II. Conséquences sanitaires d’une exposition aux radiations ionisantes : approche épidémiologique générale et études épidémiologiques en Polynésie française et dans différents pays.....

2021


ANALYSE

5-

Données épidémiologiques sur la santé des populations exposées aux essais nucléaires : Polynésie française et autres populations du Pacifique

Parmi plus de 500 essais nucléaires atmosphériques réalisés dans le monde, plus de 160 ont eu lieu dans la région du Pacifique (UNSCEAR, 2000renvoi vers). Le plus grand nombre de tests a été effectué par les États-Unis aux îles Marshall (65 essais) suivi par les tests français en Polynésie française (41 essais).

Polynésie française

Population générale

Plusieurs études épidémiologiques sur la santé des populations exposées aux essais nucléaires ont été menées en Polynésie française1 . Elles peuvent être réparties en deux catégories principales :
• les études descriptives sur la mortalité, l’incidence du cancer de la thyroïde et d’autres tumeurs malignes (au total 5 études) ;
• les études analytiques telles que l’étude cas-témoins du cancer de la thyroïde ; il s’agit d’une seule étude cas-témoins portant sur plusieurs facteurs de risque potentiellement liés au cancer de la thyroïde.
Les études descriptives, en raison de leurs limitations méthodologiques, ne peuvent fournir de réponse quant à l’attribution d’une variation de l’incidence d’une maladie ou de la mortalité associée à une exposition aux rayonnements. Elles peuvent cependant permettre d’émettre des hypothèses. Les études analytiques bien conçues qui utilisent des informations quantitatives individuelles sur divers facteurs d’exposition, y compris la dose de rayonnement reçue, peuvent apporter une réponse plus certaine sur l’association entre la survenue d’une maladie et une exposition spécifique, à condition qu’elles possèdent suffisamment de puissance statistique pour l’explorer.

Études descriptives

La première étude descriptive porte sur l’analyse des causes de décès entre 1984 et 1992 (de Vathaire et Le Vu, 1996renvoi vers). Depuis 1984, les causes de décès étaient disponibles sur toutes les îles et permettaient donc d’étudier la mortalité globale et, plus spécifiquement, la mortalité par cancer. L’étude de la mortalité par cancer en Polynésie française n’a pas mis en évidence d’excès de mortalité dans la population franco-polynésienne par rapport aux populations autochtones maories (Nouvelle-Zélande) et hawaïennes. Ces deux dernières sont des populations indigènes d’autres îles du Pacifique qui sont considérées génétiquement et culturellement similaires aux Polynésiens. L’étude a révélé que la mortalité globale par cancer était de 4 à 17 % inférieure chez les Polynésiens français par rapport à celle des Maoris et des Hawaïens, respectivement. Elle a également analysé la mortalité par cancer de la thyroïde et a montré qu’elle était plus élevée chez les Polynésiens que chez les Maoris et les Hawaïens, en particulier chez les femmes. L’étude présente toutefois des limites en raison du très petit nombre de décès observés sur la période (1984-1992) et des incertitudes sur les causes de mortalité, notamment pour le début de la période (25 % d’incertitudes en moyenne). Concernant le cancer de la thyroïde, les études de mortalité sont peu informatives, car le pronostic de ce cancer est généralement très bon et d’autres causes sont à l’origine du décès des patients.
À la suite de cette étude sur la mortalité, quatre autres études descriptives ont visé à évaluer l’incidence des cancers en Polynésie française afin de fournir des hypothèses sur l’influence des essais de la bombe nucléaire. Ces études portent sur l’incidence du cancer de la thyroïde, des leucémies et des tumeurs malignes chez les enfants (de Vathaire et coll., 2000renvoi vers ; Le Vu et coll., 2000renvoi vers ; Challeton-de Vathaire et coll., 2004renvoi vers ; Bouchardy et coll., 2011renvoi vers), car ces types de cancer sont les plus sensibles à l’exposition aux radiations et la radiosensibilité est d’autant plus forte que l’âge d’exposition est bas. Les études ont utilisé des données issues du Registre des cancers, créé en Polynésie française en 1981 (avec déclaration obligatoire à partir de 1985). Un total de 2 863 cas de cancer ont été enregistrés entre 1985 et 1995 parmi des habitants nés en Polynésie française (Le Vu et coll., 2000renvoi vers). L’incidence globale du cancer en Polynésie française était similaire à celle observée chez les Hawaïens, mais 25 % moins élevée que chez les Maoris. L’incidence des cancers du tube digestif, du poumon, de l’utérus et de la prostate était plus faible chez les Polynésiens par rapport à celles des Maoris de Nouvelle-Zélande et des Hawaïens de Hawaï. En revanche, l’incidence du cancer de la thyroïde était plus élevée.
L’étude menée par de Vathaire et coll. (2000renvoi vers) sur le cancer de la thyroïde spécifiquement rapporte une incidence significativement plus élevée de ce cancer en Polynésie française, avec 153 cas pour l’ensemble de la période étudiée (1985-1995). Le taux d’incidence standardisé par rapport aux deux populations de référence (Maoris de Nouvelle-Zélande et Hawaïens) s’établit à 2,4 pour l’ensemble des personnes (les deux sexes) du premier groupe nées avant 1950 (qui n’ont donc pas été exposées à d’éventuelles retombées pendant leur enfance ou leur adolescence) et à 2,2 pour le deuxième groupe de personnes nées après 1950 (et par conséquent susceptibles d’avoir subi des retombées pendant leur jeune âge). Les auteurs concluent que les taux élevés de cancer de la thyroïde sont difficilement attribuables à l’exposition à l’iode radioactif provoquée par les retombées.
L’étude de l’incidence de cancers chez les enfants au cours de la période 1985-1995 (87 cas) a montré une incidence légèrement inférieure à celle des autres populations d’origine ethnique similaire : SIR2  = 0,8 (IC 95 % [0,7-1,0]) par rapport aux Maoris de Nouvelle-Zélande ; SIR = 0,8 (IC 95 % [0,6-1,0]) par rapport aux autochtones d’Hawaï (Challeton-de Vathaire et coll., 2004renvoi vers). Le cancer le plus fréquent était la leucémie lorsque les deux sexes étaient considérés ensemble. Sur la période de l’étude (1985-1995), l’incidence des différents types de leucémie était comparable à celle des Maoris de Nouvelle-Zélande et des Hawaïens. Sur la période 1990-1995, l’analyse de l’incidence des hémopathies malignes (leucémies) infantiles en Polynésie française n’a pas mis en évidence d’incidence accrue des leucémies (tous types à l’exception des leucémies lymphoïdes chroniques) par rapport à celle observée chez les Maoris de Nouvelle-Zélande ou chez les Hawaïens. L’incidence de la leucémie aiguë non lymphocytaire était plus élevée entre 1985 et 1989 qu’entre 1990 et 1995 ; toutefois, cette observation est basée sur un petit nombre de cas (13 seulement) pendant toute la période d’étude.
Des observations plus récentes sur la période 1998-2002 ont confirmé que l’incidence du cancer de la thyroïde en Polynésie française demeurait parmi les plus élevées au monde (Bouchardy et coll., 2011renvoi vers) : le taux pour les femmes en Polynésie française était de 37,4/100 000 (IC 95 % [31,8-43,03]), le plus élevé au monde pour cette période. Le taux de leucémie myéloïde était également élevé : 6,0/100 000 (IC 95 % [3,7-8,3]).
Les comparaisons d’incidence entre les populations de différents pays sont rendues difficiles en raison des différences d’accès aux soins médicaux, de la variabilité de l’exhaustivité et de l’exactitude des Registres, souvent basés sur quelques cas, avec une durée d’observation parfois trop courte. Néanmoins, le Pacifique est reconnu comme étant une zone à haut risque pour les cancers de la thyroïde. Plusieurs facteurs de risque suspectés, tels que la consommation alimentaire d’iode, une prédisposition génétique, ou l’excès de poids peuvent rendre compte des différences d’incidence de ce cancer. Plus récemment, on considère que la surveillance diagnostique du cancer de la thyroïde (dépistage opportuniste) a largement contribué aux augmentations observées de l’incidence dans le monde (Vaccarella et coll., 2015renvoi vers ; Lortet-Tieulent et coll., 2019renvoi vers). Il est estimé que le surdiagnostic représenterait 50 % à 90 % des cas de cancer de la thyroïde diagnostiqués chez les femmes et 25 % à 70 % chez les hommes. Il est probable que l’amélioration de la surveillance diagnostique du cancer de la thyroïde ait eu également un impact sur l’incidence du cancer de la thyroïde en Polynésie française.
Les études descriptives ne comportent pas d’informations individuelles sur divers facteurs de risque présumés, y compris une possible exposition aux rayonnements ionisants, et ne peuvent donc pas aider à établir la ou les raisons de l’augmentation rapportée de l’incidence du cancer de la thyroïde dans cette région.

Études analytiques

Les études analytiques bien conçues disposent d’informations individuelles sur divers facteurs de risque potentiels et permettent d’évaluer plus précisément leur influence sur les associations entre maladies et expositions. Ces études peuvent aider à mieux appréhender l’étiologie de l’incidence du cancer de la thyroïde observée en Polynésie française.
Une seule étude cas-témoins sur le cancer de la thyroïde a été initiée non seulement pour examiner l’influence de l’exposition aux rayonnements résultant des essais nucléaires en Polynésie française, mais également pour évaluer l’influence d’autres facteurs de risque suspectés. Cette étude a donné lieu à 10 publications. Les principales caractéristiques et conclusions de l’étude sont résumées dans le tableau 5.Irenvoi vers (Brindel et coll., 2008renvoi vers ; Drozdovitch et coll., 2008renvoi vers ; Brindel et coll., 2009renvoi vers ; Brindel et coll., 2010renvoi vers ; Clero et coll., 2010renvoi vers ; de Vathaire et coll., 2010renvoi vers ; Clero et coll., 2012arenvoi vers et brenvoi vers ; Ren et coll., 2014renvoi vers ; Xhaard et coll., 2014renvoi vers ; Maillard et coll., 2015renvoi vers).

Tableau 5.I Résumé des principaux résultats de l’étude cas-témoins sur le cancer de la thyroïde en Polynésie française

Références
Facteurs étudiés
Cas/témoins (N)
Résultats principaux
de Vathaire et coll., 2010renvoi vers
Exposition aux radiations provenant d’essais nucléaires
229/373
Le risque de cancer de la thyroïde augmente avec l’augmentation de la dose reçue avant l’âge de 15 ans (p = 0,04)
Brindel et coll., 2008renvoi vers
Facteurs hormonaux et reproductifs
201/324
Ménopause naturelle :
OR = 1,9 ; IC 95 % [0,7-5,0]
Ménopause artificielle :
OR = 4,5 ; IC 95 % [1,7-12,0]
Brindel et coll., 2009renvoi vers
Poids et taille
195/315
Femmes avec IMC > 28,0 kg/m2 (avant le diagnostic) :
OR = 2,3 ; IC 95 % [1,1-4,7]
Femmes avec IMC > 22,5 kg/m2 (à l’âge de 18 ans) :
OR = 2,3 ; IC 95 % [1,2-4,4]
Femmes avec taille ≥ 168 cm :
OR = 2,1 ; IC 95 % [1,1-4,1]
Clero et coll., 2010renvoi vers
Poids, surface corporelle et taille
331/412 (NC)
223/364 (PF)
Surface corporelle à 18 ans au quartile le plus élevé par rapport au quartile le plus bas :
Femmes : OR = 4,0 ; IC 95 % [2,6-6,1]
Hommes : OR = 4,1 ; IC 95 % [1,0-16,1]
Clero et coll., 2012arenvoi vers
Régime alimentaire polynésien traditionnel par rapport au régime de type occidental
229/371
Régime alimentaire de style polynésien au quartile le plus élevé par rapport au quartile le plus bas : OR = 0,64 ; IC 95 % [0,42-0,98]
Consommation de cassava, par rapport aux non-consommateurs :
OR = 0,62 ; IC 95 % [0,39-0,99]
Clero et coll., 2012brenvoi vers
Consommation d’aliments riches en iode par rapport à un apport insuffisant en iode
229/371
Régime alimentaire déficient en iode par rapport à l’apport nutritionnel en iode optimal :
OR = 2,6 ; IC 95 % [1,1-5,9]
Ren et coll., 2014renvoi vers
Sélénium
215/331
Pas d’association entre les taux de sélénium dans les ongles et le risque de cancer de la thyroïde
Xhaard et coll., 2014renvoi vers
Source d’eau potable, éducation, tabagisme, boissons alcoolisées
229/373
Eau de source comme source d’eau potable :
OR = 1,7 ; IC 95 % [1,1-2,9]
Brindel et coll., 2010renvoi vers
Antécédents familiaux de cancer de la thyroïde chez les membres de la famille
225/368
Un membre de la famille affecté par rapport à l’absence d’un membre de la famille affecté :
OR = 4,5 ; IC 95 % [1,9-10,6]
Maillard et coll., 2015renvoi vers
Variations génétiques des loci NKX2-1, FOXE1 et ATM
168/262
Contribution des gènes FOXE1 et ATM dans l’étiologie du CT en PF confirmée

CT : Cancer de la thyroïde ; NC : Nouvelle-Calédonie ; PF : Polynésie française.

Une seule publication a porté sur l’évaluation quantitative de l’association entre le cancer de la thyroïde et l’exposition aux radiations ionisantes consécutives aux essais nucléaires (de Vathaire et coll., 2010renvoi vers). L’étude a inclus 229 cas atteints d’un cancer de la thyroïde entre 1981 et 2003 et 373 témoins sélectionnés dans le Registre polynésien de naissance et appariés selon l’âge et le sexe. Les cas et les témoins ont été interviewés pour obtenir des informations sur leur origine ethnique, l’éducation, la profession, le lieu de résidence, le poids au fil des différentes périodes de la vie, les antécédents personnels et familiaux de maladies thyroïdiennes et de cancer, la radiothérapie et le régime alimentaire au moment de l’entretien et pendant l’enfance. Des échantillons de sang et des coupures d’ongles ont également été prélevés. La dose moyenne individuelle reconstituée à la thyroïde était de 2,7 mGy et la dose la plus élevée se situait autour de 40 mGy (Drozdovitch et coll., 2008renvoi vers)3 . Seulement 5 % des cas et 3 % des témoins ont reçu une dose supérieure à 10 mGy. Les doses reconstituées étaient associées à une grande incertitude en raison du nombre limité de mesures disponibles sur la contamination environnementale au moment où l’étude a été réalisée. L’étude a montré une augmentation significative du risque de cancer de la thyroïde avec la dose de radiation reçue à la thyroïde avant l’âge de 15 ans (test de tendance avec la dose, p = 0,04) (de Vathaire et coll., 2010renvoi vers). Cette tendance persistait lorsque les microcarcinomes (principalement associés à une surveillance diagnostique intense) étaient exclus. L’excès de risque relatif par unité de dose (ERR/Gy), traditionnellement utilisé en épidémiologie des rayonnements, était exceptionnellement élevé mais avec une très grande imprécision (ERR/Gy = 55 ; IC 95 % [-14-288]).
Comme l’incidence du cancer de la thyroïde est beaucoup plus élevée chez les femmes, il est probable que les facteurs hormonaux et associés à la grossesse jouent un rôle important dans le risque de cancer de la thyroïde. L’étude a évalué l’impact de ces facteurs sur le risque de cancer de la thyroïde en Polynésie française (Brindel et coll., 2008renvoi vers) et a montré que ce risque augmentait à la fois avec la ménopause naturelle (OR = 1,9 ; IC 95 % [0,8-5,5]) et artificielle (OR = 5,0 ; IC 95 % [1,9-13,7]) par rapport à une pré-ménopause. L’étude a également observé une association du risque avec le nombre de naissances (OR par naissance supplémentaire jusqu’à 7 naissances = 1,2 ; IC 95 % [1,1-1,7]). Lorsque la dose à la thyroïde et le nombre de grossesses ont été considérés ensemble, une interaction significative a été constatée entre les effets des deux facteurs (p = 0,03) (de Vathaire et coll., 2010renvoi vers). L’augmentation du risque associé à la dose était plus importante chez les femmes ayant eu quatre grossesses ou plus que parmi celles ayant eu moins de quatre grossesses.
Des facteurs anthropométriques ont également été postulés comme facteurs de risque de cancer de la thyroïde. L’étude cas-témoins en Polynésie française a révélé que les personnes présentant un excès de poids, en particulier un surpoids précoce, et une taille élevée, présentaient un risque accru de cancer de la thyroïde par rapport aux personnes de poids normal ou de taille inférieure (Brindel et coll., 2009renvoi vers). Le risque de cancer de la thyroïde chez les femmes avec l’indice de masse corporelle (IMC) le plus élevé avant le diagnostic de cancer et à l’âge de 18 ans était 2,3 fois plus grand (IC 95 % : [1,1-4,4] ; [1,2-4,4], respectivement) par rapport à l’IMC le plus bas.
Des résultats similaires ont été observés dans les analyses groupées avec l’étude cas-témoins réalisée en Nouvelle-Calédonie, où l’incidence du cancer de la thyroïde est aussi parmi les plus élevées (Clero et coll., 2010renvoi vers). La prévalence de l’obésité est également élevée dans les deux territoires. Les analyses ont montré que la surface corporelle plus élevée était significativement associée à un risque accru de cancer de la thyroïde après ajustement en fonction de l’IMC et d’autres facteurs de confusion. Les ORs pour le quartile de la surface corporelle à 18 ans le plus élevé par rapport au quartile inférieur étaient de 3,8 (IC 95 % [2,6-6,1]) pour les femmes et 4,1 (IC 95 % [1,0-16,1]) pour les hommes.
Le régime alimentaire, notamment l’apport en iode nécessaire à la production d’hormones thyroïdiennes, figure parmi les facteurs de risque potentiels du cancer de la thyroïde. L’étude cas-témoins a examiné l’impact du régime alimentaire polynésien traditionnel sur le risque de cancer de la thyroïde par rapport au régime de type occidental. L’étude a révélé une association inverse significative avec le régime alimentaire polynésien traditionnel. La consommation de cassava, une racine aux propriétés goitrogènes, a présenté un effet protecteur statistiquement significatif par rapport aux non-consommateurs (OR = 0,62 ; IC 95 % [0,39-0,99]) après ajustement sur les autres facteurs de risque, tandis que l’effet protecteur du chou, qui possède également des propriétés goitrogènes, n’a pas été significatif.
D’autres facteurs alimentaires, tels que la consommation d’aliments riches en iode par rapport à un apport insuffisant en iode ont également été pris en compte dans cette étude. De manière inattendue, il est apparu que seulement 30 % des participants avaient une alimentation en iode suffisante (150-299 μg/jour). Le risque de cancer de la thyroïde a diminué de manière significative avec l’augmentation de la consommation de poisson et de mollusques et crustacés, d’après les informations obtenues à partir des questionnaires. Les personnes dont le régime alimentaire était déficient en iode présentaient un risque de cancer de la thyroïde multiplié par 2,6 (IC 95 % [1,1-5,9]) par rapport à celles dont l’apport nutritionnel en iode était optimal. Aucune interaction n’a été trouvée entre les effets de la dose de rayonnements ionisants à la thyroïde et l’apport alimentaire en iode. Ces résultats doivent être pris avec prudence car les informations sur les habitudes alimentaires obtenues au moyen d’un questionnaire sont souvent très incertaines. De plus, l’apport alimentaire en iode a été estimé à l’aide de tables de composition établies en France métropolitaine et non adaptées à la Polynésie française.
Certaines études ont suggéré qu’une carence en sélénium pourrait être associée à un risque accru de cancer de la thyroïde. Dans l’étude cas-témoins, les taux de sélénium et d’iode dans les échantillons ongles de cas et de témoins ont été mesurés (Ren et coll., 2014renvoi vers). Les niveaux de sélénium étaient plus élevés pour les habitants des îles Marquises et de l’archipel des Tuamotu-Gambier. L’étude n’a pas trouvé d’association entre les taux de sélénium dans les ongles et le risque de cancer de la thyroïde. Ces résultats sont basés sur des mesures post-diagnostiques et ne reflètent pas nécessairement la consommation de sélénium à long terme.
En outre, la consommation d’eau de source en tant que principale source d’eau potable a été associée à une augmentation du risque de cancer de la thyroïde (OR = 1,7 ; IC 95 % [1,1-2,9]), particulièrement avant l’âge de 15 ans (OR = 2,5 ; IC 95 % [1,4-4,7]), mais la fréquence de ce facteur de risque était faible et ne jouait pas un rôle important au niveau de la population (Xhaard et coll., 2014renvoi vers).
Le cancer de la thyroïde est considéré comme le cancer non héréditaire pour lequel l’héritage familial est le plus élevé (Hemminki et coll., 1998renvoi vers). L’étude cas-témoins a examiné le rôle des antécédents de ce cancer parmi les membres de la famille au premier degré (Brindel et coll., 2010renvoi vers). Les personnes dont un membre de la famille au premier degré était affecté présentaient un risque 4,5 fois (IC 95 % [1,9-10,6]) plus élevé de développer un cancer de la thyroïde par rapport à celles n’ayant pas de membre de la famille affecté.
Pour approfondir cette question, l’étude cas-témoins a évalué le rôle des facteurs génétiques qui pourraient également contribuer à la susceptibilité aux cancers différenciés de la thyroïde (Maillard et coll., 2015renvoi vers). Elle a analysé la contribution des variations génétiques des loci NKX2-1, FOXE1 et ATM aux risques de cancer de la thyroïde dans la population polynésienne. Dans l’étude d’association pangénomique SNP rs965513 près de FOXE1, un lien a été établi entre les génotypes G/A et A/A et le risque de cancer de la thyroïde. Un excès de risque a également été observé chez les individus porteurs de deux allèles longs de l’expansion du tractus poly-alanine dans FOXE1, alors qu’aucune association n’a été observée avec rs1867277 dans la région promotrice du gène. En revanche, SNP rs944289 (NKX2-1) n’a montré aucune association significative. Bien que la substitution faux-sens D1853N (rs1801516) dans ATM soit rare dans la population polynésienne, les porteurs de l’allèle mineur (A) ont également présenté un excès de risque. L’étude a confirmé la contribution des gènes FOXE1 et ATM (gène de réparation de l’ADN) dans l’étiologie du cancer de la thyroïde en Polynésie française. Elle a démontré la pertinence du SNP intergénique rs965513 sur le chromosome 9q22.33 et du polymorphisme du tractus poly-alanine rs71369530 dans FOXE1 en tant que marqueurs de susceptibilité robustes pour le cancer de la thyroïde. Le rôle de la substitution faux-sens D1853N dans ATM dans la population exposée aux radiations est toujours en discussion, puisque les résultats dans la population polynésienne ne concordent pas avec les associations entre le SNP de codage ATM et un risque réduit de cancer de la thyroïde trouvé dans d’autres études.
En résumé, l’étude cas-témoins sur le cancer de la thyroïde présente certaines limites pour l’étude de l’influence des radiations ionisantes résultant des essais nucléaires sur la santé : le biais de rappel lié au caractère rétrospectif de l’étude, les doses reconstituées étaient plutôt faibles et associées à des incertitudes élevées résultant d’un nombre limité de mesures disponibles sur la contamination environnementale. Ces limites ne permettent pas d’établir une conclusion définitive sur l’impact de l’exposition aux rayonnements ionisants issus des retombées des essais nucléaires sur l’incidence du cancer de la thyroïde en Polynésie française. Trois conclusions principales peuvent être tirées :
• l’incidence du cancer de la thyroïde en Polynésie française, l’une des plus élevées au monde, mérite de mieux comprendre son étiologie en étudiant l’ensemble des facteurs de risque (tels que le nombre de grossesses, l’anthropométrie et la prédisposition génétique...) et l’impact de la surveillance diagnostique ;
• des données plus récentes et de meilleure qualité sur l’incidence du cancer de la thyroïde s’avèrent nécessaires pour mieux comprendre l’évolution de ce cancer, car l’incidence à partir des années 2008 est à considérer avec une grande prudence en raison des problèmes d’exhaustivité liés à l’accès aux sources de données (voir le chapitre 2 « État de santé en Polynésie française » pour plus de détails) ;
• la réduction des incertitudes sur les doses estimées permettrait de mieux décrire l’association entre la dose et le risque potentiel de cancer de la thyroïde. Des informations plus exhaustives sur les mesures effectuées en Polynésie française sont nécessaires pour améliorer la précision des estimations de dose et réduire ces incertitudes.

Participants aux essais nucléaires

Une étude de mortalité a été réalisée sur une cohorte de 32 550 vétérans présents sur les sites du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) entre 1966 et 1996 et ayant bénéficié d’une surveillance dosimétrique externe (Pedrono et coll., 2011renvoi vers). Le fichier de données sur les vétérans a été fourni par le Département de Suivi des Centres d’Expérimentations Nucléaires (DSCEN) de la Délégation Générale pour l’Armement. L’information dosimétrique disponible par individu était la suivante : tous les dosimètres étaient négatifs ou au moins un dosimètre était positif c’est-à-dire que les doses étaient soit inférieures soit supérieures au seuil de détection de 0,2 mSv. Après validation des informations du fichier de vétérans, 82 % (26 524 vétérans) ont pu être inclus ; la dosimétrie était supérieure au seuil de détection pour 8 % d’entre eux. La mortalité totale et la mortalité par cause ont été comparées à la mortalité de la population française à l’aide de ratios de mortalité standardisés (SMR). 5 492 vétérans (21 %) sont décédés avant le 31 décembre 2008 ; 97 % des causes étaient disponibles. La comparaison de la mortalité de la cohorte à celle de la population française met en évidence un déficit de mortalité toutes causes, par cancer et pour des maladies liées aux radiations. La mortalité toutes causes et par cancer des vétérans avec dosimétrie supérieure au seuil de détection était similaire à celle des autres vétérans. Cependant, une augmentation du risque de mortalité par hémopathies malignes a été observée chez les vétérans avec dosimétrie supérieure au seuil de détection ; cet excès était significatif après ajustement sur l’âge, la période, l’appartenance (marine nationale, armée de terre, armée de l’air, services de santé et personnel civil de la défense) et la région de naissance (RR = 1,82 ; IC 95 % [1,6-2,0]). En conclusion, parmi les vétérans disposant d’un enregistrement de surveillance par dosimètre externe, la présence sur les sites du CEP de 1966 à 1996 ne constitue pas un facteur d’augmentation de la mortalité par rapport à la population nationale. Cependant, un risque accru de mortalité par hémopathies malignes chez les vétérans avec dosimétrie supérieure au seuil de détection a été observé. L’étude est toutefois soumise à plusieurs limites : biais de sélection (seulement 82 % des vétérans de la cohorte ont été inclus dans l’analyse finale) ; la population étudiée n’a pas la même distribution géographique que la population française, avec notamment une surreprésentation de certaines régions de résidence ; aucune dose individuelle disponible permettant d’étudier la relation dose-effet ; pas d’informations sur le nombre d’individus dont les enregistrements de dosimètres étaient inférieurs ou supérieurs au seuil de détection ; les résultats n’ont pas été ajustés sur les facteurs individuels ; le temps de latence entre l’exposition et la survenue de la maladie n’a pas été pris en compte. Enfin, la majorité de la population étudiée (près de 80 %) était encore en vie et la mortalité ne permet d’expliquer les conséquences sanitaires de l’exposition que de façon partielle.
Une seconde étude complète l’étude de mortalité des vétérans présents sur les sites du CEP entre 1966 et 1996 et ayant bénéficié d’une surveillance dosimétrique. Son objectif était d’évaluer l’incidence des Affections de longue durée (ALD) parmi les membres de la cohorte toujours vivants en 2003, sur la période 2003-2008 (Martin et coll., 2013renvoi vers). La population étudiée était composée de 18 717 vétérans. Les données de cette cohorte ont été croisées avec celles du fichier de la base inter-régimes de l’Assurance maladie, contenant les informations sur les consommations de soins et celles sur les prises en charge en ALD pour tous les bénéficiaires des différents régimes d’assurance maladie (Sniiram). Toutes les mises en ALD survenues entre 2003 et 2008 (30 pathologies chroniques, ainsi que tous les types de cancer) et répertoriées dans la base ont été considérées. L’incidence des ALD par pathologie et type de cancers des vétérans a été comparée à l’incidence des ALD de la population générale à l’aide de ratios d’incidence standardisés (SIR). Pour les maladies non cancéreuses, l’incidence des ALD pour artériopathies chroniques est en excès par rapport à la population générale, mais sans lien avec le fait d’avoir ou non au moins une dosimétrie supérieure au seuil de détection. Les tumeurs étaient les premières causes de mise en ALD (30 %). Le taux d’incidence d’ALD tous cancers confondus est le même que celui de la population générale. Les ALD pour deux cancers relativement fréquents, cancer de la prostate et cancer de la bouche, apparaissent en excès dans la cohorte (SIR = 1,0 ; IC 95 % [0,95-1,06]). La comparaison des taux d’incidence des ALD effectuée entre les vétérans avec dosimétrie inférieure au seuil de détection et ceux avec dosimétrie supérieure au seuil de détection ne montre pas d’excès sauf pour la sclérose en plaques (présentant un nombre de cas réduit : 8 cas), avec un risque relatif RR = 3,47 (IC 95 % [1,18-10,2]) et le cancer du péritoine et du rétro-péritoine (RR = 18,13 ; IC 95 % [1,28-257,4] ; 4 cas), les deux pathologies pour lesquelles le nombre de cas est très réduit.
Si l’étude de mortalité a montré un excès de décès par hémopathies malignes chez les vétérans avec une dosimétrie supérieure au seuil de détection, l’étude de l’incidence des ALD chez les vétérans, limitée à une période courte (2003-2008) et relativement éloignée de l’exposition, ne met pas en évidence d’excès de nouveaux cas d’ALD potentiellement liés aux radiations. Mais cette étude n’a inclus que les vétérans toujours en vie au 1er janvier 2003 et ne concerne qu’une période de suivi limitée (2003-2008) et à distance de l’exposition. En raison de ces limites, il est possible que l’augmentation de certains types de leucémie ayant une courte période de latence ne soit pas prise en compte dans cette étude. De plus, la taille de la cohorte n’est pas suffisamment conséquente pour conférer à l’étude une puissance statistique satisfaisante permettant de détecter de faibles excès de risque. Enfin, l’absence de disponibilité des dosimétries individuelles ne permet qu’une comparaison très brute entre les vétérans qui ont eu au moins une dosimétrie supérieure au seuil de détection et les autres. Par ailleurs, la pertinence d’utiliser les données sur les ALD peut être discutée car, pour certains cancers, les ALD ne représentent pas tous les cas de cancer, et encore moins aux âges avancés (Grosclaude et coll., 2012renvoi vers ; Uhry et coll., 2012renvoi vers).

Autres territoires du Pacifique

Population générale

Îles Marshall

Le territoire des îles Marshall est devenu en 1946 un site d’essais nucléaires menés par les États-Unis, et ce jusqu’en 1958. Au total, 66 essais nucléaires y ont été réalisés. Selon Simon et coll. (2010renvoi vers), vingt des 66 tests effectués ont conduit à des retombées mesurables aux îles Marshall. Le 1er mars 1954, l’exposition la plus significative résultait du test de la bombe à hydrogène Castle Bravo sur l’atoll de Bikini. En raison des conditions de vent inattendues, les retombées importantes des débris du test Castle Bravo sur les atolls situés à l’est de l’atoll Bikini ont entraîné de fortes doses de rayonnements pour les populations résidant à proximité, particulièrement sur les atolls du nord (Rongelap, Ailinginae, Rongerik et Utirik). Plusieurs centaines d’habitants de ces atolls du nord, dont 39 % étaient des enfants de moins de 10 ans, ont reçu des doses externes dépassant 1 000 mGy. La dose estimée à la thyroïde variait de 300 à 3 400 mGy chez les personnes de 18 ans et de 600 à 2 000 mGy chez les enfants de moins de 10 ans. Chez l’adulte, les doses internes à la thyroïde étaient d’environ 760 mGy et 7 600 mGy, respectivement pour les résidents d’Utirik et de l’île de Rongelap. De nombreuses incertitudes ont rendu difficile le calcul des doses à la thyroïde. En dépit du fait que les retombées des essais d’armes nucléaires aux îles Marshall ont provoqué une forte dose au niveau de la moelle osseuse chez certains habitants, seulement une leucémie myéloïde aiguë a été diagnostiquée (Conrad, 1975renvoi vers). Ce cas unique peut être dû au hasard, bien que la possibilité qu’il soit induit par des rayonnements ne puisse être exclue. Les effets tardifs les plus fréquents de l’exposition aux rayonnements chez les Marshalliens ont été observés sur la glande thyroïdienne.
Dès les années 1960, de nombreux programmes de surveillance sanitaire ont été menés. Ils étaient principalement dirigés par le Laboratoire national américain Brookhaven et se limitaient à l’observation des personnes exposées aux retombées radioactives sur les atolls de Rongelap, Ailinginae et Utirik et à des populations témoins non exposées. Depuis sa création, le programme des îles Marshall avait pour objectif principal la détection et le traitement de tout état pathologique susceptible d’évoluer en raison de l’exposition aux rayonnements. Un tel objectif nécessitait une étude de suivi prospective longitudinale d’individus exposés ainsi qu’une population de contrôle appropriée. Un certain nombre de rapports (Conrad et coll., 1980renvoi vers ; Robbins et coll., 1989renvoi vers) ont relevé une incidence plus élevée qu’attendu de cancer de la thyroïde et de nodules thyroïdiens. Les données recueillies jusqu’en 1986 indiquaient que 51 patients présentaient des nodules dans le groupe exposé et 10 dans le groupe témoin. Le premier nodule a été détecté chez une fillette de neuf ans après l’accident. Les nodules ont été palpés chez 2,6 % des enfants du groupe témoin âgés de moins de 10 ans et chez 7,8 % des enfants âgés de plus de 10 ans. Sur l’atoll de Rongelap, des nodules ont été détectés chez plus de 60 % des sujets de moins de 10 ans et 13 % pour les enfants de plus de 10 ans. Les pourcentages étaient plus faibles pour les atolls d’Ailinginae et d’Utirik. L’analyse de ces données ne révèle pratiquement aucun excès de nodules à des doses à la thyroïde inférieures à 3 000 mGy. Le risque chez les femmes était environ 3,7 fois supérieur à celui des hommes. Le diagnostic pathologique des nodules a révélé que la plupart étaient adénomateux et souvent multiples.
Selon Larsen et coll. (1982)renvoi vers, l’incidence d’hypothyroïdie subclinique était de 31 % chez les enfants de moins de 10 ans exposés à une dose à la thyroïde estimée supérieure à 2 000 mGy. Aucun cas d’hypothyroïdie n’a été observé dans ce groupe d’âge à des doses plus faibles. Parmi les sujets âgés de 10 ans ou plus lors de l’exposition, un cas d’hypothyroïdie (1 %) a été observé chez ceux ayant reçu une dose à la thyroïde estimée inférieure à 1 000 mGy, un cas (8 %) chez ceux ayant reçu une dose de 1 000 à 2 000 mGy et quatre cas (9 %) chez ceux qui avaient reçu une dose supérieure à 2 000 mGy. L’hypothyroïdie clinique n’a été diagnostiquée que chez deux des sujets exposés âgés de moins de 10 ans. L’incidence de l’hypothyroïdie a commencé à augmenter environ une décennie après l’exposition.
Contrairement aux nombreux programmes de surveillance diagnostique des différentes pathologies, y compris les maladies de la thyroïde, seules deux études épidémiologiques ont été menées :
• une étude de cohorte rétrospective de la maladie thyroïdienne bénigne dans la population entre 1983 et 1985 (Hamilton et coll., 1987renvoi vers) ;
• une étude transversale de la prévalence de maladie thyroïdienne bénigne et de cancer de la thyroïde sur la période 1993-1997, ciblant une population similaire à celle de la première étude (Takahashi et coll., 1999renvoi vers et 2001renvoi vers).
La première étude a reposé sur 7 266 personnes examinées dont 2 273 ont été exposées. La distance de l’atoll de Bikini a été utilisée comme indicateur indirect de la dose d’iode radioactif reçue. Hamilton et coll. (1987renvoi vers) ont examiné 2 273 habitants des îles Marshall par palpation, définissant un nodule comme étant égal ou supérieur à 1 cm. La prévalence des nodules thyroïdiens variait de 0,9 à 10,6 % et diminuait avec la distance entre le site de test et le lieu de résidence. Une estimation du risque de maladie thyroïdienne bénigne de 1 100 excès de cas par Gy par an et par million de personnes a été rapportée. Les résultats de l’étude doivent être interprétés avec prudence en raison de la grande incertitude liée au fait que la distance entre le lieu de résidence et l’atoll de Bikini est un indicateur très incertain de l’exposition. De plus, la prévalence naturelle des nodules thyroïdiens n’est pas suffisamment connue dans cette population et pourrait varier considérablement. Compte tenu de ces facteurs, les estimations du risque de cette population doivent être considérées avec précaution.
La deuxième étude visait à déterminer la prévalence du cancer de la thyroïde chez les Marshalliens qui vivaient dans les îles pendant la période des tests (Takahashi et coll., 1999renvoi vers et 2003renvoi vers). 7 172 Marshalliens ont été examinés pour une maladie de la thyroïde entre 1993 et 1997, dont 5 821 étaient éligibles pour être inclus dans l’étude. Durant cette période, les chercheurs ont examiné 3 709 Marshalliens atteints d’une maladie de la thyroïde et nés avant le test Castle Bravo. Seuls 60 % de la population à risque étaient encore en vie au moment des examens. Le programme de dépistage du cancer de la thyroïde était composé de deux parties : un entretien personnel et un examen clinique, comprenant la palpation du cou et une échographie de la thyroïde. Les auteurs ont utilisé un substitut de dose de rayonnement (dose pondérée d’Utirik) basé sur les estimations de Lessard et coll. (1985)renvoi vers et des informations sur les niveaux de dépôts de radionucléides dans le sol provenant de l’étude radiologique nationale de la République des îles Marshall (Simon et coll., 1997renvoi vers). Trente cas de cancers de la thyroïde ont été incidemment diagnostiqués et 27 autres participants à l’étude avaient été opérés d’un cancer de la thyroïde avant le dépistage au sein de ce groupe. Cinquante-sept Marshalliens nés avant 1954 (1,5 %) avaient un cancer de la thyroïde ou avaient été opérés d’un cancer. Presque tous (92 %) ces cancers étaient des carcinomes papillaires. L’étude a révélé que la prévalence du cancer de la thyroïde était élevée : un homme et deux femmes parmi 100 résidents ont été diagnostiqués pour un cancer de la thyroïde ou avaient été opérés pour un cancer de la thyroïde. Il n’y avait pas d’effet prononcé de l’âge à l’exposition. L’odds ratio augmentait avec la dose pondérée d’Utirik, mais la tendance n’était pas statistiquement significative (p = 0,15, bilatéral). En outre, le risque de cancer de la thyroïde était deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Les limites de cette étude étaient l’incertitude de la dose à la thyroïde et la sélection biaisée des participants à l’étude. Comme le taux de participation était d’environ 60 %, il était possible que cette participation soit liée à la dose de rayonnement (seules les personnes les plus exposées ont accepté de participer à l’étude). Malheureusement, les modèles d’estimation de dose plus précis développés par Simon et coll. (2010renvoi vers) n’ont pas été appliqués pour mettre à jour l’étude épidémiologique de Takahashi et coll. (Takahashi et coll., 1999renvoi vers et 2003renvoi vers).
Un autre type d’étude a été mené. Le National Cancer Institute (NCI) des États-Unis a utilisé les doses annuelles absorbées spécifiques au tissu et résultant d’une exposition interne (ingestion) et externe à des retombées pour établir des estimations des risques de cancer pour les résidents permanents ainsi que pour les groupes de population Marshalliens qui ont été relogés (Land et coll., 2010renvoi vers). Les calculs du risque attribuable variaient selon les régions géographiques par type de cancer : entre 12 % et 95 % pour le cancer de la thyroïde, entre 2 % et 78 % pour la leucémie et entre 1 % et 55 % pour tous les cancers combinés. Il ne s’agit pas d’une étude d’estimation de risque mais d’un calcul de la prévision des risques de cancer sur la base des connaissances disponibles ; elle est donc sujette à des incertitudes liées à la variation de l’incidence du cancer entre différents groupes ethniques, aux modèles utilisés pour extrapoler les risques d’une population à l’autre et aux estimations de dose disponibles.

Kiribati

Les îles Christmas et Malden, à Kiribati en Océanie, sont des sites où des essais nucléaires ont été conduits par les États-Unis et le Royaume-Uni. Six essais nucléaires britanniques ont été réalisés entre 1957 et 1958 et 24 américains en 1962 sur l’île Christmas. Trois essais nucléaires britanniques ont eu lieu près de Malden Island. En 1990, la population des îles Christmas et Malden était composée d’environ 2 500 personnes. Selon une évaluation de l’UNSCEAR, les retombées locales ont été minimes à la suite de ces tests. La quantité d’informations disponibles pour ces sites est insuffisante pour fournir une évaluation détaillée des expositions aux rayonnements ou de leurs effets sur la population locale (UNSCEAR, 2010renvoi vers).

Monte Bello, Emu and Maralinga (Australie)

Le Royaume-Uni a effectué 12 essais nucléaires entre 1952 et 1957 sur trois sites australiens : Emu, Maralinga et les îles Monte Bello. Les tests ont engendré une contamination environnementale résiduelle autour des sites d’Emu et Maralinga. Les estimations des expositions externes locales n’ont pas été établies pour les tests de la période 1952-1955 ; pour les tests de 1956 et 1957, les doses efficaces externes étaient inférieures à 1 mSv (Wise et coll., 1992renvoi vers). Des estimations des expositions internes ont également été effectuées pour l’ensemble de la population australienne. La dose efficace moyenne était de 70 mSv, dont 83 % étaient dus à des expositions internes (Wise et coll., 1992renvoi vers). Après la réhabilitation du site d’essai de Maralinga, il a été estimé que les doses potentielles pour les futurs habitants ayant un mode de vie nomade semi-traditionnel seraient inférieures à 5 mSv (Wise et coll., 1992renvoi vers). Aucune étude sur les conséquences pour la santé n’a été réalisée.

Participants aux essais nucléaires

Personnel militaire britannique

Une étude épidémiologique a été mise en place par les chercheurs du National Radiological Protection Board et de l’Université d’Oxford dans les années 1980 sur des participants britanniques du programme d’essais d’armes nucléaires atmosphériques (Muirhead et coll., 2004renvoi vers). Des recherches systématiques dans les archives ont permis d’identifier une large cohorte de 22 347 hommes ayant participé à un ou plusieurs tests en Australie et dans le Pacifique entre 1952 et 1967 et appariés avec un groupe témoin de 22 326 non-participants aux tests. Trois analyses de la mortalité et de l’incidence du cancer ont été effectuées.
La première analyse, publiée en 1988, couvrait la mortalité jusqu’à fin 1983 ainsi que l’incidence du cancer (Darby et coll., 1988renvoi vers). Ont été recensés 1 591 décès et 671 cancers chez les participants aux tests et un nombre similaire chez les témoins. Lorsque toutes les causes des décès étaient prises en compte, les taux étaient similaires chez les participants aux tests et chez les témoins et étaient généralement nettement inférieurs à ceux de la population générale. Ainsi, toutes causes de décès confondues, le taux de mortalité standardisé (SMR) était de 80 (IC 95 % [76-84]) chez les participants et de 79 (IC 95 % [75-83]) chez les témoins. Pour tous les cancers, les SMR étaient de 80 (IC 95 % [72-88]) chez les participants par comparaison à 83 (IC 95 % [75-91]) chez les témoins, avec un risque relatif de 0,96. Les taux de leucémie et de myélome multiple étaient significativement plus élevés chez les participants aux tests que chez les témoins. En comparaison avec les taux nationaux, les niveaux observés chez les participants aux tests ne semblaient pas significatifs (SMR = 113, IC 95 % [71-171], pour la leucémie ; SMR = 111, IC 9 % [41-242], pour le myélome multiple, sur 22 et 6 décès respectivement). Les auteurs ont conclu que la participation au programme d’essais d’armes nucléaires n’a eu aucun effet détectable sur l’espérance de vie des participants, ni sur leur risque total de développer un cancer, mis à part un éventuel effet sur les risques de myélome multiple et de leucémie (autre que la leucémie lymphoïde chronique).
La deuxième analyse, publiée en 1993, couvrait la mortalité jusqu’à fin 1990 ainsi que l’incidence du cancer (Darby et coll., 1993renvoi vers). Elle a recensé 2 753 décès et 1 208 cas de cancer chez les participants aux tests. Cette deuxième analyse, comme la première, a révélé que les taux de mortalité pour toutes causes et par tous les types de cancer étaient très similaires chez les participants aux tests et chez les témoins. La mortalité dans les deux groupes était généralement inférieure à celle de la population générale. Cependant, contrairement à la première analyse, les taux de leucémie et de myélome multiple au cours des sept années supplémentaires de suivi étaient légèrement plus faibles (non significativement) chez les participants aux tests que chez les témoins. Les témoins présentaient des taux similaires à ceux de la population générale. Il semble plus plausible que les faibles taux de ces maladies observés chez les témoins lors de la première analyse soient dus au hasard.
Une troisième analyse, publiée en 2003, couvrait la mortalité pour une nouvelle période de huit ans, jusqu’à fin 1998, ainsi que l’incidence du cancer (Muirhead et coll., 2003renvoi vers). La cohorte de participants aux tests et les témoins étaient presque exactement la même que pour la deuxième analyse (21 357 participants). L’analyse a recensé 4 857 décès et 2 695 cas de cancer chez les participants aux tests. Comme pour les deux premières analyses, les taux de mortalité chez les participants aux tests et chez les témoins étaient inférieurs à ceux des hommes du même âge en Angleterre et au Pays de Galles, toutes causes de décès confondues, tous cancers et autres maladies. Les risques de mortalité des participants aux tests comparés aux témoins étaient presque identiques pour chacune de ces causes de décès (1,01), tout comme le risque pour les participants aux tests comparé aux témoins pour l’incidence de tous les cancers pris ensemble (0,99). Pour le myélome multiple, le risque relatif de mortalité des participants aux tests par rapport aux témoins jusqu’à 1990 était de 1,90 (IC 90 % [0,71-5,23]). Au cours de la période de suivi prolongée de 1991-1998, le risque relatif était de 1,21 (0,58-2,53). Les taux de mortalité des participants et des témoins n’étaient pas significativement différents des niveaux nationaux, que ce soit pendant la période de suivi étendue ou complète. En termes d’incidence, le risque relatif au cours des huit dernières années de suivi était inférieur à 1 (0,79), bien que la différence ne soit pas statistiquement significative. Pour la mortalité par leucémie, sauf la leucémie lymphoïde chronique, le risque relatif à la fin de 1990 était de 1,84, présentant une augmentation statistiquement significative (IC 90 % [1,02-3,33]). Au cours des huit années suivantes, le risque relatif était très similaire (1,81) mais l’élévation n’était pas statistiquement significative (IC 90 % [0,80-4,18]). Sur les deux périodes, les SMR des participants aux tests étaient proches des taux nationaux (109 et 102), tandis que ceux des témoins étaient un peu faibles (58 et 59). Les risques relatifs d’incidence de la leucémie (sauf la leucémie lymphoïde chronique) chez les participants aux tests par rapport aux témoins sur les deux périodes étaient inférieurs à ceux associés à la mortalité ; le risque relatif n’a pas été significativement plus élevé dans chacune des deux périodes.
L’un des résultats constants des trois analyses est l’effet dit « effet soldat en bonne santé », selon lequel la mortalité toutes causes est plus faible que dans la population générale, mais semblable à celle observée chez les témoins appariés. Dans le cas de la leucémie, autre que la leucémie lymphoïde chronique, il existe cependant certaines suspicions d’un risque persistant. Cette suspicion bénéficie de l’appui d’études menées auprès de participants à d’autres essais nucléaires, en particulier aux États-Unis.
Comme dans la plupart des études sur le personnel militaire ayant participé à des programmes nucléaires, la principale limite de cette étude réside dans le fait que les données dosimétriques n’étaient pas disponibles pour une évaluation plus précise de l’impact de la participation au programme d’essais sur les risques sanitaires. Seule une faible proportion des participants disposait de données dosimétriques. En raison des faibles doses et de la taille réduite de la population étudiée, la puissance de l’étude se trouve affectée.

Personnel militaire australien

Une étude de cohorte rétrospective a été réalisée pour évaluer la mortalité et l’incidence du cancer chez des participants australiens (personnel civil et militaire) à des essais nucléaires menés par le Royaume-Uni en Australie et pour identifier toute association avec l’exposition à des rayonnements ionisants (Gun et coll., 2008renvoi vers). La population étudiée a été établie à l’aide des listes du ministère des Anciens Combattants et comprenait 10 983 participants. Un groupe de physiciens de la santé a estimé les expositions aux rayonnements résultant des tests. Chaque participant s’est vu attribuer une dose cumulée calculée à partir des estimations du débit de dose, des postes de travail auxquels il participait et des activités dans lesquelles chaque groupe de travail était engagé. Sur la base de ces estimations, les participants ont été regroupés en six catégories d’exposition. Les doses reçues par le personnel militaire australien étaient généralement faibles : seulement 4 % ont reçu plus de 20 mSv. La dose moyenne cumulée a été estimée à 2,8 mSv. Les taux de mortalité standardisés (SMR) ont été calculés à l’aide des données de mortalité nationales. Les taux de mortalité par type de cancer ont été comparés entre les catégories d’exposition en calculant les taux de mortalité relative. Les taux d’incidence standardisés et les taux d’incidence relative ont été calculés dans l’étude de l’incidence du cancer. Sur 10 983 sujets, 5 494 (50 %) étaient en vie et 4 427 (40 %) étaient décédés avant le 31 décembre 2001. Bien que le SMR pour toutes causes confondues ne diffère pas de manière significative de 1, la mortalité par cancer totale et l’incidence du cancer étaient significativement plus élevées que les taux nationaux. Le taux de mortalité par cancer était de 18 % supérieur au taux de la population et le taux d’incidence du cancer était de 23 % supérieur au taux de la population. Pour certaines localisations de cancer (cancer de l’œsophage, mélanome de la peau, toutes les leucémies combinées et les leucémies sauf la leucémie lymphoïde chronique), l’incidence était significativement élevée, mais la mortalité non augmentée. Pour le cancer du poumon, la mortalité et l’incidence étaient significativement plus élevées par rapport à la population générale. Aucune tendance à l’augmentation de l’incidence de tous les cancers n’a été constatée avec l’augmentation de l’exposition (p = 0,90). La seule association significative constatée avec l’augmentation de la catégorie de dose concernait la leucémie lymphoïde chronique, considérée comme non radiogène. Bien que les chercheurs aient tenté d’attribuer un niveau de dose possible aux participants à l’étude, cela s’est avéré impossible pour 6 % d’entre eux. Les niveaux d’exposition attribués sont soumis à une grande incertitude et à des erreurs de classification qui peuvent réduire la capacité de l’étude à détecter les effets des rayonnements ionisants. La forte prévalence du tabagisme dans la cohorte du personnel militaire pourrait être au moins en partie responsable de l’excès de certaines tumeurs cancéreuses liées au tabagisme, telles que le poumon et l’œsophage.

Personnel militaire néo-zélandais

Les 528 marins néo-zélandais recensés comme ayant participé aux essais nucléaires réalisés par les États-Unis en 1957 et 1958 aux îles Malden et Christmas (Kiribati) ont fait l’objet d’une étude épidémiologique prenant en compte toute la période depuis les essais jusqu’à 1987 (Pearce et coll., 1990renvoi vers), puis d’une étude complémentaire, étendant la période étudiée jusqu’à 1992 (Pearce et coll., 1997renvoi vers). La cohorte des 528 marins ayant participé aux essais a été comparée à un groupe de 1 504 autres marins néo-zélandais n’ayant pas participé aux essais. Le suivi initial de la mortalité et de l’incidence des cancers a été effectué pour la période 1957-1987 et a montré une augmentation du risque de leucémie et d’autres cancers hématologiques, et une augmentation faible, voire nulle, des cancers non hématologiques ou des décès non liés au cancer chez les participants aux tests (Pearce et coll., 1990renvoi vers). Le suivi a été prolongé pour la période 1988-1992 (Pearce et coll., 1990renvoi vers). Pour la période de suivi totale, il y a eu 97 décès chez les participants aux tests et 256 décès chez les témoins, un risque relatif pour tous les décès (RR) de 1,1 (IC 90 % [0,9-1,3]). Il y a eu huit décès par cancer hématologique pour les participants aux tests (RR = 3,8 ; IC 90 % [1,4-10,8]), dont quatre leucémies (RR = 5,6 ; IC 90 % [1,0-41,7]). Le RR de l’incidence des cancers hématologiques était de 1,9 (IC 90 % [0,8-4,3]) et celui de la leucémie de 5,6 (IC 90 % [1,0-41,6]). Les auteurs ont conclu que les preuves fournies concordaient toujours avec l’hypothèse selon laquelle certaines leucémies et d’autres cancers hématologiques pourraient résulter de la participation au programme d’essais d’armes nucléaires. Sur la base des faibles nombres observés et de la perte d’environ 10 % d’hommes du suivi, ces conclusions sont difficiles à interpréter.

Personnel militaire américain

Plusieurs études ont visé à évaluer les risques de mortalité parmi le personnel militaire américain ayant participé à des essais nucléaires menés dans le Pacifique4 . Une étude des 8 554 anciens combattants de la Marine ayant participé à l’opération « Hardtack » au Centre d’Essais du Pacifique en 1958 a été menée pour déterminer s’ils présentaient un risque de mortalité plus élevé pour certains cancers (Watanabe et coll., 1995renvoi vers). Cette étude comprend un groupe-témoin de militaires non exposés aux rayonnements. Dans l’ensemble, le groupe de participants présentait un taux de mortalité plus élevé de 10 %, mais l’excès de mortalité par cancer n’était significatif que pour l’ensemble de la catégorie des organes digestifs (soit une augmentation de 47 %). Les doses de rayonnement étaient faibles (3,88 mSv en moyenne), et parmi les 1 094 hommes ayant reçu des doses supérieures à 10 mSv, on constatait un excès de risque de mortalité de 42 % pour toutes les formes de cancer. Aucune catégorie de localisation de cancer ne montrait d’excédent significatif ni de relation franche entre dose et effets, mais le nombre de décès dans chacune des catégories était faible.
Une autre étude a porté sur les 1 010 anciens combattants américains ayant reçu les doses de rayonnement gamma les plus élevées (≥ 50 mSv), sur l’évaluation de leur risque de mortalité par cancer par rapport aux anciens combattants de la Marine ayant reçu une dose minimale lorsqu’ils participaient au « Hardtack » (Dalager et coll., 2000renvoi vers). L’étude montre que la mortalité toutes causes confondues (RR = 1,22 ; IC 95 % [1,04-1,44]) et la mortalité liée à tous les cancers lymphopoïétiques (RR = 3,72 ; IC 95 % [1,28-10,83]) étaient significativement plus élevées chez les participants les plus exposés par rapport aux témoins.
L’étude de Johnson et coll. (1997renvoi vers) portant sur 40 000 participants à l’essai nucléaire Crossroads à l’atoll de Bikini en 1946, a révélé une mortalité légèrement supérieure (5 %, p < 0,001) chez les participants par rapport aux non-participants. Des augmentations statistiquement non significatives plus faibles ont été observées concernant la mortalité des participants pour toutes les tumeurs malignes (1,4 %) et la leucémie (2 %).
En résumé, la plupart des études sur le personnel militaire partagent la même limite principale : les données de dosimétrie sont indisponibles pour permettre l’évaluation des relations dose-réponse. Ces études ne disposent pas d’informations sur d’autres facteurs de risque, y compris d’autres types d’expositions liés à la participation aux essais nucléaires. Nombre d’entre elles souffrent d’une taille relativement petite pour détecter les effets de faibles doses. Elles étudient principalement la mortalité ; le caractère incomplet et imprécis des causes de décès ajoute aux faiblesses de ces études et les résultats sont difficiles à interpréter. Néanmoins une tendance commune à l’augmentation de la mortalité et de l’incidence des leucémies et d’autres hémopathies malignes a été observée.

Conclusion

Dans la plupart des études, l’analyse de l’impact de l’exposition aux retombées radioactives consécutives aux essais nucléaires sur la mortalité et la survenue de maladies dans les populations et le personnel civil et militaire exposés se heurte au fait que la grande majorité des individus ont reçu de très faibles doses. Il est par conséquent difficile de démontrer dans ces études une augmentation significative du risque de survenue de maladies liées à l’exposition aux rayonnements en présence d’autres facteurs de risque. Une autre difficulté majeure, en particulier pour la plupart des études sur le personnel militaire, est l’absence de dosimétrie individuelle qui ne permet pas d’estimer la relation dose-réponse.

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