Les maladies à prions : l'hypothèse de la "protéine seule" et ses conséquences dynamiques
Résumé
Dans l’hypothèse de la « protéine
seule » formulée dès 1991 par
Prusiner, hypothèse autour de laquelle
un certain consensus semble
aujourd’hui s’établir, les maladies à
prions résulteraient du changement
conformationnel d’une protéine prion
PrPC en une isoforme pathogène
PrP Sc susceptible de s’agréger. Le
processus de conversion serait de
nature autocatalytique, l’isoforme
PrP Sc activant, directement ou
indirectement, la transition PrPC
PrP Sc. L’objectif de cet article est
d’analyser les conséquences de ce
processus dans un contexte cellulaire,
c’est-à-dire dans des conditions tenant
compte du renouvellement permanent
de la protéine native PrPC. Il
apparaît ainsi que, dans ces
conditions, le système possède des
propriétés de bi-stabilité dont les
conséquences dynamiques sont
importantes. L’évolution d’une
maladie à prions serait en effet, dans
les limites de l’hypothèse testée,
totalement différente de celle d’une
maladie virale : il existerait des seuils
d’infection, les organismes sains étant
capables d’éliminer spontanément des
apports infraliminaires endogènes ou
externes de l’isoforme pathogène PrPSc.
Cela signifie que la détection de la
forme pathogène de la protéine prion
n’est pas nécessairement le signe de la
maladie, ni celui du caractère
infectieux du matériel dans lequel elle
est trouvée. Au contraire, des
quantités supraliminaires de
l’isoforme PrPSc mais aussi,
paradoxalement, de la forme native
PrPC, provoqueraient la transition
vers l’état stationnaire pathogène. La
vitesse de rotation de la protéine
normale PrPC apparaît être un
paramètre important gouvernant la
dynamique du système, ce qui
pourrait ainsi ouvrir de nouvelles
perspectives thérapeutiques pour le
traitement ou la prévention des
maladies à prions. Prion diseases such as scrapie or Creutzfeldt-Jakob disease could result from the conformational change of a normal isoform of a prion protein (PrP(C)) to a protease-resistant, pathogenic form called PrP(SC). The conversion is thought to rest only on an autocatalytic process requiring the presence of preexisting PrP(SC) ('protein only hypothesis'). Here we report the kinetic analysis of the dynamics of this process (which takes into account the turnover rate of the normal isoform of the protein) and show that the system exhibits bi-stability properties. We show how the characteristics of prion infection differ from those of virus replication, healthy organisms being able to eliminate spontaneously infrathreshold amounts of foreign PrP(SC) protein. Under controlled conditions, addition of suprathreshold quantities of PrP(SC) or also, paradoxically, of the normal PrP(C) protein, provokes a transition towards the pathogenic steady-state. We show that the research of compounds that would act on the turnover rate of the normal PrP(C) protein, appears as a possible therapeutic strategy against prion diseases.
Pour citer ce document
Laurent, M, Les maladies à prions : l'hypothèse de la "protéine seule" et ses conséquences dynamiques, Med Sci (Paris), 1996, Vol. 12, N° 6-7; p.774-85