2007


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Communications/débat

Rencontre-débat du 16 janvier 20071

En ouverture, Christian brechot, directeur général de l'Inserm, salue les participants en remerciant les personnes ayant contribué à l'expertise collective, réalisée sous l'animation de Jeanne etiemble. La présente réunion de travail illustre la façon dont l'Inserm souhaite dorénavant travailler, au moins pour certaines expertises collectives. Christian brechot juge important qu'il existe une confrontation entre les conclusions émanant de l'expertise et le point de vue de professionnels de terrain.

Introduction : la démarche d'Expertise collective Inserm

Jeanne etiemble explique que la démarche d'expertise collective consiste à faire le bilan de la littérature internationale sur un sujet donné. Elle répond à une demande formulée par un commanditaire, en l'occurrence le RSI (Régime Social des Indépendants, ex-Canam), dans le cadre d'un programme centré sur la santé de l'enfant. Après l'obésité et les troubles mentaux, la troisième expertise collective, dont il est ici question, porte sur les troubles spécifiques des apprentissages que constituent la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie. Le groupe d'experts – dont la composition est validée par la Direction générale de l'Inserm – réunit 11 spécialistes et a produit un rapport qui s'articule autour de trois parties : l'analyse de la littérature internationale, la synthèse des travaux des experts et enfin leurs recommandations. Jeanne etiemble souligne la distinction à opérer entre l'analyse de la littérature internationale réalisée par les experts et un état des lieux des pratiques françaises dans le domaine considéré, qui n'entre pas dans le champ de leur mission et qui relève plutôt des compétences de la Haute Autorité de Santé. L'expertise collective sur les troubles spécifiques des apprentissages chez l'enfant en est aujourd'hui au stade où elle doit être rendue publique et la présente réunion vise à permettre l'expression de tous, notamment afin de dissiper tout malentendu éventuel.
Le thème « dyslexie, dysorthographie et dyscalculie » a été choisi afin de définir un champ d'expertise moins large que l'échec scolaire, pour lequel des moyens beaucoup plus considérables auraient dû être mobilisés. Si la dyslexie constitue un sujet fréquemment évoqué, de fausses idées circulent à son sujet. Il semblait donc utile de faire le point sur cette question. La dysorthographie et la dyscalculie, elles, font l'objet d'articles beaucoup moins nombreux. Jeanne etiemble convient que la dysphasie, trouble spécifique du langage oral, constitue un sujet important, à tel point qu'il aurait justifié une expertise à part entière. La dyspraxie peut faire l'objet du même constat. Cependant, les experts ont choisi de considérer ces deux troubles dans le cadre des « troubles associés » à la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie.
Claire meljac (psychologue, Hôpital Sainte-Anne) note que la dysorthographie, qui est associée à la dyslexie dans la plupart des cas, a été traitée de façon indirecte et est donc bien présente dans l'expertise. En revanche, aucun élément significatif ne se fait jour à propos de la dyscalculie et certains résultats à ce sujet sont loin d'être assurés et elle ne comprend pas pourquoi la dyscalculie figure dans le titre de l'expertise.
Ariel conte (CORIDYS) estime que le cadrage de l'expertise restreint à la dyslexie, dysorthographie et dyscalculie risque de limiter son intérêt en termes de santé publique alors même que les statistiques des CHU montrent qu'il existe peu de dyslexie homogène. Les décideurs, ne vont-ils pas avoir une vision étroite des troubles spécifiques des apprentissages ?

Principaux constats de l'expertise collective

Lecture

Liliane sprenger-charolles, (membre du groupe d'experts) rappelle que la finalité de la lecture est la compréhension, ce qui requiert un niveau correct de compréhension orale et un bon niveau d'automaticité dans l'identification des mots écrits. Dans une écriture alphabétique, deux procédures peuvent être mobilisées pour cette identification : une procédure lexicale (l'unité de traitement est le mot) et une procédure sub-lexicale (l'unité de traitement est le graphème, en relation avec le phonème).
Les travaux de recherche ont montré que les enfants utilisent fortement la procédure sublexicale en début d'apprentissage, la réussite de cet apprentissage dépendant de la régularité des relations graphème-phonème, qui sont plus transparentes en espagnol qu'en français et en français qu'en anglais. De fait, les enfants hispanophones parviennent à automatiser les procédures d'identification des mots écrits plus vite et mieux que les francophones, qui eux-mêmes y arrivent plus vite et mieux que les anglophones, la dyslexie se manifestant principalement par un déficit d'automatisation de ces procédures, qui est aggravé quand l'orthographe est peu transparente. De plus, l'enseignement systématique et précoce dès le début du CP des correspondances graphème-phonème est ce qui aide le plus efficacement les élèves. Enfin, il apparaît aussi que les prédicteurs les plus fiables de l'apprentissage de la lecture sont les capacités d'analyse phonémique et le niveau de connaissance des lettres, auxquelles s'ajoutent les capacités de mémoire à court terme phonologique et de dénomination rapide. Ces prédicteurs permettent de repérer précocement (dès la grande section de maternelle) les enfants susceptibles d'avoir des difficultés d'apprentissage de la lecture, avec une fiabilité élevée.

Orthographe, calcul

Michel fayol (membre du groupe d'experts), explique qu'un point essentiel consiste à savoir s'il existerait, pour l'orthographe, des troubles qui ne seraient pas liés à la lecture et pour le calcul, des troubles qui seraient également spécifiques. La langue française constitue un système « inconsistant » en termes de production : son écriture s'avère beaucoup plus difficile que sa lecture. Les entraînements phonologiques auront, là aussi, un impact très favorable sur l'apprentissage des bases de l'orthographe. Une grande part de l'acquisition de l'orthographe lexicale semble également liée à la pratique de la lecture.
Michel fayol note le faible nombre d'études disponibles sur les troubles de calcul, de même que l'absence de classification fiable des erreurs. Il en résulte une difficulté à distinguer une évolution normale d'une évolution problématique et des méconnaissances relatives aux associations de troubles. La sensibilité aux modifications de quantités apparaît en tout cas très précocement. C'est l'acquisition du système symbolique de la langue maternelle qui permet la mise en place des conduites de dénombrement. Même s'il existe une définition internationale de la dyscalculie, les critères ne sont pas universellement admis. La dyscalculie pourrait être aussi fréquente que la dyslexie mais apparaît rarement isolée et il n'existe pas de différence entre garçons et filles de ce point de vue.

Pourquoi des troubles si souvent associés ?

Jean-François demonet (membre du groupe d'experts), souligne une difficulté à laquelle sont confrontés les chercheurs. Ceux-ci ressentent un malaise, en termes épistémologiques, en raison d'un paradoxe : des aptitudes hautement dépendantes de la culture et des apprentissages scolaires s'avèrent, à la lumière des travaux scientifiques, étroitement liées à des particularités de l'organisation du cerveau humain et à des particularités du génome (voire à des mutations génomiques). Face à ce constat déroutant, Jean-François demonet plaide pour un travail multidisciplinaire aujourd'hui difficile en raison de la diversité des points de vue épistémologiques.
Concernant la lecture envisagée sous l'angle des fonctions cognitives, Jean-François demonet explique qu'en l'absence d'automatisation des procédures, les individus ayant été dyslexiques dans leur enfance ont besoin, pour décoder un mot, de 150 millisecondes de plus que des individus n'ayant pas été dyslexiques (soit une minute de plus pour la lecture d'une page).
L'écriture présente des difficultés surajoutées par rapport à la lecture, notamment du fait du caractère exhaustif de l'expression écrite : tout doit être écrit ! Par ailleurs, un même son peut correspondre à de très nombreuses formes écrites, ce que l'on désigne par la notion de « non transparence phono-orthographique de la langue française ». Il résulte de ces caractéristiques une charge majeure, pour la mémoire à long terme, de l'apprentissage d'un lexique, particulièrement en langue française.
Le calcul fait appel à un stock plus ou moins large de connaissances en mémoire (tables de multiplication) ou à l'application de règles de calcul permettant de combiner les connaissances en mémoire. L'importance de la charge en mémoire de travail est d'autant plus grande qu'aucune étape de base n'est devenue automatique.
Jean-François demonet formule enfin l'hypothèse de l'existence de mécanismes communs à la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie, qui seraient :
• le défaut de perception des unités de base ;
• le défaut d'automatisation de la conversion entre différents formats ;
• un excès de charge en mémoire de travail.
Il présente ensuite une synthèse des substrats cérébraux de ces fonctions linguistiques, mentionnant également l'importance du cortex frontal pour la mémoire de travail. Il présente la topographie des régions activées dans les situations de lecture, écriture et calcul. La topographie des anomalies microscopiques décrites dans le cerveau de quelques personnes dyslexiques montre que les régions concernées recouvrent celles qui semblent importantes pour les fonctions liées au langage écrit et au calcul.

Approches biologiques versus approches sociales

Franck ramus (membre du groupe d'experts), revient sur l'opposition parfois invoquée entre les approches biologiques et les approches sociales des trois troubles étudiés. Le rapport de l'Inserm ne reflète aucunement, à ses yeux, une approche exclusivement biologique : ce rapport n'ignore pas les facteurs sociaux et environnementaux (familiaux, psychologiques, pédagogiques) pouvant jouer un rôle dans l'apparition des troubles des apprentissages. Cela dit, même des enfants ne souffrant d'aucun handicap socio-culturel présentent des troubles, par exemple pour l'apprentissage de la lecture, pour lesquels aucune cause sociale primaire ne peut être mise en évidence. Le chercheur doit donc faire l'hypothèse d'un déficit cognitif, c'est-à-dire d'un problème dans le traitement de certaines informations par le cerveau. Comme le rapport le décrit en détails, il apparaît en fait un déficit majeur, sur le plan phonologique, dans le traitement et la représentation mentale des sons et de la parole.
Ce constat suppose l'existence d'une atteinte du cerveau et les recherches menées sur les cerveaux d'individus dyslexiques confirment l'existence de spécificités chez ces individus. Un faisceau d'indices, parmi lesquels le caractère familial de troubles tels que la dyslexie, plaide pour l'existence de facteurs génétiques (mais pas exclusivement) dans l'explication de ces atteintes du cerveau ; en effet, les chercheurs ont mis en évidence la forme variante de certains gènes, qui conduisent à une mise en place légèrement différente de certaines aires cérébrales jouant un rôle dans la parole et le langage, et recrutées, plus tard, pour l'apprentissage de la lecture, de l'écriture ou du calcul. Pour autant, Franck ramus souligne que ce facteur génétique n'est aucunement synonyme de déterminisme : il répond à une logique probabiliste et dépend en partie d'interactions avec des facteurs environnementaux très divers. C'est pourquoi tout paradigme strictement biologique ou strictement social doit être écarté.

Prévention, dépistage et prise en charge

Catherine billard (membre du groupe d'experts), souligne l'intérêt en prévention d'une prise en charge de l'ensemble des enfants présentant des troubles de la lecture. La littérature internationale montre qu'une prise en charge précoce, en milieu scolaire, des enfants présentant des difficultés de décodage permet à 50-75 % des enfants de rejoindre leurs pairs en l'espace de quelques mois. En termes de prévention, la notion « d'enfant à besoins similaires » semble opératoire pour définir cette prise en charge répondant aux critères définis par la littérature scientifique. Le groupe d'experts plaide pour l'évaluation d'une telle démarche en France. Cela suppose de définir des critères de sévérité sur la base desquels sera décidé pour les enfants n'ayant pas tiré bénéfice de la première étape d'associer une réponse de soins à l'accompagnement en milieu scolaire. Les troubles du langage oral définissent une population à risque au sein de laquelle cependant tous les individus ne présenteront pas les troubles étudiés (dyslexie dysorthographie et dyscalculie). La prise en charge préventive des troubles du langage oral ne pose pas de difficulté et elle est définie par les recommandations de l'ANAES. Cependant, d'après la méta-analyse faisant référence dans ce domaine, un programme préventif n'est efficace que s'il associe un travail sur les compétences phonologiques du langage oral et du langage écrit.
Quant à la prise en charge individuelle (en termes de soins) après diagnostic, elle doit définir précisément :
• les axes de rééducation (à travailler de façon intensive et à évaluer) ;
• les conditions d'accès aux soins des personnes défavorisées ;
• une articulation avec les programmes pédagogiques du milieu scolaire, en la personne d'un coordinateur qui aura notamment un rôle crucial d'explication vis-à-vis des parents.

Débat

Félicitant le groupe d'experts pour l'ensemble de son travail, Michel zorman, (CHU de Grenoble) revient sur certaines formulations dans le texte : la question de l'indépendance des troubles vis-à-vis des facteurs d'ordre socioculturel par rapport aux propos de Franck ramus reconnaissant l'existence d'interactions entre le biologique et l'environnemental. Concernant « des conditions défavorables de l'environnement » il préférerait le terme de carence éducative ou pédagogique, au titre de laquelle les éléments fondamentaux d'éducation ne seraient pas présents, ce qui peut survenir dans n'importe quel milieu socioculturel. Michel zorman note enfin la présence d'éléments redondants, par exemple dans les études de cas et les études de groupes, au détriment de la lisibilité du rapport. Enfin, il conteste la distinction entre dyslexie phonologique et dyslexie de surface. Tous les dyslexiques phonologiques qu'il suit deviennent en effet, à un certain âge, des dyslexiques de surface. Michel zorman juge indispensable de dissocier les mesures de l'efficacité des deux procédures (lexicale et sub-lexicale) des causes qui peuvent être à l'origine de leur moindre efficacité. Liliane sprenger-charolles souligne que l'étude des causes des troubles requiert en effet un suivi longitudinal des enfants, qui montre généralement la présence de troubles phonologiques.
Georges dellatolas (Inserm), estime que les critères diagnostiques des troubles des acquisitions scolaires ne sont pas suffisamment discutés dans la synthèse : les experts ne se prononcent pas quant à la nécessité de les utiliser. Le critère d'interférence avec les performances scolaires, notamment, peut conduire à définir des troubles des apprentissages en fonction des exigences de l'entourage, notamment dans une optique élitiste. Les prévalences mises en avant montrent en tout cas que ces critères ne sont pas utilisés. Jeanne etiemble observe que ces critères de définition des troubles lorsqu'ils sont appliqués présentent au moins l'intérêt de fournir une base de comparaison des études épidémiologiques. Franck ramus convient que les définitions de ces critères ne satisfont personne. Il s'agit cependant de la seule norme internationale pouvant être énoncée.
Bernard gossot (Inspecteur général honoraire de l'Education nationale), note qu'il est indiqué dans la synthèse que « la prévalence de la dyslexie s'établit à un peu moins de 5 % », sans que la population de référence ne soit précisée. L'âge auquel sont repérées les « difficultés en lecture » des enfants n'est pas précisé non plus, imprécisions en conséquence desquelles « l'on voit des dyslexiques partout ». Catherine billard convient de la nécessité de tenir compte de cette remarque pour éviter une confusion du terme « dyslexique ». Michel zorman estime qu'il est possible d'indiquer que la dyslexie frappe 5 % de la population générale, à partir de la classe de CP. Il propose aussi de préciser (sans s'avancer plus avant dans les proportions) que tous les lecteurs en difficulté ne sont pas dyslexiques. Faisant référence à un rapport qu'il a rédigé en 2005 pour l'Inspection générale des Affaires sociales et l'Inspection générale de l'Education nationale sur les troubles complexes du langage oral et écrit, Bernard gossot note que le nombre d'enfants présentant un véritable trouble complexe du langage oral et écrit est apparu, dans ce travail, extrêmement faible. Le nombre de 5 % semble, de ce point de vue, un seuil très élevé. Jean-François demonet demande sur la base de quels critères cette prévalence a été estimée. Bernard gossot précise qu'aucun critère précis n'avait été défini. Des médecins, des psychologues, des associations de parents ont cependant été rencontrés et ces acteurs ont fait part aux auteurs de leur analyse de la situation. Les auteurs se sont également aperçus que le nombre d'enfants, rapporté à la population, était assez faible, quand bien même il était annoncé au départ comme élevé. Jean-Marie danion souligne la difficulté à obtenir un chiffre précis sur ce point.

Recommandations

Formation

Jeanne etiemble indique qu'une première recommandation, concernant la formation, tient particulièrement à cœur au groupe d'experts. La formation doit permettre à tous les acteurs de parler le même langage et de se comprendre.
Gérard toupiol (Fédération nationale des Maîtres E, enseignants spécialisés travaillant dans le cadre des réseaux d'aide spécialisés), note que le rapport de synthèse mentionne de nombreux outils qui ne sont pas connus par les professionnels de l'Education nationale. Les réseaux d'aide spécialisés semblent en tout cas les mieux placés pour identifier les élèves et recommander, le cas échéant, un dépistage plus précis des troubles des apprentissages. Jeanne etiemble signale qu'une commission réunie sous l'égide de la DGS (Direction Générale de la Santé) a publié un rapport aujourd'hui accessible à tous sur le site du Ministère de la santé.
Jeanne-Marie urcun, (médecin national de l'Education nationale) juge utile de préciser de quels outils l'on parle : il existe des outils de repérage, des outils de diagnostic ou encore des outils de remédiation et les uns ne peuvent pas se substituer aux autres. En tout état de cause, « nul ne peut agir seul » et le travail pluridisciplinaire constitue une exigence. Pour autant, il ne doit pas s'agir que l'un fasse à la place de l'autre. Claire meljac considère qu'un outil auquel l'intervenant ne serait pas formé n'aurait pas de sens. L'étalonnage et les consignes d'utilisation ne peuvent suffire : il doit exister un échange avec une personne connaissant les limites et les finesses d'un outil. Ariel conte confirme que l'utilisation des outils dépend largement de la formation, de la culture et des représentations de chacun. En outre, certaines recommandations sont anciennes, il s'agirait de les appliquer.
Scania de schonen observe que les difficultés commencent souvent avec l'ignorance des pédiatres en matière de neurosciences cognitives : ces spécialistes se reposent sur les psychiatres pour identifier d'éventuels troubles cognitifs de l'enfant, alors que les psychiatres ne sont pas mieux formés pour les repérer. Scania de schonen souhaite qu'une cellule soit créée, avec pour mission d'étudier les voies permettant de former les médecins (pédiatres, psychiatres), orthophonistes... aux troubles cognitifs des enfants. Elle préconise aussi la mise en œuvre d'une veille technologique internationale évolutive qui mette à jour les conditions d'utilisation des outils existants.
Anne terlez (Fédération de parents d'élèves PEEP) se dit très sensible à la qualité de l'expertise. Elle estime que les experts « auraient pu aller beaucoup plus loin » dans les recommandations. La PEEP milite pour l'égalité des chances, ce qui suppose notamment de miser sur le dépistage (lequel va plus loin que le repérage). La prise en compte des troubles des apprentissages par les enseignants, la remédiation et le suivi des enfants requièrent la formation (initiale et continue) des professionnels de santé et des professeurs de l'Education nationale. Plus largement, l'urgence est au pragmatisme. Les RASED sont souvent en perdition, faute de moyens. Il en est de même pour la médecine scolaire et les protocoles mis en place ne peuvent être appliqués. L'ouverture des écoles aux professionnels de santé est indispensable et des partenariats doivent être mis en place et tournés vers la recherche de solutions originales. Anne terlez signale enfin une expérience originale mise en œuvre par la PEEP d'Issy-les-Moulineaux, qui a lancé à l'échelle de la commune un dépistage de la dyslexie, pour lequel les professionnels de l'Education nationale ont été spécifiquement formés. La PEEP souhaite que cette action, dont le coût est pris en charge par la commune d'Issy-les-Moulineaux, puisse s'étendre à l'ensemble des Hauts-de-Seine.
Sylviane lewick-deraison (orthophoniste et représentante de l'UNADREO), se félicite de voir reconnue la place des réseaux dans les recommandations des experts. Elle juge trop vague, toutefois, la formulation proposée. Le réseau d'aide (RASED) constitue un réseau au sein de l'école et les réseaux de santé eux sont extérieurs. Les référents sont également nombreux. Bref, ces notions doivent être clarifiées, sans confusion entre la pathologie et la pédagogie, précision qui conduit Sylviane lewick-deraison à se démarquer de l'intervenante précédente en considérant qu'il ne s'agit que d'une expérimentation.

Stratégies de prévention

Jeanne etiemble souhaite en venir à la stratégie de prévention qui pourrait être déployée dès qu'une difficulté est identifiée chez un enfant. La tendance, en France, reste marquée par une prise en charge individuelle. Jeanne etiemble souhaite entendre les participants sur la façon dont ils envisagent la possibilité d'un travail en réseau autour d'objectifs de prévention.
Faisant référence à 14 études publiées hors de France sur les difficultés de lecture en CP, Michel zorman suggère que le rapport de synthèse fasse référence à ces études, à partir desquelles une expérimentation contrôlée et évaluée pourrait être demandée à l'Education nationale. Jean-Marie danion considère que ce type de recommandation correspond tout à fait au type de recommandation pour lequel la démarche d'expertise collective peut être légitime. Catherine billard insiste pour que la méthodologie de l'étude détermine s'il s'agit d'un effet spécifique ou d'un effet placebo. Les résultats ne doivent pas s'exprimer seulement en termes de pourcentages d'amélioration significative mais aussi en termes de résultats pour les enfants.
Laurence vaivre-douret estime qu'une dimension liée aux troubles associés manque actuellement au cadre de la prévention. La psycho-motricité pourrait constituer un moyen de prévention au sein de l'Education nationale, par exemple en mettant en évidence une absence de mise en place de la latéralité. L'Education nationale peut donc avoir, là aussi, un rôle intéressant à jouer.
Jeanne etiemble constate, notamment à travers l'expérience rapportée par la représentante de la PEEP, la possibilité de mise en œuvre de la recommandation de prévention dont il s'agit ici. Ces expériences devraient pouvoir se multiplier, d'autant plus qu'elles répondent à plusieurs problèmes en même temps, sans rester confinées au domaine de la dyslexie. Pour autant, une telle stratégie ne permettra pas de faire l'économie d'une prise en charge individuelle pour certains enfants. Dès lors, la question résidera dans l'articulation entre la prise en charge individuelle (soins) et la prise en charge pédagogique qui doit se poursuivre à l'école.

Prise en charge individuelle/coordination et articulation entre éducation et soins

Bernard gossot appelle à la distinction des notions de repérage, de dépistage et de diagnostic. Le repérage peut être effectué par les enseignants mais non seuls. Les intervenants des RASED peuvent leur apporter un concours utile sur ce point, notamment à travers la prise en charge, en classe, de petits groupes spécifiques auxquels des personnels extérieurs pourraient être associés : orthophonistes, intervenants des SESSAD... Les médecins et psychologues scolaires, eux, ne sont pas suffisamment présents. Le dépistage relève du médecin de PMI ou du médecin de santé scolaire. Enfin, le diagnostic relève des centres de référence. Catherine billard précise qu'effectivement entre les centres de référence et les enseignants, il existe des personnes-ressources permettant d'éviter qu'un enseignant n'adresse directement une famille au centre de référence. Celui-ci répond à une vocation de seconde intention, en termes de sévérité ou de résistance du problème.
Frédérique lefevre (Ministère de l'éducation nationale) précise que l'école n'est habilitée qu'à traiter la difficulté scolaire, sur le plan pédagogique. Lorsque l'enseignant ne sait plus quelle réponse pédagogique mobiliser, il peut se tourner vers d'autres acteurs comme les RASED. Frédérique lefevre rappelle aussi que l'école n'est pas un lieu de soin : elle peut participer à la prévention par une réponse pédagogique, comme la loi de 2005 le précise. Michel fayol signale que le ministère de l'Education nationale a récemment envisagé l'introduction, en CM1, d'un outil permettant aux enseignants d'effectuer un repérage pouvant être suivi, le cas échéant, par la mise en œuvre d'activités telles que celles évoquées aujourd'hui. Frédérique lefevre précise qu'il existe également des évaluations non obligatoires permettant aux enseignants de mettre en œuvre des réponses pédagogiques.
Bernard gossot se dit en désaccord avec l'idée selon laquelle l'Education nationale serait fermée à toute intervention en son sein relevant d'une logique de soin : si l'école n'est pas un lieu de soins, les personnels de soins peuvent y intervenir pour faciliter l'éducation. Par ailleurs, Bernard gossot signale que le terme d'entraînements pédagogiques risque d'être mal perçu par les enseignants, qui pourraient y voir la marque d'une approche comportementaliste. Catherine billard précise que cette notion « d'entraînement » ne constitue en aucune façon l'action pédagogique principale.
Ariel conte note qu'au Canada, au sein de l'école sont présents des ortho-pédagogues à double compétence. Il souhaite que le clivage entre professionnels de santé et professionnels de l'éducation perde de sa prégnance en France. Il signale par ailleurs que les enveloppes de dotation aux réseaux ne permettent pas à ces derniers de prendre en charge les enfants qui en ont le plus besoin.
Isabelle daboville, (enseignante référente), précise qu'un dialogue avec les parents peut se traduire par la mise en place d'un projet personnalisé prévoyant l'intervention de services de soin au sein des écoles et l'aménagement du temps scolaire des enfants. Une interrogation demeure toutefois quant à la façon dont les demandes de moyens émergeant dans ce cadre seront traitées par la Commission des droits et de l'autonomie (CDA).
Jean-François demonet constate que l'Education nationale redoute de se voir conduite à poser le diagnostic d'une « maladie grave du cerveau ». Il n'en reste pas moins qu'il existe des médecins de l'Education nationale. S'ils étaient présents en nombre suffisant, ils pourraient jouer le rôle indispensable d'interface et d'orientation pour un trouble qui s'exprime d'abord à l'école. La réponse de soin doit s'articuler avec la réponse pédagogique ; les clivages doivent tomber pour faire place à une interconnexion entre ce qui relève du pédagogique et ce qui relève du sanitaire. Pour cela il faut des moyens et des structures. Le nombre de médecins et de psychologues scolaires, par exemple, devrait s'accroître. Jean-François demonet plaide pour la mixité de la prise en charge, que celle-ci soit individuelle ou collective.

Aménagements et adaptations pédagogiques

Ariel conte note que tous les aménagements accordés aux dyslexiques le sont au titre du handicap. Mais, le problème réside dans l'organisation pratique de ces aménagements et dans la diversité des pratiques d'un département à un autre. En tant que neurologue, Jean-François demonet souligne que l'application du décret n°2005-1617 du 21 décembre 2005 relatif aux aménagements des examens et concours de l'enseignement scolaire et supérieur constitue une difficulté quotidienne et une demande extrêmement fréquente de la part des familles. Hélas, il existe une grande confusion en la matière, y compris parmi les intervenants académiques, notamment compte tenu de la diversité rencontrée dans la gravité des troubles.
Valérie capuano-delestre (bureau de l'ASH, adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés, au ministère de l'Education nationale), précise que l'aménagement des examens est indépendant du taux de handicap et de sa reconnaissance par les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées). Mais, il existe une difficulté pour les troubles spécifiques des apprentissages en raison du seuil de 50 %, défini comme une condition nécessaire à la reconnaissance du handicap. En revanche, la décision d'aménagements aux examens dépendra de l'Education nationale, de façon indépendante du taux de handicap. Michel zorman souhaite que la compensation accordée, lors des examens aux élèves, ne compense pas un diagnostic mais bien un désavantage social au regard des études qu'ils suivent. Faute d'un tel principe, la compensation bénéficiera à de trop nombreux élèves, auquel cas elle perdra toute pertinence. Jean-François demonet précise qu'un diagnostic de dyslexie attestée à un moment donné du cursus ne constitue pas nécessairement en soi un argument suffisant pour justifier la mise en œuvre d'aménagements lors des examens. La compensation des déficits permet en effet dans de nombreux cas la poursuite d'études de haut niveau. La justification d'aménagements des conditions d'examen repose sur la mise en évidence par un examen neuropsychologique approprié de déficits persistants dans la capacité à lire et à comprendre un texte dans un délai conforme à la norme.
Jeanne-Marie urcun rappelle que la circulaire évoquée concerne tout enfant présentant un trouble de la santé ou un handicap. Les mesures envisageables en application de la circulaire sont liées à la conséquence d'un trouble dans la scolarité et le niveau élevé des performances d'un individu ne doit pas le priver d'aménagements auxquels son handicap lui donne droit. Franck ramus estime que la pente visant à compenser un « désavantage social » est glissante. Il suggère plutôt de compenser le handicap, celui-ci étant reconnu comme évolutif : le droit à la compensation peut se justifier à un moment donné et ne plus se justifier plus tard dans le cursus de l'élève.
Catherine billard demande si un enfant souffrant d'un handicap susceptible d'évoluer peut avoir droit à des aménagements sans être reconnu comme handicapé par la Maison du handicap. Jeanne-Marie urcun précise que toute demande, sur ce point, doit être adressée à la MDPH. Elle est alors examinée par un médecin désigné par celle-ci. Le médecin rencontre l'enfant et sa famille afin d'envisager les aménagements susceptibles d'être mis en œuvre. La demande d'aménagement est alors transmise au rectorat, qui, dans une très grande majorité de cas, répond favorablement à la demande. Valérie capuano-delestre estime que l'on peut conseiller aux parents de s'adresser aux médecins de l'Education nationale de l'établissement scolaire fréquenté par l'élève. Le passage par la MDPH aura lieu, car il est prévu par la procédure. Celle-ci pourra varier, toutefois, suivant les départements.
Bernard topuz (Direction de l'Enfance et de la Famille de Seine-Saint-Denis) signale que certains parents refusent d'être adressés aux Maisons du handicap en raison d'un trouble qu'ils perçoivent comme passager. Bernard topuz souligne aussi l'existence d'inégalités liées aux premières relations psychologiques dans la petite enfance et la question soulevée plus tôt sur le social se pose de façon similaire pour les facteurs d'ordre psychologique. Jean-Marie danion considère qu'il existe un risque de « dramatisation » du trouble aux yeux des parents, ce qui plaide à ses yeux pour une rédaction prudente de la recommandation sur ce point. Ariel conte confirme que la reconnaissance du handicap constitue un débat récurrent dans toutes les associations. Mais les SESSAD ne pourront être mis en place sans une définition claire du handicap.
Christine getin (association TDAH) juge surtout difficiles à vivre les inégalités qui se font jour sur le terrain. Elle plaide aussi pour que l'on accorde un effort particulier à la « psycho-éducation » des parents, notion qu'elle préfère à celle de « guidance » des parents, étant entendu qu'une bonne compréhension du trouble constitue un premier pas vers sa résolution.
Liste des présents : Maria de agostini (expert, Epidémiologie Inserm), Rémy bailly (Centre Référent du Langage et troubles d'apprentissage, Pitié-Salpétrière), Xavier blanc (Association les lavandes, Orpierre), Fabienne bonnin (Centre expertise collective Inserm), Chritian brechot (Directeur général de l'Inserm), Sandrine broussouloux (INPES), Catherine butikofer (Association APEDA/FLA), Valérie capuano-delestre (Ministère de l'EN), Patrick chanson (Directeur adjoint Disc Inserm), Michèle charnay (Association APEDYS), Anne-Marie chartier (INRP), Dominique chauvin (Centre Référent Pitié-Salpétrière), Ariel conte (Association CORIDYS), Isabelle daboville (SE UNSA), Jean-Marie-danion (Professeur de Psychiatrie, Conseiller du Directeur général Inserm), Georges dellatolas (Inserm), Jean-François demonet (expert, Neurologie, Inserm), Dominique donnet-kamel (Chargée de Mission Inserm-association, Disc), Marie-Christine drochon (SNMSU-UNSA), Anne-Christine dupont (FNO/UNADREO), Jeanne etiemble (Directrice Centre d'expertise collective Inserm), Michel fayol (expert, Laboratoire de Psychologie sociale et cognitive, Université Clermont-Ferrand), Pascale gerbouin (Inserm), Christine getin (Association TDAH), Bernard gossot (Académie Créteil), Barbara knockaert (SNUIPP), Anne launois (Accompagnement expertises, Disc), Frédérique lefevre (DGESCO), Marie-Thérèse le normand (expert, Inserm), Sylviane lewick-deraison (UNADREO), Claire meljac (CHS Sainte-Anne-UPPEA), Anne mignot (Bureau de presse Inserm, Disc), Anne-Marie montarval (Association, APEDA/FLA), Isabelle nocus (Université Nantes UFR Psychologie), Anne-Laure pellier (Centre expertise collective Inserm), Christine plouzennec (AFPS), Franck ramus (expert, Laboratoire sciences cognitives et psycholinguistique, ENS Paris), Scania de schonen (Université Paris 5), Taraneh shojaei-brosseau (MGEN), Liliane sprenger-charolles (expert, Laboratoire psychologie expérimentale, Boulogne), Anne terlez (PEEP), Gérard toupiol (FNAME), Monique touzin (CHU Bicêtre), Bernard topuz (PMI), Jeanne-Marie urcun (Médecin Education nationale DGESCO), Laurence vaivre-douret (Inserm, Hopital Necker), Céline vridaud, (FNAME), Michel zorman (CHU Grenoble),
Liste des excusés : Jean-Claude ameisen (Comité d'éthique Inserm), Pierre barouillet (expert, Université Genève), Marc brodin (Université Paris), Martine caraglio (Académie de Paris), Claude chevrie-muller (Inserm), Philippe claus (Inspection EN) Stanislas dehaene (Inserm, CEA), Ghislaine dehaene-lambertz (CNRS), Michel deleau (Université Rennes), Agnès florin (Université Nantes), Nicole geneix (Observatoire de l'enfance), Nicolas georgieff (Institut des Sciences Cognitives, Bron), Nathalie guignon (DGS, DREES), Jean-Emile gombert (expert, Université Rennes), Michel habib (expert, CHU Marseille), Gisèle jean (SNES-FSU), Irène kahn-bensaude (Ordre des médecins), Brigitte lefeuvre (DGS), Jean-Jacques lemire (psychologue scolaire), Philippe meirieu (Université Lyon), Marie-Noëlle metz-lutz (CNRS), Agnès mitton (CMPP Corbeil Essonnes), Gille moindrot (SNUIPP), Dominique mothes (SNMSU), Philippe niemec (SE-UNSA), Monique plaza (Université Paris), Hélène rabate (SNPDEN), Jean-Charles ringard (Académie Nantes), Patrick roumagnac (SNIEN-UNSA), Martine safra (Education nationale), Gérard schmit (CHU Reims), Anne tursz (CNRS), Sylviane valdois (expert, Université Grenoble), Louis vallée (CHRU Lille), Florence veber (Santé Mairie de Paris), Jean-Luc villeneuve (SGEN-CFDT).
L’Inserm et le groupe d’experts remercient tous les participants pour la qualité des débats et remercient également les nombreuses personnalités du secteur de l’Education et de la Santé qui ont adressé des commentaires sur la synthèse et les recommandations. Leur contribution a été prise en compte dans la version finale du document.

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