Sur le fond, plusieurs chantiers nécessitent d’être investis. Nous devons d’abord renforcer tous les niveaux d’organisation des soins, du niveau local au niveau européen. Nous avons en effet la chance, en France, de bénéficier d’un système de très haut niveau de prise en charge dédié aux maladies rares. Nous pouvons nous appuyer sur plus de 363 centres de référence maladies rares, 1845 centres de compétence et aujourd’hui 23 filières de santé. Grâce à cette impulsion française, 24 réseaux européens se sont constitués au niveau de l’Europe. Nous entrons dans une phase oú il apparaît nécessaire de les coordonner et d’en faire des acteurs clefs de la construction des politiques maladies rares.
Nous devons aussi, dans cette période budgétaire contrainte, répondre ensemble au défi des moyens et des financements, condition sine qua non pour passer d’une organisation séduisante sur le papier à des organisations performantes et utiles pour les malades. Il nous faudra aussi trouver collectivement la clé pour que les malades et leurs asso-ciations s’associent à ces organisations afin de les légitimer davan-tage, de les faire progresser et demain de les défendre.
Dans le cadre des soins, nous devons aussi améliorer nettement les situations d’urgence. Nos maladies nécessitent souvent des prises en charge spécifiques en situation d’urgence. Les gestes pertinents ou traitements habituels pour l’immense majorité des malades peuvent s’avérer mortels pour certaines de nos maladies. Trop d’accidents évitables rendent impuissants les urgentistes comme les personnes malades. Si ces situations ont été bien diagnostiquées par le passé, il nous faut encore aller plus loin, promouvoir et renforcer des dispositifs qui ont fait leurs preuves, comme les cartes d’urgence et l’expérimen-tation des patients remarquables.
Toujours pour améliorer les soins : la e-santé et la télémédecine doivent aussi bénéficier aux maladies rares. Il faut mettre fin à cette double peine qui consiste à être atteint d’une maladie rare souvent grave et chronique et d’être obligé de traverser la France pour se faire soigner ou, pire parfois, d’être obligé de déménager pour se rapprocher de l’hôpital qui vous soigne. La télémédecine bénéficie peu aujourd’hui aux maladies rares. Il est donc urgent de la prioriser et de transposer les expériences réussies pour améliorer la qualité des soins et aider les malades à gérer leurs soins.
Il faut aller plus loin pour lutter contre les errances et les impasses diagnostiques. Il faut d’abord faire évoluer le dispositif de dépistage néonatal. Toute maladie qui doit être traitée en urgence après la nais- sance, pour éviter de graves évolutions, doit pouvoir être dépistée. La aussi, on ne peut que constater le retard pris par rapport à nos voisins européens, ce qui représente une sérieuse perte de chance pour les malades en France. Un comité national de pilotage du Dépistage Néo-natal porté par le ministère de la Santé est aujourd’hui l’instance de concertation nationale chargée notamment de proposer les nouveaux dépistages à mettre en œuvre. Nous devons être attentifs à ce que cette organisation et les méthodologies mises en œuvre permettent d’accroître le nombre des maladies dépistées.
La médecine génomique a réalisé des progrès spectaculaires au cours de ces dernières années. Plus de 3 200 gènes liés à des maladies rares sont maintenant identifiés, ce qui représente une chance extraordi-naire pour les malades et les familles. Pourtant, 50 % des maladies explorées avec les techniques de séquençage restent sans diagnostic précis, ce qui impose donc des efforts supplémentaires de recherche. Il est donc essentiel de faire converger les efforts, afin de faire profiter tous les malades des avancées de la médecine génomique et d’organi-ser la recherche autour des malades sans diagnostic.
Depuis le début de la lutte contre les maladies rares, le déficit de connaissance sur beaucoup de maladies est à l’origine d’une mauvaise prise en charge et d’une absence de recherche vers les solutions théra-peutiques. Les nombreuses sources de données existantes ne sont pas coordonnées ou coordonnables, aboutissant à une fragmentation du savoir. Si la France bénéficie déjà d’une banque de données maladies rares, de cohortes nationales et d’une centaine de bases de données spécifiques maladies rares, avec souvent le soutien des associations de malades, il nous semble fondamental qu’un fonds de financement des registres, cohortes maladies rares et observatoires maladies rares, publics et privés, puisse enfin émerger.
Enfin, seul 1 % des maladies rares bénéficient d’un traitement curatif aujourd’hui. Peu de mesures structurantes ont été posées dans les plans nationaux précédents sur ces questions et il nous faut impérativement changer la donne. De nombreuses mesures peuvent être promues, comme le reposition-nement d’anciennes molécules, des aménagements réglementaires sur les prescriptions hors AMM. Surtout, il faut s’assurer que toute innovation soit accessible à un prix juste et maîtrisé. De même, il est nécessaire de toujours mieux impliquer le malade expert dans toutes les étapes du développement des thérapies, voire jusqu’à la négociation économique. Grâce aux associa-tions de malades, le rôle des patients experts est bien reconnu de tous. Il convient aujourd’hui de le générali- ser et de lui donner sa pleine mesure.