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Med Sci(Paris). 34: 33–35. doi: 10.1051/medsci/201834s118.État des lieux des expérimentations innovantes en télémédecine en France Corresponding author. | ||||
Mon expérience est celle d’un praticien interniste, urgentiste, qui travaille dans la télémédecine (TLM) depuis 2004. J’ai acquis un regard à travers ce qui se passe dans différentes régions, chaque région étant organisée en silo. Les silos entre spécialités et la médecine de ville se sont reproduits dans les systèmes d’information et de communication. Comment faire pour dépasser cela ? La première étape est de disposer de l’outil de visioconférence. Développer des réunions de concertation pluridisciplinaires entre centres de référence, centres de compétences et médecins traitants est un objectif prioritaire. Ces réunions favoriseront les transferts de savoir et permettront de conforter une relation de confiance. L’usage de la visioconférence est également un élément clé pour renforcer la formation mais aussi les liens entre les centres de recherche notamment avec leurs partenaires centres de compétence, sans oublier le médecin traitant qui ne doit pas être exclu.
Quelle est la configuration technologique nécessaire ? Les progrès dans ce domaine ont été considérables. Il existe différents types de stations de visioconférences. La station classique utilise un codec, c’est-à-dire « un ordinateur spécialisé » qui transporte le son, l’image, partage des comptes rendus voir des clichés radiologiques. Communiquer entre centres de référence, centres de compétences et filières implique de concevoir puis financer un plan de déploiement centré sur la bonne configuration technologique à mettre en place et l’accompagnement métier. Aujourd’hui des technologies de visioconférence utilisant, des tablettes, smartphones, des ordinateurs standards sont disponibles avec intégration de la visioconférence et le partage de documents. Pour le déploiement il faut construire un projet en confiance avec les départements informatiques des hôpitaux, il est possible d’équiper les ordinateurs de webcams et de systèmes audio en veillant naturellement à la sécurisation et confidentialité des données. Ces besoins techniques nécessitent un financement et un accompagnement métier pour favoriser leurs usages. N’oublions pas les contraintes en termes de réseau dont l’impact économique, l’accessibilité sont variables selon la structure et le territoire. | ||||
Les textes réglementaires (Encadré 1) reconnaissent la télémédecine comme de la médecine à distance, la responsabilité des professionnels obéit aux mêmes règles que pour la médecine. Le décret de TLM a identifié cinq actes de télémédecine. La DGOS a préconisé cinq priorités nationales, qui se déclinent ensuite dans les programmes régionaux de télémédecine, avec la construction de plateformes régionales qui fonctionnent en silo. Parmi les textes les recommandations HAS du guide de pilotage et de sécurité de télémédecine de 2013 ont défini une stratégie qui devrait être réactualisée ainsi que le décret de TLM de 2010. La HAS a publié son guide formalisant la procédure : « le projet médical doit être défini avant le choix d’un outil technologique », la stratégie de déploiement doit organiser la conception, l’installation, la mise en route, le fonctionnement régulier et le retour d’expérience. ARS et GCS, bientôt GIP pilotent la gouvernance régionale de chaque solution régionale. L’un des points clefs du déploiement de la télémédecine est le financement et la tarification des actes. Pendant des années, nous avons été confrontés à ce serpent de mer. En 2011, une loi de financement prévoyait la tarification, mais l’assurance maladie n’a pas provisionné de budget pour financer ces actes. Des décrets ont été publiés ensuite sur les plaies, ils constituaient, toutefois, de véritables usines à gaz administratives non applicables par les professionnels du terrain. En 2017, il était prévu de procéder à une expérimentation concernant les tarifications (Projet ETAPE). La loi de financement de la sécurité sociale 2018 vise, enfin, à promouvoir la tarification des actes de TLM dans le droit commun mais des décrets devront être publiés. Un espace nouveau devrait donc s’ouvrir. Pour mettre en place cette tarification expérimentale, il faudra, bien sûr, négocier les modalités conventionnelles avec l’assurance maladie. | ||||
L’Encadré 2 définit les actes du décret de 2010 conditionnant la tarification opérationnelle. L’étude des besoins dans une filière de maladie rare sur un territoire inter-régional devrait identifier les usages potentiels des actes de TLM définis par la loi d’octobre 2010. La téléexpertise doit pouvoir être effectuée dans un cadre juridique et technologique sécurisé, elle facilite le tri et permet une première évaluation. La téléconsultation doit éviter de déplacer des patients fragiles et assurer un suivi pertinent. La télésurveillance peut porter sur des pathologies pour faciliter le transfert de savoir. La téléassistance vise par exemple à assister un patient pour faire un pansement, un geste technique. Dans le cadre des maladies rares, de nombreux actes de télémédecine peuvent être réalisés, qui apporteraient un bénéfice aux patients, aux partenaires et à l’organisation des soins. Les procédures organisationnelles à négocier entre les partenaires sont des points clés du succès d’un déploiement.
Le bilan des priorités 2012 de la DGOS montre :
Dans tous les projets de TLM qui ont été reconnus avec une activité significative la coopération entre les professionnels de santé reconnue par l’article 51 de la loi HPST est un élément clef du déploiement qui conditionne l’appropriation de la TLM par les professionnels. L’Encadré 3 suggère, pour les maladies rares, parmi les propositions de choisir une filière maladie rare, de définir dans cette filière pilote le projet médical des TIC et de la TLM, de développer l’usage de la visioconférence entre les centres de références et les centres de compétences, de systématiser les réunions de concertation pluridisciplinaires, d’organiser des formations à distance et de définir un projet médical centré sur les besoins dans la filière. Un véritable plan de déploiement national des TIC (technologies d’information et de communication) et de la TLM est indispensable, sans oublier les objets connectés et les dispositifs médicaux dont la sélection, la validation devront être qualifiées par les professionnels. La modélisation sur un périmètre limité doit fournir des arguments concrets pour réussir un déploiement plus large et cohérent selon des critères d’efficience organisationnelle et médico-économique.
Pour réussir il faut « démarrer petit » sur une filière pilote avec des professionnels impliqués et motivés, modéliser les usages selon l’activité médicale, les besoins des patients. L’accompagnement métier est un point clé qui nécessite que la gouvernance du projet prenne en compte tous les facteurs clés du déploiement, non seulement la tarification, mais tous les freins connus, identifiés sur le terrain. Le succès passe aussi par la nécessité de construire un projet cohérent comme l’a souligné le rapport de la cour des comptes de novembre 2017. Le financement d’un « plan maladies rares et déploiement technologique de la e-santé » devrait s’imposer pour faciliter l’accès aux soins et le soutien de professionnels souvent isolés à distance des centres de référence. | ||||
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article. |