Thérapie cellulaire de l’insuffisance cardiaque
Résumé
L’insuffisance cardiaque est un problème majeur de santé publique dans les pays industrialisés, et sa thérapeutique incomplètement efficace. C’est pourquoi la thérapie cellulaire a été développée comme nouvelle stratégie visant à améliorer la structure et la fonction du myocarde défaillant. Cet article décrit les différents types cellulaires envisagés dans cette perspective, ainsi que les premiers essais cliniques entrepris. La plupart des études ont été menées dans le cadre de l’insuffisance cardiaque post-ischémique. La transplantation de cardiomyocytes fœtaux ou néonataux améliore chez l’animal la performance cardiaque, mais des problèmes immunologiques, logistiques et éthiques bloquent les perspectives cliniques d’une telle utilisation chez l’homme. En revanche, il semble que des cardiomyocytes adultes, autologues, pourraient être préparés à partir de cellules souches présentes dans différents tissus (moelle osseuse, vaisseaux, cœur adulte, tissu adipeux). Par ailleurs, des précurseurs vasculaires issus de la moelle osseuse ou du sang circulant pourraient promouvoir la néo-angiogenèse au sein du myocarde infarci, stimulant ainsi un pool de cardiomyocytes hibernants. L’utilisation de cellules souches hématopoïétiques issues de la moelle osseuse ou du sang circulant a également été proposée, mais leur capacité réelle de différenciation en tissu cardiaque ou endothélial, controversée, semble restreinte. Enfin, la transplantation de cellules musculaires squelettiques (myoblastes) améliore la fonction du myocarde infarci dans les modèles animaux et entraîne la formation in situ de tissu musculaire squelettique différencié. Ces données ont ouvert la voie au premier essai clinique mondial de phase I, qui s’est déroulé à Paris de juin 2000 à novembre 2001. Cet essai a nécessité la mise au point de la production de cellules musculaires squelettiques humaines à large échelle, selon les bonnes pratiques de fabrication. Ses résultats ont justifié la mise en place, en novembre 2002, d’un essai clinique de phase II randomisé, multicentrique, en double aveugle. En parallèle, des essais cliniques de phase I visent à évaluer la faisabilité et la tolérance d’injections de différents types de cellules préparées à partir d’autres tissus comme la moelle osseuse ou le sang périphérique. Cependant, des effets potentiellement délétères, qui seraient liés aux propriétés biologiques des cellules utilisées ou à leur voie d’administration, ont été récemment rapportés. Des essais cliniques de qualité, fondés sur des arguments précliniques solides, permettront de juger de la future place de la thérapie cellulaire dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque. Heart failure is becoming a major issue for public health in western countries and the effect of currently available therapies is limited. Therefore cell transplantation was developed as an alternative strategy to improve cardiac structure and function. This review decribes the multiple cell types and clinical trials considered for use in this indication. Most studies have been developed in models of post-ischemic heart failure. The transplantation of fetal or neonatal cardiomyocytes has proven to be functionally successful, but ethical as well as immunological and technical reasons make their clinical use limited. Recent reports, however, suggested that adult autologous cardiomyocytes could be prepared from stem cells present in various tissues (bone marrow, vessels, adult heart itself, adipose tissue). Alternatively, endothelial progenitors originating from bone marrow or peripheral blood could promote the neoangiogenesis within the scar tissue. Hematopietic stem cells prepared from bone marrow or peripheral blood have been proposed but their differentiation ability seems limited. Finally, the transplantation of skeletal muscle cells (myoblasts) in the infarcted area improved myocardial function, in correlation with the development of skeletal muscle tissue in various animal models. The latter results paved the way for the development of a first phase I clinical trial of myoblast transplantation in patients with severe post-ischemic heart failure. It required the scale-up of human cell production according to good manufacturing procedures, started in june 2000 in Paris and was terminated in november 2001, and was followed by several others. The results were encouraging and prompted the onset of a blinded, multicentric phase II clinical trial for skeletal muscle cells transplantation. Meanwhile, phase I clinical trials also evalutate the safeness and efficacy of various cell types originating from the bone marrow or the peripheral blood. However, potential side effects related to the biological properties of the cells or the delivery procedures are being reported. High quality clinical trials supported by strong pre-clinical data will help to evaluate the role of cell therapy as a potential treatment for heart failure.
Pour citer ce document
Vilquin, Jean-Thomas ; Marolleau, Jean-Pierre ; Thérapie cellulaire de l’insuffisance cardiaque, Med Sci (Paris), 2004, Vol. 20, N° 6-7; p. 651-662 ; DOI : 10.1051/medsci/2004206-7651