L’évaluation des produits de santé pour décider de leur remboursement est un exercice compliqué. Le payeur trouve le prix trop élevé, le fabricant le trouve trop faible, et le patient considère que la décision est trop tardive. Ce n’est pas agréable tous les jours, mais nous savons que c’est ainsi. Il est parfois reproché au CEPS des négociations opaques, un reproche très contestable. En effet, le système est complexe. Cette complexité est une première source de difficulté de compréhension, y compris pour les connaisseurs du secteur. Pour répondre la demande de plus grande visibilité, le CEPS peut rappeler qu’il travaille sur des critères fixés par la loi. Ils peuvent être discutés, mais ils sont posés par la loi. Pour fixer le prix d’un médicament, le premier critère est l’ASMR, c’est-à-dire la valeur thérapeutique du produit. Elle est relative, et se compare à ce qui existe déjà. Pour les maladies rares, la HAS peut tenir compte du fait que le produit constitue une première stratégie thérapeutique.
La deuxième valeur est la population touchée par la pathologie en question. J’ai travaillé dernièrement sur un produit qui concerne 10 personnes en France, que le laboratoire connaît individuellement. Ce qui n’a d’ailleurs rien d’anormal.
La HAS nous indique dans son avis la valeur thérapeutique du produit, et la population concernée. Cette dernière peut ainsi varier de quelques individus à des millions de personnes. Le dernier élément que nous apporte la HAS, ce sont les comparateurs, c’est-à-dire les traitements préexistants qui ont servi d’étalon.
Nous convertissons ces données en chiffres. Si le traitement est pris une fois, la situation n’est ainsi par la même que s’il doit être suivi sur toute la vie. Dans cette dernière hypothèse, nous expliquons à l’industriel que la valeur n’est pas répartie sur quelques semaines, mais sur des décennies. C’est un point très ardu en oncologie. Pendant des années, les pouvoirs publics ont accepté de payer des produits qui amélioraient la survie sur des durées très courtes. Aujourd’hui, certains produits permettent d’envisager la chronicisation de cancers : la répartition de la valeur ne pourra pas être la même.
En outre, la plupart des débats sur les prix excessifs du médicament en France reposent sur les tarifs appliqués aux États-Unis, d’oú une tendance certaine à l’inflation. Je peux comprendre néanmoins que cette question soit particulièrement sensible.
À ce stade, le médicament, au sens large, constitue une dépense maîtrisée. Cette situation n’est peut-être pas pérenne et mérite d’être étudiée, pour autant, à ce jour, la dépense est contrôlée. Nous avons ce débat depuis trois ans, avec l’arrivée des nouveaux traitements pour l’hépatite C, et leur arrivée n’a pas modifié cet équilibre. Il existe un décalage important entre cette réalité comptable et la sensibilité du sujet dans l’opinion. Le débat sur le prix du médicament est néanmoins nécessaire et légitime.
Il est question de réformer l’évaluation, et il convient de savoir pourquoi. L’évaluation actuelle est considérée comme trop laxiste, et certains critiquent des médicaments qui seraient acceptés sur le marché sans valeur thérapeutique ajoutée réelle.