Fibromyalgie

2020


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Recommandations
La fibromyalgie est classée en tant que « douleur chronique généralisée » par l’OMS dans la Classification internationale des maladies. Elle est définie comme un syndrome consistant en l’association de symptômes chroniques, d’intensité modérée à sévère, incluant des douleurs diffuses avec sensibilité à la pression, de la fatigue, des troubles du sommeil, des troubles cognitifs et de nombreuses plaintes somatiques. Comme pour la plupart des syndromes douloureux chroniques, ses critères de diagnostic évoluent depuis 1990, semblent peu connus et sont peu utilisés par les médecins, et aucun biomarqueur confortant le diagnostic n’est aujourd’hui disponible. La fibromyalgie est encore considérée par certains comme une maladie de femmes alors qu’une importante diminution du ratio femme/homme existe avec l’évolution des critères de diagnostic. Quels que soient les critères utilisés, sa prévalence dans la population générale reste supérieure à 1 %. Elle est hétérogène dans son expression clinique avec une grande variabilité interindividuelle dans sa sévérité, et le nombre important de comorbidités et de diagnostics différentiels complexifie ce tableau clinique. La nature multidimensionnelle de la fibromyalgie rend délicates la définition et l’évaluation de sa sévérité. La qualité de la littérature publiée concernant la « fibromyalgie juvénile » est réduite, les critères de classification ou de diagnostic n’ayant pas été validés dans cette population. Il apparaît que les travaux publiés le sont sur un nombre réduit de cas, suivis par un nombre très limité de centres, ce qui ne permet pas de distinguer une différence fondée sur des preuves entre douleurs chroniques diffuses et fibromyalgie chez les enfants et les adolescents.
L’évolution des connaissances sur la fibromyalgie ces dernières années souligne son étiologie multifactorielle, permettant de la qualifier non plus de syndrome médicalement inexpliqué mais de syndrome avec douleurs nociplastiques ou dysfonctionnelles, c’est-à-dire liées à des modifications neurophysiologiques des systèmes nociceptifs centraux. Outre les facteurs biologiques, des facteurs psychologiques et sociaux contribuent au déclenchement et à la pérennisation d’une fibromyalgie comme de toute autre douleur chronique. L’altération de la qualité de vie dans toutes ses dimensions est constante. La littérature met en évidence qu’une approche multimodale centrée sur le patient est incontournable pour une prise en charge efficiente sur le long terme. L’enjeu n’est donc plus aujourd’hui de savoir si la fibromyalgie est réelle ou pas, mais d’améliorer les conditions de prises en charge offertes aux patients en les accompagnant au mieux pour mettre en place de manière pérenne les stratégies d’ajustement qui leur sont le plus bénéfiques. Les recommandations d’actions et de recherche proposées ici sont formulées par le groupe d’experts sur la base de leur analyse de la littérature scientifique et ont pour objectif d’aider à répondre au mieux à cet enjeu au moyen de décisions fondées sur les preuves.

Recommandations d’actions

Le groupe d’experts recommande d’améliorer les procédures diagnostiques de la fibromyalgie en France

Le diagnostic de syndrome fibromyalgique est généralement reçu avec soulagement par le patient car il permet de mettre un terme à une errance médicale, caractérisée entre autres par un cycle de recours médicaux et d’examens répétés. Pour les professionnels de santé, reconnaître un syndrome fibromyalgique est nécessaire pour la mise en place d’une stratégie thérapeutique adéquate.

Promouvoir une utilisation homogène des outils de diagnostic existants pour la forme adulte

Dans la littérature scientifique, les critères de classification employés pour définir les groupes de patients étudiés sont multiples. Les plus utilisés sont les critères établis par l’American College of Rheumatology (ACR), qui ont évolué depuis la première version publiée en 1990. Le groupe d’experts recommande de sensibiliser les professionnels de santé à l’utilisation de critères reconnus internationalement et homogènes pour confirmer un diagnostic de syndrome fibromyalgique chez l’adulte. Pour classer ou pour poser le diagnostic, il conseille aujourd’hui d’utiliser les critères ACR 2016, qui sont les plus récents et validés par la communauté médicale et scientifique. Pour dépister le syndrome fibromyalgique en pratique courante, des questionnaires validés en français, tel que le questionnaire FiRST, peuvent être utiles. Dans la pratique clinique, le groupe d’experts souhaite indiquer qu’il est important de rechercher une fibromyalgie concomitante dans le cadre d’une maladie avec douleur chronique. Par exemple, la littérature fait état de symptômes d’allure fibromyalgique chez environ 20 % des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Or, les outils dont on dispose actuellement pour mesurer l’activité des rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde et spondyloarthrites), et qui prennent en compte des signes subjectifs (Disease-Activity Score-28 ou DAS-28) ou rapportés par les patients (Patient-Reported Outcomes-PRO tel que le Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index ou BASDAI), peuvent être pris en défaut en cas de fibromyalgie concomitante en faisant croire à une mauvaise efficacité thérapeutique des traitements ciblant ces rhumatismes. Il est probable qu’une situation identique ait lieu dans d’autres pathologies avec douleurs chroniques.

Ne pas distinguer à ce jour un syndrome fibromyalgique juvénile au sein
des douleurs chroniques diffuses chez l’enfant et l’adolescent

L’analyse de la littérature disponible souligne l’absence de critères de diagnostic validés par la communauté pédiatrique internationale qui permettraient de différencier une forme de syndrome fibromyalgique d’autres formes de douleurs chroniques diffuses chez les enfants et les adolescents. Elle ne permet également pas d’identifier des différences entre les jeunes atteints de douleurs chroniques diffuses ou de douleurs musculo-squelettiques inexpliquées et ceux diagnostiqués comme atteints de syndrome de fibromyalgie juvénile. Cette absence de différence est observée pour toutes les caractéristiques du syndrome fibromyalgique : douleurs, troubles associés (sommeil, troubles psychologiques), facteurs familiaux et sociaux, évolution, modalités de prise en charge. La littérature montre également l’absence d’un consensus international sur l’utilisation du terme diagnostique « syndrome fibromyalgique juvénile » pour faire référence à ces patients.
En pratique, compte-tenu du pronostic perçu comme défavorable de la fibromyalgie chez l’adulte, associé à des témoignages de patients dans l’ensemble pessimistes, l’impact de ce diagnostic serait le plus probablement négatif, risquant d’enfermer le jeune et ses parents dans une perspective de chronicisation et de handicap croissant. Le risque de recours aux morphiniques, aux antidépresseurs et aux antiépileptiques en réponse à ce diagnostic est majeur alors qu’ils sont déconseillés par le corps médical chez les jeunes décrits comme atteints de syndrome de fibromyalgie. L’enfant et l’adolescent sont des êtres en développement sur le plan biologique et psychologique. Ils se caractérisent également par une grande plasticité, notamment cérébrale. L’impact d’un diagnostic de syndrome fibromyalgique, souvent présenté comme invalidant chez l’adulte, sur un être en construction identitaire n’est pas sans conséquence. Il est susceptible d’influencer négativement la disposition au changement du jeune et par conséquent l’évolution vers une issue favorable possible (jusqu’à 73 % dans certaines études).
Face à ces incertitudes et aux controverses internationales existantes, le groupe d’experts recommande de poser à ce jour un diagnostic de douleurs chroniques diffuses et non pas de syndrome fibromyalgique juvénile chez les jeunes consultant pour des douleurs musculo-squelettiques diffuses ou multi-sites, avec ou sans symptômes associés. Cette recommandation est identique à celle des sociétés savantes de pédiatrie en Allemagne1 qui ont mené une analyse de la littérature similaire mais indépendante à celle réalisée ici.
Les experts proposent un diagnostic acceptable par les trois parties que sont le jeune, sa famille et le personnel soignant pour trouver un langage commun et s’accorder sur une trajectoire de soins holistique selon le modèle biopsychosocial. Le diagnostic de douleurs chroniques diffuses (l’équivalent français de Chronic Widespread Pain) semble le plus approprié sur le plan clinique et thérapeutique pour atteindre cet objectif. Il permet comme pour tout diagnostic de rassurer le jeune patient et sa famille en levant l’incertitude médicale et facilite l’établissement d’une alliance thérapeutique en promouvant l’adhésion aux prises en charge proposées. Il permet d’éviter l’impact potentiellement stigmatisant du terme fibromyalgie.

Le groupe d’experts recommande de favoriser un accompagnement multimodal et interdisciplinaire des personnes souffrant
d’un syndrome fibromyalgique en France

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La littérature montre que le soulagement du patient au moment du diagnostic peut disparaître lorsque les traitements s’avèrent inefficaces, lorsque la situation ne s’améliore pas et qu’elle stagne, voire se dégrade, entraînant un nouveau cycle de recours médicaux multiples. Les médecins généralistes et les rhumatologues sont les premiers consultés pour un syndrome douloureux, mais d’autres spécialités sont le plus souvent nécessaires à une prise en charge adéquate de la fibromyalgie. Les recommandations européennes les plus récentes, émises par l’EULAR, pour la prise en charge de la fibromyalgie sont en faveur d’une approche multimodale et placent les thérapies non-pharmacologiques (activité physique adaptée, thérapies cognitivo-comportementales) et une ETP en première ligne tout en plaçant quelques médicaments en seconde ligne. L’analyse de la littérature montre en effet l’intérêt individuel et collectif d’une prise en charge thérapeutique multidisciplinaire pour les adultes qui souffrent d’une forme de fibromyalgie, ou de douleurs chroniques diffuses pour les jeunes, altérant particulièrement leur santé globale ou leur qualité de vie. Le groupe d’experts préconise donc une prise en charge thérapeutique interdisciplinaire du syndrome fibromyalgique pour réduire les symptômes, favoriser leur gestion par les patients et ainsi la qualité de vie de ces derniers. Pour les jeunes, le groupe d’experts recommande de mettre en place un accompagnement thérapeutique multimodal en portant une attention particulière aux aspects psychosociaux afin de mobiliser au mieux leurs ressources et celles de leur famille pour optimiser leurs chances de guérison.
Le modèle biopsychosocial de la fibromyalgie justifie une prise en charge globale qui intègre les aspects psychiques, sociaux et somatiques de la pathologie. L’interdisciplinarité permet de prendre en compte « toutes les dimensions de l’individu, non seulement celles liées à un dommage tissulaire, mais aussi celles émanant de sa propre histoire, celles de son groupe social et culturel... »3 . Elle a pour but de favoriser les échanges coordonnés entre les équipes de professionnels pour harmoniser les informations données au patient, de définir des objectifs progressifs et réalistes qui prennent en compte la situation personnelle du patient et ses préférences, et enfin de l’autonomiser4 .

Favoriser et organiser une prise en charge interdisciplinaire dans les nouvelles formes d’organisation de soins primaires

En France, la grande majorité des patients douloureux chroniques sont pris en charge par leur médecin généraliste et les spécialistes concernés. L’avis diagnostique ou thérapeutique complémentaire, la facilitation de la mise en œuvre de l’évaluation ou de la prise en charge5 sont les trois critères recommandés par la HAS pour adresser les patients pédiatriques ou adultes à des structures douleur chronique (SDC), comme les centres d’études et de traitement de la douleur (CETD), dans lesquelles une prise en charge médicale multidisciplinaire et pluriprofessionnelle est proposée6 .
Les experts soulignent que, d’après leur expérience clinique personnelle, le patient en France est souvent adressé à des SDC pour une prise en charge multidisplicinaire et pluriprofessionnelle, après plusieurs années, alors qu’une prise en charge adéquate mise en place précocement permettrait une meilleure gestion de la chronicité et de la présentation plurielle de la fibromyalgie. Les SDC sont au nombre de 273 (67 centres et 206 consultations) en 2018, dont seulement 30 bénéficient d’une labellisation spécifique pour l’accueil des jeunes7 . La littérature (anglophone) souligne qu’il pourrait être individuellement (satisfaction des patients) et collectivement (coût) utile que la prise en charge soit réalisée par des infirmiers. Aussi, dans un contexte de développement de nouvelles formes d’organisation des soins primaires de type maison de santé pluriprofessionnelle (MSP)8 et de création du statut d’infirmier de pratique avancée (IPA)9 , le groupe d’experts recommande de promouvoir le développement de ces organisations, car il permettrait d’améliorer la prise en charge des patients atteints de fibromyalgie ou de jeunes atteints de douleurs chroniques diffuses dans ces nouvelles structures, en lien avec les SDC. Le recours aux SDC, en relation avec le médecin traitant, devrait se faire prioritairement pour les formes ayant un impact médico-social et économique important comme une sortie du monde du travail pour les adultes ou un absentéisme scolaire pour les jeunes.

Remettre précocement le patient en mouvement via des activités physiques adaptées à la fibromyalgie

L’effet bénéfique de l’activité physique10 sur la santé et la condition physique dans un but de prévention mais également dans un but thérapeutique est bien documenté pour les principales maladies chroniques. Les recommandations internationales sont unanimes pour reconnaître à l’activité physique adaptée la première place dans la prise en charge thérapeutique de la fibromyalgie. Dans cette optique, une évaluation fonctionnelle précoce des sujets atteints de fibromyalgie et de manière plus générale des sujets douloureux chroniques s’avère une étape importante. Elle permet d’intégrer le plus précocement possible dans le parcours de soin du patient (i) une prescription personnalisée d’une activité physique adaptée et d’un programme de rééducation fonctionnelle, (ii) un meilleur contrôle de ces activités, (iii) l’intégration des activités physiques dans la vie quotidienne.
En France, l’article 144 de la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a introduit la possibilité pour le médecin traitant de prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’affections de longue durée (ALD). Dans ce contexte, l’Inserm a publié en 2019 une expertise collective sur « Activité physique – Prévention et traitement des maladies chroniques », et a proposé des recommandations. Devant le déconditionnement physique et l’effet bénéfique de l’activité physique rapportés dans la littérature et les recommandations internationales de prises en charge, le groupe d’experts suggère d’étendre à la fibromyalgie les recommandations émises dans l’expertise collective publiée en 2019 pour favoriser la pratique d’activités physiques dans les maladies chroniques. La HAS a réalisé un guide pratique pour les médecins afin de prescrire l’activité physique et sportive pour la santé chez les adultes, ainsi que des référentiels précisant des données spécifiques limitées pour le moment à 6 pathologies chroniques (broncho-pneumopathie chronique obstructive, maladie coronaire stable, hypertension artérielle, obésité, diabète de type 2 et accident vasculaire cérébral)11 . Les experts recommandent de développer un outil similaire qui serait spécifique à la fibromyalgie ou étendu aux autres douleurs chroniques.
Approximativement 50 % des sujets atteints de fibromyalgie interrompraient les programmes d’activité physique adaptée à cause de la fluctuation de leurs symptômes, des difficultés rencontrées lors de la réalisation d’exercices et d’une augmentation de leurs douleurs et de leur fatigue après ces exercices. L’enjeu est donc également d’améliorer l’adhésion des patients à l’activité physique à long terme. Le groupe d’experts recommande donc une supervision régulière du programme d’activité physique par un professionnel de santé pour permettre une meilleure gestion des crises, diminuer le risque de rechute et maintenir l’adhésion au programme.

Promouvoir des prises en charge psychothérapiques

Les TCC s’appuient sur des techniques et méthodes variées telles que la psychoéducation, l’entretien motivationnel, la restructuration et la remédiation cognitive, l’entraînement aux habiletés sociales, le fractionnement des activités, la résolution de problèmes, l’identification des valeurs personnelles, l’engagement vers des objectifs réalistes, la relaxation, la méditation, etc. L’hypnothérapie a pour principal objectif de réintroduire un mouvement d’ouverture, une fluidité, une souplesse à un mode de fonctionnement psychologique figé et focalisé sur une souffrance au travers d’une relation entre le patient et le praticien s’appuyant sur l’hypnose12 . L’hypnothérapie aide à diminuer l’intensité douloureuse, les troubles du sommeil, la détresse psychologique, la fatigue et à améliorer les stratégies d’ajustement.
L’efficacité des TCC au sens large, visant à accompagner les patients vers des changements durables de modes de fonctionnement, et de l’hypnose dans l’accompagnement des personnes atteintes de fibromyalgie est établie. Le groupe d’experts recommande donc une psychothérapie pour les patients ayant 1) des difficultés à gérer la fibromyalgie ; 2) et/ou une modulation des symptômes liés au stress de la vie quotidienne ou à des problèmes interpersonnels ; 3) et/ou des troubles psychopathologiques ou psychiatriques comorbides tels que les troubles de l’humeur, les troubles anxieux ou encore les addictions.

Prévenir le mésusage médicamenteux dans la fibromyalgie

Le point commun des recommandations internationales sur la prise en charge de la fibromyalgie est l’absence d’une thérapie médicamenteuse en première ligne des approches thérapeutiques. Aucun médicament n’a d’autorisation de mise sur le marché en France pour l’indication « fibromyalgie ». Or, les patients atteints de fibromyalgie, tout comme les autres patients souffrant de douleurs chroniques, sont susceptibles de prendre plusieurs médicaments, prescrits par des médecins et/ou en automédication, bien que cette question soit peu explorée dans la littérature. Le groupe d’experts insiste sur l’importance de suivre les recommandations des sociétés savantes sur la thérapie médicamenteuse dans la fibromyalgie et/ou les indications des médicaments données par les autorités de santé. Il est important dans ce contexte de rappeler les règles de bonnes pratiques médicamenteuses qui sont de promouvoir le bon usage des médicaments et d’éviter le mésusage. Une prescription médicamenteuse doit faire l’objet d’une information sur les effets attendus et les effets indésirables possibles ainsi que sur les risques de mésusage, notamment lors de la prescription de médicaments à visée neurologique (antiépileptique, psychotrope, opioïdes) qui peuvent induire une addiction et/ou un syndrome de sevrage. Le développement et l’accès des patients à des outils d’information sensibilisant au bon usage des médicaments et au respect de la prescription sont donc à préconiser, notamment dans le guide de prise en charge de la fibromyalgie qui est évoqué ci-dessous. Une évaluation du bénéfice du traitement est également nécessaire afin de décider de sa poursuite ou de son arrêt. Concernant les jeunes atteints de douleurs chroniques diffuses, les experts recommandent l’abstention de toute prescription médicamenteuse, en particulier d’opioïdes y compris de palier 2, car aucun médicament n’a fait la preuve de son efficacité dans cette population pédiatrique.
L’automédication peut toujours être liée à un risque de mésusage et d’interaction médicamenteuse et ceci s’applique également chez les patients atteints de syndrome fibromyalgique. Aussi est-il important d’attirer l’attention sur le respect des posologies recommandées (en étant vigilant sur le fait qu’une même molécule peut être commercialisée sous différents noms ou peut être associée à d’autres principes actifs) et sur la différence possible de posologie recommandée en automédication et en prescription médicale (exemple du paracétamol, limité à 3 g/j en automédication et pouvant aller jusqu’à 4 g/j en prescription).

Prendre en charge de manière adéquate les symptômes fibromyalgiques autres que la douleur

Le groupe d’experts rappelle que la douleur chronique diffuse n’est pas le seul symptôme d’un syndrome fibromyalgique et qu’il est primordial de ne pas négliger les autres symptômes. Ils peuvent en effet nécessiter une prise en charge qui leur est propre. La liste des symptômes abordés ci-dessous n’a pas ambition d’être exhaustive, mais a pour but de donner quelques exemples concernant ceux abordés plus spécifiquement dans l’expertise.

• Troubles du sommeil

Des troubles du sommeil sont présents chez plus de 50 % des patients, au moins sous forme de sommeil non réparateur. Une évaluation de ces troubles est recommandée avec l’index de qualité du sommeil de Pittsburgh pour ne pas méconnaître un trouble spécifique (syndrome d’apnées du sommeil et syndrome des jambes sans repos) et pour ajuster un traitement éventuel.

• Symptômes anxio-dépressifs

Des symptômes anxio-dépressifs sont observés chez les patients atteints d’un syndrome fibromyalgique. Il est important de déterminer si le patient présente de tels symptômes dans la mesure où ils contribuent à la sévérité de la fibromyalgie. Le groupe d’experts rappelle à ce titre qu’il est nécessaire de bien différencier « symptômes de dépression » évalués à l’aide d’auto-questionnaires type HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale), à prendre en charge avec des techniques psychothérapiques adaptées, et « dépression caractérisée » dont le diagnostic se fait sur la base d’un bilan psychiatrique pour mettre en place un traitement adéquat. Chez le jeune avec douleurs chroniques diffuses, une évaluation pédopsychiatrique doit avoir lieu avant toute prescription médicamenteuse à visée psychotrope.

• Fatigue

La fatigue est fréquente, rapportée par plus de 70 % des patients atteints de fibromyalgie, et correspond à l’une des 5 plaintes majeures des patients. Elle peut être évaluée par des questionnaires tels que l’échelle de Pichot, qui reste à être validée pour la fibromyalgie, et doit être prise en compte dans la prise en charge globale du patient.

• Troubles cognitifs

La grande majorité des patients rapportent des difficultés cognitives. Les experts recommandent d’évaluer leur efficience intellectuelle par un outil de dépistage tel que le « Mini Mental State Examination » (MMSE), validé chez les patients atteints de fibromyalgie, ou le « Montreal Cognitive Assessment » (MoCA) avant toute intervention psychothérapique de manière à identifier les difficultés cognitives et à adapter au mieux cette prise en charge.

• Surcharge pondérale

La littérature montre que le surpoids et l’obésité sont fréquents dans la fibromyalgie avec des prévalences rapportées allant jusqu’à 60 % pour le premier et 45 % pour la seconde. Or, il s’agit d’un facteur de risque de morbidité et de sévérité. Le groupe d’experts souhaite donc attirer l’attention sur le fait qu’il est important de proposer des mesures éducatives adaptées pour prévenir ou prendre en charge une surcharge pondérale.

Le groupe d’experts recommande d’améliorer la prise en compte
de la composante sociale du syndrome

Les principaux facteurs qui apparaissent liés à la qualité de vie des patients traduisent un schéma à composantes multiples renforçant l’idée d’une prise en charge tenant compte des aspects physiques et psychiques mais aussi sociaux de la vie du patient. La littérature montre que le syndrome fibromyalgique est plus fréquemment associé à une catégorie socio-économique modeste ou à des professions avec manque de contrôle sur l’environnement de travail. Ces difficultés ont un impact important sur leur qualité de vie et sur la mise en place et le maintien des prises en charge. Des études soulignent l’importance d’une bonne insertion sociale et familiale pour réduire l’impact de la fibromyalgie. Une prise en charge interdisciplinaire doit tenir compte de cette composante et proposer aux patients qui le souhaitent, un accompagnement pour articuler le parcours thérapeutique avec les démarches professionnelles, administratives et juridiques.

Encourager le maintien en emploi, le retour au travail après arrêt prolongé,
ou l’insertion professionnelle des patients

Le taux d’activité des personnes atteintes de fibromyalgie est inférieur à celui de la population active d’où l’importance de promouvoir une politique globale et intégrée de prévention de la désinsertion professionnelle. Cette prévention peut s’intégrer dans une prise en charge interdisciplinaire car elle suppose la mise en œuvre de programmes associant une réadaptation physique, un aménagement ergonomique de la situation de travail et un accompagnement après évaluation de la situation médico-professionnelle. Aussi, le groupe d’experts préconise que la politique de promotion du maintien en emploi des travailleurs atteints de fibromyalgie s’intègre dans la politique globale de prévention de la désinsertion professionnelle déjà existante pour les travailleurs atteints de maladies chroniques. Cette politique globale implique des structures et outils communs du maintien en emploi (services de santé au travail, services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ou SAMETH, maison départementale des personnes handicapées ou MDPH), notamment la reconnaissance qualité de travailleur handicapé (RQTH)13 . Néanmoins, la coordination entre les acteurs du maintien en emploi et de la prise en charge médico-sociale devrait être renforcée selon des modalités tenant compte des spécificités locales. Il est en outre recommandé que le médecin traitant prenne avis, après accord du patient, auprès du médecin du travail en cas de difficultés de poursuite de l’activité professionnelle ou d’arrêts de travail récurrents ou prolongés pour envisager les conditions de la reprise du travail ou une adaptation du poste de travail. Réciproquement, il est recommandé d’informer les travailleurs sur l’intérêt de consulter précocement leur médecin du travail sans attendre l’apparition de difficultés de maintien en emploi.
Après un arrêt de travail prolongé, le groupe d’experts souhaite rappeler que les patients peuvent bénéficier d’une visite pré-reprise avec leur médecin de santé au travail afin de préparer leur retour au travail et de rechercher des pistes d’adaptation de leurs situations de travail. Dans les cas complexes ou en l’absence de médecin du travail (travailleurs indépendants ou en situation de précarité, etc.), il est recommandé que les patients prennent des avis spécialisés auprès des centres de ressources sur les pathologies professionnelles et le maintien en emploi des centres hospitaliers universitaires.
L’évaluation des interventions de retour au travail ou de maintien en emploi des personnes atteintes de douleurs chroniques diffuses ou de fibromyalgie doit être amplifiée afin de définir des stratégies hiérarchisées et nécessaires, c’est-à-dire adaptées à la sévérité des cas. Le groupe d’experts recommande pour cela une approche ergonomique participative en agissant sur la durée de travail (quotité, flexibilité, fractionnement), les sollicitations physiques, les contraintes psychosociales et les pratiques managériales afin de favoriser des marges de manœuvre pour faire face aux contraintes des situations de travail et d’améliorer le soutien social de la hiérarchie et des collègues. Mieux informer le « monde de l’entreprise » sur la fibromyalgie afin de favoriser une attitude bienveillante envers les personnes qui en sont atteintes pourrait être particulièrement utile pour ce dernier point, car il est un facteur critique pour la qualité de vie du patient et in fine pour sa capacité à réaliser ses missions professionnelles.

Accompagner les patients face aux conséquences sociales du syndrome
de fibromyalgie

Aujourd’hui, « l’organisation pluri-professionnelle repose sur un trinôme composé d’un médecin, d’un infirmier et d’un psychologue » et l’assistance sociale n’est pas systématiquement associée à la prise en charge multidisciplinaire offerte dans les SDC14 . Le groupe d’experts recommande de favoriser un soutien social dans le parcours thérapeutique du patient. Le suivi doit inclure un assistant de service social afin d’analyser avec le patient ses demandes et besoins pour maintenir ou améliorer ses conditions de vie, apporter une information et un soutien administratif et juridique si nécessaire. Cette spécialité complète l’interdisciplinarité de la prise charge en apportant à l’équipe soignante une vision globale de la situation vécue par le patient. Par exemple, il est important de s’assurer de la capacité des personnes à assumer le coût financier de certaines solutions thérapeutiques pouvant entraîner des restes à charge élevés. Lorsque cela s’avère nécessaire et en l’absence de ressources financières suffisantes, il convient d’orienter les personnes vers des structures publiques ou subventionnées offrant ces thérapeutiques (centres médico-psychologiques par exemple).

Favoriser une prise de décision partagée, une adhésion
et la participation active des patients pour pérenniser l’amélioration obtenue

Les effets induits par une prise en charge ne se maintiennent que si les pratiques de gestion de la fibromyalgie promues par les soins sont poursuivies de manière autonome par les patients une fois le programme achevé. L’enjeu est donc de construire avec le patient un environnement et un accompagnement favorisant son autonomie en prenant en compte son environnement social. Le groupe d’experts souligne qu’il est primordial d’entendre la parole du patient et de promouvoir sa contribution active dans le travail de soin pour aboutir à une décision partagée, ce qui pourrait se faire dans le cadre de l’ETP. La prise en compte des représentations et des savoirs des patients ainsi que leur expérience sont nécessaires dans le processus de compréhension et de décision thérapeutique.

Le groupe d’experts recommande d’améliorer la formation
des étudiants et des professionnels de santé sur la fibromyalgie

La douleur chronique est fréquente avec 20 à 30 % de Français qui prendraient un antalgique par jour depuis plus de 6 mois en raison de douleurs chroniques15 . Le livre blanc de la douleur 201716 ainsi que le rapport de l’Académie de médecine ont souligné l’importance de la formation en médecine à la douleur pour tous les professionnels de santé. Aujourd’hui, moins de 20 heures de cours sont officiellement consacrées à la douleur aiguë et chronique dans les formations médicales françaises, et dans les instituts de formation en soins infirmiers, de kinésithérapie, ou de psychologie. La part d’enseignement consacrée à la fibromyalgie au sein de ces cours sur la douleur est souvent inexistante.
La littérature fait état d’une faible connaissance du syndrome fibromyalgique de la part des professionnels de santé, dont les médecins généralistes qui sont souvent en première ligne. Cette faible connaissance se heurte à une prévalence estimée du syndrome en population générale qui est élevée dans tous les pays étudiés, y compris la France (entre 0,7 et 2,1 %). Le manque d’enseignement sur la fibromyalgie pourrait contribuer au faible prestige de celle-ci dans la culture biomédicale, signifiant implicitement la faible priorité qui lui est accordée. La littérature suggère également que ce peu de prestige est en partie attribué à l’idée « que la fibromyalgie est une maladie de femmes ». Reconnaître un syndrome fibromyalgique dans une forme primaire ou concomitante permettrait également d’éviter une inflation thérapeutique qui peut être coûteuse sur le plan humain et financier sans pour autant être efficace. Outre son impact sur la qualité de vie du patient, le fait rapporté dans la littérature que plus le syndrome fibromyalgique est sévère et plus les dépenses de soins sont importantes est un argument supplémentaire pour promouvoir un repérage précoce d’un syndrome fibromyalgique.
Aussi les experts recommandent d’améliorer l’information et la formation des étudiants et des professionnels de santé sur la fibromyalgie dans leur formation initiale et continue. La connaissance de sa symptomatologie, les enjeux de son diagnostic et de sa prise en charge dans toute sa dimension biopsychosociale sont des points à mettre particulièrement en avant. Un intérêt doit être accordé aux aspects relationnels de la prise en charge médicale. Les médecins peuvent avoir accès tout au long de leur carrière à différentes formations universitaires comme les diplômes universitaires, la capacité douleur et à la nouvelle formation spécialisée transversale douleur17 intégrée au cursus médical. Ces formations à la détection, à l’évaluation et au traitement de la fibromyalgie sont déterminantes pour l’amélioration de sa prise en charge.
Les représentations des médecins, qui peuvent varier en fonction des sources de formation et d’information, sont déterminantes sur les recours et les interactions de soin. La littérature montre que rencontrer un patient, un ami ou un membre de la famille atteint peut accroître les connaissances et mener à des perceptions différentes de la pathologie. Par exemple, une exposition même brève des étudiants en médecine à des informations factuelles est associée à des attitudes plus favorables. Le groupe d’experts recommande donc que se développe en France l’intervention de patients-experts/intervenants18 au sein de la communauté médicale pour sensibiliser cette dernière aux savoirs des personnes atteintes de fibromyalgie. Les patients-experts développent en effet une connaissance des symptômes de la maladie qui intègre à la fois des savoirs profanes et scientifiques. Ils peuvent ainsi intervenir en participant à des programmes de formation ou des programmes d’ETP ou être des personnes ressources pour les autres patients.

Le groupe d’experts propose d’améliorer le parcours de soin
des patients atteints de symptômes fibromyalgiques

Adapter le parcours de soin au patient

Les experts souhaitent attirer l’attention sur le fait que le spectre de sévérité et d’impact du syndrome fibromyalgique sur la santé globale et la qualité de vie des patients est plus large que ce qui transparaît dans la littérature scientifique. Il est probable que celle-ci rende compte essentiellement de formes particulièrement invalidantes. Le groupe d’experts souligne que la prise en charge des patients consultant pour des symptômes fibromyalgiques doit tenir compte de ce constat et ne nécessite pas systématiquement un recours à une prise en charge multimodale et interdisciplinaire spécifique en première intention. Dans le parcours de soin, il est important de prendre en compte les éventuels effets iatrogènes de l’annonce d’un tel diagnostic. De plus, en raison de la complexité à établir le diagnostic et en l’absence de biomarqueurs, il est indispensable d’éviter un surdiagnostic.
Les experts soulignent que le spectre et l’intensité des symptômes et leur retentissement sur la vie quotidienne doivent être pris en considération dans la décision d’annonce du diagnostic et lors du choix du parcours de soin à initier pour répondre au mieux aux attentes et besoins du patient. Des outils spécifiques existent pour évaluer si nécessaire ces éléments, comme les échelles évaluant l’intensité des symptômes dans les critères ACR (score FS ou Fibromyalgia Severity Scale) ou le Fibromyalgia Impact Questionnaire Revised (FIQR) qui évalue le retentissement global. La littérature montre que plus que le diagnostic, les patients recherchent auprès des médecins une reconnaissance de la spécificité de leurs besoins et un accompagnement individualisé. L’annonce d’un diagnostic de fibromyalgie est utile s’il ouvre la voie à l’écoute et s’il est accompagné d’informations claires notamment sur la prise en charge associée.

Développer un guide de prise en charge thérapeutique sur la fibromyalgie
à destination des professionnels de santé et des patients

Le modèle biopsychosocial dans lequel s’intègre la fibromyalgie reste moins connu dans notre culture, notre système de soins étant majoritairement fondé sur l’aspect biomédical des pathologies. L’attente des patients est bien souvent celle de trouver une raison uniquement somatique pour leur mauvais état de santé, et une solution, le plus souvent médicamenteuse, pour réduire, voire guérir, rapidement et efficacement leurs symptômes. S’il existe bien des traitements médicamenteux permettant de réduire la plainte dans la fibromyalgie, aucun ne permet une guérison rapide. Au contraire, dans beaucoup de situations, l’amélioration apparaît lorsque le patient apprend à vivre avec sa douleur. Aussi, le groupe d’experts recommande la rédaction et la diffusion de guides d’information sur la fibromyalgie, rédigés par des professionnels de santé, à destination des professionnels de santé et des patients. Un tel outil d’information compléterait idéalement les actions de formation et d’ETP en atteignant un plus grand nombre de binômes soignant/soigné. Il pourrait comprendre entre autres, des données épidémiologiques, sémiologiques, des informations sur son impact sur la qualité de vie, sur son évolution et présenter les prises en charge recommandées et déconseillées. Ce type de guide pourrait s’inspirer de ceux qui ont été réalisés pour la lombalgie/mal de dos, autre douleur chronique fréquente dans la population générale19 . Le groupe d’experts souligne l’importance que des patients experts/intervenants participent à l’élaboration de ces guides. Des guides de recrutement et d’engagement de patients-intervenants ont été publiés par la DGS pour favoriser une telle intervention dans le cadre plus général de programmes d’ETP20 .

Recommandations de recherche

Les experts préconisent d’améliorer la procédure diagnostique
dans la fibromyalgie en France

L’absence d’utilisation de critères pour le diagnostic ou l’utilisation de critères différents sont susceptibles de sélectionner pour les études menées des populations non comparables entres elles. Un des exemples les plus frappants pour illustrer cette variabilité est le ratio femme/homme, très différent en fonction des critères ACR utilisés (13,7/1 pour les critères ACR 1990 contre moins de 1,42/1 pour les critères ACR 2016). Or, une différence dans la sélection peut être à l’origine d’un « cercle vicieux » dans lequel l’absence d’homogénéité des populations étudiées conduit à une hétérogénéité de résultats, ne permettant pas in fine de définir des critères capables de recruter des populations homogènes et comparables entre elles.

Préciser les représentations et positions des professionnels de santé vis-à-vis
de la fibromyalgie

La littérature montre que la qualité de la prise en charge est dépendante du regard porté par le soignant sur la fibromyalgie. Aussi, le groupe d’experts recommande de mener des investigations auprès des professionnels de santé (médecins généralistes, spécialistes, soignants libéraux ou exerçant dans une SDC) en France afin de mieux connaître leurs représentations et positions vis-à-vis de ce syndrome. Il serait pertinent de connaître la signification qu’ils lui donnent, leur rapport à son diagnostic, la connaissance qu’ils ont des prises en charge recommandées, leur estimation de la qualité de leurs interactions avec les patients et les professionnels intervenant dans le parcours de soin, et enfin les voies d’amélioration qu’ils estiment possibles. Ces informations permettraient d’adapter au mieux les guides de prise en charge que le groupe d’experts recommande de développer et de diffuser à la communauté médicale.

Vérifier l’acceptabilité des critères diagnostiques par les professionnels
de santé

La littérature indique que beaucoup de praticiens préfèrent utiliser leur perspicacité clinique plutôt que les critères de diagnostic ou les questionnaires existants pour poser le diagnostic de fibromyalgie. Si ces critères ou questionnaires existants sont mal acceptés par les praticiens, il est nécessaire d’en connaître les raisons : critères trop complexes, questionnaires trop longs ou jugés pas assez sensibles, etc. Le groupe d’experts recommande que l’acceptabilité des critères de diagnostic validés notamment ceux de l’ACR 2016 soit étudiée auprès d’un échantillon représentatif de professionnels de santé les plus susceptibles de les utiliser en soin courant. Une bonne acceptabilité des critères de diagnostic permettrait de généraliser leur utilisation pour poser le diagnostic de fibromyalgie.

Le groupe d’experts souligne qu’il est nécessaire d’améliorer
les connaissances médico-sociales françaises sur la fibromyalgie

Explorer la douleur chronique diffuse et la fibromyalgie dans les grandes cohortes françaises existantes ou à venir

Devant une prévalence de la fibromyalgie en France estimée entre 0,7 et 2,1 % (critères ACR 1990) et une évolution des critères de classification ou de diagnostic de la fibromyalgie, des recherches épidémiologiques sur les douleurs chroniques diffuses en général et la fibromyalgie semblent pertinentes à mener, en particulier dans notre pays. Il est nécessaire de mieux définir les facteurs biopsychosociaux en jeu, l’évolution et la prise en charge du syndrome fibromyalgique en France. Des études rigoureuses sont par exemple requises pour estimer au mieux sa prévalence en fonction du genre, de la classe d’âge, de la zone géographique, ou encore du niveau socio-économique ou socio-culturel. Le développement en cours du Health Data Hub21 , un laboratoire d’État ayant pour but de révéler le potentiel du système national des données de santé et d’industrialiser son usage, pourrait être un moyen d’initier de telles études dans la population française.
Il existe à l’échelle internationale un code CIM de la fibromyalgie (M79.7 dans la version no 10 et MG30.01 dans la version no 11)22 . Il semble cependant que ce code soit peu utilisé en France dans le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI)23 . De plus, n’étant pas inscrite sur la liste des affections de longue durée (ALD), la fibromyalgie n’est pas non plus repérable dans le système national d’information inter-régimes (SNIIRAM) de l’Assurance maladie. Ceci représente un frein à l’émergence d’études menées à partir des bases de données médico-administratives en France, contrairement à ce qui est fait dans d’autres grands pays anglo-saxons ou nordiques. Pour pallier ces difficultés de repérage, les experts suggèrent de développer des algorithmes qui combinent des données d’âge, de sexe, de médicaments prescrits et consommés, d’ALD liées aux comorbidités, etc. dans le cadre de douleurs chroniques diffuses en général et de la fibromyalgie en particulier. Par ailleurs, des modules spécifiques de repérage (par questionnaire) et de suivi des patients atteints de fibromyalgie pourraient à l’avenir être introduits dans des cohortes existantes comme Elfe24 , Constances25 , ou encore E4N26 qui sont chaînées aux données du SNIIRAM et du PMSI.

Évaluer les spécificités de sous-groupes de fibromyalgie

Le groupe d’experts souligne la grande hétérogénéité clinique, psychosociale et physiopathologique de la fibromyalgie. Or, il serait important de parvenir à individualiser des sous-groupes homogènes de patients tant pour améliorer la qualité des travaux de recherche que pour adopter des approches thérapeutiques les plus adaptées. Aussi, il recommande que l’hétérogénéité de la fibromyalgie soit davantage explorée pour identifier et caractériser d’éventuels sous-groupes. Aucune donnée n’indique aujourd’hui s’il existe des différences entre, par exemple, une fibromyalgie primitive et concomitante, entre celles avec peu ou avec beaucoup de comorbidités, ou encore entre celles survenant chez des personnes professionnellement actives ou des personnes professionnellement inactives. Une première classification clinique serait de catégoriser la fibromyalgie comme légère, modérée ou sévère afin de mettre en place un parcours de soins adapté. Le syndrome serait considéré comme sévère s’il est associé à des comorbidités physiques ou mentales et se caractérise par un haut niveau de handicap évalué à l’aide d’instruments spécifiques. L’étude de l’apparition d’un syndrome fibromyalgique dans les maladies rhumatismales (polyarthrite rhumatoïde, spondyloarthrite) ou auto-immunes (thyroïdite, syndrome de Gougerot-Sjögren) pourrait constituer un autre axe de recherche. Un troisième axe possible serait de clarifier sur le plan nosographique les relations entre la fibromyalgie et d’autres affections du spectre des conditions douloureuses chroniques chevauchantes (COPC pour Chronic Overlapping Pain Conditions) ou de certaines formes de syndrome d’Ehler-Danlos (ou syndrome d’hypermobilité bénigne) ou encore de syndrome de fatigue chronique.
Les experts soulignent également l’importance des questions relatives aux différences de genre quant aux facteurs, qu’ils soient biologiques, psychologiques ou sociologiques, à l’œuvre dans la fibromyalgie. Les études sur cette question, trop rares, présentent des biais méthodologiques importants dans la mesure où les hommes atteints y sont peu représentés.

Mieux définir l’histoire de la fibromyalgie par un suivi longitudinal des patients

Peu de données sont disponibles sur l’évolution et le vieillissement des personnes souffrant de fibromyalgie, menant les experts à préconiser de développer des études longitudinales pour suivre l’évolution des patients. Un suivi longitudinal de groupes de patients permettrait de mieux cerner le développement et l’évolution dans le temps de la fibromyalgie, son impact fonctionnel, ses comorbidités, la réponse thérapeutique, l’influence que peuvent avoir divers déterminants et potentiellement de mieux définir des sous-groupes de patients. Par exemple, des études longitudinales permettraient de mieux définir la réponse aux traitements à long terme ou encore des informations concernant l’évolution des troubles cognitifs ou de l’humeur chez les patients atteints de fibromyalgie. À ce jour, une seule étude de cohorte a été réalisée chez des patients chinois remplissant les critères de l’ACR 1990 et âgés de plus de 50 ans, qui suggère une association (et non une causalité) entre fibromyalgie et risque de démence. Des études indépendantes sont nécessaires afin d’explorer cette possible association dans le contexte mondial de vieillissement de la population.

Renforcer la recherche sur les représentations et l’expérience vécue
des patients

Dans une perspective de soins centrés sur le patient, dégager un tableau de l’ensemble des expériences et des représentations profanes dans le syndrome fibromyalgique est une recherche importante à mener afin notamment de repérer des corrélations entre trajectoires de malades, qualité de vie et stratégies de résolution de la situation. Il consisterait entre autres à mettre en perspective des histoires personnelles contrastées pour identifier des trajectoires-types et évaluer le retentissement des symptômes sur la qualité de vie afin d’estimer et de déterminer comment les personnes s’adaptent et quelles sont leurs attentes en matière de soutien. Il semble important de relever entre autres éléments l’organisation des pratiques d’auto-soins et de recours thérapeutiques et l’efficacité perçue de la prise en charge. Dans ce contexte, la démarche de recherche-action27 s’avère intéressante dans la mesure où elle vise à la fois une meilleure compréhension et une amélioration d’une situation jugée insatisfaisante.

Évaluer l’impact socio-économique de la fibromyalgie

Seules quelques études nord-américaines sont disponibles sur l’impact socio-économique. Elles montrent que la fibromyalgie est coûteuse pour le patient et la collectivité en termes de coûts médicaux directs et de coûts indirects. Le groupe d’experts recommande que des analyses soient menées, en France, sur les questions socio-économiques. À ce jour, aucune analyse économique ne s’est intéressée au retard du diagnostic et à une prise en charge inadaptée fréquemment rapportée par les patients alors que l’errance médicale est estimée coûteuse pour l’individu et la collectivité. Par ailleurs, l’accès aux soins peut être difficile du fait de la disparité dans l’offre de soins sur les territoires. Enfin, certains traitements non pharmacologiques ne sont pas remboursés par l’Assurance maladie, ce qui pourrait entraîner des restes à charge élevés pour le patient et représenter un frein pour une prise en charge adéquate. Ces deux questions mériteraient d’être étudiées.
Les conséquences sociales de la fibromyalgie en France ont également été peu explorées. Le risque suicidaire est un des points dont l’étude est négligée. Bien que des études rapportent son augmentation dans la fibromyalgie, il reste à être mieux précisé, tout comme son lien avec les comorbidités et les catégories socio-économiques. Enfin, des recherches en entreprise permettraient d’explorer le risque d’absentéisme ou de présentéisme dans la fibromyalgie, de mettre en évidence un éventuel lien avec les conditions de travail et d’identifier des modalités d’amélioration possibles.

Les experts soulignent qu’il est primordial de renforcer les investigations chez les jeunes souffrant de douleurs chroniques diffuses

L’analyse a montré que la grande faiblesse des travaux effectués sur la forme dite de fibromyalgie juvénile repose entre autres sur les critères de sélection des patients utilisés par les équipes de recherche, qui sont anciens et surtout non validés dans la population pédiatrique. Le groupe d’experts souligne que des travaux prospectifs sont nécessaires pour tester les critères diagnostiques de fibromyalgie de l’adulte dans la population pédiatrique avec douleurs chroniques généralisées afin, ou non, de les valider. Dans le cas où une population atteinte de fibromyalgie juvénile serait identifiée, elle mériterait d’être mieux explorée pour l’ensemble des questions évoquées pour la fibromyalgie adulte, entre autres la douleur, les troubles du sommeil, cognitifs et psychiatriques, l’impact sur la condition physique et sur la sphère psychosociale dont la scolarité et les activités sportives.

Le groupe d’experts recommande d’identifier les facteurs qui pourraient promouvoir une prise en charge interdisciplinaire de la fibromyalgie

Une prise en charge interdisciplinaire efficiente s’appuie sur la construction d’un programme thérapeutique global alliant des programmes d’ETP, de l’activité physique adaptée, des interventions psychothérapiques, un apprentissage de diverses techniques et/ou une prise en charge médicamenteuse adaptée et individualisée. Des objectifs progressifs et réalistes, centrés sur le patient et tenant compte de sa situation personnelle et de ses préférences doivent être définis. La prise de décision partagée, l’adhésion et la participation des patients sont des éléments importants pour la réussite de cette approche globale. Si l’approche multidisciplinaire aujourd’hui mise en place dans les SDC tend à se rapprocher de l’interdisciplinarité, les moyens les plus efficients pour atteindre cette dernière mériteraient d’être mieux définis.

Promouvoir la recherche sur l’organisation des soins

Les pouvoirs publics, dans la loi de santé 2016, encouragent le médecin généraliste à devenir le pivot de notre système de santé. On assiste au passage d’un système hospitalo-centré à un système qui fait du médecin généraliste le coordinateur des parcours de soins entre la ville et l’hôpital en parallèle à la mise en place de nouveaux dispositifs organisationnels tel que le regroupement des professionnels de soins primaires au sein de maisons de santé pluri-professionnelles. Dans ce contexte, le groupe d’experts recommande de mettre en place des évaluations visant à déterminer si le parcours de soins des patients souffrant de fibromyalgie est fluidifié par cette nouvelle forme d’organisation et si les dépenses de santé, dont le reste à charge pour les patients, sont diminuées. Il recommande également de saisir l’opportunité de l’émergence des maisons de santé pluri-professionnelles universitaires (MSPU) pour développer la recherche en soins primaires sur la fibromyalgie.

Évaluer la littératie en santé des patients atteints de fibromyalgie

28
Même si ce point n’est pas abordé par la littérature scientifique sur la fibromyalgie, les experts souhaitent attirer l’attention sur l’importance de la littératie en santé. En 2017, une auto-saisine de la Conférence nationale de santé29 a souligné que la littératie en santé devient un levier de réforme du système de santé visant l’amélioration de la qualité de la prise en charge et de l’accompagnement des patients et répertorie des actions à mener30 . Dans ce contexte, il serait intéressant d’évaluer la littératie en santé des patients souffrant de fibromyalgie pour connaître son impact sur l’efficacité des prises en charge et accompagnements proposés.

Approfondir l’évaluation des interventions existantes

L’approche pluridisciplinaire combine diverses modalités de traitement et a fait la preuve de son efficacité thérapeutique. Le groupe d’experts a néanmoins identifié des points clés à étudier plus précisément pour répondre aux questions soulevées par l’analyse de la littérature existante.

• Étudier l’effet à long terme (> 1 an) des prises en charge

Il n’y a que peu voire pas de visibilité à ce jour sur l’efficacité à long terme, supérieure à 1 an, de la prise en charge interdisciplinaire des personnes atteintes de fibromyalgie. Le groupe d’experts recommande que des études prospectives soient menées sur plus d’un an et selon les populations à l’aide de protocoles déjà existants afin d’évaluer l’efficacité ou l’échec des prises en charge thérapeutiques.

• Définir des protocoles d’activité physique adaptée à la fibromyalgie

L’activité physique adaptée est clairement démontrée comme bénéfique dans la fibromyalgie et est recommandée comme intervention thérapeutique à mettre en place en première intention. Il est nécessaire de construire une pratique durable adaptée inscrite dans un parcours de soin en favorisant l’autonomie du patient et en prenant en compte son environnement social. Néanmoins, l’utilisation de l’activité physique en prévention secondaire ou tertiaire n’a de pertinence que si elle est adaptée. Les experts recommandent que des protocoles d’activité physique testant différentes modalités d’exercices aérobies, en résistance ou en milieu aquatique soient évalués dans la fibromyalgie afin de définir quels sont les protocoles d’activité physique les plus efficients. Des études multicentriques et à long terme sont nécessaires pour mieux préciser l’intérêt de différents protocoles, supervisés ou non par un professionnel de santé, notamment en fonction de sous-groupes de patients (genre, âge, sévérité, etc.). L’effet de facteurs comme l’activité physique de base, l’état fonctionnel du patient, ou la prise médicamenteuse devrait également être pris en compte et étudié.

• Mieux évaluer les techniques psychothérapiques

L’analyse de la littérature souligne le caractère prometteur des thérapies de type comportementales et cognitives et de l’hypnose dans la fibromyalgie. Elles sont recommandées à l’échelle internationale, plus que ne le sont les thérapies médicamenteuses. Le groupe d’experts recommande de poursuivre les travaux de recherche concernant les apports et intérêts des techniques psychothérapiques afin de construire des protocoles mieux ciblés et plus efficaces. Il est nécessaire de préciser les modérateurs des bénéfices thérapeutiques qui favorisent l’adhésion psychothérapique et qui mènent à une évolution clinique favorable. Il pourrait également être nécessaire d’évaluer l’efficacité des thérapies humanistes, systémiques, psychanalytiques, narratives, MBSR et EMDR auprès de personnes atteintes de fibromyalgie. Des thérapies de type narratif semblent favoriser la reconstitution par le patient de la survenue et de l’évolution des symptômes. Des cadres thérapeutiques basés sur l’approche narrative31 sont également des pratiques émergentes à évaluer. La prise de parole et l’explication par le patient de la manière dont « sa » fibromyalgie s’est développée, présentent en effet plusieurs fonctions thérapeutiques démontrées par la littérature.

• Mieux étudier le fonctionnement cognitif

Certains aspects du fonctionnement cognitif comme la mémoire prospective32 n’ont pas encore été explorés et d’autres nécessitent des investigations supplémentaires. Les experts recommandent d’étendre l’étude des fonctions cognitives à la mémoire prospective chez les patients atteints de fibromyalgie dans la mesure où les troubles de la mémoire prospective entraînent un risque élevé de dépendance dans les activités de la vie quotidienne.
Des outils de dépistage et des auto-questionnaires de plainte cognitive ont été validés ces dernières années, mais les outils ne sont pas toujours disponibles en langue française. Parmi eux, on peut citer Test Your Memory (TYM) ou le modified Perceived Deficits Questionnaire (mPDQ). Les experts recommandent la validation en langue française d’outils de dépistage sous la forme par exemple d’auto-questionnaires. Ils permettraient d’évaluer le sentiment d’une diminution des aptitudes cognitives en lieu et place d’une évaluation neuropsychologique plus longue à réaliser et réservée aux professionnels du domaine. L’utilisation d’outils simples et rapides au cours des consultations dans les SDC permettrait d’adapter la prise en charge, de définir des programmes de rééducation cognitive et éventuellement d’orienter les patients vers des centres de prise en charge spécialisés des troubles cognitifs comme les « centres mémoire de ressources et de recherche ». Enfin, il est important de vérifier si les traits de personnalité des patients peuvent interagir avec leur fonctionnement cognitif, plus particulièrement avec les fonctions exécutives fortement impliquées dans la régulation des comportements et des émotions.

• Déterminer l’effet synergique des thérapies

Dans le cadre d’une prise en charge multimodale, le groupe d’experts préconise que des essais cliniques de combinaison thérapeutique (activité physique adaptée, rééducation cognitive, psychothérapique, pharmacologique, ETP...) soient poursuivis. À titre d’exemple, sachant que l’activité physique améliorerait les fonctions cognitives, il serait intéressant de tester l’effet de l’association activité physique adaptée et rééducation cognitive. L’utilisation de médicaments, leur observance et leurs effets indésirables doivent être également mieux étudiés afin d’identifier des patients répondeurs ou non-répondeurs aux programmes combinés.

• Évaluer l’efficacité des programmes d’éducation thérapeutique

L’objectif d’un programme d’ETP est d’accompagner le patient pour l’aider à améliorer et maintenir sa santé. Si cet objectif est commun, les contenus des programmes d’ETP proposés ne sont pas toujours clairement explicités. Le groupe d’experts recommande de mieux décrire les programmes d’ETP dans les études d’évaluation afin d’améliorer les connaissances sur l’efficacité des programmes d’ETP proposés et de les comparer entre eux.

• Développer des outils spécifiques d’aide à la décision médicale partagée

La décision médicale partagée33 est un modèle dans lequel la prise de décision est acceptée d’un commun accord entre le patient et un professionnel de santé, ce qui implique l’échange d’informations et une délibération en vue de cette prise de décision. Les experts recommandent que ce mode de décision médicale soit promu dans le cadre de la fibromyalgie et que soient identifiés des outils qui soutiennent les patients et les professionnels de santé dans cette prise de décision partagée. Il s’agit essentiellement de faciliter un temps d’échange et de délibération où patient et professionnels de santé discutent les différentes options disponibles au regard des attentes et préférences du patient, de l’expérience des professionnels et des données de la science. Par exemple, la HAS a publié en mars 2018 une fiche méthodologique pour élaborer des outils d’aide à la décision médicale partagée34 .

Poursuivre les travaux de recherche sur l’étiologie et les mécanismes physiopathologiques de la fibromyalgie

Le groupe d’experts souligne qu’il est essentiel d’aborder la question des facteurs étiologiques en jeu dans la fibromyalgie. L’investigation de l’ensemble des facteurs qui peuvent influencer la santé humaine est une voie à explorer dans le cadre du modèle biopsychosocial.

Développer les recherches sur la douleur chronique généralisée chez le jeune

Peu de données existent sur l’étiologie d’une douleur chronique diffuse prenant place au cours du développement post-natal, même si des pistes issues des travaux menés chez l’adulte existent. De récents travaux portant sur la douleur aiguë chez le nouveau-né montrent un effet à long terme de cette douleur, que ce soit chez l’animal ou chez l’Homme. Dans ce contexte, le groupe d’experts souligne qu’il est primordial de promouvoir des recherches non seulement sur l’origine d’une douleur chronique généralisée survenant dans l’enfance et l’adolescence, mais aussi sur son effet sur le développement de l’individu et son évolution dans le temps.

Identifier des biomarqueurs

Si les recherches menées jusqu’ici se sont révélées infructueuses, le groupe d’experts recommande de poursuivre une recherche de biomarqueurs dans la fibromyalgie, quelle que soit leur nature (clinique, physiologique, biochimique, génétique). L’émergence de sous-groupes et l’avancée des connaissances scientifiques et techniques pourraient permettre d’identifier un tel outil. Par exemple, des profils génétiques, épigénétiques ou métabolomiques émergent dans l’étude de sous-groupes. Une analyse à plus large échelle permettrait de dégager des associations entre des caractéristiques spécifiques, des présentations cliniques ou des réponses aux traitements. Autre exemple, certaines modalités de neuro-imagerie, qui donnent des informations clés sur le fonctionnement du cerveau, ont été peu utilisées jusqu’ici, comme par exemple la tomographie par émission de positons ou TEP, la spectroscopie et l’IRM de diffusion (Diffusion tensor imaging ou DTI). La combinaison d’explorations différentes permettrait notamment une vision plus intégrée et complète des modifications biologiques qui sous-tendent la fibromyalgie au niveau individuel.

Les experts jugent important d’améliorer la méthodologie des études
menées sur la fibromyalgie pour conforter les connaissances
sur ce syndrome

Les connaissances actuelles sur la fibromyalgie restent pour certaines fragiles en raison de la qualité de la littérature, du fait notamment des échantillons de patients utilisés et de la nature essentiellement transversale des travaux réalisés.

Déterminer l’impact de l’évolution des critères diagnostiques
sur les connaissances actuelles

La diversité des critères de diagnostic de fibromyalgie et leur évolution constante sont parmi les responsables de la fragilité de certaines conclusions émises. Un exemple frappant de cet impact est la prédominance de genre, le rapport femme/homme diminuant fortement avec l’évolution des critères. Le groupe d’experts souligne donc qu’il est nécessaire de déterminer l’impact des critères utilisés sur les connaissances actuelles.

Améliorer la qualité de l’échantillonnage

Le groupe d’experts recommande de travailler sur des échantillons homogènes dont les tailles sont suffisantes pour disposer d’une puissance statistique adéquate. Dans les études descriptives, il serait par exemple utile d’associer des groupes contrôles constitués de personnes volontaires saines ou présentant d’autres troubles douloureux chroniques afin de mettre en évidence les spécificités éventuelles de la fibromyalgie.

Valider, normaliser et mettre à jour les instruments et technologies utilisés

Le groupe d’experts recommande que des études de validation et de normalisation des instruments (tests, questionnaires, etc.) les plus couramment utilisés en recherche soient effectuées pour la fibromyalgie, notamment pour une population francophone masculine et féminine. Par exemple, les questionnaires SF-36 ou FIQR ne sont pas validés dans une population de personnes souffrant de fibromyalgie pour le premier et dans une population masculine pour le second. Valider les instruments déjà disponibles pour une utilisation dans le cadre de la fibromyalgie permettrait d’harmoniser au mieux les procédures de classification et d’évaluation des échantillons étudiés. Cette question est particulièrement critique dans les démarches d’évaluation thérapeutique qui nécessitent des outils harmonisés, validés et dont la sensibilité au changement est satisfaisante.
Il est également souhaitable d’utiliser les dernières avancées technologiques pour rechercher d’éventuelles altérations biologiques. Par exemple, les outils de neuro-imagerie maintenant disponibles permettraient d’étudier plus finement l’anatomie cérébrale chez des patients atteints de fibromyalgie comparés à celle des individus témoins.

Évaluer les biais induits par la médication sur les observations

Les traitements médicamenteux de fond pris par les patients au moment de leur inclusion dans une étude et lors de l’évaluation des paramètres suivis ne sont pas systématiquement rapportés et pris en compte dans la littérature, tout comme les comorbidités éventuelles. Or, des traitements médicamenteux comme les psychotropes incluant anxiolytiques et antidépresseurs, certains médicaments utilisés dans les affections cardiovasculaires, la phytothérapie (comme le millepertuis) et certaines vitamines et oligo-éléments peuvent impacter voire fausser l’évaluation de l’efficacité du traitement étudié. Enfin, les patients ont souvent recours à l’automédication et aux médicaments en vente libre qui doivent également être colligés. Le groupe d’experts recommande l’indication précise des traitements pharmacologiques de fond pris par les patients à l’inclusion dans les études et au cours de leur suivi, ainsi que la notification des comorbidités, des effets indésirables et des causes d’arrêt des traitements. Il recommande une rigueur méthodologique dans la collecte et l’analyse de ces informations et d’envisager en amont une stratification sur certains paramètres afin de dégager des sous-groupes homogènes de patients dans le but d’identifier des patients répondeurs. Les rôles joués par les traitements médicamenteux dans l’évolution de la symptomatologie fibromyalgique méritent également d’être explorés à plusieurs échelles (clinique, neuroimagerie, etc.). Par exemple, les troubles du sommeil sont une plainte fréquente des patients et il est bien connu que certains médicaments peuvent modifier l’architecture du sommeil. De même, les troubles cognitifs ou de l’humeur peuvent être en partie imputés à certains médicaments. Les rôles respectifs du syndrome fibromyalgique et du traitement médicamenteux dans leur survenue méritent d’être explorés.

Favoriser l’engagement d’équipes de recherche dans le domaine
de la douleur chronique diffuse

Des efforts de recherche dans le domaine de la fibromyalgie pour mieux la comprendre, la diagnostiquer et la soigner sont donc nécessaires. Aussi, les experts recommandent d’intégrer le mot clé douleur chronique ou fibromyalgie dans les appels d’offres en santé publique et en recherche fondamentale ou biomédicale. L’ajout de ces mots clés en permettrait une plus grande visibilité, pourrait favoriser une prise de conscience et par conséquent encourager des travaux de recherche de plusieurs disciplines dans le domaine. Un soutien particulier pourrait être apporté à des programmes présentant une complémentarité méthodologique afin que l’intrication des mécanismes biopsychosociaux à l’œuvre dans la fibromyalgie et la pertinence des modalités thérapeutiques soient mieux explorées et comprises.

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