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Med Sci(Paris). 34: 48–49.
doi: 10.1051/medsci/201834s125.

Les besoins en recherche et développement pour les maladies rares : le point de vue des malades

Laurence Tiennot-Herment

Présidente de l’AFM-Téléthon, AFM-Téléthon, 1, rue de l’Internationale, 91000Évry, France
Corresponding author.
 

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Il est important de souligner que nous avons besoin de recherche et de développement pour aboutir à des médicaments. Nous avons de fait mentionné et insisté sur le développement et son coût quand il a été question du prix du médicament, car ce prix doit prendre en compte ces coûts.

Le discours de la ministre de la Recherche hier ne m’a pas particulièrement rassurée. Elle n’a pas mentionné la possibilité d’un troisième plan Maladies rares. Elle n’a pas non plus parlé de priorité de recherche pour les maladies rares. Elle a beaucoup insisté sur la nécessité pour nos chercheurs de déposer des projets dans le cadre des appels à projets européens, et sur le fait que la France devait jouer un rôle de coordinateur dans le Joint Program européen Maladies rares. Rien d’autre sur l’importance des moyens en matière de recherche dans ce domaine. Je me permets de le souligner, dans la mesure oú l’AFM-Téléthon est une association de malades, opératrice dans le domaine de la recherche et du développement du médicament, qui finance tous les ans de nombreux programmes scientifiques et thérapeutiques. Depuis 30 ans, nous avons apporté plus d’1,2 milliard d’euros à la recherche et au développement de médicaments innovants pour les maladies rares. Ces investissements, issus de la générosité publique, sont la preuve qu’un effort public et des moyens publics sont nécessaires pour permettre une recherche de qualité et des développements. Nous avons besoin en amont d’innovations de rupture, puis de développements, et enfin de créer les conditions de la valorisation de ces développements et de ces innovations dans notre pays. La culture de la valorisation n’est pas particulièrement développée en France, et des innovations créées dans les laboratoires académiques ou financés par la générosité publique sont parfois valorisées à l’étranger, avant de nous revenir à des prix qui ne seront peut-être pas toujours acceptables par notre système de santé. Nous devons créer sur notre territoire toutes les conditions pour que s’organisent et se déploient la recherche, le développement, et la valorisation.

En ce qui concerne plus spécifiquement le médicament pour les maladies rares, les innovations qui arrivent sur le marché connaissent en effet une progression importante. Pour autant, 95 % des maladies rares restent encore sans traitement curatif. Cela reste donc une priorité.

Par ailleurs, des innovations se développent aujourd’hui qui concernent des maladies rares, mais souvent il s’agit des moins rares d’entre elles, or la très grande majorité des maladies rares sont ultra-rares. Qu’en est-il de l’accès à la recherche clinique et du modèle économique pour ces maladies ultra-rares ? Nous ne devons laisser personne au bord du chemin. À ce jour, il n’existe pas vraiment de modèle économique pour ces maladies ultra-rares pour lesquelles il n’existe pas d’alternative thérapeutique.

En termes de réglementation, il convient de tout mettre en oeuvre pour que les malades aient rapidement accès aux innovations thérapeutiques. La première chose que font les personnes qui apprennent qu’elles – ou leur proche – souffrent d’une maladie rare est de rechercher des informations, pour savoir s’il existe quelque part dans le monde un traitement ou une innovation. Il n’y a rien de plus frustrant pour eux que de découvrir qu’une innovation est mise à disposition ailleurs, mais pas en France. Le système des ATU est tout à fait intéressant, et ne doit pas être dévoyé. Il permet aux patients d’avoir un accès anticipé aux médicaments, et doit être préservé.

Je ne peux qu’être d’accord pour souhaiter une révision des mécanismes de fixation des prix des médicaments. La valeur ne peut pas être le seul critère. Dans le système actuel, à ASMR équivalente, un produit de repositionnement et une innovation thérapeutique de rupture devraient obtenir le même prix, ce qui n’est pas concevable. De même, une innovation de rupture qui permet un traitement en une fois, comme la thérapie génique, ne saurait être au même prix qu’un traitement récurrent. Il est donc nécessaire d’innover également dans ce domaine, en retenant d’autres critères.

La transparence doit également être développée entre toutes les parties prenantes.

Nous constatons également une augmentation de la difficulté à faire accepter des innovations dont l’efficacité est difficile à démontrer, mais qui sont importantes quand il n’existe pas d’alternative thérapeutique. Il faut prendre ce sujet en considération.

La question de la « jurisprudence » est aussi importante pour certaines classes thérapeutiques très innovantes actuellement en développement, comme la thérapie génique. Si une nouvelle classe se développe et obtient un prix significatif, tous les médicaments de la même classe suivent et demandent le même niveau. Plus ces innovations s’industrialiseront, et plus leurs coûts pourront être revus à la baisse, mais, en tout état de cause, il convient d’être vigilant à ce sujet.

En tant qu’association de malades, nous ne souhaitons évidemment pas un plafonnement de la solidarité nationale.

Enfin, nous espérons beaucoup de la stratégie nationale de santé, notamment le fait que l’accès aux innovations en santé doivent être disponibles pour l’ensemble de la population. Nous devons collectivement être imaginatifs pour éviter les éventuels blocages.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.