Trouble développemental de la coordination ou dyspraxie

2019


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Synthèse

I. Terminologies et caractéristiques générales
de la littérature

TDC, dyspraxie : vers une équivalence des deux termes recouvrant une grande hétérogénéité

Une évolution historique qui tend vers une appellation TDC associée aux critères du DSM

Différents termes ont été et sont toujours utilisés pour désigner les troubles de la motricité intentionnelle (maladresse, apraxie développementale, dyspraxie, dyspraxie de développement, trouble spécifique du développement moteur, trouble de l’acquisition de la coordination, trouble développemental de la coordination, etc.). La question de savoir s’ils désignent les mêmes réalités cliniques est toujours l’objet de débats. Les variations terminologiques proviennent tout à la fois des usages présents dans les différentes professions et disciplines qui s’y intéressent, de leur appropriation par la société et de particularités régionales comme l’utilisation, notamment en Suède, du terme de Déficit en attention, contrôle moteur et perception (DAMP), mais également de l’évolution des connaissances et des idées.
Dès 1994, les 43 experts internationaux de la conférence de consensus de Londres choisissent, et recommandent, le terme Developmental Coordination Disorder (DCD) et les critères du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, quatrième édition (DSM-IV) dans un souci d’harmonisation et de lisibilité internationale et afin de faciliter la communication entre les différents acteurs (chercheurs et praticiens). Une telle proposition n’est pas établie sur des preuves scientifiques, ni cliniques, mais correspond à une volonté d’harmoniser les définitions et les critères diagnostiques, les pratiques et les écrits relatifs à ce sujet. À noter que ce terme anglais (DCD) a été traduit par trouble développemental de la coordination dans la dernière version française du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5, APA, 2015)1 , remplaçant ainsi le terme de trouble de l’acquisition de la coordination (TAC) traduction utilisée dans les versions françaises des éditions précédentes. Ce changement de terminologie permet de se rapprocher de l’anglais qui comprend la notion de développement et non plus celle d’acquisition qui peut porter à confusion. Dans la version du DSM publiée en 2013 (DSM-5)2 , le trouble développemental de la coordination se situe dans la sous-catégorie des troubles moteurs qui font partie de la catégorie plus générale des troubles neuro-développementaux. Les critères diagnostiques du DSM-5 (APA, 2015 pour la traduction française) sont les suivants :
• A. L’acquisition et l’exécution de bonnes compétences de coordination motrice sont nettement inférieures au niveau escompté pour l’âge chronologique du sujet compte tenu des opportunités d’apprendre et d’utiliser ces compétences. Les difficultés se traduisent par de la maladresse (p. ex. laisser échapper ou heurter des objets), ainsi que de la lenteur et de l’imprécision dans la réalisation de tâches motrices (p. ex. attraper un objet, utiliser des ciseaux ou des couverts, écrire à la main, faire du vélo ou participer à des sports).
• B. Les déficiences des compétences motrices du critère A interfèrent de façon significative et persistante avec les activités de la vie quotidienne correspondant à l’âge chronologique (p. ex. les soins et l’hygiène personnels) et ont un impact sur les performances universitaires/scolaires, ou les activités préprofessionnelles et professionnelles, les loisirs et les jeux.
• C. Le début des symptômes date de la période développementale précoce.
• D. Les déficiences des compétences motrices ne sont pas mieux expliquées par un handicap intellectuel (un trouble du développement intellectuel) ou une déficience visuelle et ne sont pas imputables à une affection neurologique motrice (p. ex. une infirmité motrice cérébrale, une dystrophie musculaire, une maladie dégénérative).
Précisons qu’une déficience est définie comme un « problème dans la fonction organique ou la structure anatomique tel qu’un écart ou une perte importante » (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé de l’OMS, 2001)3 . Une compétence correspond quant à elle à une capacité potentielle qui s’actualise, se concrétise (ou non) sous la forme de performance(s). La performance est donc le résultat de la mise en œuvre d’une compétence et peut être observée et mesurée. Une compétence dans un domaine donné peut se manifester sous forme de différentes performances, dans différents contextes.
Évolution historique des termes employés

Le terme « dyspraxie » est utilisé par les individus concernés mais son articulation avec celui de TDC est floue

Malgré le consensus scientifique international autour de l’utilisation du terme TDC (ou TAC jusqu’au DSM-5), l’appropriation de ce terme en France et par les personnes concernées (personnes diagnostiquées et leurs familles mais aussi professionnels impliqués dans les secteurs sanitaire, médico-social, scolaire, etc.) reste limitée. En France, le terme « dyspraxie », qui renvoie à l’expression plus précise de « dyspraxie de développement », semble plus utilisé au sein de la population, comme l’indiquent notamment les noms des principales associations de famille concernées – Dyspraxique Mais Fantastique et Dyspraxie France Dys – mais aussi au sein de l’institution scolaire comme en attestent plusieurs textes et rapports de référence4 . À noter que le préfixe -dys, permet un rapprochement avec d’autres troubles neuro-développementaux spécifiques dans ce qui est parfois appelé « la constellation des dys » (dyslexies, dyscalculies, dysorthographies, etc.).
L’expression « dyspraxie développementale » correspond littéralement à un trouble des praxies d’origine développementale. Les praxies sont définies par Piaget comme « des systèmes de mouvements coordonnés en fonction d’un résultat ou d’une intention » (1960)5 . Toutefois, la notion de praxie fait également l’objet de définitions nombreuses et disparates, recouvrant des processus hétérogènes. Elles renvoient en général à une approche cognitive de la motricité et s’insèrent pour partie dans un cadre neuropsychologique.
L’articulation entre TDC et dyspraxie de développement est, elle aussi, variable avec quatre cas de figure présents dans la littérature, allant de deux entités distinctes à deux termes équivalents en passant par les dyspraxies de développement comme sous-groupe du TDC ou encore la dyspraxie de développement et le TDC qui se différencient partiellement mais se regroupent sous l’appellation d’incapacité d’apprentissage moteur. Il est encore difficile de dire si ces différentes propositions constituent une évolution sur le plan historique, dénotent des points de vue théoriques différents ou recouvrent des populations distinctes.
Comme indiqué précédemment, la diversité théorique est porteuse de confusions pour l’ensemble des acteurs concernés et nuit à la reconnaissance de ces troubles. Estimant qu’une harmonisation était nécessaire les différentes conférences de consensus ont opté pour l’utilisation du terme TDC, terme qui s’est progressivement imposé dans la littérature. En outre, dans la Classification Internationale des Maladies 10e révision (CIM-10), les termes TDC et dyspraxie de développement sont considérés comme équivalents. Enfin, le terme de dyspraxie est celui qui est majoritairement utilisé par les acteurs concernés et leurs proches. À la lumière de ces éléments historiques, scientifiques et sociaux, et dans la mesure où il n’a pas été possible de différencier rigoureusement les 2 termes dans l’analyse des publications, ils sont considérés comme équivalents dans l’ensemble de l’expertise. Conformément aux recommandations internationales, l’appellation scientifique TDC sera privilégiée tout au long de l’ouvrage, celle de dyspraxie sera retenue plus rarement pour souligner son usage social.

Actuellement, le terme TDC recouvre une grande hétérogénéité
sans qu’une typologie consensuelle ait été identifiée

Dans les publications, une grande diversité de populations est regroupée sous le vocable TDC avec une absence d’harmonisation au niveau sémiologique. L’hétérogénéité de la population apparaît aussi bien au niveau moteur qu’au niveau cognitif sans oublier les aspects affectifs et les conséquences sur la participation et la qualité de vie.
L’identification de sous-types et clusters au sein du TDC pourrait permettre de faire un constat plus précis sur l’hétérogénéité recouverte par ce terme générique et sur ce qui ressort de cette diversité. Les enjeux sont cruciaux tant sous l’angle clinique pour faciliter le diagnostic et la prise en charge par une meilleure caractérisation de l’hétérogénéité des tableaux cliniques que sous l’angle fondamental pour comprendre les processus sous-jacents au TDC.
Néanmoins, il n’existe pas de consensus sur une typologie du TDC, hormis sur le fait que, dans la plupart des études, un groupe peut être isolé, celui qui rassemble les enfants qui cumulent de nombreuses difficultés motrices et cognitives et sont généralement les plus gravement atteints par rapport aux autres groupes. Un autre sous-type avec trouble de l’équilibre, isolé ou associé éventuellement à d’autres troubles, est également rapporté dans différentes études. Enfin, certains travaux rapportent un sous-type idéomoteur où les praxies fines et séquentielles sont essentiellement déficitaires et un sous-type avec déficit des praxies constructives visuo-spatiales et dysgraphie. Peu d’études ont mis en évidence un sous-type porteur d’un déficit de la coordination globale (équilibre statique et dynamique). Ces résultats n’ont pour l’instant pas été confirmés par d’autres études ou par des réplications.
Le manque d’uniformité des résultats et la difficulté à comparer les études entre elles proviennent d’une variabilité dans les méthodologies concernant les critères d’inclusion ou d’exclusion et dans les évaluations standardisées utilisées (outils utilisés et variables mesurées). À l’heure actuelle, en l’absence de consensus, il reste donc difficile de caractériser l’hétérogénéité du TDC à l’aide des sous-types.

La recherche sur le TDC est en développement
et présente encore de nombreuses limites

Le bref retour historique sur les terminologies utilisées dans la littérature scientifique indique que le TDC fait l’objet d’un champ de recherche récent dont le périmètre s’affine progressivement. S’il faut reconnaître des avancées avec une certaine harmonisation permise par l’usage du terme TDC associé, plus ou moins rigoureusement, aux critères du DSM, les publications sur ce thème restent de qualité très inégale et appellent donc à une grande vigilance dans l’interprétation des résultats. Par ailleurs, dans la dynamique de développement du champ, on voit aussi que certaines disciplines ou thématiques d’intérêt sont encore très peu explorées.

Des limites méthodologiques importantes

L’analyse de la littérature sur le TDC fait apparaître des biais méthodologiques récurrents.
Il apparaît tout d’abord que la taille limitée des échantillons pour de nombreuses études quantitatives (moins d’une vingtaine de sujets dans certains domaines, entre 20 et 40 pour d’autres) constitue un biais méthodologique qui limite la portée de certains résultats. Ensuite, dans de nombreuses publications, il est constaté que même lorsque le terme TDC est utilisé, l’ensemble des critères du DSM n’est pas toujours renseigné. En effet, les échantillons sont souvent recrutés uniquement sur la base de résultats à un test global de performance de la coordination (critère A du DSM) sans mentionner ou prendre en compte les répercussions dans la vie quotidienne et sur la scolarité (critère B), ni les critères d’exclusion tels que des handicaps intellectuels ou neurologiques moteurs (critère D). Lorsque ces critères ne sont pas mentionnés, il n’est pas possible de savoir si la population étudiée présente vraiment un TDC. Si, de plus, le recrutement s’est effectué en population générale, il n’y a pas forcément eu de plainte de la part des individus considérés comme présentant un TDC sur la base de résultats à un test moteur, contrairement au recrutement en contexte clinique (ou une plainte de l’individu, de sa famille ou d’un tiers est le plus souvent à l’origine de la consultation). Par ailleurs, lorsque les différents critères du DSM sont pris en compte, ils peuvent l’être de manières très variées (outils, seuils, types de recrutements, critères d’exclusion, etc.) ce qui ne facilite pas des comparaisons rigoureuses.
En outre, du fait des critères diagnostiques du DSM adoptés sur le plan international et de l’utilisation prépondérante de la batterie de test Movement Assessement Battery for Children (MABC) pour identifier une population TDC dans le cadre de recherche, le corpus de publications analysé ne recouvre pas l’entièreté de la population connue des cliniciens sous le terme de dyspraxie. Il laisse en particulier de côté un nombre non négligeable de jeunes présentant, outre des troubles de la motricité, des déficits ou anomalies des traitements visuo-spatiaux. Les questions concernant leur proportion relative, l’impact particulier des troubles neurovisuels et/ou des traitements spatiaux dans les anomalies gestuelles, leurs répercussions spécifiques dans la vie quotidienne et surtout dans les apprentissages scolaires, leur prise en charge et leur devenir restent donc sans réponse.
Par ailleurs, l’absence de mention ou de prise en compte des troubles associés dans de nombreuses études pose également de nombreux problèmes d’interprétation. Étant donné la fréquence de la comorbidité avec d’autres troubles neuro-développementaux, la non exclusion des personnes présentant un TDA/H, ou des troubles du langage est problématique pour l’interprétation de nombreux résultats, surtout si elle n’est pas précisée. Sans ces éléments, les troubles moteurs identifiés peuvent relever du TDC comme d’une autre pathologie. L’absence d’évaluation systématique des troubles neurovisuels et perceptifs visuels pose également un certain nombre de questions dans la mesure où ce type de troubles peut relever d’une forme de TDC, constituer un trouble associé ou encore relever d’un autre trouble ayant un impact sur les gestes (dans ce dernier cas, le diagnostic différentiel écartera la piste du TDC). En même temps, il faut souligner les difficultés rencontrées par les chercheurs pour recruter des enfants présentant un TDC sans troubles associés tout en ayant une taille d’échantillon satisfaisante.
La Movement Assessement Battery for Children (MABC ou MABC-2) est l’outil le plus employé dans les publications de recherche pour évaluer le critère A du DSM. Si cette utilisation constitue une avancée dans la mesure où elle permet une certaine homogénéisation et rend possible des comparaisons dans le cadre de la recherche clinique, elle présente aussi des limites. Lorsque le même outil est employé pour évaluer les aspects moteurs, les seuils considérés peuvent varier (par exemple 5e ou 15e percentile pour la MABC). Si cela peut se justifier au regard des objectifs de chaque recherche, cela limite les comparaisons entre études.
On peut enfin regretter que les prises en charge dont bénéficient les individus ne soient que très rarement décrites alors même qu’elles peuvent avoir une influence non négligeable sur les résultats des études.

Des résultats à interpréter avec vigilance

Le constat de ces limites méthodologiques retrouvées dans plusieurs articles s’ajoute à celui de l’hétérogénéité des cas recouverts par le terme générique de TDC pour appeler à une certaine prudence dans l’interprétation et l’extrapolation des résultats.
Par ailleurs, il est important de garder en tête que de nombreux résultats présentés dans les articles et dans cette expertise concernent des groupes, et donc des comparaisons de moyennes, qui ont parfois tendance à estomper la diversité des cas. Ces résultats n’indiquent ni que tous les enfants présentant un TDC sont concernés par les déficits ou les situations rapportés, ni que les résultats mentionnés s’appliquent automatiquement à un individu donné.
Enfin, les règles et critères de publications amènent les chercheurs à mettre plutôt en lumière les résultats « positifs » (c’est-à-dire pour lesquels un déficit ou un problème est trouvé de manière significative) contrairement à ceux qui apparaissent « négatifs » (c’est-à-dire pour lesquels un déficit ou un problème n’est pas trouvé, de manière significative). Le tableau qui en ressort peut donc apparaître parfois quelque peu déséquilibré.

Des champs encore peu explorés

L’analyse de l’ensemble de la littérature indique que les sciences sociales se sont encore peu emparées de ce sujet car il existe peu de publications concernant les personnes présentant un TDC et leur prise en charge ou accompagnement. Cette littérature réduite ne permet de saisir que très modestement la complexité des situations vécues, l’influence du milieu social ou encore les interactions entre acteurs impliqués, pour ne citer que quelques dimensions qui pourraient être explorées plus en profondeur. Tout au plus, une littérature à l’interface entre littérature professionnelle et scientifique nous permet de saisir des pratiques professionnelles.
Par ailleurs, dans certaines disciplines (épidémiologie, sociologie, sciences de l’éducation, etc.) ou concernant certains aspects relatifs au TDC (troubles médicaux associés, participation et qualité de vie, inclusion scolaire, activité physique, acteurs professionnels de la prise en charge, etc.), la rareté des publications françaises est regrettée dans la mesure où le contexte national – dans ses dimensions politique, culturelle et institutionnelle – joue un rôle important.
Enfin, il existe peu de recherches sur les adolescents et adultes présentant un TDC. Ce manque concerne les études expérimentales pour mieux comprendre le trouble aux différents âges de la vie et en saisir notamment l’évolution physiologique. Il concerne aussi les situations de handicap et le vécu de ces populations. Si quelques travaux existent sur ce sujet ils restent encore insuffisants. La clinique est aussi concernée puisqu’elle manque notamment d’outils d’évaluation pour ces tranches d’âges ainsi que de lieux d’accueil et que très peu de travaux existent sur des interventions destinées à ces populations. Plus largement, les parcours de soins, de santé, de scolarité ou encore les parcours professionnels sont méconnus alors même qu’ils sont associés à des enjeux importants : orientation au sein du système sanitaire et social ainsi qu’orientations scolaire et professionnelle.

II. Prévalence, facteurs de risque, troubles associés

Les estimations de prévalence à l’âge scolaire
sont peu précises mais les garçons sont surreprésentés

Les estimations récentes de la prévalence du TDC s’appuient sur la définition du DSM-IV, puis du DSM-5 depuis 2013, et utilisent principalement la MABC ou MABC-2 pour la mesure du trouble de la coordination. À l’âge scolaire, les prévalences varient de 1,8 % à 5,4 % quand on considère le 5e percentile de la MABC comme seuil pour interpréter que la performance motrice est significativement inférieure à la normale compte tenu de l’âge chronologique. Elles varient de 6,7 % à 27,7 % quand la valeur seuil considérée est le 15e percentile, avec une surreprésentation du trouble chez les garçons (sex ratio 1,8 :1). Cette variabilité est liée aux modalités de sélection des populations observées, à leurs caractéristiques (exclusion ou non des enfants avec déficience intellectuelle, trouble neurologique ou psychologique sévère), à la prise en compte ou non du retentissement du trouble sur la vie quotidienne ou les performances académiques. Les chiffres extrêmes, en particulier, sont à prendre avec précaution. La limite basse pour le seuil au 15e percentile correspond par exemple à une étude qui n’a utilisé que 3 sub-tests de la MABC pour l’évaluation de la performance motrice. Celle plus haute n’a par exemple pas exclu les troubles neurologiques autres. Il n’existe pas, à notre connaissance, de données épidémiologiques pour la population française.

Parmi les facteurs de risque identifiés,
la prématurité est le plus important

La littérature scientifique a bien documenté les liens entre, d’un côté, des difficultés motrices (coordination, équilibre, contrôle moteur, intégration visuo-motrice, etc.) et, de l’autre, la prématurité, le faible poids de naissance ou la survenue de tout évènement neurologique pendant la périnatalité (AVC, anoxie, etc.). La survenue de ces difficultés motrices à l’âge scolaire est élevée. Ainsi, environ 32 à 49 % des enfants nés prématurément présentent ces difficultés (< 15e percentile ou -1 ET) avec 14 à 24 % de ces enfants qui sont modérément ou plus sévèrement touchés (< 5e percentile ou -2 ET). De manière générale dans cette population à risque, l’occurrence du TDC à l’âge scolaire est 3 à 8 fois plus fréquente que chez les enfants nés à terme ou de poids normal à la naissance. Le risque de présenter un TDC augmente avec la diminution de l’âge gestationnel à la naissance. Chez les enfants nés prématurément, les études explorant la relation entre TDC et facteurs de risque périnataux rapportent que le sexe masculin, le retard de croissance intra-utérin, l’exposition aux corticoïdes postnataux et la dysplasie broncho-pulmonaire sont des facteurs de risque indépendants de la survenue du TDC. De manière attendue, des retards d’acquisition motrice ou l’existence de troubles moteurs précoces à 2-3 ans, sans affection neurologique motrice, ont été décrits comme des prédicteurs du TDC à l’âge scolaire.
Quelques études rapportent des scores à la MABC significativement plus bas dans des populations défavorisées comparativement à ceux obtenus chez des enfants vivant dans des milieux socialement plus favorisés ; ces résultats demandent à être confirmés par d’autres travaux sur des séries plus larges et avec une mesure précise du niveau social. Le lien avec des expositions prénatales à l’alcool ou au tabac n’a pas été mis en évidence.

Les personnes présentant un TDC ont fréquemment
des troubles associés

Les troubles fréquemment associés au TDC soulèvent un certain nombre de questions pour mieux comprendre la nature des associations (mécanismes communs, conséquences d’un trouble primaire, signes d’appel, etc.) et ont des conséquences variées sur les individus (au niveau physiologique mais aussi en matière de participation et de qualité de vie).

Le TDC coexiste fréquemment avec des troubles du langage,
de l’attention et des apprentissages mais la connaissance
des mécanismes de ces associations est encore partielle et discutée

Les troubles de la coordination motrice, du langage, de l’attention et des apprentissages (dyslexie, dyscalculie, etc.) peuvent coexister chez un même enfant avec une fréquence supérieure à celle attendue si ces difficultés étaient indépendantes. En population générale, les associations de troubles du neuro-développement existent dans 15 à 20 % des cas, c’est-à-dire qu’elles concernent environ 50 % des enfants présentant au moins une difficulté. Les enfants avec des difficultés associées sont en règle générale plus sévèrement impactés que ceux avec des difficultés isolées. Les garçons présentent plus souvent que les filles des retards dans plusieurs domaines du neuro-développement (lecture, écriture, etc.). Comparativement aux enfants à développement typique, les enfants porteurs d’un TDC repérés dans des centres de référence – donc des enfants présentant généralement un TDC plus sévère que dans d’autres lieux de recrutement – ont un risque de présenter un trouble associé augmenté d’un facteur de 1,8 à 2 pour la majorité des troubles associés, et de 3 pour l’association à une dyslexie.
Malgré la constatation fréquente et ancienne d’une telle association, la connaissance de sa nature et des mécanismes explicatifs est encore partielle et discutée. Plusieurs modèles cherchent à en rendre compte en postulant, par exemple, un développement cérébral atypique ou une atteinte du système d’apprentissage procédural mais cela reste encore à l’état d’hypothèse.

Les personnes présentant un TDC semblent avoir un risque augmenté
de développer secondairement des troubles psychopathologiques

Bien que la littérature soit très hétérogène dans la façon de documenter les associations du TDC avec des troubles psychopathologiques, elle rapporte un risque significativement augmenté pour les enfants et les adolescents présentant un TDC de développer secondairement des troubles anxieux mais aussi des troubles émotionnels et comportementaux comparativement à leurs pairs. L’association avec une symptomatologie dépressive est également retrouvée dans la littérature mais de manière moins nette.
L’ensemble de ces troubles psychopathologiques plus fréquents semble, au moins pour partie, médié par différents facteurs comme un QI bas (sans pour autant qu’il devienne un facteur d’exclusion dans le cadre du diagnostic différentiel), une estime de soi dégradée, ou le fait que les jeunes présentant un TDC puissent être victimes de harcèlement. Ces facteurs pourraient également avoir des répercussions sur la qualité du sommeil. Les données sont plus parcellaires chez l’adulte. Néanmoins, les mêmes associations à des états ou des traits d’anxiété, des difficultés émotionnelles et comportementales, voire des symptômes dépressifs ont été décrites.

Les enfants porteurs d’un TDC présentent une plus grande vulnérabilité
quant au surpoids et à l’obésité mais ces résultats restent à confirmer
en France

Les enfants présentant un TDC apparaissent dans une situation de plus grande vulnérabilité quant au surpoids ou à l’obésité. Ces résultats sont probablement en lien avec une moindre participation aux activités physiques pour lesquelles ces enfants se sentent souvent peu compétents. Chez les enfants et les adolescents présentant un TDC, la littérature rapporte une fréquence d’obésité environ deux fois supérieure à la fréquence observée chez leurs pairs à développement typique. Ce risque augmente avec la sévérité du TDC et la présence de troubles de l’équilibre ; il persiste avec l’avancée en âge. Chez ces enfants, la masse grasse est significativement augmentée. Cela peut avoir des conséquences cardio-respiratoires et entraîner des troubles cardio-vasculaires et métaboliques. L’absence d’études sur des populations françaises rend toutefois difficile la généralisation de ces travaux réalisés pour l’essentiel en Amérique du Nord, en Australie et à Taïwan. En effet, le rapport au sport et à l’activité sportive n’est pas forcément le même dans les différents contextes et les conséquences en termes de surpoids et obésité peuvent ainsi varier.

III. Impacts sur les activités, la participation et la qualité de vie

Le TDC a des conséquences hétérogènes mais importantes,
sur la participation et la qualité de vie en particulier
dans le contexte scolaire et les activités physiques

Participation et qualité de vie : des concepts clés pour appréhender
les impacts du TDC sur les individus

Les concepts de participation et de qualité de vie sont utilisés pour identifier et comprendre les impacts du TDC sur les individus. De plus, ces notions jouent un rôle important tant dans le diagnostic (particulièrement la participation pour le critère B du DSM) que pour apprécier la nature et l’intensité du handicap et être ainsi en mesure de juger de l’intérêt des interventions et/ou adaptations proposées mais aussi des compensations à mettre en place.
À partir des années 1970, le handicap est dissocié de la déficience, indépendamment de sa nature et de sa cause, donnant lieu au concept de « situation de handicap ». En 2001, l’OMS adopte la CIF (Classification internationale du fonctionnement) qui introduit les termes « fonctionnement », « activité » et « participation sociale ». Dans sa version révisée, les fonctions y sont décrites comme « les fonctions physiologiques des systèmes organiques (y compris les fonctions psychologiques) », les activités correspondent à l’« exécution d’une tâche ou d’une action par une personne » et la participation est « l’implication d’une personne dans une situation de la vie réelle » (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé de l’OMS, 2001, p. 10). La participation correspond donc au fonctionnement d’un individu dans sa vie sociale.
Cette classification analyse les situations de handicap selon quatre composants principaux :
• l’organisme (avec ses structures anatomiques et fonctions physiologiques qui sont plus ou moins déficientes) ;
• les activités et la participation ;
• les facteurs environnementaux (ce que la société a prévu ou non pour faciliter l’intégration des personnes en situation de handicap) ;
• les facteurs personnels (les situations individuelles).
La participation est généralement évaluée à partir de questionnaires concernant les habitudes de vie de la personne dans son environnement et son degré de participation sociale. Ces questionnaires sont remplis de préférence avec la personne concernée mais une tierce personne peut aussi les remplir complètement ou partiellement.
Le concept de qualité de vie (QDV) tient compte du bien-être ressenti par les sujets, de leur vécu, de leurs besoins et de leurs désirs. C’est donc une notion subjective qui n’a pas de contour strictement défini. Les dimensions de la qualité de vie le plus souvent citées concernent les relations sociales et les interactions, le bien-être psychologique et la satisfaction personnelle, l’emploi, l’autodétermination, l’autonomie et les choix personnels, la compétence personnelle, les habiletés de vie autonome et l’intégration communautaire. Ces aspects sont évalués par différents questionnaires dont les items ont été préalablement définis en fonction des objectifs poursuivis (décisionnels, ou évaluatifs pour des modalités de prise en charge). Des conditions de vie objectivement identiques peuvent produire des ressentis très différents : la personne est la seule habilitée à juger de la qualité de vie qu’elle perçoit. En complément des questionnaires, on regrette l’absence de recherches s’appuyant sur des approches qualitatives plus fines pour mieux saisir les problèmes perçus et le vécu des personnes présentant un TDC dans des contextes spécifiques (dont le contexte scolaire ou celui des loisirs, notamment sportifs).
Les objectifs de mesure de la participation et de la qualité de vie sont multiples. Ils visent des applications administratives et politiques (évaluation et reconnaissance du handicap, notamment pour l’attribution de droits) ou cliniques (diagnostic, évaluation du handicap, choix des interventions, adaptations, compensations). Bien que, théoriquement, participation et QDV explorent des domaines différents, l’un subjectif et l’autre plus objectif, ils sont intimement liés et il est souvent difficile, au sein des publications concernant le TDC, de les séparer clairement. Rappelons enfin que les limites méthodologiques6 appellent à une certaine prudence dans l’interprétation et la généralisation des résultats présentés.

Une limitation de participation importante mais hétérogène

En ce qui concerne la participation des personnes présentant un TDC, il existe un large consensus pour constater une importante restriction dans les activités de la vie quotidienne (AVQ) associée à une importante limitation de participation. On note cependant une grande hétérogénéité au sein des populations étudiées, certains enfants n’étant limités que dans une activité (par ex. le graphisme), d’autres au contraire l’étant dans de très nombreuses activités (repas, habillage, toilette, loisirs, activités scolaires, etc.). Pour ces enfants, les activités de la vie quotidienne au domicile (se brosser les dents, se coiffer, couper sa viande, se servir à boire, se moucher, se laver les mains, faire ses lacets, s’habiller, dessiner et écrire, etc.) peuvent être impossibles ou difficiles, lentes et peu efficaces. Ceci affecte leur autonomie et impacte les parents, qui développent souvent différentes stratégies pour faciliter le quotidien. Les articles indiquent également que ces enfants font moins d’activités physiques, de jeux physiques et de sports que leurs pairs ; ils y sont moins performants et reçoivent beaucoup de retours négatifs. Concernant la participation en milieu scolaire7 , sont mises en évidence des difficultés concernant le sport et les habiletés physiques, des difficultés d’organisation et une lenteur mais aussi une moindre participation aux jeux et activités physiques en classe et en cours de récréation. La notion d’isolement revient souvent, témoignant d’une vie sociale affectée dans le milieu scolaire, les loisirs et la vie quotidienne.

La qualité de vie apparaît impactée, en particulier dans le cadre scolaire
et concernant les activités physiques mais une résilience est possible

Les difficultés rencontrées par les individus présentant un TDC et leur moindre participation sont corrélées à une faible satisfaction concernant la qualité de vie. Dans les articles, la qualité de vie des personnes présentant un TDC est souvent directement mise en lien avec les activités physiques et sportives (elles-mêmes connotées négativement car associées à des performances motrices plus faibles), et est généralement reliée au contexte de vie scolaire pour les enfants. Par ailleurs, de nombreuses publications relient la limitation de participation sociale et l’insatisfaction (de l’enfant, de ses parents) en termes de qualité de vie avec une estime de soi et une confiance en soi dégradées, voire avec un niveau élevé d’anxiété ou un état dépressif.
Quelques études montrent néanmoins des capacités de résilience et de vécu positif en dehors du cadre scolaire, avec notamment des activités « non-physiques » de loisirs, lors des week-end ou des vacances. Cela se retrouve pour des adultes en situation de choisir leurs activités et leurs loisirs en fonction de leurs capacités et leurs goûts8 . Dans ces conditions, on voit que la QDV peut être de bonne qualité et se différencier de la participation ainsi que de la performance (toujours limitée). À noter également que certaines activités revêtent une importance particulière pour les individus. Par exemple, faire du vélo, accéder à l’écriture cursive ou au clavier, faire ses lacets (ou mettre sa combinaison de ski au Canada !) pour les enfants ou passer le permis de conduire pour les adultes. Leur réussite ou leur échec modifie leur insertion sociale, le regard des autres (pairs et adultes) et a un impact décisif sur leur qualité de vie. Cela témoigne notamment de l’importance du contexte social et culturel dans lequel évolue le sujet.

Des résultats concernant l’activité physique qui apparaissent limités
et à replacer dans leur contexte

À propos de l’importance du contexte culturel, on peut s’interroger sur la généralisation des résultats concernant les domaines physiques et sportifs dans la mesure où la plupart des publications abordant ces domaines de manière contextualisée se situent dans un cadre anglo-saxon. En effet, le rapport à la performance sportive est différent, la demande (scolaire et sociale) est par exemple beaucoup moins prégnante en France, et les cadres de pratique ne sont pas les mêmes, même si le modèle sportif compétitif reste le modèle dominant. Les possibles différences entre les genres constituent également un facteur à prendre en compte. La QDV pourrait être moins, ou différemment, impactée. Ces éléments sociaux restent donc à explorer dans un contexte français.
En effet, l’intérêt consiste à croiser les recherches réalisées en condition expérimentale avec d’autres recherches complémentaires visant à produire des connaissances sur des activités globales, réalisées dans des contextes écologiques. Or cela est rarement le cas puisque dans de nombreux travaux sur l’activité physique, celle-ci est définie diversement, renvoyant aussi bien à un simple mouvement (au sens physique du terme et enregistré par un accéléromètre), à une tâche simple (à la performance aisément mesurable) ou bien encore à des activités ludo-sportives complexes, certaines pratiquées dans le cadre contraint de l’école, d’autres dans celui d’une pratique volontaire de loisirs physiques, certaines obligatoires, d’autres librement pratiquées. Par ailleurs, le sens que prend la pratique ou la non pratique de l’activité physique pour les individus est très rarement pris en compte alors même que cela est primordial pour comprendre les liens entre TDC et activité physique mais aussi pour mieux agir en direction des personnes présentant un TDC.
De rares travaux exposent l’intérêt de l’accès à des activités physiques inclusives, qui permettent aux enfants présentant un TDC d’avoir accès au jeu, de se considérer comme de véritables joueurs et de se « faire des amis ». Une étude montre en outre que dans ces activités physiques inclusives les réactions positives de l’environnement permettent aux enfants de se sentir plus acceptés. Elle souligne que l’envie de jouer est bien là chez eux mais que le repli qu’ils manifestent vis-à-vis des jeux sportifs est le résultat de mises à l’écart et de jugements dans des expériences antérieures. Les effets de la pratique physique sur la qualité de vie ne peuvent donc pas être dissociés des rapports sociaux et des systèmes de valeur dans lesquels elle se produit.

IV. Déficits de fonctions, mécanismes et modèles explicatifs

La personne atteinte de TDC peut présenter des déficits
au niveau des fonctions motrices fines avec un impact important sur l’écriture manuscrite

Comme mentionné précédemment, les apprentissages scolaires sont peu pris en compte dans les études concernant les activités et la participation. Même les difficultés concernant l’écriture manuscrite sont principalement abordées en matière de déficit des fonctions motrices fines. Pourtant, aujourd’hui encore, à l’heure du numérique et du digital, l’écriture manuscrite reste un acquis essentiel au fonctionnement de notre société, se situant à la base de nombreuses productions aussi bien scolaires que professionnelles. À l’école, l’écriture manuscrite représente la principale tâche académique des enfants, s’inscrivant quotidiennement dans 30 à 60 % de leurs activités. Malgré un apprentissage correct et des entraînements appropriés, certains enfants n’arrivent jamais à atteindre un niveau en écriture suffisant pour leur permettre d’accéder aux autres niveaux de l’expression écrite (orthographe, syntaxe, etc.). Ces troubles de l’écriture manuscrite, regroupés sous le terme de « dysgraphies », sont observés dans différents contextes pathologiques, notamment le TDC. Étant donné l’importance de l’écriture manuscrite aussi bien dans la réussite scolaire que professionnelle, le diagnostic et la prise en charge précoce des dysgraphies sont donc essentiels, ces troubles pouvant en effet avoir de graves conséquences pour l’enfant en impactant les apprentissages scolaires, notamment lors de situations de double tâche. Cependant, il est important de rester prudent sur le diagnostic de dysgraphie qui marque définitivement un trouble, alors que pour certains enfants il s’agit d’un retard de maturation du geste ou d’un trouble psychologique qui retentit sur le geste.
Les enfants porteurs d’un TDC présentent des déficits de la motricité globale et de la motricité fine, avec notamment des difficultés à réaliser des gestes coordonnés dans un but précis, en général dans le cadre d’un apprentissage spécifique et contextualisé : utiliser des couverts, manier un outil, découper, dessiner, écrire, jouer d’un instrument, attraper une balle, etc. Le développement de la motricité fine, et plus particulièrement la capacité à réaliser des mouvements différenciés des doigts, contribue au développement de la prise de l’outil scripteur. De ce fait, il n’est pas étonnant qu’une des activités motrices fines qui pose le plus problème aux enfants présentant un TDC soit l’écriture. Plus de la moitié de ces enfants sont en effet dysgraphiques, et ces difficultés constituent une des principales raisons de consultation.
Les déficits en écriture observés chez ces enfants concernent non seulement le produit final (problème de lisibilité, nombre d’erreurs plus important que chez les enfants typiques) mais également le processus d’écriture. On constate une grande hétérogénéité concernant les déficits en écriture observés chez les enfants présentant un TDC, avec d’importantes variations inter- et intra-individuelles en fonction de la complexité de la tâche ou des contraintes imposées. Cette diversité des déficits est probablement liée à la grande hétérogénéité des troubles présents chez ces enfants ainsi qu’à un aspect développemental de l’organisation gestuelle qui n’est pas pris en compte dans l’évaluation. Dans plusieurs publications, l’association avec le TDA/H pose aussi la question de ce qui relève d’un trouble attentionnel et ce qui relève du TDC. Néanmoins, l’écriture des enfants porteurs d’un TDC présente un certain nombre de caractéristiques constantes. Tout d’abord, l’écriture est lente et peu voire pas lisible. Elle est moins fluide et moins régulière que celle des enfants typiques, les lettres sont très irrégulières, déformées, et l’agencement des lettres et des mots dans l’espace de la feuille est souvent désordonné. Ces enfants ont aussi du mal à suivre les lignes et à respecter les hauteurs relatives des lettres et des portions de lettres. L’écriture des enfants présentant un TDC peut en outre se caractériser par une taille excessive. Enfin, leur écriture est beaucoup plus altérée lorsque des contraintes de taille ou de vitesse sont imposées.
Dans la littérature ces caractéristiques semblent être reliées à des difficultés pour contrôler les mouvements et la coordination inter-segmentaire des muscles du bras et/ou des doigts, et/ou à un déficit de l’intégration visuo-motrice, c’est-à-dire la coordination entre la perception visuelle et la coordination du mouvement du bras et des doigts. L’hypothèse d’un déficit d’automatisation des compétences motrices et dans l’apprentissage de séquences de mouvements pourrait également expliquer certaines difficultés d’écriture manuscrite ainsi que leur impact sur les apprentissages scolaires, notamment dans des situations de double tâche.

Le TDC est un trouble cognitivo-moteur plutôt que moteur

L’étude des fonctions cognitives telles que la perception, l’attention, les fonctions exécutives et la mémoire est essentielle à la compréhension des difficultés rencontrées par les individus présentant un TDC et nécessaire pour comprendre l’étiologie de ce trouble. Bien que les théories dynamiques et écologiques du contrôle moteur deviennent de plus en plus présentes dans les publications sur le TDC, l’approche cognitive du contrôle moteur et de l’apprentissage moteur est dominante depuis les années 1990 dans la recherche sur les processus cognitifs déficitaires dans le TDC et maintient sa présence dans la littérature actuelle. Cette approche considère que la production d’une réponse motrice est le résultat de la mise en œuvre de processus moteurs et cognitifs. La production d’une réponse motrice adaptée, rapide, précise et stable est ainsi permise par la mise en jeu de différentes fonctions cognitives. Dans les publications, les processus cognitifs tels que la perception, l’attention, les fonctions exécutives, la métacognition et la mémoire sont envisagés de manière isolée. Ainsi, chaque publication traite d’un processus particulier, exploré par une méthode expérimentale spécifique, et donne lieu, la plupart du temps, à une conclusion en termes de déficits plutôt que de fonction préservée, ce qui rend difficile une vision globale de la cognition dans le TDC. Des approches cliniques avec l’évaluation standardisée et normée des fonctions neuropsychomotrices et neuropsychologiques apportent aussi de précieux éléments sur les déficits fonctionnels relevant du TDC. Il ressort de l’ensemble de ces publications une hétérogénéité des processus cognitifs qui peuvent être affectés, soulignant l’importance d’une évaluation complète et d’une approche individuelle des personnes présentant un TDC.

Les déficits perceptifs sont hétérogènes dans le TDC et restent encore
à explorer

Les travaux sur la perception dans le TDC sont essentiellement centrés sur la perception visuelle. Les résultats indiquent qu’il n’existe pas de déficit général visuel mais que les perturbations de la perception visuelle sont fréquentes et présentent une grande hétérogénéité en fonction des individus, et notamment des troubles associés, ainsi que des tâches proposées. Les enfants présentant un TDC ont globalement un score total plus faible dans les tâches de perception visuelle que les enfants contrôles mais pas tous et pas sur tous les sous-tests. Les études sur les sous-types indiquent d’ailleurs qu’il pourrait exister une sous-catégorie d’enfants porteurs d’un TDC qui présentent un déficit de perception visuo-spatiale. La perception visuelle doit donc être explorée en prenant en compte la nature des tâches et des stimuli (tâches motrices et non motrices, formes, mouvement, longueurs, tailles, localisation, distance/vitesses), leur composante mnésique, l’existence ou non d’une contrainte temporelle et les troubles associés (TDA/H et troubles spécifiques du langage notamment). Précisons que les études ne rapportent pas de déficits sensoriels primaires, la réception des informations sensorielles est épargnée.
Les liens entre déficit perceptif visuel et déficit moteur ne sont pas encore clairement établis. Plusieurs hypothèses coexistent dans la littérature allant d’une dissociation entre les habiletés motrices et perceptives à un dysfonctionnement commun pour lequel plusieurs types de liens entre perception et action sont envisagés (influence de l’un sur l’autre ou influence mutuelle par un couplage perception-action).
Les autres modalités perceptives sont moins explorées. Un déficit a été rapporté pour la perception kinesthésique (perception des déplacements de ses propres segments corporels lors de mouvements du corps) mais les résultats ne sont pas unanimes et restent à confirmer. Quelques rares études suggèrent un déficit de la perception haptique (perception des sensations tactiles et de pression exercées sur le corps) sans que l’on puisse conclure à un trouble généralisé dans ce domaine. La perception auditive est également peu étudiée mais fait l’objet d’une attention grandissante avec des récentes hypothèses portant sur des déficits de discrimination de sons ou de durées. Deux méta-analyses rapportent un déficit de la perception inter-modale (capacité à traduire les informations d’une modalité en une autre modalité) mais des biais méthodologiques appellent à une certaine prudence dans l’interprétation des résultats. Enfin, l’intégration multisensorielle (intégration d’informations provenant de deux modalités sensorielles ou plus) des individus présentant un TDC apparaît comme une piste à explorer.

De nombreuses études retrouvent une perturbation
de certaines fonctions exécutives dans le TDC

Les fonctions exécutives regroupent plusieurs fonctions cognitives complexes (planification, inhibition et l’administrateur central de la mémoire de travail) qui permettent de réaliser des tâches nouvelles ou difficiles avec des conditions changeantes, des contraintes temporelles ou encore une très forte exigence de précision. Elles sont importantes à prendre en compte étant donné leurs liens probables avec les habiletés scolaires et sociales. Les fonctions exécutives les plus étudiées sont la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur et la planification d’une séquence d’actions. Bien que les études sur les fonctions exécutives souffrent de certaines limites9 , nombre d’entre elles rapportent des perturbations des fonctions exécutives dans le TDC. Pour autant, les fonctions exécutives ne semblent pas affectées de manière globale mais apparaissent déficitaires pour ce qui concerne la mémoire de travail, surtout le domaine visuo-spatial, et l’inhibition d’une réponse automatique.
En effet, plusieurs études ont rapporté de manière concordante une perturbation de la mémoire de travail notamment visuo-spatiale. Cette mémoire de travail correspond à la capacité à maintenir une information visuo-spatiale (non verbale) en mémoire pendant l’exécution d’une autre tâche et à manipuler ces informations pendant une courte durée10 . La mémoire de travail est généralement classée dans les fonctions exécutives dans la littérature sur le TDC mais elle comporte aussi des composantes qui ne sont pas des fonctions exécutives. L’interprétation des résultats par rapport aux fonctions exécutives reste donc en suspens.
Des travaux rapportent des performances moindres pour des tâches d’inhibition motrice en comparaison aux performances des enfants contrôles lorsque la réponse est automatique. Ces tâches requièrent de stopper une réponse automatique ou programmée à l’avance ou de modifier une action en cours ou planifiée. Quelques études rapportent également un déficit d’inhibition en cas de stimulus émotionnel.
Les résultats sont plus controversés concernant la flexibilité mentale ou la planification motrice et/ou exécutive.

Parmi les types de mémoires, la mémoire procédurale
est la plus explorée

L’essentiel des travaux sur la mémoire à long terme porte sur l’apprentissage et la mémoire procédurale qui concerne la mémorisation et la rétention à long terme de savoir-faire. Celle-ci pourrait être perturbée, dans certaines conditions mais le déficit dans ce domaine n’est pas encore clairement établi. En effet, il semble que la mémoire procédurale soit affectée uniquement dans certaines conditions et différemment selon que l’on s’intéresse aux apprentissages par mémorisation de séquences ou aux adaptations visuo-motrices, qui mettent en jeu des réseaux cérébraux distincts. Si les résultats vont dans le sens d’un déficit au niveau des apprentissages par adaptation visuo-motrice, ils sont plus contradictoires concernant la mémorisation de séquences. Ceci pourrait notamment être expliqué par des différences méthodologiques : complexité de la réponse motrice attendue, phase(s) de l’apprentissage testée(s), caractère explicite ou implicite de l’apprentissage mesuré, durée de la pratique, etc.
Certaines études rapportent également une dégradation de la mémoire visuelle à court terme qui correspond à la capacité à stocker et restituer des informations visuelles pendant une courte période de temps.

Les approches cognitives ne permettent pas de conclure à un déficit
des différents types d’attention dans le TDC

L’évaluation expérimentale de l’attention a fait l’objet de plusieurs publications évaluant les différentes formes d’attention – soutenue, préparatoire, divisée, sélective et l’orientation de l’attention –, certaines plus explorées que d’autres. Il en ressort que le déficit n’est pas général. La nature et l’étendue des déficits attentionnels restent toutefois à clarifier, notamment en les comparant aux déficits des enfants présentant un TDA/H.
Les processus d’orientation de l’attention sont les plus étudiés dans le TDC. Ils correspondent à la capacité à déplacer un focus attentionnel vers une cible. Les résultats des études indiquent que l’orientation automatique de l’attention est préservée mais que son contrôle volontaire est déficitaire. Plusieurs hypothèses coexistent pour expliquer cette perturbation.
L’attention divisée (capacité à partager son attention entre deux sources d’informations concomitantes) est généralement mesurée par un paradigme de double tâche durant lequel on mesure la différence de performance d’un sujet lorsqu’il réalise la tâche principale seule ou en même temps qu’une tâche secondaire. Les résultats de ces études indiquent que l’attention divisée peut être déficitaire si la tâche cognitive ou motrice est complexe.
Enfin, peu d’études portent en revanche sur l’attention sélective, l’attention soutenue ou encore l’attention préparatoire. La question de déficits de ces types d’attention reste ouverte.

Bien qu’hétérogène, un déficit d’imagerie motrice est souvent retrouvé
dans le TDC

L’imagerie motrice se réfère à la capacité à construire une représentation mentale de l’action sans produire la séquence de mouvements. Il s’agit d’une simulation mentale de l’action sans acte moteur. Plus de 15 ans de recherches sur l’imagerie motrice dans le TDC révèlent que les enfants et adultes porteurs d’un TDC présentent des difficultés importantes, et hétérogènes, dans ce domaine, révélées par des tâches de pointage visuo-spatial imaginé ou de rotation mentale. Le déficit apparaît comme n’étant pas spécifique à un effecteur (rotation de mains ou du corps entier) et dépendant de la sévérité du trouble et de la complexité des tâches. À noter que les tâches proposées dans ces études requièrent une composante de la mémoire de travail visuospatiale (MDT VS) qui est elle-même déficitaire. L’effet de la comorbidité avec le TDAH a été testé, sans parvenir à un consensus.

Le développement sensorimoteur est affecté chez les enfants
présentant un TDC

Depuis une vingtaine d’années, il existe une littérature internationale abondante sur les troubles sensorimoteurs des enfants présentant un TDC, en étroite concertation avec l’évolution des concepts et théories du contrôle moteur, la théorie dominante des représentations internes et, plus récemment, des techniques d’explorations cérébrales.

Les personnes porteuses d’un TDC présentent des déficits aux niveaux
du contrôle de l’équilibre, des tâches de saisie et de coordination
et de la pondération des informations sensorielles

Il ressort de l’analyse de la littérature que les déficits premiers et incontournables au sein du TDC concernent le contrôle de l’équilibre, les tâches de saisie et de coordination intersegmentaire, ainsi que la capacité à utiliser et à pondérer les différentes modalités sensorielles. Il convient néanmoins de préciser que ces déficits s’expriment principalement dans des situations complexes telles que l’équilibre dynamique, la suppression de la vision, ou des situations de double tâche, qui mettent naturellement en jeu des mécanismes d’adaptation rapide. Ces situations complexes visent à prioriser par exemple les informations sensorielles restées disponibles, ainsi que des mécanismes de coordination qui consistent à gérer à la fois le contrôle postural et la précision du geste ou bien à gérer deux composantes motrices complémentaires comme les forces de saisie et de soulèvement lors de la prise d’un objet.
Parmi les faits marquants, il apparaît que la variabilité et le ralentissement sont caractéristiques des performances motrices des enfants présentant un TDC. En effet, la majorité des travaux rapporte une variabilité intra et interindividuelle excessive qui interroge les chercheurs sur la nature de ce mécanisme aussi bien au niveau de l’expression des mouvements et des gestes qu’au niveau des bases neurales et génétiques. De façon corollaire, un déficit du réglage temporel, qui affecte aussi bien le contrôle de l’équilibre que la coordination des activations musculaires, est fréquemment rapporté.

Le couplage perception-action semble affecté dans le TDC

Les troubles des enfants présentant un TDC ne se limitent pas à la seule sphère motrice. L’exploration d’éventuels déficits perceptifs, notamment neurovisuels, est effectuée depuis la fin des années 90 et rapporte, chez certains enfants présentant un TDC, des particularités oculomotrices. L’idée que le TDC peut aussi être lié à un trouble d’ordre visuo-spatial est une piste qui fait débat depuis une vingtaine d’années. En dépit de résultats antérieurs discordants chez les enfants porteurs d’un TDC11 , l’hypothèse d’un déficit de la voie visuelle dorsale, ou voie occipito-pariétale, qui présente la particularité d’être impliquée à la fois dans la perception et dans l’action et qui assure la traduction visuo-motrice, reste une piste prometteuse.
En fait, plus qu’un trouble moteur ou sensoriel isolé (qu’il conviendrait le cas échéant d’identifier comme éventuel trouble associé), il semblerait que le trouble premier des enfants présentant un TDC se situe au niveau du couplage perception-action. De nombreuses études ont apporté, en effet, des preuves expérimentales d’un déficit du couplage perception-action et d’un manque d’adaptabilité lors des situations de transition et/ou de complexification de la tâche chez les enfants présentant un TDC. Or le couplage perception-action précoce constitue le socle des représentations sensorimotrices.

Les approches récentes issues des neurosciences se développent depuis
quelques années pour expliquer les mécanismes sous-jacents au TDC

Les tendances actuelles consistent à concevoir les troubles de la coordination et des apprentissages à partir d’un déficit des modèles internes, qui impacterait en cascade le contrôle prédictif12 , surtout celui qui s’exerce alors même que l’action est déjà lancée (contrôle on-line), et les apprentissages. Formulé depuis une quinzaine d’années et récemment étayé par des revues de questions pertinentes, ce modèle explicatif présente l’avantage majeur d’introduire de la cohérence dans une liste abondante de déficits. Il constitue à l’heure actuelle une des pistes les plus heuristiques pour comprendre le TDC. Cette hypothèse suggère que le TDC repose sur un déficit fondamental à utiliser de façon efficace les modèles internes sensorimoteurs13 , eux-mêmes impactés par un couplage perception-action non optimum. Une atteinte des représentations internes compromet significativement les capacités d’anticipation et d’adaptation visuo-motrice des enfants présentant un TDC.
Le débat actuel autour de l’atteinte du contrôle anticipé on-line a le mérite de dissocier différentes composantes de l’anticipation, dont toutes ne seraient pas affectées, et de rapporter l’hétérogénéité de la population porteuse d’un TDC. Dans l’anticipation on distingue le long terme (avec l’utilisation des représentations sensorimotrices anciennement acquises, sollicitées dans l’exécution des gestes volontaires maîtrisés), du court terme (avec la nécessité pour des situations transitoires marquées par un changement de réactualiser ces représentations sensorimotrices qui impliquent à la fois l’inhibition et la mémoire de travail). Ainsi le déficit des représentations internes est en lien avec le développement des fonctions exécutives, qui apparaît lui-même affecté, comme indiqué plus haut.
À propos de l’hypothèse dominante du déficit des modèles internes, il convient d’apporter quelques nuances. En supprimant les comorbidités, la capacité à créer des modèles internes serait préservée, ce qui préserverait également le contrôle prédictif établi sur du long terme. En revanche, la mise à jour des modèles internes avec une forte contrainte temporelle nécessaire dans le contrôle on-line, les apprentissages ou adaptations sensorimotrices, serait plus spécifiquement affectée.
Au niveau cérébral, les anticipations et ajustements visuo-moteurs (impactés par un déficit des modèles internes) sont sous-tendus par une boucle cortico-cérébelleuse associant le cervelet et des réseaux fronto-pariétaux. Cela conduit à formuler l’hypothèse, que l’on retrouve dans la littérature, du rôle majeur joué par le cervelet dans les troubles des apprentissages et plus spécifiquement dans le TDC.

Les résultats en neuro-imagerie concernant le TDC
sont pour l’instant limités

Les attentes envers la neuro-imagerie sont importantes pour mieux comprendre les corrélats cérébraux sous-jacents au TDC et notamment déterminer les régions impliquées et la construction de leurs réseaux fonctionnels.
Les études qui se sont intéressées à cette question ont principalement utilisé l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle, qui permet d’observer les activations des régions cérébrales pendant la réalisation d’une tâche cognitive, et l’imagerie structurale qui s’intéresse à l’anatomie du cerveau (volume, épaisseur corticale, connectivité anatomique). Ces travaux sont très récents et peu nombreux : les premières publications datent de 2008. Les études recensées posent de multiples problèmes méthodologiques : la taille des échantillons est parfois très faible, les enfants d’un même échantillon ont des âges très différents, les critères d’inclusion et d’exclusion ne respectent pas toujours les critères diagnostiques du trouble, et les choix d’analyse ou les aspects technologiques peuvent être discutables.
Néanmoins, la synthèse de ces travaux objective l’existence de différences au niveau cérébral entre les enfants présentant un TDC et les groupes contrôles. Ces différences apparaissent au niveau du fonctionnement cérébral évalué par l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle : les activations cérébrales lors de la réalisation de différentes tâches cognitives sont différentes chez les enfants présentant un TDC. Elles existent aussi au niveau structural quand on étudie l’épaisseur corticale, la connectivité anatomique (vial’imagerie par résonance magnétique de diffusion) ou les volumes corticaux.
Si l’existence d’un fonctionnement cérébral différent chez les enfants présentant un TDC semble avérée, il est impossible au vu de ces travaux de déterminer précisément les régions qui sous-tendent ce trouble. En effet, les régions observées comme fonctionnant différemment sont multiples. Le cervelet et la région pariétale ont été identifiés dans plusieurs études mais on retrouve aussi l’implication des régions frontales, des ganglions de la base, du cortex cingulaire ou du gyrus lingual. Par ailleurs, le faible nombre d’études et leur qualité ne permettent pas de conclure de façon définitive, ni d’infirmer ou de valider les hypothèses sur les corrélats neuronaux qui coexistent dans la littérature, notamment concernant l’implication du cervelet, du cortex pariétal postérieur et du cortex frontal inférieur ou encore de la voie dorsale (occipito-pariétale) ou des boucles cortico-cérébelleuse et cortico-striatale. Les résultats ne permettent pas non plus d’identifier l’origine du trouble et ses conséquences sur les autres structures cérébrales.
Au-delà des limites liées à ces études, il est essentiel de comprendre que la neuro-imagerie n’est pas un outil de diagnostic du TDC. Aucun travail ne met en évidence de perturbation spécifique au TDC qui pourrait être considérée comme une signature du trouble. Par ailleurs, les études montrent des différences statistiques entre des groupes de sujets mais ne disent rien au niveau individuel. Il n’est donc actuellement pas envisageable de déterminer, à partir de l’analyse des images de neuro-imagerie d’un seul sujet, s’il est atteint d’un TDC. Dans ces conditions, la neuro-imagerie ne peut pas être utilisée de façon systématique dans le cadre du diagnostic du TDC. Elle peut néanmoins permettre, dans certains cas, l’élimination d’une autre cause dans le cadre d’un diagnostic différentiel ou l’identification d’un trouble associé.

Des gènes candidats ont été proposés pour le TDC,
bien qu’il existe encore très peu d’études dans ce domaine

Avec le développement, ces dix dernières années, des techniques de séquençage et d’analyse du génome, de nouvelles pistes pour la recherche de gènes candidats impliqués dans un certain nombre de pathologies comme le TDC sont aujourd’hui explorées. Une étude très récente s’est intéressée aux aspects génétiques chez des enfants présentant un TDC. Cette étude a mis en évidence des variations du nombre de copies (CNV, copy-number variations) pour un certain nombre de gènes ou loci exprimés dans le cerveau et/ou impliqués dans des troubles neuro-développementaux. Environ 2/3 de ces CNV sont hérités d’un parent présentant lui-même un trouble neuro-développemental, confortant donc l’hypothèse d’une origine génétique commune au TDC et à d’autres troubles neuro-développementaux. Enfin une seconde étude, analysant les performances et les troubles moteurs et cognitifs chez des enfants présentant des anomalies du nombre de copies d’une région particulière du chromosome 16, montre que plus de la moitié de ces enfants présentent en fait un TDC. Cette partie du chromosome 16 représente donc une région d’intérêt pour la recherche de gènes candidats pour le TDC.
Par ailleurs, les études ont principalement porté sur l’origine génétique des troubles moteurs observés dans le cadre d’un TDA/H. En effet, il est actuellement admis que l’héritabilité du TDA/H est élevée, et plusieurs gènes candidats ont été proposés. Partant du constat qu’environ la moitié des enfants TDA/H présentent également un TDC, plusieurs auteurs ont proposé l’hypothèse d’une étiologie commune à ces deux troubles, et en particulier une composante génétique. Plusieurs études ont permis de confirmer cette hypothèse. Bien que les résultats soient à considérer avec prudence car établis uniquement sur l’utilisation de questionnaires pour l’estimation des troubles moteurs, le nombre très important de sujets analysés et la concordance des résultats dans les différents pays sont clairement en faveur de la validité de ces observations.
Dans tous les cas, l’identification de gènes de susceptibilité pour le TDC constituerait une avancée, en ouvrant notamment de nouvelles pistes thérapeutiques potentielles. À ce jour, quelques gènes candidats pour les troubles de la coordination motrice ont été proposés chez la souris. C’est le cas par exemple pour certains gènes impliqués dans les voies dopaminergiques, dans la communication, la croissance ou la migration neuronale. Bien que ces résultats ne soient pas directement transposables aux troubles de la coordination motrice chez l’Homme, ils offrent cependant des gènes candidats potentiels pour le TDC.

V. Repérage, évaluations et diagnostic

Le repérage des signes d’appels est un enjeu pour la mise
en place d’un suivi et une prise en charge plus rapide
des enfants

Plusieurs auteurs insistent sur l’importance d’un repérage de signes d’appels chez des enfants susceptibles de présenter un TDC. Si le repérage ne présuppose rien pour le diagnostic, il peut néanmoins permettre la mise en place d’un suivi et d’un accompagnement pour des enfants, si nécessaire, voire de déclencher une démarche diagnostique pluridisciplinaire. Le cas échéant, la prise en charge pourra être plus rapide, ce qui peut permettre de réduire les pertes de chance pour les enfants présentant un TDC et limiter le développement de troubles secondaires comme par exemple l’anxiété.
Le repérage concerne les enfants « tout-venant » et n’est pas réservé à une population spécifique. Cette étape résulte d’une démarche individuelle et repose sur l’observation faite par des professionnels ou des non-professionnels (personne concernée par le trouble, enfant, adolescent ou même plus tard, à l’âge adulte, entourage familial, proches, amis...) de difficultés dans le domaine de la motricité sans avoir eu recours à l’utilisation d’un questionnaire ou d’un test. Le repérage suppose que l’observateur a des connaissances normées sur le développement moteur les âges clés auxquels se référer pour repérer des signes d’appels. Il faut généralement que plusieurs signes d’appels soient observés pour parler de repérage. Le critère A du DSM-5 détaille certains de ces signes comme la maladresse, la lenteur et l’inexactitude de la performance des habiletés motrices, la difficulté persistante dans l’acquisition des habiletés motrices de base (p. ex. attraper un objet, utiliser des ciseaux ou des couverts, écrire à la main, conduire un vélo ou faire du sport). Des retards marqués dans l’atteinte des jalons de la motricité du développement (p. ex. s’asseoir, ramper, marcher) peuvent être signalés. Comme cela est mentionné par le critère B du DSM, les signes d’appel doivent interférer avec la vie quotidienne ou scolaire, sociale ou de loisirs de la personne ce qui signifie qu’ils fassent l’objet d’une plainte de la part de la personne elle-même ou de son entourage. D’où l’importance à cette étape de prendre des informations auprès de plusieurs acteurs autour de l’enfant pour savoir si la ou les difficultés se retrouvent dans plusieurs situations.
Cette phase, faisant émerger la plainte, représente le déclencheur de la démarche diagnostique. Il apparaît important, à ce stade, de ne pas banaliser les difficultés observées, tout en les confrontant à l’âge de l’enfant.

Le diagnostic de TDC s’appuie sur des évaluations permettant de répondre aux critères du DSM
avec l’utilisation d’outils standardisés et normés

Toute maladresse ou tout retard graphique repéré ne correspond pas forcément à un TDC. L’approche diagnostique permettra de préciser si ces signes traduisent un TDC – et dans ce cas si le TDC est associé ou non à d’autres troubles – ou s’ils traduisent en fait un autre trouble pathologique. L’approche diagnostique doit notamment permettre de distinguer un simple retard de développement moteur, qui va ensuite être rattrapé par l’enfant, d’un TDC. La notion de persistance des difficultés pour l’enfant est donc un argument à prendre en compte. De manière générale, l’approche diagnostique se base sur les critères du DSM tels que mentionnés en début de cette synthèse. Leur déclinaison clinique pose néanmoins un certain nombre de questions sur les outils à utiliser, les seuils à retenir, les professionnels impliqués et leurs rôles ou encore la démarche à suivre selon les profils. De plus, l’évaluation diagnostique ne doit pas se limiter à ces critères lorsque les profils des personnes sont particulièrement complexes, que des signes laissent supposer que d’autres fonctions sont touchées et/ou que d’autres troubles sont associés.
Classiquement, le diagnostic du TDC peut être posé dès 5 ans, âge à partir duquel le système perceptivo-moteur peut être considéré comme suffisamment établi. Néanmoins, l’European Academy for Childhood Disability (EACD) stipule que l’âge du diagnostic peut être avancé à 3 ans si l’enfant présente une altération marquée du développement sous réserve de la prise en considération précoce des éléments de contexte, de l’exclusion d’autres causes de retard moteur14 . Dans ce cas, le diagnostic doit s’appuyer sur les résultats d’au moins deux évaluations menées à un intervalle de temps suffisant (au moins 3 mois). Cette pratique est à réaliser avec réserve compte tenu du manque de stabilité des scores obtenus aux différentes évaluations à ces âges. Quant à la dysgraphie, il est admis qu’elle peut être attestée à partir de 7 ans, soit après environ 2 ans de pratique de l’écriture manuscrite, bien que des observations puissent déjà être effectuées en maternelle. Ces seuils restent relatifs au regard de l’intensité du trouble ; une dysgraphie sévère peut être dépistée bien en amont.

Le diagnostic comporte obligatoirement une évaluation
de la coordination motrice pour laquelle un test moteur normé
est nécessaire mais pas suffisant

Rappelons que TDC signifie trouble développemental de la coordination. Ce trouble se caractérise donc avant tout comme une altération au niveau de la coordination motrice comme l’indique le critère A du DSM. Cette coordination doit être évaluée finement dès l’entrée dans le diagnostic avec des outils standardisés et normés pour la population correspondante. Toutes les dimensions de la motricité peuvent être touchées, l’ensemble de la motricité (globale et fine) doit donc être exploré. Mais si la coordination met en jeu la motricité, elle sollicite aussi de nombreuses autres fonctions cérébrales. Celles-ci doivent être évaluées en fonction des plaintes et des profils.
Dans tous les cas, l’entrée dans le diagnostic comporte une évaluation de la coordination motrice comme indiqué dans les critères A et C du DSM. L’aspect développemental est également souligné dans ces deux critères puisqu’il s’agit de comparer l’acquisition et l’exécution des compétences par rapport « au niveau escompté pour l’âge chronologique, etc. » et d’identifier le début des symptômes lors « de la période développementale précoce ». De récents travaux ont en effet montré l’importance de compléter l’évaluation de la performance par des mesures prenant en compte les aspects développementaux grâce à des critères qualitatifs et quantitatifs. L’évaluation de la coordination motrice prenant en compte les aspects développementaux nécessite de réaliser une anamnèse concernant les premières années du développement et d’utiliser des outils standardisés et normés.
Il n’existe pas actuellement de gold-standard pour l’évaluation de la motricité. Deux types de tests sont utilisés et présentés dans la littérature pour cette évaluation. Premièrement, les tests mesurant principalement la coordination motrice par une exploration de la performance15 (Movement Assessement Battery for Children – MABC-2, Bruininks-Oseretsky Test of Motor Proficiency – BOTMP, McCarron Assessment of Neuromuscular Development – MAND, Test of Gross Motor Development – TGMD). Deuxièmement, les tests évaluant principalement le développement neuromoteur sous-jacent à la fonction motrice en jeu, qui portent non seulement sur la performance motrice mais également sur des indicateurs d’un développement neurologique dans la norme en fonction de l’âge (Batterie française d’évaluation des fonctions neuro-psychomotrices de l’enfant – NP-Mot, Zurich Neuromotor Assessment – ZNA, Peabody Developmental Motor Scale – PDMS, Bayley-III).
Les tests neuromoteurs offrent une perspective développementale intéressante étant plus proches de la maturation motrice. Les tests qui présentent des mesures qualitatives et quantitatives permettent de mieux analyser la cause des déficits moteurs et par ailleurs de dépister des signes neurologiques doux notamment. Les tests de coordination motrice ont été étudiés plus largement dans le cadre de la recherche avec une visée d’évaluation globale de la motricité. Ils ont toutefois tendance à inclure des données normées pour des enfants plus âgés que les tests neuromoteurs qui saturent plus vite du fait du reflet de la maturation acquise.
Parmi les tests de coordination motrice, la MABC et la MABC-2 ont été le plus fréquemment analysées. Les fidélités test-retest et interévaluateurs sont estimées bonnes dans la majorité des études. Les résultats sont plus nuancés pour la validité de contenu. En effet, la MABC montre des limites car elle n’évalue qu’une partie de la motricité. La consistance interne est dans l’ensemble bonne, à l’exception du fait que pour la tranche d’âge 1 (3-6 ans), tous les items ne corroborent pas de manière forte. Dès lors, il semble important de considérer autant les sous-scores de la MABC que le score aux items dans le cadre de la démarche diagnostique. Rappelons à cet effet, que les recommandations européennes identifient un sous-type de TDC consistant en un faible score de dextérité manuelle équivalent ou inférieur au 5e percentile associé à une faible écriture manuelle. Par ailleurs, une mise en garde est évoquée par quelques auteurs concernant la MABC et la MABC-2 qui peuvent pénaliser les performances des enfants ne pouvant pas se souvenir d’instructions spécifiques ou ayant des problèmes attentionnels en raison de la double tâche ou de la complexité de la tâche en jeu dans certaines consignes. Concernant la validité convergente de la MABC, les résultats sont plutôt controversés, ce qui corrobore avec une faible sensibilité témoignant d’une difficulté à identifier correctement les enfants présentant un TDC. Il apparaît donc important de compléter la démarche diagnostique avec d’autres tests mesurant la motricité. Il est également important de réaliser plusieurs évaluations en cas de non concordance entre les résultats à un test de motricité et les difficultés exprimées par l’enfant et ses parents.
Concernant plus spécifiquement l’évaluation de l’écriture manuscrite, plusieurs tests papier-crayon sont utilisés. Ils permettent d’analyser la qualité de la trace produite (lisibilité, critères géométriques, critères d’organisation spatiale, etc.) et la vitesse d’inscription (nombre de caractères ou de mots écrits par minute). Les principaux tests utilisés (BHK, Minnesota Handwritting Assessment, Detailed Assessment of Speed of Handwritting, Hebrew Handwriting Evaluation) apparaissent suffisants pour permettre un diagnostic fiable de la dysgraphie, à l’exception de ceux fondés uniquement sur l’évaluation de la vitesse. Cependant, l’évaluation du geste du scripteur n’est pas prise en considération.

Le diagnostic comporte obligatoirement une évaluation des impacts
sur les activités et la participation (AVQ, scolarité,
activités professionnelles, loisirs, etc.)

Comme mentionné précédemment, le TDC a des impacts importants et hétérogènes sur les activités et la participation. L’évaluation de ces impacts, correspondant au critère B du DSM, fait partie intégrante de la démarche diagnostique. Il convient de les caractériser afin de préciser le diagnostic mais aussi d’être en mesure d’orienter la prise en charge de manière pertinente. La personne (et/ou ses parents si l’enfant n’est pas en mesure de répondre de manière adéquate) doit donc être interrogée sur ces aspects, au cours de l’anamnèse et au travers de questionnaires validés.
Il existe de nombreux questionnaires pour évaluer la perception de l’impact des difficultés de coordination motrice sur la vie quotidienne chez les enfants sans que ces outils ne soient spécifiques à des individus porteurs d’un TDC. Pour les enfants, ces questionnaires sont destinés à eux-mêmes, à leurs parents, à leurs enseignants ou encore à des professionnels de santé. Quelques questionnaires existent aussi pour les adolescents et adultes.
Les trois questionnaires les plus utilisés sont le Developmental Coordination Disorder Questionnaire (DCDQ), le DCDdaily Questionnaire et le MABC2-Questionnaire. Le DCDdaily Q est celui qui contient le plus de questions en relation avec les activités de la vie quotidienne (39 %). Le DCDQ est celui qui en présente le moins (7 %). Le MABC2-Q contient la plus importante proportion de questions en lien avec l’équilibre et la maîtrise de balles (63 %). Ces questionnaires n’évaluent donc pas les mêmes activités et par conséquent ne peuvent pas identifier les mêmes enfants mais renseigner sur des aspects différents des activités et de la participation. Il manque cependant des questionnaires spécifiques au TDC destinés directement aux enfants et aux adolescents.

La réalisation du diagnostic différentiel et la prise en compte
des troubles associés sont cruciales pour établir le diagnostic

Le diagnostic du trouble repose sur un examen clinique comportant l’anamnèse, l’examen clinique proprement dit – comprenant un examen neurologique à la recherche des signes neurologiques mineurs – et sur un diagnostic d’élimination (critère D du DSM). Il apparaît en effet indispensable de procéder à un diagnostic différentiel permettant d’écarter toute autre cause pathologique pouvant expliquer le retard ou le déficit de développement moteur. La littérature indique plusieurs signes pouvant amener à demander des examens complémentaires neuropédiatriques tels qu’une IRM cérébrale et/ou médullaire, un électroencéphalogramme (EEG), un électromyogramme (EMG), des examens biologiques, un dosage des créatines phosphokinases (CPK), une recherche de cause génétique et/ou métabolique. Ces signes sont par exemple des antécédents de traumatisme crânien, un strabisme, des céphalées, des anomalies du tonus, une asymétrie de la force musculaire, etc. La présence de l’un de ces signes peut orienter vers d’autres pathologies que le TDC.
Le DSM-5 mentionne également que l’examen neurologique et l’examen de la fonction visuelle doivent faire partie du diagnostic différentiel car c’est seulement si les difficultés de coordination motrice ne peuvent pas être mieux expliquées par une déficience visuelle ou en l’absence d’affection neurologique motrice (infirmité motrice cérébrale...) que le diagnostic de TDC peut être posé. Concernant l’évaluation de la perception visuelle, il ressort de l’analyse des tests existants qu’il importe d’évaluer aussi bien la perception visuelle avec et sans exigence motrice (épreuves avec papier-crayon) afin d’identifier si les difficultés proviennent d’un déficit de coordination motrice ou de perception visuelle. Par ailleurs, la littérature souligne l’importance de dépister notamment, via l’examen neurologique, un déficit moteur avéré de la commande motrice qui peut être associé au TDC, amplifiant les difficultés de coordination mais qui se différencie d’un TDC. Pour autant, dans la majorité des études analysées, ces examens n’ont pas été systématiquement réalisés.
Enfin, la fréquence importante des troubles associés et les conséquences de ces associations rendent indispensable de prendre en compte ce facteur dans l’évaluation diagnostique, en particulier de rechercher les associations avec le TDA/H et les troubles du langage écrit et oral. Cela doit permettre de clarifier ce qui relève d’un trouble concomitant ou ce qui est une conséquence du TDC et donc de préciser le diagnostic et mieux orienter les prises en charge. Là encore, dans beaucoup d’études portant sur le TDC ces précautions ne sont pas systématiquement prises.

Le diagnostic de TDC est nécessairement pluridisciplinaire, coordonné,
gradué et centré sur le patient (et sa famille)

La démarche diagnostique du TDC apparaît exigeante et pluridisciplinaire. Elle ne peut donc être portée par un seul professionnel et demande la contribution de plusieurs professionnels de santé qualifiés, en lien avec la famille et les enseignants. Les publications, principalement anglo-saxonnes, insistent sur l’importance de centrer la démarche diagnostique sur la personne et sa famille. Il s’agit non seulement de saisir les impacts sur les activités et la participation mais aussi de prendre en compte le point de vue et le vécu du patient et de ses proches. Les publications insistent également sur le besoin de coordination du diagnostic et des professionnels impliqués. Peuvent ainsi intervenir, chacun dans leurs domaines de compétence, des psychomotriciens, ergothérapeutes, neuropsychologues, orthophonistes, orthoptistes, neuropédiatres... Tous ont pour mission d’émettre des avis explicites afin, d’une part, que la personne en charge de coordonner et de poser le diagnostic ait les éléments nécessaires pour le porter ou demander des évaluations supplémentaires ainsi que pour orienter la prise en charge et l’accompagnement. Dans plusieurs pays, c’est le médecin généraliste ou pédiatre qui occupe généralement ce rôle. Néanmoins, une certaine ambiguïté est notée dans des publications concernant la place de ce professionnel dans le processus au regard du peu de formation reçue sur ce trouble. D’autre part, ces avis explicites de professionnels peuvent permettre d’apporter des éléments pour évaluer le handicap dans la perspective de l’attribution de droits. Ils sont donc cruciaux.
Les propos des associations de famille en France concernant le « parcours du combattant » pour accéder au diagnostic font écho à certains articles portant sur d’autres pays qui mentionnent que le diagnostic serait porté en moyenne 2 ans après la survenue des premiers signes faisant l’objet d’une plainte. De plus, les parents se sentent généralement peu accompagnés dans cette démarche. Si l’on se réfère au rapport de la Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant16 et plus récemment aux travaux de la Haute Autorité de santé17 , l’amélioration des parcours de soin (ou parcours de santé18 ) des enfants avec des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, dont fait partie le TDC, passe par une organisation graduée en 3 niveaux telle que présentée dans le schéma qui suit. Si peu de publications scientifiques portent sur cette organisation, celle-ci fait toutefois sens au regard de l’hétérogénéité clinique relative au TDC constatée dans la littérature et en clinique.
Dans ce modèle, le premier niveau correspond à l’intervention du médecin traitant référent, médecin généraliste ou pédiatre. Le rôle du médecin est ici de prendre en compte la plainte de la part des parents, de l’enfant ou adolescent, ou de la part d’un enseignant ou d’un autre professionnel de santé. Ce médecin formé au repérage des signes d’appel dans ce domaine doit procéder à un examen clinique comportant l’anamnèse, l’examen clinique et le diagnostic différentiel. Au terme de cette première étape diagnostique, il adressera l’enfant ou l’adolescent à un professionnel de santé tel qu’un psychomotricien ou ergothérapeute qui pourra réaliser des évaluations standardisées et normées dans le domaine moteur. Si le diagnostic de TDC est confirmé, le médecin prescrira alors une intervention thérapeutique. Si après un certain temps le trouble résiste à l’intervention thérapeutique ou si le trouble s’accompagne d’emblée de troubles associés, le médecin de niveau 1 pourra faire relai avec un médecin plus spécialisé dit de niveau 2 ou un dispositif dit de niveau 2 qui mobilise des équipes spécialisées pluridisciplinaires de proximité avec une prise en charge selon une base neurocognitive ou sensorimotrice. Enfin, l’enfant ou adolescent sera adressé au niveau 3, centre de référence hospitalier, chaque fois que le diagnostic reste non posé et le traitement en échec malgré les interventions de niveau 1 et de niveau 2.
Vue d’ensemble du parcours de santé des enfants avec troubles spécifiques du langage et des apprentissages (HAS, 2017)

VI. Les interventions

Des interventions variées dont l’efficacité dépend du profil
de la personne atteinte de TDC

Le terme « intervention » que l’on retrouve en général dans la littérature scientifique couvre plus largement un certain nombre d’activités de rééducation, remédiation ou de compensation destinées directement au patient ou des prestations indirectes visant des modifications de l’entourage de la personne concernée.
L’analyse de la littérature scientifique concernant les interventions auprès de personnes présentant un TDC a pris pour cadre de référence la Classification internationale du fonctionnement et de la maladie : version pour enfants et adolescents (CIF-EA). Les études mesurant l’efficacité d’interventions ont été classées sur l’axe « fonctions, activité et participation ». Ont été ainsi identifiées, 3 catégories d’interventions qui visent principalement l’amélioration : (1) des fonctions, (2) des fonctions et des activités, (3) des activités et de la participation. Cette classification des approches a été réalisée en considérant non seulement le type d’interventions mais également les mesures de résultats. Dans les différentes études recensées, les interventions sont dispensées soit par des chercheurs, soit par des professionnels.
De manière générale, l’analyse de cette littérature montre que les interventions nécessitent d’être pensées différemment selon l’âge de la personne, son profil (sévérité du trouble, troubles associés, compétences verbales) et ses besoins. Par exemple, chez le jeune enfant, les interventions prendront en compte plus particulièrement les fonctions pour ensuite tenir de plus en plus compte des activités et de la participation.

Une efficacité est retrouvée, quel que soit le type d’intervention

Avant de présenter les interventions qui apparaissent comme les plus efficaces pour certains profils d’enfants, il convient de mentionner les facteurs récurrents qui influencent les résultats des études quelle que soit l’intervention analysée. Ces facteurs concernent à la fois le design des études, les modalités des interventions ainsi que les profils des patients et l’implication des proches. Premièrement, concernant le design des études, il apparaît que les études dont le groupe contrôle ne bénéficie pas d’intervention identifient quasi systématiquement des résultats supérieurs pour le groupe expérimental. Alors que les études comparant deux interventions ne mettent pas forcément en évidence de différence entre les deux. Deuxièmement, la fréquence et la durée des interventions sont également importantes. En effet, une intervention hebdomadaire est plus efficace qu’une intervention plus espacée et une durée de 12 à 16 séances montre une efficacité plus importante que celle d’une intervention de 4 à 8 séances. Troisièmement, la participation des parents à l’intervention est importante car ils peuvent jouer le rôle de relais pour les actions ou stratégies travaillées durant des interventions. L’éducation des parents et des professionnels est également un point important pour leur permettre de faire face aux difficultés de l’enfant. Quatrièmement, le profil des enfants inclus dans les études joue un rôle. Les enfants qui ont une atteinte légère de la motricité et pas ou peu de troubles associés progressent plus rapidement que les enfants plus sévèrement atteints ou avec des troubles associés. C’est probablement pour cette raison que les études réalisées dans le cadre scolaire en ayant identifié les enfants sur la base d’un score inférieur au 15e percentile trouvent une efficacité des interventions en groupe, ce qui n’est pas le cas pour les études réalisées avec un recrutement en clinique.

Des interventions en groupe portant sur les fonctions
sont particulièrement intéressantes pour les enfants présentant
des difficultés modérées

Les approches visant l’amélioration des habiletés motrices fondamentales auprès d’un groupe de jeunes enfants identifiés dans le cadre scolaire et ne présentant que des difficultés modérées au niveau de la motricité offrent un niveau de preuve modéré. Les enfants avec un profil complexe et sévèrement atteints bénéficient dans une moindre mesure des interventions en groupe ; des interventions individuelles apparaissent préférables.
En effet, la majorité des études concernant des interventions en groupe a porté sur l’analyse des interventions centrées sur les fonctions, et a inclus uniquement une mesure de résultats sur les fonctions. Dans cette catégorie d’études, nous avons identifié 13 études cliniques randomisées, dont l’intervention a été réalisée en groupe et visait l’amélioration soit des habiletés motrices fondamentales, soit des fonctions motrices comme la force ou l’équilibre, voire l’endurance. Dans neuf études, le groupe contrôle ne bénéficiait pas d’intervention et dans quatre études, le groupe contrôle recevait une intervention. Dans le premier groupe d’études, des améliorations significatives ont été identifiées dans la grande majorité des publications (7/9) tandis que dans la deuxième catégorie des études, aucune des quatre approches n’a pu mettre en évidence de supériorité d’une intervention par rapport à une autre. Après l’intervention, les enfants plus légèrement atteints enregistrent des résultats dans la moyenne à un test de motricité tandis que les enfants plus sévèrement atteints présentent des résultats encore inférieurs à la moyenne. On retiendra également dans certains travaux en sciences du mouvement, les effets bénéfiques d’interventions en activités physiques adaptées sur les fonctions attentionnelles et motrices. Il en résulte donc que les interventions en groupe portant sur les fonctions motrices ont une efficacité pour améliorer ces fonctions chez des enfants.
Les études analysant l’efficacité des interventions individuelles améliorant les fonctions incluent des interventions très diverses comme une thérapie équestre, l’approche Halliwick19 , la thérapie physique, l’imagerie motrice ou une intervention de type orthoptique ou visuel. La grande majorité des études ne parviennent pas à objectiver des améliorations significatives à l’exception de la thérapie orthoptique mais l’étude porte sur un nombre trop peu important d’enfants (n=11) pour établir un bon niveau de preuve. L’efficacité d’interventions individuelles portant sur les fonctions ne peut pas être objectivée au vu de ces études.

Les approches visant à la fois les fonctions et les activités
offrent un niveau de preuve modéré

Dans les interventions visant à la fois les fonctions et les activités sont comprises les interventions perceptivo-motrices, les approches avec les jeux vidéo et l’approche Neuromotor task training. Il ressort que la majorité des études (8/11) objective une efficacité des interventions, sans pour autant qu’il soit possible de conclure à une meilleure efficacité par rapport aux interventions visant uniquement les fonctions. Elles offrent en revanche une plus grande diversité que les interventions portant uniquement sur l’entraînement moteur, permettant ainsi de mieux répondre aux besoins de l’enfant et de ses parents. Par ailleurs, comme le design de ces études est discutable car plusieurs d’entre elles n’ont pas de groupe contrôle et/ou un faible nombre de participants, elles ont un niveau de preuve modéré.

L’approche CO-OP peut être intéressante pour les enfants présentant
de bonnes compétences verbales

L’approche Cognitive Orientation to Occupational Performance (CO-OP) pour les enfants présentant de bonnes compétences verbales offre également un niveau de preuve modéré, et ce, uniquement pour la perception subjective des changements mais pas pour la motricité.
L’approche CO-OP est une démarche fondée sur l’approche centrée sur le sujet. Elle s’inspire de la remédiation cognitive avec l’emploi de la verbalisation d’auto-instruction et les stratégies globales de résolution de problèmes qui favorisent le développement de la métacognition. Elle comprend six étapes principales : le thérapeute utilise (1) la mesure canadienne du rendement occupationnel (MCRO) pour identifier les trois activités que l’enfant souhaite améliorer. Ensuite, il réalise (2) une analyse dynamique de la performance permettant d’identifier les difficultés de l’enfant à réaliser une activité. Après l’évaluation, le thérapeute enseigne (3) la stratégie cognitive globale : « pose un but, planifie, réalise, vérifie » et utilise pour ce faire une marionnette qui porte le nom de la stratégie globale. Ensuite, il réalise une activité en employant la stratégie globale. Les parents observent la séance et imaginent comment ils pourraient employer cette activité à la maison. Puis, il identifie des (4) stratégies spécifiques pour des difficultés particulières de réalisation de l’activité. Elles peuvent porter sur la position du corps, sur le fait de sentir le mouvement ou des stratégies d’auto-instruction verbale. Ensuite, un (5) transfert des acquis dans la vie de tous les jours est renforcé par le biais des parents ou des personnes gardant l’enfant. Une dernière étape (6) prévoit la réévaluation avec la MCRO notamment.

Les interventions visant l’amélioration des fonctions et des activités
et considérant la participation apparaissent prometteuses

Les interventions visant les activités et la participation intègrent des interventions en ergothérapie et psychomotricité dont les approches CO-OP mais aussi les interventions visant la compensation du handicap. Ces dernières visent à changer l’environnement plutôt que l’enfant, notamment en proposant le recours à un ordinateur ou une tablette pour pallier des difficultés d’écriture manuscrite mais d’autres propositions existent aussi pour faciliter la vie quotidienne des enfants dans le cadre scolaire ou familial.
Les approches visant les activités et la participation et correspondant aux besoins de l’enfant dans son contexte de vie sont prometteuses car elles contribuent à une meilleure qualité de vie de l’enfant et de ses parents. Une revue de littérature qualitative portant sur des études réalisées auprès d’enfants bénéficiant d’approches en ergothérapie et de leurs parents montrent que les interventions incluant des jeux et des activités motrices qui favorisent la participation sociale sont les plus efficaces selon les parents et les enfants. Une autre revue systématique confirme que les interventions centrées sur les occupations (activités menées dans le contexte de vie) sont les plus efficaces.
Le niveau de preuve reste cependant faible du fait notamment que la principale mesure de résultats est la MABC (1 ou 2) et que très peu d’études incluent une mesure de résultats sur les activités et la participation, encore moins sur la qualité de vie. Il est donc difficile de pouvoir actuellement décrire une amélioration aux différents niveaux de la CIF pour les différentes interventions. Des études cliniques randomisées nécessitent donc d’être menées avec ce type de mesures pour affirmer une meilleure progression des enfants.

La remédiation de l’écriture doit intégrer de l’écriture
sur un certain nombre de séances consécutives

Le but de la remédiation est de permettre à l’enfant de retrouver une écriture fonctionnelle en classe, c’est-à-dire une lisibilité et une vitesse suffisantes sans surcharge cognitive. La thérapie s’organise autour de l’enfant en lien avec les parents et les enseignants qui ont un rôle à jouer dans l’accompagnement et la généralisation des acquis en séance. Les articles scientifiques semblent corroborer les dires des praticiens sur l’utilité de la remédiation de l’écriture pour de nombreux enfants présentant un TDC mais les preuves apportées sont encore limitées.
On distingue classiquement deux types d’interventions : les thérapies orientées sur le déficit ou les processus, visant à restaurer les fonctions altérées, et celles orientées sur la performance ou la tâche, qui cherchent à accroître l’activité et la participation de l’enfant, en utilisant des interactions constantes entre le sujet, l’environnement et l’activité travaillée. Au travers des articles scientifiques actuellement disponibles, on constate que plusieurs méthodes de remédiation de la dysgraphie ont été développées, fondées sur ces deux types d’interventions : approches cognitives, sensorimotrices, ciblées sur la tâche, ciblées sur le déficit, etc. Les méta-analyses scientifiques montrent une efficacité nettement supérieure des méthodes ciblant des habiletés spécifiques. Cependant, très peu des approches mentionnées ont clairement été validées par une étude portant sur un nombre suffisant de sujets. Il n’existe à l’heure actuelle aucune méthode générique établie et consensuelle pour la rééducation de la dysgraphie. Ceci s’explique principalement par la grande hétérogénéité des troubles d’écriture manuscrite observés chez ces enfants qui requiert une adaptation de la méthode de remédiation aux difficultés propres de chaque enfant, à son âge et/ou son niveau d’acquisition de l’écriture. Il semble en fait que la combinaison de plusieurs approches agissant sur différentes composantes (sensorimotrices, visuo-spatiales, cognitives, etc.) soit intéressante et que la méthode de remédiation doit être mise en place au cas par cas par le praticien.
La littérature pointe néanmoins un certain nombre d’éléments comme étant à évaluer et à prendre en compte avant la mise en place d’une remédiation : (i) les facteurs propres à l’enfant (nature des déficits moteurs ou sensorimoteurs, évaluation de l’intégration visuo-motrice, dextérité manuelle, attention visuelle, etc.), (ii) les facteurs environnementaux (style d’écriture, quantité de pratique de l’écriture, position d’écriture, etc.), et (iii) le stade d’acquisition de l’écriture de l’enfant (phase de préapprentissage, phase de maîtrise). Un diagnostic différencié et individualisé est donc essentiel en amont afin de permettre la prise en charge la mieux orientée possible.
Enfin, deux facteurs essentiels contribuent à l’efficacité d’une rééducation : (i) celle-ci ne peut être efficace que si elle inclut des exercices d’écriture, et (ii) la durée de la rééducation est un facteur essentiel de réussite (un minimum de 20 séances semble être requis). L’âge du début de l’intervention est également déterminant dans sa réussite. En outre, la remédiation est plus efficace si la famille est impliquée et aide le sujet dans sa pratique autonome de l’écriture. L’implication des enseignants est également un facteur supplémentaire de réussite de la remédiation, en particulier dans le contexte de l’école primaire.
Enfin, la question de l’arrêt de la remédiation est également importante. Il apparaît que l’écriture de l’enfant doit être systématiquement évaluée avant et après remédiation, afin de valider l’efficacité de celle-ci et d’en décider l’arrêt ou la poursuite. La balance bénéfice/coût cognitif est primordiale dans cette décision, l’objectif étant de permettre à l’enfant d’avoir une écriture fonctionnelle en classe, et non coûteuse d’un point de vue cognitif. La remédiation sera interrompue lorsque l’objectif est atteint, ou lorsqu’il est évident pour le praticien qu’il ne pourra pas l’être.
Théoriquement, des outils de compensation et des aménagements sont proposés à l’enfant à l’école chaque fois que son écriture n’est pas suffisamment fonctionnelle (en matière de vitesse et de qualité) pour lui permettre de répondre aux exigences scolaires que ce soit pendant la remédiation ou à son issue. Lorsque ces adaptations sont proposées en même temps que la remédiation, une attention particulière est à porter à l’articulation entre les deux démarches pour ne pas démotiver, ni trop charger l’enfant. À noter néanmoins que la littérature aborde peu ce sujet alors même que l’usage de moyen de compensation est à la fois recommandé et semble être une pratique courante.

Des modèles d’interventions intégrant les facteurs environnementaux et de la « prévention »
offrent des modélisations intéressantes pour articuler plusieurs types d’interventions

Les interventions doivent favoriser la participation de l’enfant et ne pas se fonder uniquement sur l’enfant et ses parents mais prendre aussi en compte des facteurs environnementaux comme les pairs, les professionnels dispensant des offres de loisirs, les politiques et la communauté de manière plus générale. Les interventions indirectes, qui peuvent être adressées aux parents, aux enseignants ou autres professionnels et qui intègrent souvent de la « prévention », ont été introduites depuis les années 90 dans les pays anglo-saxons pour les enfants présentant des troubles du langage. Concernant le domaine de la coordination motrice, plusieurs modèles ont été développés récemment. Mais ils n’ont pas encore bénéficié d’études mesurant leur efficacité.
Le modèle de réaction à l’intervention (RTI) offre une modélisation particulièrement intéressante des niveaux d’intervention. Il s’inspire des modèles de prévention des maladies en santé publique basés sur une conception à trois niveaux avec la prévention primaire, secondaire et tertiaire. Le modèle RTI a été initialement développé pour des enfants présentant des difficultés de lecture. Mais ensuite, il s’est généralisé notamment avec le programme aux États-Unis « No child left behind ». Ce modèle peut prendre différentes formes mais comprend classiquement trois niveaux. Le premier niveau renforce les compétences des enseignants à développer des stratégies d’enseignement adaptées aux difficultés des enfants. Suivant les approches, ils sont également formés à faire passer des évaluations pour repérer les enfants posant des difficultés. Ensuite, les enfants posant des difficultés reçoivent un enseignement supplémentaire en petits groupes (niveau 2). Enfin, les enfants dont les difficultés sont sévères et complexes reçoivent des prestations individuelles et intensives (niveau 3). Ce modèle contribue ainsi à planifier, coordonner et organiser les différentes actions que ce soit au niveau de l’éducation ou de la santé publique et à créer des filières de prise en charge. L’efficacité d’interventions ne peut pas se penser sans l’action des différents acteurs et sans moyens de mesure qui intègrent la réalisation des activités et la participation de l’enfant que ce soit aux niveaux familial, scolaire ou social. Ce modèle pourrait être développé pour les enfants rencontrant des difficultés de coordination motrice. Le premier niveau porterait sur les programmes visant à renforcer les habiletés motrices fondamentales dans le cadre scolaire. Le deuxième niveau inclurait les interventions en petits groupes pour les enfants présentant de faibles compétences motrices et le troisième niveau viserait les enfants qui présentent un TDC sévère et des troubles associés.
Le modèle Partnering for Change (P4C) conçu en Ontario spécifiquement pour la collaboration des ergothérapeutes dans le cadre scolaire paraît également intéressant. Il vise à modéliser les différentes actions que l’ergothérapeute offrira aux enseignants et aux enfants en 3 niveaux. Dans le cadre du premier niveau, les ergothérapeutes cherchent à renforcer les connaissances des enseignants sur le développement moteur et leurs capacités à stimuler ce développement. Dans le deuxième niveau, ces professionnels ont pour but de soutenir l’enseignant à adapter son enseignement pour les enfants présentant des difficultés de coordination motrice. Dans le troisième niveau, les ergothérapeutes observent l’enfant posant des difficultés, ils analysent son activité et proposent des stratégies spécifiques et individuelles pour chaque enfant. Une étude sur l’implémentation de cette méthode a montré divers bénéfices : diminution des listes d’attente pour des prestations, améliorations de relations entre enseignants et ergothérapeutes, développement des compétences des enseignants pour adapter leurs enseignements et augmentation de l’utilisation par les enfants des stratégies apprises dans le cadre scolaire.
Enfin, le modèle Apollo Service Delivery, développé au Québec pour des enfants présentant des troubles du développement, vise à organiser les interventions communautaires, en groupe et individuelles. Il définit également les étapes de l’intervention allant du premier contact au processus de suivi et a été adapté pour les enfants présentant un TDC. Les interventions communautaires visent à développer la connaissance du TDC et de ses répercussions dans la vie de tous les jours auprès des enseignants, des animateurs sportifs ou éducateurs. Ces interventions se déclinent sous forme de conférences, cours ou ateliers permettant non seulement de connaître mieux ce trouble mais également de savoir le gérer. Les interventions de groupes concernent en général des enfants avec des difficultés d’importance légère à moyenne et peuvent avoir différentes finalités que ce soit pour l’amélioration de l’écriture, du calcul ou des aptitudes physiques. Les enfants avec un profil complexe bénéficieront d’une intervention individuelle fondée sur les preuves scientifiques. Qu’elles soient individuelles ou de groupe, les interventions vont varier en fonction de l’âge de l’enfant.
Les prestations indirectes ou de consultation peuvent être adressées aux parents comme aux enseignants ou autres professionnels. Elles peuvent être associées à des prestations directes notamment au moment de l’évaluation ou de séances permettant d’identifier les stratégies et conseils à promouvoir auprès des différents partenaires.

VII. Politiques publiques, acteurs de la prise en charge
et scolarité

Les personnes présentant un TDC entrent dans le champ international et français du handicap et relèvent des lois nationales sur le handicap

Il est aujourd’hui reconnu que les personnes présentant un TDC entrent dans le champ du handicap. En attestent notamment de nombreux rapports récents et textes de politique publique nationaux ainsi que les travaux internationaux rapportant les limitations d’activités et les restrictions de participation dans les activités de la vie quotidienne ainsi que dans le cadre scolaire de ces personnes. Pourtant, cette inclusion ne va pas de soi et résulte d’un processus historique d’extension du champ du handicap et de l’élargissement de la définition.

Une progressive hybridation du modèle médical
et du modèle social du handicap

Au niveau international, la question du handicap a connu une évolution importante lors des dernières décennies du xxe siècle et des premières du xxie siècle. Cette transition traduit conjointement un changement dans les revendications des militants de la cause des personnes handicapées et une reconceptualisation théorique des recherches en sciences sociales sur le handicap. Il y aurait un changement de « modèle » du handicap : d’un modèle qualifié de médical par ses détracteurs, dans lequel le handicap est principalement lié à une déficience, on serait passé à un modèle social insistant davantage sur la dimension sociale et les droits des personnes concernées. Pour ce modèle, la société créée le handicap du fait des obstacles physiques, sociaux et culturels, que rencontrent les personnes. Une autre critique du modèle médical du handicap est d’ordre scientifique et souligne l’instrumentalisation de la médecine par un dispositif technico-administratif avec un savoir construit par et pour l’administration. L’ensemble de ces critiques a produit des effets sur les politiques au niveau international et a donné lieu au concept de « situation de handicap », présent notamment dans la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF). Par ailleurs, en lien avec le modèle social du handicap, la question des droits des personnes handicapées a pris une place croissante dans les politiques publiques des dernières décennies. À l’échelle internationale, on retiendra donc qu’il y a une hybridation des modèles.
Concernant la France, en plus de cette influence internationale, l’échelon européen a aussi joué un rôle dans la définition des politiques du handicap. Dans les pays européens, la politique du handicap fait partie historiquement de la protection sociale et s’est développée en parallèle d’autres domaines d’action publique. La « non-discrimination » est envisagée comme un nouveau type de politique sociale. De 1958 à 2005, la politique européenne a surtout été incitative, posant peu de contraintes légales ou financières. Elle a néanmoins largement influencé la politique française bien que cela n’ait pas été explicite. Ainsi, la politique des droits des personnes handicapées en France résulte de circulations internationales des catégories de classification du handicap mais aussi de revendications militantes.

En France, les personnes présentant un TDC relèvent de la loi de 2005
sur le handicap

En France, du début du xxe siècle au début du xxie siècle, la prise en charge des personnes considérées comme étant « en situation de handicap » s’est d’abord faite avec la création d’un milieu protégé (en matière d’emploi mais aussi de scolarité, avec l’éducation « spéciale ») puis à travers la promotion de la normalisation et de l’intégration puis de l’inclusion. Dans ce processus, la date de 1975 a constitué un tournant avec le vote de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées qui ouvre des droits pour toutes les catégories de ceux qu’on appelait jusqu’alors « infirmes » au sein d’une catégorie unifiante. On notera néanmoins que le texte ne définit pas la population cible20 . C’est la loi du 11 février 2005 qui propose la première définition précise du handicap dans un texte juridique de référence. « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » L’un des effets de cette évolution est d’inclure dans le champ du handicap des populations qui n’en faisaient pas partie auparavant. C’est le cas pour les personnes – principalement des enfants d’âge scolaire – présentant un TDC. Cette loi s’appuie sur deux principes. D’abord, le principe d’accessibilité, un principe de droit commun, qui touche des domaines très différents de la vie sociale, relève de multiples codes (civil, santé publique, sécurité sociale, marchés publics, etc.) mais dont la définition n’est pas pour autant très explicite. Ensuite, le principe de compensation, relevant d’un régime d’exception. Alors que le handicap a d’abord été traité comme une catégorie à part, l’objectif des politiques et rapports publics les plus récents est de mettre en place un droit commun le plus englobant afin que ce qui relève spécifiquement du handicap soit le plus subsidiaire possible.

La difficile application de la loi de 2005 et sa dimension médico-administrative via les MDPH

La loi de 2005 marque une rupture dans les modes de définition du handicap et a transformé les fonctionnements institutionnels. Le handicap est alors devenu un secteur d’action publique à part entière. Pourtant, cette évolution ne va pas sans poser de questions pratiques. On retiendra notamment que le handicap renvoie à des domaines différents de la vie sociale et de l’action publique, à des situations extrêmement variées et implique une multiplicité d’acteurs. Une autre caractéristique de cette politique est l’évolution vers la promotion d’un droit individualisé prenant en compte l’environnement et le projet. Alors qu’auparavant dominait une prise en charge en institution, l’accompagnement dans des parcours personnalisés est promu dans les politiques actuelles. Cela impose une transformation des secteurs sanitaire, médico-social et social et de leurs interactions. Les liens avec le secteur scolaire sont redéfinis avec la notion de parcours et l’articulation entre les réponses relevant du droit commun et celles spécifiques.
Par ailleurs, on assiste également à une évolution vers une logique d’activation individuelle des droits. L’un des effets majeurs induits par la loi de 2005 sur le handicap est la création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) auxquelles vont être adressées les demandes. Deux logiques ont présidé à leur mise en place : d’une part, une logique de service à l’usager avec la création d’un « guichet unique » du handicap ; d’autre part une logique de transformation de l’action publique. Les MDPH sont placées sous la tutelle des départements, ce qui explique la variété des situations locales attestée par divers travaux ainsi que par les associations de familles.
Dans les cas concernant des enfants, les MDPH sont saisies par les familles. Les dossiers qu’elles constituent sont transmis à une équipe d’évaluation pluridisciplinaire, puis à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Les CDAPH sont des commissions partenariales qui ont pour fonction d’attribuer des droits aux usagers et d’octroyer au cas par cas des prestations sur la base de l’évaluation du handicap (et non des déficiences). Peuvent par exemple être financés des interventions ou des moyens de compensation en milieu scolaire. Les associations d’usagers21 y sont représentées. Les travaux de recherche sur ces commissions montrent notamment qu’elles ont à traiter un nombre considérable de dossiers au regard de leurs moyens, qu’elles sont soumises à des contraintes d’efficacité de type gestionnaire et qu’elles traitent donc de nombreux dossiers de manière quasiment automatisée, enfin que leur fonctionnement est peu formalisé. Le droit à la compensation apparaît comme un point particulièrement problématique, car il implique de mesurer le surcoût du handicap. Par exemple, des allocations comme l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) sont censées financer des rééducations et non des soins, mais la limite est difficile à poser. Les travaux sur le sujet rapportent que, dans les faits, tous les dossiers ne sont pas examinés en CDAPH, et que ce sont souvent les équipes pluridisciplinaires, dont la composition varie selon les départements, qui réalisent l’essentiel du travail d’évaluation. Leur travail consiste en une lecture du projet de vie, des documents médicaux et paramédicaux, du bilan social et des éléments scolaires. Plusieurs travaux montrent que la dimension physiologique du handicap demeure dans la pratique courante avec par exemple le recours à un guide-barème s’appuyant sur des considérations médicales et une prépondérance des enjeux médicaux et psychologiques. Concernant les enfants, les enjeux scolaires semblent tout de même prendre une place plus importante, notamment via les guides d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-Sco). Enfin, les différents travaux sur le fonctionnement des MDPH tendent à montrer que la place des usagers y est limitée. Sur ce point on peut regretter l’absence de travaux sur les MDPH du point de vue des usagers.
Si la loi de 2005 marque bien une rupture dans les modes de définitions du handicap et a transformé les fonctionnements institutionnels avec la création des MDPH, en pratique, on assiste en fait moins au passage d’un « modèle médical » à un « modèle social » qu’à la superposition des modèles avec une dimension médico-administrative importante, malgré la prise en compte de facteurs sociaux et environnementaux. Identifier cette dimension permet de comprendre un ensemble d’incompréhensions et de lourdeurs administratives, dans la gestion des dossiers notamment.

Une littérature « à l’interface » permet d’appréhender
les acteurs et leurs pratiques mais sa portée est très limitée
et laisse encore de nombreuses zones d’ombres

Des pratiques professionnelles difficiles à saisir

La pluridisciplinarité est essentielle dans le suivi et la prise en charge des individus présentant un TDC, que ce soit pour le diagnostic, l’articulation entre plusieurs interventions ou la mise en place de moyens de compensation, à l’école par exemple. La division du travail entre acteurs, relevant de domaines différents ou non, ainsi que la coordination entre ces acteurs sont donc des questions centrales. Néanmoins, dans une perspective sociologique, la littérature concernant le TDC est assez pauvre sur ces aspects, la division du travail étant beaucoup plus difficile à appréhender dès lors qu’elle associe des professionnels exerçant en libéral. Les quelques publications identifiées se situent souvent à l’interface entre littérature professionnelle et scientifique et sont peu exhaustives au regard de la diversité de professionnels impliqués et des situations d’exercice de leurs métiers (en institution ou en libéral). Elles permettent toutefois de saisir des pratiques mais présentent des résultats scientifiques de portée assez limitée. Les informations concernant la coordination sont encore plus sporadiques.
Par ailleurs, les publications considérées portent sur des questions de recherche révélatrices des contextes intellectuels et politiques dans lesquels elles ont été produites. Ainsi, les publications en provenance du Royaume-Uni – qui s’appuient sur le corpus de données le plus pertinent – envisagent les perceptions des acteurs. Les articles canadiens sont consacrés essentiellement au travail des occupational therapist, un groupe professionnel qui occupe dans ce pays une position déterminante dans la prise charge du handicap. Les publications françaises sont pour leur part, essentiellement descriptives.
On voit ainsi que les thérapeutes (correspondant principalement aux ergothérapeutes et psychomotriciens dans le cadre français) ont une place particulière dans les articles sans pour autant que leur travail réel ne soit analysé, ni les conditions de ce dernier. On a donc principalement accès aux dimensions officielles de leur activité mais pas aux pratiques plus informelles. Les médecins généralistes sont aussi cités car ils figurent parmi les premiers professionnels consultés par les parents qui constatent des difficultés motrices chez leurs enfants. Malgré leur rôle de coordination des parcours diagnostiques et de soins, ils font état de leurs faibles connaissances du TDC. À noter qu’en France, les orthophonistes sont fréquemment consultés pour des enfants d’âge scolaire bien que le TDC ne fasse pas partie des compétences qui leurs sont reconnues. Leur prise en charge par l’Assurance maladie, contrairement aux psychomotriciens et ergothérapeutes peut expliquer en partie ce phénomène.
Outre les publications scientifiques, la littérature grise disponible indique également que les bilans et prises en charges représentent un coût considérable qui reste le plus souvent à la charge des familles. On observe également que la coordination entre les différents professionnels impliqués, bien qu’elle ne soit pas un objectif explicite des politiques du handicap, rencontre un certain nombre d’obstacles. Lorsqu’elle est réalisée, elle repose souvent sur le travail des parents.

Les personnes présentant un TDC, leurs familles et les associations
de familles ont une place marginale dans les publications

Les articles recensés traitent peu des personnes présentant un TDC autrement que comme patients, objets du travail diagnostique et de rééducation, alors même qu’elles sont les premières concernées et qu’elles peuvent être considérées comme des acteurs de leur prise en charge. L’expertise profane a pourtant donné lieu à de nombreux travaux à propos d’autres pathologies. En outre, le rôle des parents (voire des familles ou même plus largement des associations) dans cette division du travail est peu visible alors même qu’il s’avère décisif.
Dans les travaux consacrés aux parents, on peut distinguer deux tendances : la première les considère comme des « assistants » des soignants tandis que la seconde privilégie davantage leurs perceptions mais toujours en lien avec les professionnels. La première tendance envisage les parents au prisme des questions de rééducation, comme des acteurs participant à la prise en charge mais sous le regard d’autres acteurs qui sont des professionnels. L’objectif est le plus souvent d’ordre pratique : il s’agit de rendre la prise en charge plus efficace en y associant les parents. La seconde tendance étudie les perceptions des parents en rapport avec le diagnostic et la prise en charge de leurs enfants. Certains auteurs montrent notamment l’importance, dans la satisfaction des parents, du temps passé avant l’obtention du diagnostic et pour déclencher une prise en charge. D’autres auteurs soulignent également que les perceptions des parents et enfants sur leurs difficultés ne sont pas toujours en phase avec les évaluations cliniques. Parmi les limites de ces travaux sur les parents, on retiendra l’homogénéité des populations étudiées, en termes de niveau de diplôme, de revenu ou d’origine ethnique. Or, l’appartenance sociale est un élément important dans le rapport au diagnostic, à la prise en charge et l’accompagnement ainsi qu’à la scolarité. D’abord, les inégalités en termes de ressources financières conditionnent l’accès au diagnostic. Ensuite, les diagnostics médicaux ne prennent pas le même sens selon les groupes sociaux, notamment lorsqu’ils concernent des enfants. Il en va de même pour les parcours : au-delà des difficultés réelles rencontrées, la rhétorique du « parcours du combattant », notamment rappelée à plusieurs reprises par les associations de parents suppose des ressources économiques et culturelles suffisantes pour adopter une position active vis-à-vis des institutions et des professionnels. Ainsi, les familles des catégories moyennes et supérieures sont-elles non seulement plus réceptives à certains diagnostics mais disposent aussi davantage de ressources en vue des prises en charge et d’un accompagnement de la scolarité. À ce sujet une enquête menée en Bourgogne sur la scolarisation des enfants handicapés22 apporte de précieux éléments. Elle montre notamment que la continuité de la scolarité, la réussite scolaire et l’orientation portent essentiellement sur les familles qui compensent les manques et les dysfonctionnements des dispositifs existants (avec leurs propres moyens), ce qui se traduit par des inégalités sociales et des disparités géographiques fortes. Cette enquête expose également un important et récurrent problème de communication entre parents, enseignants, personnels scolaires et MDPH.
Enfin, les associations de familles jouent un rôle d’accompagnement non négligeable, mais ne sont pourtant pas étudiées en tant qu’acteurs de la division du travail autour des personnes présentant un TDC. Lorsqu’elles sont mentionnées, c’est la plupart du temps pour identifier les populations d’études ou relayer des informations.
On voit donc que, d’un point de vue sociologique et à la lumière des travaux existants sur d’autres types de handicap, de nombreux champs de recherche restent à ouvrir sur les acteurs concernés, qu’ils soient ou non professionnels, ainsi que sur leurs relations.

Peu de travaux existent sur ce qui génère, ou limite,
des situations de handicap en contexte scolaire
pour les enfants présentant un TDC

Les travaux sur la participation limitée des enfants présentant un TDC dans le cadre scolaire et le fait que les difficultés qu’ils y rencontrent constituent un motif récurrent de plainte, attestent que ces enfants se trouvent souvent en situation de handicap à l’école et suggèrent même que l’école, par son fonctionnement et ses contraintes, génère ces situations, qu’elle peut aussi contribuer à limiter. Ceci amène donc à interroger le rôle de l’école dans la transformation du trouble en handicap et à analyser ce qui produit les mises à l’écart des enfants présentant un TDC, au sein d’une institution qui, par ailleurs, se donne comme mission d’accueillir tous les enfants. En effet, la loi de refondation de l’école de 2013 et la loi sur le handicap de 2005 consacrent une nouvelle approche de la scolarité : quels que soient les besoins particuliers de l’élève, c’est à l’école de s’assurer que l’environnement est adapté à sa scolarité. Pour autant, l’école n’a pas été réformée structurellement pour devenir accessible. Elle s’est vue principalement adjoindre des moyens pour mettre en œuvre des aides de nature compensatoire, notamment des aides humaines comme les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ou les auxiliaires de vie scolaire (AVS). Ainsi, la mise en application de la loi de 2005 et la mise en pratique du principe de l’école inclusive, en partenariat avec les autres instances et professionnels impliqués, rencontrent manifestement de nombreuses difficultés qui retentissent notamment sur les enfants présentant un TDC. Quatre questions principales se posent donc. 1) Qu’est-ce qui fait que le trouble devient handicap ? 2) Comment l’environnement scolaire génère-t-il des situations de handicap pour les élèves manifestant ce trouble ? 3) Quelles sont les stratégies que l’école met en place pour les enfants présentant un TDC et comment s’est-elle appropriée cette question (au-delà des textes programmatiques produits dans le prolongement de la loi de 2005) ? 4) Comment l’institution scolaire (de la maternelle à l’université) peut-elle mettre en œuvre les moyens matériels, humains et pédagogiques permettant aux élèves présentant un TDC de réaliser un parcours de formation adaptée à leurs possibilités et à leurs souhaits, grâce à des compensations adaptées ? Sur ces quatre questions, la littérature scientifique apporte à ce jour peu de réponses.
Au côté du peu de travaux scientifiques disponibles sur ces aspects, des articles de revues articulant le champ de la recherche et celui des pratiques professionnelles ainsi que des textes officiels et des rapports énonçant un certain nombre de constats sur le fonctionnement de l’institution scolaire fournissent néanmoins de précieuses observations et réflexions pour des recherches à venir. Ainsi des articles issus du champ professionnel fournissent des apports utiles pour i) informer sur le cadre institutionnel ; ii) rendre compte des difficultés et des préoccupations des professionnels (psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, enseignants, etc.) et des parents qui – par le biais des associations – acquièrent des compétences d’interface leur permettant de faire le lien entre le parcours de santé et le parcours de formation ; iii) présenter des aménagements et adaptations pédagogiques qui renvoient surtout à des savoirs professionnels, principalement en ergothérapie et en psychomotricité. Quelques travaux à visée pédagogique ou didactique ont aussi été produits pour spécifier des adaptations propres aux disciplines (en mathématiques, arithmétique, éducation physique et sportive, lecture, dessin et en arts plastiques). Ils débouchent souvent sur des prescriptions techniques visant à favoriser les apprentissages (par ex. : utilisation d’un ordinateur pour compenser les difficultés d’écriture sans toutefois s’interroger sur l’accès à l’écriture et sur le rôle de l’organisation de l’école dans cet accès, ni envisager des solutions différenciées selon les élèves). On en retient que les stratégies pédagogiques varient en fonction du niveau des élèves, des compétences et de l’expérience des enseignants mais aussi des dispositifs mis en œuvre. Mais les articles restent dans une logique de compensation fonctionnelle au regard d’une organisation de l’école et de l’enseignement qui n’est pas mise en question.
Évitant de se centrer sur tel ou tel type d’interventions, quelques rares articles soulignent la nécessité de modifier l’environnement scolaire de manière à le rendre accessible aux élèves présentant un TDC en leur fournissant les compensations nécessaires (aménagement de l’espace, du temps, outils, etc.).
Mais de manière générale, les articles étudiés traduisent la difficulté à analyser les stratégies adoptées concrètement par les professionnels de l’éducation et de la santé pour rendre accessibles les apprentissages ou mettre en œuvre une compensation, ainsi que pour évaluer les effets et les résultats des dispositifs mis en place. Il ressort en tout cas de quelques travaux que les enseignants apparaissent souvent démunis par rapport à la survenue de difficultés. Les articles peinent également à analyser la manière dont les acteurs fonctionnent plus ou moins bien ensemble. Par ailleurs, nous ne disposons pas d’informations sur le devenir des enfants. Or tous ces éléments sont particulièrement importants si l’on veut mettre en évidence des mécanismes de blocages ou au contraire des facteurs de succès sur lesquels s’appuyer pour mettre en place une école véritablement inclusive.
On constate également l’absence de travaux qui observent précisément les difficultés rencontrées par l’enfant. En effet, les difficultés à l’école sont souvent rapportées de manière globale, comme s’il s’agissait de difficultés en soi, indépendantes du contexte scolaire. Un enfant est, par exemple, présenté comme étant en difficulté scolaire sans précision de la classe dans laquelle il est, des matières problématiques, des types de tâches qui le mettent particulièrement en difficulté et encore moins des conditions d’exercice ou des compétences demandées.
Enfin, on constate l’absence de travaux analysant la manière dont l’école française accueille concrètement les élèves présentant un TDC, de la maternelle à l’université en passant par les filières techniques et d’apprentissage. Or, ce type de recherches permettrait de mieux saisir la manière dont l’école française prend en compte et accompagne les élèves porteurs de TDC à ses différents niveaux. Nous ne pouvons pas nous contenter des rares travaux réalisés dans des systèmes scolaires anglo-saxons et les transposer sans précaution à notre réalité institutionnelle. En effet, les apprentissages ne sont pas dissociés du contexte dans lequel ils interviennent et l’école constitue un lieu finalisé d’une part par des acquisitions en matière de connaissances et par ailleurs par l’intériorisation de normes, de valeurs et d’idéaux. Or, chaque système scolaire fonctionne de manière spécifique et produit des programmes, des modalités d’évaluation, des pédagogies et des organisations qui lui sont propres.

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