du diplôme qui réduit l'écart, joue aussi l'activité féminine. Les femmes actives (travaillant ou au chômage) pratiquent plus que les femmes inactives. Le fait de travailler, d'avoir travaillé ou d'être à la recherche d'un emploi augmente la pratique féminine. L'accès aux diplômes et l'accès au travail remettraient en cause les représentations négatives de l'activité sportive féminine en milieu populaire.

Styles de vie et conception de la santé et des activités physiques et sportives

On retrouve un même schéma explicatif des relations entre style de vie et pratique des activités physiques et sportives dans un travail (Perrin et coll., 2002renvoi vers) (n=3 019) où les auteurs constituent quatre profils qui rendent compte de 61 % des informations recueillies :
• un style de vie sans activité physique et avec un sentiment de ne pas être en bonne santé (style 1). Les personnes considèrent leur niveau de santé comme en dessous de la moyenne et mentionnent des difficultés psychologiques. Elles consultent un médecin une fois par mois et prennent des médicaments tous les jours. Elles se plaignent de problèmes de sommeil, de circulation, de motricité. Elles définissent la santé comme la capacité à sortir et voir des amis et comme la capacité à travailler. Aucune d'entre elles n'a d'activité physique et ils n'ont jamais considéré celle-ci comme un plaisir. Il s'agit essentiellement de femmes sans emploi ou ne travaillant pas à l'extérieur ;
• un style de vie physiquement actif, orienté vers les loisirs (style 2). Les personnes se considèrent en excellente santé, physique et psychologique, et définissent la bonne santé comme la capacité à pratiquer du sport et de l'activité physique. Elles disent pratiquer des activités physiques et sportives une fois ou deux par semaine depuis plus de cinq ans. Le sport est décrit comme leur loisir favori. L'activité physique est liée à un sentiment de plaisir et est utilisée pour rester en forme, en bonne santé et être énergique. On trouve ici essentiellement des personnels de la fonction publique, enseignants ou cadres administratifs, professionnels de la santé, étudiants ;
• un style de vie physiquement actif par obligation sans prise en compte de la santé (style 3). Les personnes que l'on trouve ici fument et boivent de manière conséquente. Elles définissent la santé comme la capacité à sortir et voir des amis et comme la capacité à travailler. Elles ne consultent jamais un docteur, ne prennent pas de médicaments et n'ont pas de sentiment de stress. Elles ne pratiquent pas d'activité physique, ce qu'elles justifient par le fait que leurs occupations professionnelles leur en donnent bien assez. Pendant leurs loisirs, elles aiment à faire des choses à la maison ou au jardin. Elles ne savent pas s'il est possible d'apprendre à se relaxer. Il s'agit essentiellement d'hommes et d'ouvriers d'usine ;
• un style de vie physiquement actif, dirigé vers le soulagement du stress (style 4). Il s'agit de personnes qui consultent pour faire face à un haut niveau de stress. Elles disent ne pas fumer, boire modérément et consulter un médecin tous les trois mois. Leurs activités physiques incluent de la gymnastique d'entretien, de la relaxation ou du golf, aux fins de diminuer leur niveau de stress ou d'améliorer leur silhouette. Mais les activités physiques décrites ne sont pas leurs passe-temps favoris. Il s'agit essentiellement de femmes et de cadres qui travaillent dans le public ou le privé.
De grandes oppositions se dégagent sur deux axes différents. Un premier axe se définit entre les pôles des sensations morbides et des sensations de plaisir. C'est dans cette opposition que se constitue le style 1 qui se trouve alors du côté des sensations morbides face au style 2, du côté des sensations de plaisir. Un second axe se dégage entre deux pôles d'instrumentation corporelle, l'un lié au rôle des activités physiques et sportives dans l'apaisement du stress et le contrôle de soi (style 4), l'autre à la simple recherche d'un corps efficace dans les activités professionnelles (style 3).
Certains traits culturels liant plusieurs catégories sociales se montrent bien, comme la culture du temps pour les professions intermédiaires et les cadres. Ici cependant, les motivations des activités physiques et sportives semblent être globalement différentes, entre les cadres qui ont des activités physiques et sportives aux fins d'apparence ou de diminution du stress et les professions intermédiaires qui utilisent leurs activités pour la détente, la santé et la forme.
Ce travail permet aussi d'appréhender une catégorie jusqu'ici presque invisible, celles des travailleurs manuels. Les ouvriers, sur-représentés dans le style de vie physiquement actif par obligation, font peu d'activités physiques et sportives et cela est peut-être à lier avec leurs dépenses énergétiques dans le travail. Pourtant, les hommes des classes populaires font aussi du sport et tous ne sont donc pas représentés par ce profil. Il nous faudrait davantage de données pour pouvoir apprécier et comparer les effets du travail manuel (et des différents types de travail manuel) sur les activités physiques et sportives. Ainsi, une étude américaine portant sur 6 360 adultes semble indiquer que plus l'on a un travail actif dur (heavy labour), par opposition à des professions demandant de marcher ou encore d'être debout ou assis, plus l'on a un style de vie actif en termes de loisirs (Kruger et coll., 2006renvoi vers). À l'inverse, une étude écossaise montre qu'alors que les activités physiques sont d'autant plus probables que les individus font partie de classes sociales supérieures, les différences tendent à se niveler lorsque toutes les activités physiques sont comptabilisées, y compris et surtout celles résultant du travail (McIntyre et Mutrie, 2004renvoi vers). De même, une étude australienne établit que les populations se situant à un faible statut socioéconomique ne font pas assez d'activité physique, mais que l'écart se réduit lorsque la marche utilisée comme moyen de transport est comptabilisée (Armstrong et coll., 2000renvoi vers).
Les résultats du Baromètre santé 2005 montrent un intéressant décalage entre les activités sportives de loisirs (n=17 411 individus de 12 à 75 ans) et la pratique d'une activité physique considérée comme favorable à la santé7 , appréciée à partir du questionnaire IPAQ (n=8 708 individus de 15 à 75 ans), considérant tous les domaines d'activités, y compris le travail, les activités domestiques et les transports (Guilbert et Gautier, 2006renvoi vers). Alors que la probabilité d'avoir une activité physique favorable à la santé est plus forte chez les agriculteurs et exploitants et les ouvriers, au contraire, les probabilités pour ces deux catégories d'avoir une activité sportive baissent. De même, alors que les probabilités de pratique sportive de loisirs augmentent chez les employés, les professions intermédiaires et les cadres et professions intellectuelles, les chances d'avoir une activité physique favorable à la santé baissent. La corrélation entre le niveau de diplôme, le niveau de revenus et la pratique sportive est importante, conformément aux résultats déjà donnés, mais, au contraire, le fait de disposer de revenus supérieurs à 1 500 euros par mois et d'un diplôme supérieur au baccalauréat fait baisser les probabilités d'avoir une pratique physique favorable à la santé. De la même manière, les milieux géographiques s'opposent. Si, en milieu rural, les chances de pratiquer une activité sportive sont moins importantes qu'en milieu urbain (+ de 100 000 habitants), celles d'avoir un niveau d'activité physique favorable à la santé sont plus importantes qu'en milieu urbain (+ de 200 000 habitants). Enfin, chez les actifs occupés, les personnes travaillant à temps partiel ont plus de chances d'avoir une activité physique favorable à la santé que celles travaillant à temps plein. Mais la variable temps plein/temps partiel n'est plus efficace pour déterminer les chances d'avoir une activité sportive. Seul le fait d'avoir plus de vingt-cinq jours de congés par an favorise la pratique sportive alors que disposer de moins de vingt-cinq jours rend plus probable un niveau d'activité physique favorable à la santé. De même, alors que, pour les adultes, la présence d'un enfant de moins de quatorze ans au foyer ne joue pas sur le fait de disposer ou non d'une activité physique favorable à la santé, elle diminue les chances de pratiquer une activité sportive.
On comprend bien que le questionnaire IPAQ permet de saisir des dimensions habituellement masquées, lorsque c'est uniquement l'activité sportive qui est questionnée. Ces résultats demandent cependant à être confirmés par d'autres recherches. Les questions relatives au niveau de diplôme et à la catégorie socioprofessionnelle ne sont pas toujours confirmées par d'autres études (Ainsworth et coll., 2003renvoi vers ; Parks et coll., 2003renvoi vers ; Wilbur et coll., 2003renvoi vers ; Sjöström et coll., 2006renvoi vers).
Cependant, les résultats du Baromètre santé 2005renvoi vers sont en cohérence avec les travaux cités plus haut (Perrin et coll., 2002renvoi vers ; McIntyre et Mutrie, 2004renvoi vers) et montrent que l'appréhension de tous les domaines d'activité, mieux saisis par le questionnaire IPAQ, nuance et rend plus compréhensibles les comportements en fonction des variables examinées.
Ces résultats pourraient amener à penser que ce qui favorise la pratique des sports de loisirs rend moins probable un niveau d'activité physique favorable à la santé. Mais ce sont les contextes sociaux d'où émergent les styles de vie qui semblent les plus à même d'expliquer les décalages entre pratiques sportives et niveau d'activité physique. En fait, les différentes études examinées ici montrent clairement qu'il ne suffit pas de considérer les types de métiers, certes importants en ce qui concerne l'effort physique accompli dans le cadre du travail, mais aussi les engagements professionnels et la culture, professionnelle ou sociale, agissant sur les styles de vie. En ce sens, l'indicateur IPAQ, bien que présentant un réel progrès, reste trop global pour saisir la totalité des situations.
En conclusion, l'insertion sociale apparaît comme un facteur important de la pratique d'activité physique ou sportive. Des travaux américains montrent que les populations composées de minorités ethniques ou de personnes à statut socioéconomique bas ont un niveau élevé de sédentarité (Albright et coll., 2005renvoi vers). Les travaux français désignent une même tendance. Les personnes qui disposent d'un niveau de diplôme bas de même que de bas revenus pratiquent moins d'activités sportives que les autres. Même si les résultats du Baromètre santé 2005 pondèrent ce point de vue, en mettant en avant les efforts physiques au travail, cela montre à l'évidence que pour ceux ne disposant pas d'un emploi, le problème reste entier.
Là encore, femmes au foyer, célibataires avec enfants et actifs à la recherche d'un emploi sont plus nombreux à déclarer ne pratiquer aucune activité physique ou sportive. Parmi les personnes sans diplôme, 30 % ne pratiquent aucun sport, alors que seulement 7 % des diplômés de l'enseignement supérieur sont dans ce cas (MJSVA/Insep, 2001renvoi vers). Et l'on sait le poids du niveau de diplôme sur l'emploi (Attal-Toubert et Lavergne, 2006renvoi vers). Enfin, puisque nous avons largement abordé plus haut la question de l'organisation temporelle des individus, on ne peut que souligner le rôle que joue l'inactivité professionnelle sur celle-ci (Schnapper, 1981renvoi vers).
Les résultats de l'enquête PSC (« Pratiques culturelles et sportives ») montrent bien cela : « en 2003, 29 % des personnes de 15 ans ou plus n'ont pratiqué aucune activité physique ou sportive, 23 % ne se sont adonnés à aucune activité culturelle (visites de musée, d'exposition, sorties au spectacle ou au cinéma, pratique artistique), et 14 % se trouvent même dans les deux situations à la fois. Si ce sont le plus souvent des personnes âgées, dont l'état de santé limite sans doute l'activité physique et les sorties, un tiers ont cependant moins de 60 ans. Parmi ces personnes, les femmes, les chômeurs et les inactifs sont plus nombreux que dans le reste de la population du même âge » (Muller, 2005brenvoi vers). On le voit, la fréquence de loisirs culturels est liée à la fréquence d'activités physiques et sportives. Et le niveau d'insertion sociale joue sur les deux.
On peut proposer plusieurs facteurs pour expliquer le lien entre pratique d'activité physique et sportive et insertion sociale.
Le premier tient à la prolongation des études. Les travaux récents de Bernard Lahire ont montré que les étudiants et élèves se caractérisent par une forte variété des goûts culturels (Lahire, 2004renvoi vers). L'expérimentation de loisirs variés pourrait prédisposer à une attitude ouverte et plus le temps de la scolarité est long, plus on aurait tendance à pratiquer des loisirs culturels et des activités physiques et sportives. La culture estudiantine construirait des dispositions qui pourraient être actualisées ensuite dans la vie professionnelle. L'importance du diplôme dans les pratiques sportives verrait le jour ici.
Cette tendance peut être limitée par la persistance de représentations sexuées sur les comportements masculins et féminins dans les classes populaires. Celle-ci contribuerait à diminuer la pratique d'activités physiques et sportives chez les filles des familles à faible niveau de diplôme et faible niveau de revenus alors qu'elle inciterait au contraire les garçons à pratiquer davantage. Comme la réussite scolaire est encore très liée au capital scolaire des parents, on trouverait alors des effets de reproduction sociale qui se répercuteraient dans les activités physiques et sportives.
Ce schéma se renforce d'autres représentations qui, dans les strates les plus élevées de la société, diffusent des modèles de sportivité. La diffusion de l'idéologie entrepreneuriale dans les couches moyennes et supérieures de la population française, de l'individu performant au cadre dynamique (Ehrenberg, 1991renvoi vers), peut expliquer la croissance des pratiques sportives, à la fois sur le plan des loisirs actifs (recherche de détente) et sur celui de la qualification sociale (être « sportif »). Cette idéologie pourrait être moins présente dans les couches défavorisées de la population, soit parce que le défaut d'insertion sociale limite la transmission des influences, soit parce que ces modèles se transmettent surtout à travers certaines professions.
Dans tous les cas, une situation de socialisation réduite, liée en général à l'inactivité professionnelle, entraîne une moindre pratique des activités physiques et sportives.

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