II. Approches par pathologies
2019
ANALYSE |
14-
Asthme
Données épidémiologiques majeures
L’asthme est une maladie hétérogène, généralement caractérisée par une inflammation chronique des voies aériennes. Elle est définie par la présence d’antécédents de troubles respiratoires à type de sifflement expiratoire, de dyspnée, d’oppression thoracique et de toux, qui peuvent varier dans le temps et en intensité et une limitation variable du flux expiratoire (Global Initiative for Asthma, 2017
).

Dans une enquête nationale récente portant sur l’année 2012-2013, la prévalence de l’asthme en France chez les enfants âgés de 10 ans ou plus a été estimée à près de 11 %. Une comparaison réalisée par rapport à une même enquête réalisée 7 ans plus tôt montre que la prévalence de cette pathologie a significativement progressé (ratio de prévalence corrigé : 1,13 ; Delmas et coll., 2016
). Chez l’adulte, la prévalence est légèrement plus faible (entre 6 et 7 %) et reste stable (Delmas et coll., 2010
). Le taux annuel standardisé de mortalité liée à l’asthme est en constante diminution depuis le milieu des années 1980 (passant de 5 à 1,5/100 000 entre 1986 et 2006). Après une baisse initiale des taux d’hospitalisation (jusque vers 2004), les chiffres se sont stabilisés tant chez les enfants que chez les adultes. Plus de la moitié des hospitalisations liées à l’asthme concerne les enfants de moins de 15 ans (Delmas et coll., 2010
).



Effets de l’exercice
La pratique physique chez l’asthmatique est un véritable paradoxe. En effet, l’activité physique peut provoquer un bronchospasme post-exercice (BPE) chez la plupart des asthmatiques qui est souvent une des raisons les éloignant d’activités impliquant des dépenses physiques importantes (Carlsen et Carlsen, 2002
). Pourtant, la littérature scientifique a établi de longue date que le développement de la capacité physique aérobie est fondamentale pour prévenir le BPE, en majorant dans des proportions considérables la bronchodilatation d’exercice (Haas et coll., 1987
) et en réduisant le stimulus de provocation du BPE par la réduction de la ventilation pour une intensité d’exercice donnée (Hallstrand et coll., 2000
; Varray et coll., 1995
). La capacité à proposer des activités physiques d’endurance sans s’exposer au BPE est donc d’une importance capitale pour que les asthmatiques puissent bénéficier des effets de la pratique physique. De ce point de vue, les échauffements protecteurs du BPE (début d’une séance d’activité physique constituée d’exercices physiques dont la nature permet d’éviter l’apparition d’un BPE lorsque le risque de son apparition est important) méritent d’être rappelés car trop souvent sous-utilisés (McKenzie et coll., 1994
; Schnall et Landau, 1980
), ainsi que des traitements pharmacologiques préventifs le cas échéant. Depuis les années 1990, l’intérêt de la prescription d’activités physiques adaptées chez l’asthmatique a été soutenu par des nombreux travaux scientifiques. Pourtant, des travaux font encore état d’une réalité complexe concernant le rapport des asthmatiques à l’activité physique. Le niveau d’activité physique chez ces derniers, reste limité. Cette situation est liée à un sentiment de crainte partagé par les enfants, les parents et les enseignants qui perçoivent mal ce qu’il est possible de faire ou pas. Pire, l’activité physique semble encore être perçue comme une menace à gérer plutôt que comme un élément bénéfique dans la prise en charge de la personne et de sa pathologie (Williams et coll., 2010
). L’enfant lui-même interprète incorrectement l’essoufflement physiologique au cours de l’exercice comme un signe d’imminence de la crise d’asthme (Williams et coll., 2008
). De plus, les parents ont une attitude extrêmement ambivalente ; en effet, une enquête récente montre que si 96 % des mères d’enfants asthmatiques déclarent que l’activité physique est importante pour les enfants et les adolescents, près de 40 % d’entre elles reconnaissent imposer des restrictions d’activité physique à leurs enfants (Dantas et coll., 2014
). Il est donc toujours aussi nécessaire de faire un point précis sur la littérature relative à ce sujet, et ne pas hésiter à mieux former les enfants, leurs parents, ainsi que les enseignants et éducateurs qui seront amenés à travailler avec eux.









Les méta-analyses réalisées sur les effets de l’activité physique chez l’asthmatique sont beaucoup moins nombreuses que celles réalisées chez les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive. La première d’entre elles a été réalisée en 2000 (Ram et coll., 2000
) et a bénéficié depuis de nombreuses mises à jour : en 2005 (Ram et coll., 2005
), 2012 (Chandratilleke et coll., 2012
) et 2013 (Carson et coll., 2013
). Selon cette dernière actualisation, il n’existe pas d’effet de la pratique physique sur la fonction respiratoire de repos (sur la capacité vitale forcée (CVF), le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et le débit de pointe). Toutefois, cette conclusion est remise en question par une autre méta-analyse (Eichenberger et coll., 2013
) qui montre un effet significatif de l’activité physique sur la fonction respiratoire avec une augmentation moyenne du VEMS de 3 % (différence moyenne = 0,09 L ; IC 95 % [0,00-0,17], p = 0,05). La contradiction de ces conclusions est probablement liée à une grande dispersion de résultats entre les études sélectionnées. Les effets sur les symptômes sont complexes à établir pour des raisons méthodologiques comme l’absence de normalité dans certaines variables testées empêchant les calculs de méta-analyse. Toutefois, certains éléments apparaissent assez systématiques comme l’augmentation significative du nombre de jours sans symptômes qui sont généralement entre 45 et 70 % plus nombreux chez les sujets entraînés, avec une persistance de l’effet dans le temps (jusqu’à 90 jours après le début de l’intervention), obtenus sur 3 études (151 patients). Les données concernant les effets obtenus sur la capacité cardiorespiratoire ont été obtenues à partir de 8 études (267 patients). La V̇O2max est significativement augmentée chez les asthmatiques entraînés (avec un gain moyen de V̇O2max proche de 5 mL.kg-1.min-1 sur des périodes de suivi allant de 6 à 24 semaines). La qualité de vie est également nettement améliorée, et ce quels que soient les questionnaires utilisés. En effet, les améliorations sont la plupart du temps significatives sur un plan statistique et clinique, soit sur les scores totaux de qualité de vie, soit sur des sous-échelles comme la fréquence des symptômes, la limitation physique et la dimension psychosociale.





Cette première et historique méta-analyse et ses multiples mises à jour présentent toutefois une limitation importante, car l’impact des activités physiques sur le BPE n’est pas étudié. Pourtant, l’amélioration de l’aptitude physique aérobie et ses effets sur l’hyperventilation d’exercice sont des éléments fondamentaux du risque de BPE (Hallstrand et coll., 2000
; Varray et coll., 1995
; Haas et coll., 1987
). La méta-analyse de l’équipe d’Eichenberger (Eichenberger et coll., 2013
) complète cette dimension, sur la base d’une approche très pertinente au regard des connaissances physiopathologiques du BPE. Sur un total de 17 études (599 patients), les effets sur la qualité de vie, la V̇O2max et la capacité d’exercice ont été confirmés et dans des proportions équivalentes. De plus, ce travail met en évidence que l’activité physique d’endurance réduit l’hyperréactivité bronchique (HRB sur tests médicamenteux) de 53 %, le BPE de 9 % (chute du VEMS après exercice), toutes ces évolutions étant significatives. De plus, des régressions multiples ont permis de mettre en évidence que la réduction de l’HRB et du BPE contribue significativement à l’amélioration de la qualité de vie et de la capacité d’exercice (Eichenberger et coll., 2013
). En raison d’une trop grande variabilité des méthodes explorant l’inflammation locale des voies aériennes, la méta-analyse n’a pu être réalisée sur ce domaine. À ce jour, la littérature est jugée encore trop hétérogène pour pouvoir apporter une preuve formelle quant à l’effet de l’exercice sur l’état inflammatoire des voies aériennes malgré une revue systématique de travaux apportant des données probantes sur ce sujet (Pakhale et coll., 2013
).






Conclusion
Les effets de l’activité physique sur le développement de l’aptitude cardio-respiratoire, la qualité de vie, les symptômes et la réactivité bronchique sont clairement démontrés. Les effets sur la fonction respiratoire de repos, et le VEMS plus précisément, sont par contre plus discutés. Les auteurs des méta-analyses insistent sur le besoin de disposer d’études mieux contrôlées pour tenter d’éliminer un biais toujours possible dans ces travaux, à savoir une meilleure compliance dans la prise des traitements médicamenteux. La littérature ne permet pas de comparer des intensités très variées car la quasi-totalité des travaux ont utilisé des exercices d’endurance réalisés à intensité modérée à haute, à des fréquences au moins bi-hebdomadaires et des durées de séances comprises entre 30 et 40 minutes effectives. Il apparaît clairement dans les méta-analyses un besoin de mieux connaître les intensités optimales d’entraînement. Une recommandation importante est d’insister sur la nécessité d’adapter les activités physiques aux capacités réelles des asthmatiques, car c’est au début de la pratique que les risques de BPE sont les plus élevés compte tenu d’une faible aptitude physique aérobie (Haas et coll., 1987
). Rendre possible la pratique des activités physiques sans craindre le déclenchement d’un BPE est possible et même indispensable pour pouvoir bénéficier des effets positifs à long terme de la pratique physique notamment sur la réduction du risque de BPE.

Références
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